M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Monsieur le ministre, vous croyez que nous doutons de votre parole. Mais pas du tout ! Vous nous dites vouloir reconstruire de façon éthique, respecter toutes les règles, notamment celles de l’Unesco. Eh bien, la seule chose que nous faisons se limite à inscrire cette volonté dans la loi. Nous écrivons ce que vous nous dites vouloir faire. Je ne vois pas en quoi nous exprimons une vraie suspicion !
Je ne comprends pas non plus votre opposition à nos amendements. Nous nous contentons d’écrire que le site est classé à l’Unesco et qu’il faut respecter ce qui figure dans la charte à l’origine de cette inscription. Je ne comprends pas pourquoi vous voulez revenir sur l’écriture précise proposée par la commission.
De même, nous sommes tout à fait d’accord quant au rôle de la Commission nationale de l’architecture et du patrimoine.
Sur la reconstruction à l’identique, j’entends bien les propos de notre collègue Ouzoulias. Je pense qu’il ne nous revient pas de dire ce qu’est le beau. Notre devoir est de veiller à ce que cette Commission nationale de l’architecture et du patrimoine, de même que le conseil scientifique puissent jouer leur rôle. C’est la raison pour laquelle je serai plus réservée sur l’amendement n° 41 rectifié bis.
Je voterai l’amendement n° 42 rectifié, que je trouve intéressant, ne serait-ce que pour notre information. Il est bon que nous soyons en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles le choix se porterait sur d’autres matériaux s’il était décidé de ne pas faire la restauration à l’identique.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur le ministre, vous êtes un ancien parlementaire. Vous savez donc que le rôle du parlementaire ne se réduit pas à une suspicion permanente vis-à-vis du Gouvernement. Les parlementaires conservent quand même une liberté, une autonomie, ils ont le droit de vouloir cadrer le Gouvernement. Je suis d’ailleurs certain que, si vous n’aviez pas été nommé ministre, vous n’auriez pas trouvé parfaitement légitime que soit soumise au Parlement une loi comportant autant d’exceptions. Je pense même que vous seriez tout de suite monté au créneau pour le dire. En effet, ce texte rompt avec une tradition à laquelle tiennent tous les parlementaires qui s’occupent de culture, à l’Assemblée nationale comme au Sénat.
Ceux-ci se sont toujours retrouvés, quelle que soit leur appartenance politique, dans une certaine unité. Elle s’est manifestée lors de l’adoption de la loi Création et patrimoine, il y a trois ans. Nous avons défendu ensemble les mêmes concepts avec force et cette loi a été votée à la quasi-unanimité, en tout cas dans cet hémicycle.
Ne nous reprochez pas cela, surtout quand vous nous proposez un texte avec autant d’exceptions !
Je suis d’accord avec tout ce qu’a dit M. Ouzoulias, sauf que l’éthique ne se loge pas dans les mots « identique » ou « dernier état visuel ». Les mots qu’emploie l’Unesco nous ramènent à l’éthique. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a tort de vouloir les supprimer. « Authenticité » et « intégrité » ont un sens éthique et indiquent la marche à suivre. En revanche, les termes « identique » et « dernier état visuel » ont une portée assez restrictive qui peut empêcher les architectes de travailler.
Ce débat, nous pouvons l’avoir entre nous, mais pas sur le mode législatif. Notre débat ne portera pas sur la restauration du monument lui-même, il va se concentrer sur la flèche. Elle est, c’est vrai, l’une des strates dont il faut préserver l’authenticité et elle date du XIXe siècle. On peut s’imaginer nos successeurs discutant dans deux siècles de la strate déposée au XXIe siècle.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. David Assouline. Je pense qu’il faut supprimer du texte tous les mots, comme « identique », qui vont nous enfermer.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Monsieur le ministre, vous êtes au Sénat. Sur un tel sujet, lié au patrimoine et à un monument exceptionnel, on n’a pas besoin de parler d’opposition, de majorité !
Lors de l’examen de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi LCAP, nous nous sommes retrouvés sur beaucoup d’articles, toutes tendances politiques confondues, parce que le patrimoine mérite de dépasser ces querelles politiciennes pour faire consensus. Et je regrette, monsieur le ministre, que ce projet de loi ne fasse pas consensus entre vous et nous et, qui plus est, avec l’Assemblée nationale.
Si nous avons déposé cet amendement sur l’état visuel, ce n’est pas pour raviver la querelle des Anciens et des Modernes. Nous l’avons fait pour une question de principe. Je rejoindrai mon collègue Assouline : le sujet est très subjectif, car on projette un imaginaire sur un état visuel. Et l’idée était d’en faire une question de principe pour dire que, en tant que législateurs, nous n’avons pas à imposer un point de vue. L’amendement de M. Leleux, en supprimant l’adjectif « visuel », nous incite quand même à aller un peu plus loin dans cette réflexion.
