M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 105 rectifié bis, présenté par Mmes Lassarade et Micouleau, MM. Brisson, Vogel, Morisset et Panunzi, Mmes Deromedi, Morhet-Richaud et Bruguière, M. Genest, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Pellevat et Piednoir, Mmes Chain-Larché, Thomas, Deroche et A.M. Bertrand, M. Poniatowski, Mme de Cidrac et MM. Laménie et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« …° Les modalités de mise en œuvre de la réforme ;
« …° La gouvernance de la réforme associant la représentation des établissements publics de santé. »
La parole est à Mme Florence Lassarade.
Mme Florence Lassarade. La mise en œuvre de la réforme du troisième cycle s’est traduite par l’affectation d’un plus grand nombre d’internes de médecine générale en ville et d’internes de phase socle en CHU.
Les établissements publics de santé ont dû s’adapter à cette évolution. Or force est de constater une hétérogénéité entre les régions en matière de politique d’agrément, et donc de répartition. Les interventions des ARS ont été très variables, s’agissant notamment du recours aux dérogations au taux d’inadéquation.
Il est aujourd’hui fondamental de revoir et de préciser les conditions de mise en œuvre des réformes des études médicales et le rôle des différents acteurs, notamment des coordonnateurs et des sociétés savantes.
Les établissements doivent également être mieux associés à la gouvernance et au suivi des réformes pédagogiques, et à ce titre intégrer la Commission nationale des études de maïeutique, médecine, odontologie et pharmacie, la Cnemmop.
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié bis, présenté par MM. Bonne, Sol et Henno, Mmes M. Mercier, Malet, Puissat, Di Folco, Bonfanti-Dossat et Deroche, MM. Bascher, Savary, Hugonet et Lefèvre, Mme Lassarade, MM. Laugier et D. Laurent, Mmes Estrosi Sassone et Deromedi, M. Détraigne, Mmes L. Darcos et Bruguière, MM. Babary, Morisset, Vogel, Saury, Mayet, Genest, Karoutchi, Raison, Perrin, Mandelli, Pellevat, Laménie et B. Fournier, Mme Chauvin, M. Cuypers, Mme Imbert, MM. Rapin, Bouloux, Charon, Sido et J.M. Boyer, Mme Lamure et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° La gouvernance de la réforme associant la représentation des établissements publics de santé ;
La parole est à M. Bernard Bonne.
M. Bernard Bonne. Cet amendement est presque identique au précédent. Il importe que les établissements soient davantage associés à la gouvernance et au suivi des réformes pédagogiques et, à ce titre, intègrent la Cnemmop.
M. le président. L’amendement n° 294, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les modalités de représentation des établissements publics de santé dans le cadre de la gouvernance de la réforme ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement constitue la reprise d’un amendement déposé par nos collègues du groupe de la gauche démocrate et républicaine, à l’Assemblée nationale. Il s’agit d’associer davantage les établissements de santé à la gouvernance et au suivi des réformes pédagogiques.
Madame la ministre Frédérique Vidal, vous aviez répondu à notre collègue Pierre Dharréville que, « compte tenu du nombre, de l’importance et du caractère éminemment transversal des différentes réformes des études médicales en cours, [vous n’étiez pas] opposée à l’idée d’adapter le dispositif de gouvernance en vigueur pour assurer la représentation des parties prenantes directement concernées et l’articulation avec les réformes relatives aux formations non médicales ».
Je déduis de cette situation que vous vous apprêtez à approuver sans réserve notre amendement…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Ces amendements, quoique légèrement différents, sont inspirés par une même préoccupation.
Leurs auteurs souhaitent qu’il soit précisé que le décret en Conseil d’État qui réglera l’organisation du troisième cycle des études de médecine devra également fixer la gouvernance de la réforme, à laquelle devront être associés les établissements publics de santé.
La commission n’est pas favorable à cette précision, pour une raison de forme et une raison de fond.
Pour ce qui est de la forme, je ne vois pas bien à quoi se réfère la notion de « gouvernance de la réforme ». S’agirait-il de la réforme de l’accès au troisième cycle, et donc de la fin du deuxième cycle, ou de la réforme du troisième cycle ? Cette dernière a déjà été mise en œuvre à la rentrée 2017. La rédaction proposée me semble donc manquer de clarté.
Sur le fond, il me paraîtrait assez inéquitable d’associer à la gouvernance uniquement les établissements publics de santé, au détriment de tous les autres acteurs susceptibles d’être concernés.
Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Il est également défavorable.
