M. Pierre-Yves Collombat. Donc, il faut un statut !
M. Sébastien Lecornu, ministre. J’ai répondu sur ce point, monsieur le sénateur Collombat !
Un droit plus puissant établit déjà le statut du parlementaire, en prévoyant des immunités, des indemnités, le fonctionnement et le règlement des assemblées, d’ailleurs soumis à la Constitution.
Entrons dans le vif du débat sur les indemnités. Le maintien du principe de gratuité, que je souhaite donc, nous épargne-t-il d’aborder le dossier délicat des indemnités ? La réponse est non ! Il faut évidemment traiter cette question, mais le consensus sera difficile à bâtir, les élus pouvant avoir des approches très différentes du sujet.
Le sénateur Kerrouche a rappelé à juste titre que, au XIXe siècle, l’indemnité était une sorte d’outil d’égalité sociale. D’autres sénateurs ont souligné qu’elle est une indemnisation de ce que l’on perd par ailleurs, en temps et en revenu du travail, en s’engageant pour sa commune. Mais un troisième aspect n’a pas été évoqué : celui de la compensation de la responsabilité pénale, civile et administrative qui pèse sur le maire, en tant qu’autorité territoriale, patron d’agents publics, détenteur du pouvoir de police et décideur en matière de commande publique.
Un certain nombre d’entre vous l’ont dit avec raison : souvent, les élus locaux ne demandent pas plus d’argent. Cependant, ils ne comprennent pas la raison d’être du seuil de 500 habitants. Pourquoi le maire d’une commune de 480 habitants perçoit-il un peu moins que celui d’une commune de 505 habitants ? Certes, il en est ainsi pour tous les effets de seuil, mais les élus locaux s’étonnent aussi que la secrétaire de mairie ou le directeur général des services touchent plus qu’eux, et un conseiller régional d’opposition deux ou trois fois plus, alors qu’il n’a ni délégation de signature ni responsabilité ! Pour autant, les maires ne réclament pas forcément une meilleure rémunération, et nous savons que l’indemnité des conseillers régionaux ou départementaux d’opposition est une garantie de l’exercice des droits de la minorité dans un hémicycle départemental ou régional. Mais les choses sont complexes et difficiles à expliquer à un maire qui agit, signe des actes juridiques et mène des projets sur le terrain.
Je ne botte pas en touche en vous disant cela, mais il faut bien distinguer les problèmes. Faut-il rédiger un statut de l’élu territorial ? Pour moi, la réponse est « oui » ! Faut-il remettre en cause le principe de gratuité ? Pour moi, la réponse est « non », eu égard à la charge symbolique très importante de ce principe. Si nous le supprimions, les nombreux démagogues qui veulent remettre en cause la démocratie représentative ne manqueraient de se saisir de cette occasion pour brocarder les élus !
Enfin, nous devrons savoir traiter la question des indemnités calmement, sans démagogie. Sinon, nous ne rendrions pas service aux élus.
M. le président. Monsieur Marc, l’amendement est-il retiré ?
M. Alain Marc. Pour ne pas restreindre le débat à la question de la gratuité, je retire l’amendement. (Applaudissements.)
M. le président. L’amendement n° 41 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 27 rectifié, présenté par Mmes Canayer et A.M. Bertrand, MM. Danesi et Daubresse, Mme Deromedi, M. B. Fournier et Mmes Gruny et Micouleau, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les principes généraux déterminant les conditions d’exercice de leur mandat sont fixés par le présent code. »
La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Nous pensons que rédiger un statut n’est pas la bonne méthode pour garantir les conditions de l’épanouissement des élus locaux, ni même pour favoriser leur engagement.