On le sait aussi, tout au long de son histoire, ce monument a fait l’objet de nombreux débats comme celui que nous avons aujourd’hui dans cette enceinte.
Le mieux est de faire confiance aux personnes compétentes et de laisser ouverte la réflexion pour permettre de se projeter demain ou dans la modernité ou dans le passé, mais ce choix n’est pas de notre ressort.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, vous nous demandez de vous faire confiance. La confiance ne se décrète pas, elle se mérite ! Vous êtes en train de récolter ce que vous avez semé au travers de ce texte de loi, dont vous avez fait, comme viennent de le dire un certain nombre de nos collègues, une loi d’exception.
Non content d’avoir inscrit dans le texte l’article 9, qui est un acte de défiance à l’encontre du Parlement, vous êtes maintenant en train de nous reprocher de nous exprimer au travers d’amendements !
Comme vient de le dire ma collègue Sylvie Robert, vous êtes ici au Sénat et les parlementaires ont le droit de déposer des amendements, que cela vous plaise ou non !
Je vous le dis, monsieur le ministre, j’ai été profondément choqué de vous entendre reprocher à M. Leleux ses amendements au motif qu’ils seraient dictés par son appartenance à l’opposition. Le discours que vous avez tenu à la tribune nous incitait à faire l’unité, à faire l’union !
La reconstruction de Notre-Dame n’est pas le projet du seul Président de la République. Elle est le projet de tous les Français, que nous représentons ici ! Nous avons le droit de nous exprimer !
Si vous voulez mériter la confiance, ayez au moins l’obligeance, de temps à autre, d’écouter le Sénat et le Parlement ! Consentez à envoyer quelques signes en acceptant certains de nos amendements plutôt que de les refuser systématiquement pour rétablir votre texte d’origine ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je ne vais pas employer les mêmes termes que mon collègue, mais je vous trouve bien sévère envers le Sénat. Tout le monde a dit à peu près la même chose, c’est-à-dire que cela relève du travail parlementaire.
Je vous renvoie au début de cet article. Personne n’est figé. La disposition qui a été ajoutée – peut-être les donateurs n’y avaient-ils pas pensé – et qui traite de la formation initiale et continue des professionnels disposant de compétences particulières ne pose aucun problème et elle est frappée au coin du bon sens. Nous ne sommes absolument pas figés ici sur un texte ou sur une position, et je crois que ce débat devrait être nourri.
Par la suite, vous voulez que l’on procède par ordonnances. Le temps de la reconstruction vous laisse la possibilité, à un moment ou à un autre, de revenir au Sénat et à l’Assemblée nationale pour examiner des dispositions législatives complémentaires.
Le chantier durera cinq ans, nous dit-on. Très bien ! Le général Georgelin, que j’ai vu la semaine dernière, nous donne rendez-vous en avril 2024. Nous espérons tous y être, puisque des élections sénatoriales auront lieu en 2023. (Sourires.) Cela étant, je vous trouve bien sévère, monsieur le ministre, envers le Sénat et j’espère que la suite de la discussion vous permettra d’avoir une autre opinion de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Quelques mots pour vous dire notre déception, monsieur le ministre ! Vous nous aviez habitués à un travail plus constructif sur les textes d’origine gouvernementale.
Pour une majeure partie des membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, cette confiance a été rompue à l’occasion de la loi Élan au sujet du patrimoine, en tout cas. Nous avions tellement travaillé lors de l’examen de la loi LCAP ! Vous étiez d’ailleurs vous-même député à l’époque et nous avons participé à quelques réunions ensemble. Cette loi a été votée à l’unanimité de la représentation nationale après quatre lectures. C’est rare ! Nous n’avions pas vu une telle configuration depuis des années et nous ne sommes pas près de la revoir ! Nous avions réalisé un travail subtil, un travail tout en dentelle.
Nous avions demandé, à l’époque, des évaluations de son application que nous n’avons jamais pu obtenir. Or nous pensons qu’il faut raisonner de façon méthodique et rigoureuse. Cette confiance n’est pas forcément a priori au rendez-vous.
Elle l’est d’autant moins quand on nous parle de dérogations sans être capable de nous en donner le contenu. Je sais que votre ministère a fait un effort pour travailler sur le sujet, ce qui n’est pas le cas de tous vos collègues. Sur le plan interministériel, peut-être a-t-il été difficile d’aboutir à une position finale par rapport à ce texte de loi. Je sais que vous avez cherché à bien faire.
Toutefois, cela ne mangerait pas de pain que de regarder nos amendements pour tenter d’améliorer le texte ! Nous avons tous envie de bien encadrer cette restauration et cette reconstruction !
Je ne vous comprends pas, par exemple, pour ce qui concerne la référence à l’inscription du site au patrimoine de l’Unesco. Pourquoi la balayez-vous d’un revers de main ? Je sais que vous allez rencontrer, d’ici quelques jours, la directrice générale. Tout de même, nous nous sommes engagés !