Je confirme la réponse que j’ai donnée à l’Assemblée nationale et que Mme la sénatrice Cohen a rappelée, en précisant que ces ajustements pourront être réalisés par voie réglementaire.
M. le président. Madame Lassarade, l’amendement n° 105 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Florence Lassarade. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 105 rectifié bis est retiré.
Monsieur Bonne, qu’en est-il de l’amendement n° 30 rectifié bis ?
M. Bernard Bonne. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’amendement n° 294.
Mme Laurence Cohen. Il nous semble essentiel que les établissements publics de santé soient associés à la gouvernance. Il nous a été dit que cela pourrait être fait par voie réglementaire : nous retirons notre amendement, en espérant que cette indication sera suivie d’effet !
M. le président. L’amendement n° 294 est retiré.
L’amendement n° 672 rectifié, présenté par MM. Labbé, Antiste, Arnell et Artano, Mme Benbassa, MM. Bignon, A. Bertrand, Cabanel et Castelli, Mme M. Carrère, M. Collin, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Corbisez, de Nicolaÿ, Dantec et Decool, Mme N. Delattre, M. Delcros, Mme Dindar, MM. Gabouty, Gold, Gontard, Guérini et Jeansannetas, Mmes Jouve et Laborde, MM. Laurey, Léonhardt et Moga, Mmes Monier et Préville, MM. Requier et Roux, Mme Tetuanui et MM. Vall et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les conditions et modalités dans lesquelles est délivrée une formation relative à la santé par les plantes, la phytothérapie et l’aromathérapie ;
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Les dispositions de cet amendement sont issues de l’une des recommandations de la mission sénatoriale sur le développement de l’herboristerie et des plantes médicinales.
Conforme à l’esprit qui a animé le travail des sénatrices et sénateurs qui ont participé à cette mission et qui continuent de s’impliquer pour la mise en œuvre de ses recommandations, il a été signé par des membres des différents groupes politiques de notre assemblée.
Le rapport de la mission recommande l’introduction d’une sensibilisation aux plantes dans la formation initiale des médecins. Notre travail a en effet permis de constater l’absence totale d’une telle formation aujourd’hui. Pourtant, de plus en plus de patients recherchent des soins à base de plantes, parfois sans en parler à leur médecin, qui, d’ailleurs, n’est souvent pas formé pour répondre à cette demande et ne pense pas nécessairement à interroger le patient sur ses pratiques.
Le médecin ne pourra donc pas prendre en compte les potentielles interactions médicamenteuses.
De plus, de nombreuses plantes sont d’une efficacité reconnue et présentent un véritable intérêt pour la santé publique. Pour ne prendre qu’un exemple, certaines huiles essentielles diminuent la résistance des bactéries aux antibiotiques.
Il est donc essentiel de développer la formation des médecins à l’usage des plantes médicinales, particulièrement répandu dans les outre-mer, où il représente un enjeu important.
L’Ordre des médecins, dont nous avions auditionné des représentants dans le cadre de la mission, avait lui-même déclaré que, « compte tenu effectivement du déficit de formation initiale dans ce domaine, de la demande croissante en matière de plantes médicinales, de l’obligation qu’a le médecin d’apporter une information la plus éclairée possible et d’alerter sur le risque d’interactions médicamenteuses, il y a certainement un volume de formation complémentaire à prévoir dans le cadre de la formation initiale ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Je voudrais tout d’abord rectifier une erreur que M. Labbé a commise. Il y a effectivement eu une mission d’information officielle sur le développement de l’herboristerie et des plantes médicinales, dont le rapport a d’ailleurs été adopté malgré l’opposition de certains collègues (M. Joël Labbé fait un signe de dénégation.), mais il n’y en a pas eu d’autres : le groupe informel que vous êtes en train de mettre en place n’est ni financé ni reconnu par le Sénat, mon cher collègue.
Le dispositif de cet amendement est peu clair. S’agit-il de mettre en place une nouvelle filière, voire une spécialité en troisième cycle, ou de prévoir que les étudiants de troisième cycle seront formés à ces thématiques ? Dans le premier cas, la question de la recevabilité financière de l’amendement se poserait. Dans le second, il s’agirait d’inscrire le contenu des études de médecine dans la loi, ce à quoi la commission des affaires sociales n’est pas favorable, pour les raisons que nous avons déjà exposées à plusieurs reprises.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Monsieur le rapporteur, je n’ai pas du tout commis d’erreur. La mission que j’ai évoquée est bien la mission d’information officielle, et non le groupe de travail informel que j’anime par ailleurs, composé de sénatrices et de sénateurs de toutes tendances politiques. En outre, les conclusions de la mission d’information ont été adoptées à l’unanimité.