Néanmoins, il paraît opportun d’intégrer à l’article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales, qui comporte déjà des dispositions relatives aux principes généraux régissant l’action des élus locaux, des dispositions concernant les principes généraux de l’exercice des mandats locaux, afin de les placer en parallèle aux principes déontologiques de la charte de l’élu local, également fixés à cet article. Cela permettrait de sécuriser l’exercice des mandats locaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Dans l’esprit, je suis favorable à l’amendement de notre collègue Agnès Canayer. Pour autant, il serait préférable qu’il soit retiré au profit de l’amendement n° 28 rectifié, dans la même logique que précédemment.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Avis favorable, avec sagesse ouverte. On commence à donner un contenu à ce que pourrait être le statut de l’élu territorial. Faut-il l’« indexer » juridiquement, si j’ose dire, sur le principe de libre administration des collectivités territoriales ? Pourquoi pas, mais cela ne saurait suffire à établir le statut de l’élu local, car si celui-ci a le droit de porter l’écharpe, c’est parce qu’il est aussi agent de l’État. On voit bien qu’il faut approfondir encore la réflexion pour bien définir ce que sont les principes régissant le statut de l’élu local.
M. le président. Madame Canayer, l’amendement n° 27 rectifié est-il maintenu ?
Mme Agnès Canayer. Je retire cet amendement. Il a le mérite de poser le problème, mais j’ai bien compris qu’il faut aller plus loin.
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 28 rectifié, présenté par Mmes Canayer et A.M. Bertrand, MM. Danesi et Daubresse et Mmes Deromedi, Gruny et Micouleau, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1111-1-2. – Les principes généraux déterminant les conditions d’exercice des mandats des élus des collectivités territoriales sont fixés par le présent code, dans le respect des règles de libre-administration des collectivités territoriales. » ;
La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Cela a été dit à de nombreuses reprises, la création d’un statut de l’élu local pose des problèmes d’ordre conceptuel, car la notion de statut, appliquée notamment à la fonction publique, renvoie à « l’existence de modalités d’entrée et de maintien dans l’emploi », professionnalise la fonction d’élu et est « totalement étrangère à la réalité du mandat politique », comme le soulignaient les auteurs du rapport de 2018 sur l’exercice des mandats locaux.
Au surplus, la proposition de loi comporte de nombreuses mesures incrémentielles visant à améliorer les conditions d’exercice de ces mandats, mais ne se place pas dans la perspective d’un travail d’ensemble, codifié et plus profond.
Pour ces raisons, le présent amendement tend à substituer aux dispositions créant un statut de l’élu d’autres dispositions, plaçant les principes généraux d’exercice des mandats locaux dans le cadre plus général des dispositions du code général des collectivités territoriales.
Le renvoi aux « principes généraux » permet également de prévenir tout risque juridique lié à la présence de dispositions s’appliquant aux élus locaux dans d’autres codes, notamment le code du travail et le code électoral.
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par Mmes Canayer et A.M. Bertrand, MM. Daubresse et Danesi, Mme Deromedi, M. B. Fournier et Mmes Gruny, Lherbier et Micouleau, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1111-1-2. – Considérant que, dans les conditions prévues par la loi, les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences, il est créé un statut de l’élu territorial. » ;
La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Il est constant que les dispositions des articles 1er et 72 de la Constitutions relatives à l’organisation décentralisée de la République et à la libre administration des collectivités territoriales s’appliquent pleinement aux situations régies par le code général des collectivités territoriales. Dès lors, afin de renforcer la clarté, l’intelligibilité et la concision de la norme, il paraît opportun de privilégier une rédaction plus brève de cet article.
M. le président. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par Mmes Canayer et A.M. Bertrand, MM. Danesi et Daubresse, Mme Deromedi, M. B. Fournier et Mmes Gruny, Lherbier et Micouleau, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
comme le précise l’article 1er de la Constitution
et les mots :
tel que défini au deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution
La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Rappeler les articles de la Constitution concernés alourdirait inutilement le code général des collectivités territoriales. C’est un amendement de repli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Pour les raisons que j’ai déjà évoquées, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 28 rectifié et demande le retrait des amendements nos 30 rectifié et 29 rectifié à son profit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je ferai la même réponse que tout à l’heure sur la dimension symbolique. Un certain nombre de dispositions existent déjà dans la loi, madame la sénatrice.
Le Gouvernement demande lui aussi le retrait des amendements nos 30 rectifié et 29 rectifié au profit de l’amendement n° 28 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. J’ai bien compris que certains ici avaient des réticences à l’égard de la création d’un statut de l’élu. N’ayant pas fait l’ÉNA, lorsque je cherche la définition d’un mot, je consulte en général le Larousse, un dictionnaire très correct.
La première entrée, pour le mot « statut », est rédigée comme suit : « ensemble des dispositions législatives ou réglementaires qui fixent les garanties fondamentales, droits et obligations accordées à une collectivité publique et à un corps de fonctionnaires […] ». Je suis d’accord : le statut de l’élu n’entre pas dans ce cadre.
La deuxième définition proposée est la suivante : « législation applicable à un justiciable en fonction de sa nationalité ou de son domicile […] ». Là encore, cela ne peut se rapporter au statut de l’élu.
Il n’en va pas de même pour la troisième entrée : « situation de fait, position, par rapport à la société, aux institutions, etc. : le statut de la femme, du livre ». Pourquoi pas de l’élu territorial ?
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. N’étant pas une femme de compromis,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Non ! (Sourires.)
Mme Cécile Cukierman. … je veux aller jusqu’au bout de la logique que nous avons suivie jusqu’à présent.
Contrairement aux avis émis par le rapporteur et le ministre, j’estime que l’amendement n° 30 rectifié est plus propre à nous rassembler, dans la diversité de nos points de vue sur la création d’un statut de l’élu territorial. S’il était adopté, la discussion pourrait se poursuivre.
Je le dis pour rassurer la majorité sénatoriale : de toute façon, l’amendement n° 26 rectifié sera vraisemblablement adopté, ce qui tranchera le débat que nous avons eu précédemment.
La question du statut n’est pas seulement d’ordre sémantique ou financier ; les enjeux sont aussi politiques.
Mme Cécile Cukierman. Poser la question du statut des élus, c’est poser celle de leur place dans la société. Au-delà des problèmes de rémunération ou de retour à l’emploi, accorder un statut aux élus territoriaux, c’est leur témoigner une reconnaissance collective, leur signifier qu’il ne peut y avoir de démocratie sans eux.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. J’abonderai dans le sens de ma collègue. Le problème du statut de l’élu dépasse largement celui de la gratuité !
J’insiste sur le fait qu’un maire assume une responsabilité personnelle, tout particulièrement pénale. De ce fait, la situation du maire n’est pas celle d’un citoyen ordinaire, non plus que celle d’un professionnel, notamment en matière de délits non intentionnels.
Je suis toujours un peu surpris de ces discussions sur la gratuité. Les élus devraient-ils avoir honte de leurs indemnités ? Je sais bien que nous sommes à l’ère de la démagogie, mais je ne vois pas pourquoi les élus devraient se couvrir la tête de cendres, comme s’ils avaient quelque chose à se faire pardonner !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. Croyez-vous que c’est ainsi que l’on fera passer une manie qui n’est fondée sur rien ?
Si nous sommes tous d’accord pour admettre qu’il faut déterminer un certain nombre de principes généraux susceptibles de donner une structure à ce qui pourrait ressembler à un statut de l’élu territorial, avançons dans cette voie ! Dans cette perspective, nous nous rallions à l’amendement n° 30 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Les amendements nos 28 rectifié et 29 rectifié ont en effet assez peu d’intérêt en tant que tels. Ils omettent un point essentiel, à savoir que, quand on parle de statut, on ne parle pas uniquement de droits juridiques. Le statut a aussi une dimension sociologique, tenant à la place occupée par son détenteur au sein de la société. Avoir un statut, ce n’est pas uniquement avoir des droits, c’est aussi être reconnu pour ce que l’on est.
On peut tout à fait se rallier à l’amendement n° 30 rectifié, dans la mesure où il vise bien la création d’un statut de l’élu territorial. Il présente en outre l’avantage d’englober l’ensemble des strates de collectivités.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 30 rectifié et 29 rectifié n’ont plus d’objet. (Marques d’étonnement sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Il n’y aura donc pas de statut de l’élu ! C’est n’importe quoi…
M. le président. Mes chers collègues, le premier amendement faisant l’objet de la discussion commune ayant été adopté, les deux autres tombent. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 26 rectifié est présenté par Mmes Canayer et A.M. Bertrand, M. Daubresse, Mme Deromedi, M. Danesi et Mmes Gruny et Micouleau.