Je pourrais retirer mon amendement si le Gouvernement s’engageait – ce n’est pas du tout du chantage ! – à saisir du problème les doyens des facultés de médecine. Comme je l’ai indiqué, il y a une complémentarité de fait entre la médecine par les plantes et la médecine allopathique. Or nombre de médecins ne disposent pas des connaissances nécessaires. Sans donner aucune injonction au Gouvernement, j’estime qu’il faut apporter une véritable réponse aux attentes sociétales tant des médecins que des patients, dans l’intérêt de tous.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le sénateur, je comprends bien sûr votre inquiétude relative aux interactions médicamenteuses avec les plantes. En réalité, c’est toujours de la chimie : la plupart des médicaments sont issus des plantes. Les molécules employées dans les chimiothérapies proviennent des écorces d’ifs et donnent de très bons résultats contre le cancer.
Afin d’éviter toute interaction, les plantes comme les médicaments doivent faire l’objet d’une attention particulière. En général, ce sont les pharmaciens qui maîtrisent le mieux les interactions avec les plantes médicinales. Il me semble plus légitime que cela fasse partie de leur formation. Ils sont de plus en plus fortement engagés dans la conciliation médicamenteuse : dès qu’il y a des prescriptions complexes, c’est à eux d’intervenir.
Je propose de sensibiliser les doyens aux interactions médicamenteuses ; c’est un vrai sujet. Libre ensuite à chacun d’entre eux de mettre en place tel ou tel module de formation. Voilà l’engagement que je prends devant vous.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Ayant moi aussi participé à la mission d’information sur le développement de l’herboristerie et des plantes médicinales et cosigné cet amendement, je souhaite me livrer à un plaidoyer sincère en faveur de la mise en place d’une formation à la santé par les plantes.
Les travaux de la mission d’information nous ont révélé un monde prometteur, vertueux de soins plus respectueux de notre santé. Il s’agit là tout simplement de l’intérêt général. Comment sommes-nous passés à côté d’une telle richesse ? Comment l’avons-nous ignorée, avec quelque mépris parfois pour des pratiques ancestrales qui avaient fait leurs preuves ? Comment avons-nous pu abandonner ces médications d’équilibre, aveuglés par le mirage du « tout chimique » ? Comment avons-nous pu supporter les effets secondaires des médicaments, dont les listes, longues comme le bras, sont éloquentes et font littéralement peur ?
Bien sûr, la chimie est nécessaire, mais elle ne peut pas tout. Il faut le reconnaître, nous sommes allés trop loin en voulant remplacer ce qui était efficace contre les maux du quotidien. Les plantes sont notre chance ; nous le savons. Depuis la nuit des temps, elles ont permis à l’humanité de se soigner et de traverser les siècles, puisque nous sommes là !
Certes, elles sont à l’origine de nos médicaments. Les travaux de la mission d’information nous ont révélé que la demande de nos concitoyennes et concitoyens, qui s’informent et utilisent les plantes, est très forte.
Nous avons notamment, dans le cadre de la mission, rencontré dans le Diois trois personnes, un médecin, un pharmacien et une herboriste, qui travaillaient ensemble en parfaite harmonie, dans le respect des patients, et qui constituaient une magnifique équipe au service de la santé sur leur territoire.
Les plantes doivent être enseignées, en particulier aux médecins s’ils veulent les prescrire. Elles le sont actuellement insuffisamment. Le module doit être substantiel et absolument scientifique. Ne passons pas à côté du trésor que nous offre la nature. Parfaitement adapté à nos problèmes de santé, il constitue une promesse pour la population de notre pays. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Attention à ne pas tomber dans le piège de croire que la phytothérapie est une médecine douce ! Comme l’a rappelé Mme la ministre, la plupart des médicaments du Codex sont issus des plantes et les propriétés de celles-ci sont loin d’être anodines.
Certes, je n’ai pas participé à la mission d’information. En revanche, voilà bien longtemps, j’avais passé un diplôme universitaire de phytothérapie et d’aromathérapie. Il est clair que les règles de prescription d’une ordonnance pour ce genre de traitements – soit dit en passant plus remboursés depuis les années quatre-vingt-dix – obéissent à des critères très différents de ceux de la médecine dite allopathique.
Par conséquent, que des médecins souhaitent s’orienter vers ce type de prescriptions, pourquoi pas, mais, selon moi, cela relève d’une spécialisation et la prise en charge ne sera pas remboursée.