L’amendement n° 55 rectifié bis est présenté par MM. Gremillet, Pierre et Raison, Mmes Morhet-Richaud et Berthet, MM. Chaize, Savary et Bazin, Mmes Thomas, Chain-Larché, Lassarade et Duranton, MM. Duplomb, Laménie, Priou, Vaspart, Perrin, D. Laurent, Rapin, Vogel et Mayet, Mme Ramond et M. J.M. Boyer.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Agnès Canayer, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié.
Mme Agnès Canayer. La gratuité des mandats locaux, en plus d’être une tradition, relève d’une certaine vision de l’engagement démocratique local : l’indemnisation ne se veut pas la contrepartie d’un service de type professionnel ni la rémunération d’un travail fourni. Elle remonte à l’Antiquité romaine et a été réaffirmée par les lois de 1831 et de 1884 : elle s’inscrit donc dans une tradition et représente l’un des piliers de notre démocratie.
L’indemnité est un « mécanisme de compensation d’une perte ». Sans préjuger du niveau auquel le montant des indemnités doit être fixé, il ne semble pas opportun de renoncer au principe même de la gratuité.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié bis.
M. Michel Raison. C’est un amendement de bon sens, qui vise à donner aux élus qui le souhaitent la possibilité de réduire le montant de leur indemnité ou d’y renoncer purement et simplement. Bien évidemment, ceux qui le voudront la conserver le pourront.
J’ai longtemps été adjoint au maire d’une petite commune qui avait un modeste budget : je n’ai jamais perçu d’indemnités et je n’en suis pas mort. Cela étant, je reconnais qu’aujourd’hui je suis tout de même un peu mieux indemnisé ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. On en revient encore à cette notion de totem intangible. C’est tout à fait contre-productif.
Nous sommes en 2019. De mémoire, c’est en 1919 que Max Weber a prononcé son discours fondateur sur l’activité politique : il y faisait une distinction entre vivre de la politique et vivre pour la politique.
Dans les faits, certains élus vivent de la politique, tout simplement parce que leur mandat demande un engagement à plein temps. C’est notre cas, mais cela vaut aussi pour certains mandats locaux. En adoptant ces amendements, on continuera à se payer de mots !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 rectifié et 55 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l’article 1er.
Mme Cécile Cukierman. À mon grand regret, je ne pourrai voter cet article 1er, et ce n’est nullement parce que les travaux du Sénat ne pourraient pas contribuer à en améliorer la rédaction afin de la rendre plus efficiente.
Nous venons de passer un peu plus d’une heure à débattre du statut de l’élu territorial et de la gratuité du mandat ; je n’y reviens pas.
L’un des trois amendements en discussion commune permettait d’aboutir collectivement à une formulation consensuelle. Or, par un artifice de procédure, cet amendement n’a pas été mis aux voix ! (M. le rapporteur proteste.)
Force est de constater que, en l’état, l’article 1er ne prévoit plus la création d’un statut de l’élu territorial. En somme, nous avons passé une heure et demie à débattre d’une disposition pour finalement ne pas la voter. Je pense que nous n’en sortons pas grandis !
Notre groupe a inscrit l’examen de ce texte dans la niche de quatre heures qui lui était réservée, en sachant qu’il ne pourrait être mené à son terme. Il l’a fait pour permettre un travail collectif, après des discussions en commission qui ont été ce qu’elles ont été, et voilà que, au terme de plus d’une heure de débat sur un seul amendement, pour des raisons tenant à l’organisation du vote, on n’aboutit à rien… Dès lors, je le dis très tranquillement : la création d’un statut de l’élu territorial n’étant pas inscrite à l’article 1er, je ne voterai pas celui-ci. Ce n’est pas grave, il n’y a pas mort d’homme !
M. le ministre ayant annoncé, pour le mois de septembre, un projet de loi, nous voterons alors des deux mains les articles portant création d’un statut de l’élu territorial…
M. le président. Madame Cukierman, il faut tout de même faire attention à ce que vous dites.
Chacun ici est censé connaître le règlement et la manière dont les amendements sont examinés et mis aux voix. Je peux comprendre que vous ne soyez pas satisfaite du résultat, mais je n’accepte pas que vous mettiez en cause la façon dont ces amendements ont été mis au vote !
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas vous que je mettais en cause, monsieur le président !
M. le président. Eh bien je l’ai pris pour moi ! Les trois amendements en question étant en discussion commune, l’adoption du premier a rendu les autres sans objet : le vote s’est déroulé de manière régulière. Peut-être certains devraient-ils prendre des cours de rattrapage !
La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je suis surpris de l’intervention de Mme Cukierman, tant sur le fond que sur la forme.
La commission aurait très bien pu faire adopter un amendement pour clore le débat, mais elle ne l’a pas fait afin que celui-ci puisse se tenir jusqu’au bout. Ne nous dites pas maintenant que tout cela ne sert à rien !
En réalité, qu’attendent les élus dans les territoires ? Interrogez-les : je doute que, pour eux, la question la plus importante soit de savoir s’il faut créer un statut de l’élu ou plutôt travailler sur les conditions d’exercice des mandats locaux. Ils aspirent à des avancées concrètes sur les indemnités, sur la responsabilité de l’élu, sur sa formation, bien plus qu’à un débat sémantique ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’article 1er.
M. Pierre-Yves Collombat. Je pensais moi aussi que nous avions réussi à nous entendre sur une formulation contenant l’expression « statut de l’élu territorial ». Or, l’amendement n° 28 rectifié ayant été adopté, et non pas l’amendement n° 30 rectifié, il n’y aura pas de référence à un tel statut dans la proposition de loi.
Monsieur le rapporteur, les « conditions d’exercice des mandats » et un statut, ce n’est pas la même chose ! Le statut vaut reconnaissance d’une situation particulière ; il emporte des obligations et un certain nombre de prérogatives. C’est particulièrement important en matière de responsabilité pénale et de garanties d’emploi.
Je peux comprendre que l’on puisse souhaiter le maintien du principe de gratuité, encore qu’il n’en soit fait mention que pour les élus locaux, mais pourquoi un autre amendement que celui sur lequel nous semblions tous être tombés d’accord a-t-il été voté ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je dirai, très pacifiquement, que la querelle qui nous oppose est une querelle de concepts. En réalité, ce qui importe pour les élus locaux – le rapporteur l’a justement souligné –, ce sont les règles qui leur sont applicables. Qu’est-ce qu’un statut, au sens le plus large du terme, sinon un ensemble de règles qui régissent une situation ? Je ne vois pas pourquoi on donnerait à l’emploi du mot « statut » des implications qu’il n’a pas nécessairement, sauf à vouloir faire référence au statut de la fonction publique : ce n’est tout de même pas le modèle que nous voulons prendre pour définir l’ensemble des textes et des règles qui seront applicables aux élus locaux !
Le fait que nous ayons adopté l’amendement n° 28 rectifié plutôt que l’amendement n° 30 rectifié n’implique pas que nous soyons en désaccord sur un certain nombre de règles à fixer pour faciliter l’exercice du mandat local.
M. Pierre-Yves Collombat. L’amendement voté est en retrait par rapport à ce que nous voulions !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. À cet égard, il n’y a pas de raison de penser que nous serions en retrait ou, au contraire, en avance, selon les termes que l’on emploiera.
M. Pierre-Yves Collombat. Mais si, on est en retrait, vous ne voulez rien faire !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Cette querelle de mots et la passion qui l’anime sont disproportionnées à l’enjeu : nous pourrons traiter le sujet par les dispositions de fond que nous adopterons ou non.
M. Pierre-Yves Collombat. Il est urgent de ne rien faire !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il serait à mon sens raisonnable de nous retrouver, de manière réaliste et pragmatique, sur des mesures concrètes, sans créer d’abcès de fixation sur l’usage d’un mot qui n’a pas à proprement parler de définition juridique : le mot « statut » n’a pas de statut juridique !
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote sur l’article 1er.