Je ne suis pas favorable à ce que l’on charge encore la mule, si je puis dire, en enseignant des techniques en effet extrêmement complexes, mais qui sortent complètement du cadre des pratiques médicales habituelles.
M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 672 rectifié est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Oui, monsieur le président ; les explications qui m’ont été apportées ne me satisfont pas.
M. le président. L’amendement n° 679, présenté par Mmes Rossignol et M. Filleul, MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Meunier, Van Heghe, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mme Harribey, MM. Lurel, J. Bigot et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mme Ghali, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mmes Lepage et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les conditions et modalités dans lesquelles est délivré un enseignement relatif au continuum des violences sexuelles ou sexistes, à leur détection, aux stéréotypes de sexe, au respect du corps d’autrui et de son consentement ;
La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Cet amendement du groupe socialiste et républicain vise à intégrer dans la formation initiale et continue des médecins des modules relatifs aux droits des femmes, aux stéréotypes de sexe et au respect du corps d’autrui. Il s’inscrit dans une démarche d’amélioration de la prise en charge de la patientèle et dans la grande cause du quinquennat. Il s’agit de mobiliser tous les leviers de notre société pour éradiquer les violences faites aux femmes.
Nous l’avons souligné à propos d’un précédent amendement, les témoignages de violences médicales à caractère sexiste, de violences obstétricales et gynécologiques se sont multipliés ces derniers mois, à la faveur des mouvements #MeToo ou #PayeTonGyneco.
C’est par la formation que nous transformerons les mentalités. Les professionnels de santé ne doivent pas manquer à l’appel. Pour cela, les médecins doivent recevoir une formation sur le repérage des violences sexuelles et sexistes, afin de lutter contre la culture sexiste qui prévaut encore dans de trop nombreux hôpitaux et de soigner correctement les victimes de telles violences.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, pour toutes les raisons qui ont déjà été exposées.
Nous ne contestons pas l’extrême intérêt du sujet, mais si l’on s’engage dans une telle démarche il faudra instituer des modules de formation sur tous les thèmes qui le méritent, sans en oublier. Cela risque d’être très difficile !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Pour les mêmes raisons qu’hier, nous ne souhaitons pas prendre en compte dans la loi l’ensemble des sensibilités des parlementaires sur des sujets particuliers, même si ceux-ci font l’objet d’une politique publique, comme c’est le cas des violences faites aux femmes. Nous sommes extrêmement mobilisés sur ce thème. Pour autant, si nous faisons la liste des sujets prioritaires, nous risquons d’en oublier. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour explication de vote.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Au-delà de la sensibilisation politique et des actions qui sont effectivement menées par le Gouvernement, nous ciblons plus particulièrement, au travers de cet amendement, le domaine médical et les professionnels de santé, qui sont les premiers intervenants auprès des victimes de violences sexuelles et sexistes. Il nous semble donc important de prévoir une action de sensibilisation particulière à leur intention. J’attendais une réponse de la part du Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. J’entends bien que nous ne pouvons pas tout mettre dans la loi et que des éléments figureront dans le décret, les règlements… Il appartiendra aussi au conseil des programmes de faire son travail.
Cela étant dit, l’obligation de signalement pour les médecins permettrait peut-être de résoudre un certain nombre de problèmes : je profite de l’occasion pour y revenir, car la répétition est au fondement de la pédagogie ! Les professionnels de santé ne peuvent pas tout savoir, mais ils peuvent signaler et s’entourer de personnes qui savent.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Je ne comprends pas cet avis défavorable : la lutte contre les violences sexuelles et sexistes est pourtant une grande cause nationale et la grande cause du quinquennat. Faire de la prévention, inscrire ce sujet au programme des études, ce n’est pas la panacée, mais cela permettrait de sensibiliser les futurs médecins. Depuis hier, on peut voir que ce n’est pas vraiment la grande cause du quinquennat…
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. C’est effectivement une grande cause nationale, dont il faut se préoccuper, mais on peut considérer qu’il en va de même, par exemple, de la santé environnementale, de l’homéopathie…
Mme Marie-Pierre Monier. Ce n’est pas du tout pareil !
M. Alain Milon, rapporteur. … et de bien d’autres sujets abordés au travers de divers amendements : cela pourrait nous emmener très loin ! Ce n’est pas à la loi de déterminer le programme des études.
Par ailleurs, madame Laborde, le Sénat travaille beaucoup sur la question de l’obligation de signalement. Vous le savez, pour avoir participé à une mission sur un autre sujet présidée par Catherine Deroche et dont les conclusions préconisent la mise en place d’une mission sur l’obligation de signalement. Le président de la commission des affaires sociales, le président de la commission des lois et Mme Deroche sont d’accord pour créer une telle mission, certainement à l’automne.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. La lutte contre les violences faites aux femmes est effectivement la grande cause du quinquennat. Nous avons une feuille de route très précise, qui a commencé à être mise en œuvre par le Gouvernement.
Dans le champ du sanitaire, nous avons lancé un appel d’offres pour la création de dix centres de psychotrauma, chargés notamment de la prise en charge des violences faites aux femmes. Ils devront mettre en place un réseau dans les établissements de santé de leur région, avec obligation de formation des médecins qui prennent en charge ces patients, notamment dans les services d’urgence. Tout cela est déjà organisé. Nous avons financé ces dix centres de psychotrauma : j’ai même inauguré celui de Lille voilà quelques mois. Il s’agit de réseaux territoriaux coordonnés par un centre national de ressources et de résilience, également financé par l’État et implanté à Lille. Ce centre va diffuser les bonnes pratiques en matière de prise en charge des personnes victimes de violences.
Nous sommes donc extrêmement attentifs aux violences faites aux femmes, mais également aux violences faites aux enfants, dont nous avons débattu hier.
Quant à l’obligation, pour les médecins, de déclarer les cas de violences faites aux femmes, elle est enseignée dans le cadre du module « vulnérabilités », qui existe dans toutes les facultés. Il permet aussi un enseignement sur les personnes en situation de handicap. Par ailleurs, cette obligation de déclaration est également enseignée dans le cadre du module de médecine légale.
Comme M. le rapporteur, nous pensons qu’il ne faut pas chercher à inscrire dans la loi la totalité des thématiques d’intérêt devant faire l’objet d’un enseignement, car nous risquerions d’en oublier. Elles sont toutes d’importance, qu’il s’agisse des violences faites aux femmes, des violences faites aux enfants, de la prise en charge du handicap physique ou psychique, des maladies génétiques, des maladies rares, de la santé environnementale… Il sera souligné, dans le courrier que Frédérique Vidal et moi-même adresserons dès lundi aux doyens de faculté, que les parlementaires sont particulièrement attentifs à ce que ces sujets soient bien enseignés. Nous prenons cet engagement, mais il nous semble que, pour éviter d’être pris en défaut, il faut ne rien inscrire dans la loi concernant le contenu des programmes.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Nous avons bien compris que ni le Gouvernement ni le rapporteur ne souhaitent que l’on inscrive dans la loi des recommandations de ce type.
Néanmoins, si nous le faisons, aucun étudiant en médecine, aucun doyen de faculté n’ira s’imaginer que le contenu des études médicales se limite à ce qui figure dans la loi. Mentionner les violences faites aux femmes ou aux enfants, la santé environnementale ne serait pas exclusif des autres thématiques. Il est évident que l’énumération ne saurait être exhaustive.
Cela étant, il existe tout de même des thématiques transversales. Je me félicite, madame la ministre, des projets d’ouverture de centres de psychotrauma et de l’existence, depuis plusieurs années déjà, de médecins référents dans un certain nombre d’établissements hospitaliers. Cependant, les femmes ne sont pas un public spécifique. Pour nous, tout l’enjeu consiste à faire partager cette culture nouvelle à l’ensemble des professionnels de santé, quelle que soit leur spécialité, et à les amener à prendre en compte la question spécifique des violences faites aux femmes. C’est justement pour sortir d’une logique de publics et changer le regard des médecins que nous proposons ces amendements. Les signaux faibles émis par les femmes victimes de violences ne sont compréhensibles que par les professionnels de santé qui ont été formés à les reconnaître, quel que soit leur mode d’exercice de la médecine. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Même si je partage entièrement les objectifs des auteurs de cet amendement, je ne le voterai pas, parce que je ne suis pas favorable à ce que l’on inscrive dans la loi les différentes thématiques devant faire l’objet d’un enseignement. Pour autant, je ne mets pas sur un pied d’égalité la santé environnementale et les violences faites aux enfants ou aux femmes, par exemple.
Comme l’a dit ma collègue Françoise Laborde, il est urgent de se pencher sur le sujet de l’obligation de signalement. Son instauration sera peut-être la clé pour répondre à ces problématiques.
Par ailleurs, je fais confiance à toutes les femmes qui se sont engagées dans des études de médecine pour faire bouger les choses au sein du corps médical.