M. Pierre Laurent. Nous avons pris l’initiative d’inscrire l’examen de cette proposition de loi dans le cadre d’un espace réservé à notre groupe, dans la perspective non pas de la faire adopter dans sa rédaction initiale, mais d’ouvrir le débat et d’avancer ensemble.
Au cours de la discussion sur l’article 1er, nous avons fait des gestes pour parvenir à une rédaction qui aurait pu nous rassembler. Vous n’avez pas fait de même en retour, alors que tout le monde reconnaît que le sujet est pertinent. Il aurait été possible de chuter de meilleure manière…
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Chapitre II
Assurer la disponibilité des élus
Article 2
Le code du travail est ainsi modifié :
1° À la fin du 2° de l’article L. 3142-79, les mots : « d’au moins 1 000 habitants » sont remplacés par les mots : « de plus de 500 habitants » ;
2° La sous-section 8 de la section 2 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie est complétée par des articles L. 3142-88-1 et L. 3142-88-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 3142-88-1. – L’employeur est tenu de laisser à tout salarié de son entreprise membre d’un conseil municipal le temps nécessaire pour se rendre et participer :
« 1° Aux séances plénières de ce conseil ;
« 2° Aux réunions de commissions dont il est membre et instituées par une délibération du conseil municipal ;
« 3° Aux réunions des assemblées délibérantes et des bureaux des organismes où il a été désigné pour représenter la commune.
« Selon des modalités fixées par un décret en Conseil d’État, l’élu municipal doit informer l’employeur de la date de la séance ou de la réunion dès qu’il en a connaissance.
« L’employeur n’est pas tenu de payer comme temps de travail le temps passé par l’élu aux séances et réunions mentionnées au présent article.
« Art. L. 3142-88-2. – I. – Indépendamment des autorisations d’absence dont ils bénéficient dans les conditions prévues à l’article L. 2123-1, les maires, les adjoints et les conseillers municipaux ont droit à un crédit d’heures leur permettant de disposer du temps nécessaire à l’administration de la commune ou de l’organisme auprès duquel ils la représentent et à la préparation des réunions des instances où ils siègent.
« II. – Ce crédit d’heures, forfaitaire et trimestriel, est fixé par référence à la durée hebdomadaire légale du travail. Il est égal :
« 1° À l’équivalent de quatre fois la durée hebdomadaire légale du travail pour les maires des communes d’au moins 10 000 habitants et les adjoints au maire des communes d’au moins 30 000 habitants ;
« 2° À l’équivalent de trois fois la durée hebdomadaire légale du travail pour les maires des communes de moins de 10 000 habitants et les adjoints au maire des communes de 10 000 à 29 999 habitants ;
« 3° À l’équivalent d’une fois et demie la durée hebdomadaire légale du travail pour les conseillers municipaux des communes de 100 000 habitants au moins et les adjoints au maire des communes de moins de 10 000 habitants ;
« 4° À l’équivalent d’une fois la durée hebdomadaire légale du travail pour les conseillers municipaux des communes de 30 000 à 99 999 habitants, de 60 % pour les conseillers municipaux des communes de 10 000 à 29 999 habitants et de 30 % pour les conseillers municipaux des communes de 3 500 à 9 999 habitants ;
« 5° À l’équivalent de 20 % de la durée hebdomadaire légale du travail pour les conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants.
« Les heures non utilisées pendant un trimestre ne sont pas reportables.
« Lorsqu’un adjoint ou un conseiller supplée le maire dans les conditions fixées à l’article L. 2122-17, il bénéficie, pendant la durée de la suppléance, du crédit d’heures fixé au 1° ou au 2° du présent II.
« Les conseillers municipaux qui bénéficient d’une délégation de fonction du maire ont droit au crédit d’heures prévu pour les adjoints aux 1°, 2° ou 3° du présent II.
« III. – En cas de travail à temps partiel, ce crédit d’heures est réduit proportionnellement à la réduction du temps de travail prévue pour l’emploi considéré.
« L’employeur est tenu d’accorder aux élus concernés, sur demande de ceux-ci, l’autorisation d’utiliser le crédit d’heures prévu au présent article. Ce temps d’absence n’est pas payé par l’employeur. »