Je siège au Comité national des biens français du patrimoine mondial. Je vois toutes ces collectivités qui défilent avec leurs projets et s’engagent. Jean-Pierre Leleux le sait, cela prend un temps fou ! Cela représente dix ans de travail, d’engagement pour respecter cette valeur universelle, ce principe d’authenticité et d’intégrité. Pourquoi n’acceptez-vous pas cette mention dans la loi, destinée à l’encadrer ? Si nous voulons inscrire ces précisions dans la loi, c’est parce que, pour l’instant, nous ne sommes pas complètement en confiance par rapport à toutes ces dérogations que vous nous demandez d’adopter.
M. Pierre Ouzoulias. Exactement !
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Mon propos va être un peu redondant. Ne croyez surtout pas, monsieur le ministre, que ce soit de l’acharnement ! Il y a encore une dizaine de jours, l’un de vos collègues, le ministre de l’éducation nationale, a dit avoir beaucoup apprécié le bicamérisme et l’examen de sa loi par le Sénat. Je pense que pour certains articles, nous l’avons même, d’une certaine manière, sauvé d’une impasse, parvenant à pacifier la rue qui grondait.
Bien évidemment, nous ne sommes pas dans ce schéma. Comme l’ont dit plusieurs de mes collègues, je crois honnêtement qu’au Sénat – nous l’avons montré lors de l’examen de la loi LCAP et avec tout ce que nous avons fait au sujet du patrimoine –, à défaut d’être des spécialistes, nous connaissons en tout cas un peu le sujet.
Je n’ai rien contre l’Assemblée nationale ni contre les nouveaux députés, mais le fait que vous n’acceptiez aucun de nos amendements depuis le début de la discussion et que vous reveniez systématiquement à la rédaction d’origine de l’Assemblée nationale va continuer à entretenir la suspicion.
Le temps politique n’est pas le temps du patrimoine. Peut-être ne serez-vous plus ministre, peut-être un autre gouvernement sera-t-il nommé avant la fin de ce chantier. Quoi qu’il en soit, nous voulons vous remettre et remettre le ministère de la culture au centre de cette restauration, qui durera sûrement plus de cinq ans. Dans cette perspective, nous voulons vous donner des billes pour asseoir véritablement cette restauration. Vous le comprenez, je vous lance un appel pour vous inciter à accepter de temps en temps nos amendements.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je vais m’exprimer sur les amendements de M. Leleux et faire deux remarques, l’une sur la flèche, l’autre sur les matériaux qui pourraient être réutilisés.
Sur la flèche, nous avons le sentiment qu’il y a une forme de double indignité. D’abord, vis-à-vis de l’art du XIXe siècle : le XIXe siècle est-il un grand siècle pour l’art ? Mériterait-il qu’on en conserve des traces artistiques ? Ensuite, Viollet-le-Duc est-il vraiment un grand architecte ?
Lorsque vous envisagez un concours international, nous avons le sentiment que vous répondez par la négative à ces deux questions et que vous essayez d’écarter l’un et l’autre en trouvant d’autres solutions.
Pierre Rosenberg, que personne ne contestera ici, avait l’habitude de dire que le XIXe siècle était « le » grand siècle, notamment pour la sculpture et la peinture. Regardez ce que le XIXe siècle nous a apporté en peinture ! Je ne citerai que Géricault, Courbet, Monet, Manet, Renoir, Caillebotte, Degas et même Cézanne, qui enjambe les deux siècles. En musique, le XIXe siècle nous a donné, parmi tant d’autres, Debussy et Gounod. En littérature, bien entendu, c’est aussi un grand siècle.
Viollet-le-Duc est un grand architecte. On cite souvent Hugo comme quelqu’un qui a contribué à sauver Notre-Dame. Je pense que Viollet-le-Duc a tout autant contribué à sauver la cathédrale que Hugo. Je pense qu’aucune indignité artistique et culturelle ne doit peser ni sur le XIXe siècle – qui est un siècle récent dans notre histoire et l’histoire de l’art – ni sur Viollet-le-Duc.
Pour ce qui concerne les matériaux, je conçois bien sûr que l’on puisse utiliser du titane et remplacer les chênes par du béton. Mais n’oublions pas que nous avons la première forêt de chênes ! Elle croît à hauteur de 14 millions de mètres cubes par an et le prélèvement est à hauteur de 50 %. De plus, c’est une solution écologique, car les chênes stockent le CO2. Elle permettrait de sauvegarder les savoir-faire. (M. le ministre fait un signe de protestation.)
Oui, monsieur le ministre, vous faites un signe de la main, exprimant votre agacement à l’égard de propos que vous trouvez rasoir. Tolérez, monsieur le ministre, que l’on puisse donner son avis, ici, au Sénat ! Tolérez que l’on puisse vouloir restaurer cette charpente avec des chênes qui viendraient de toutes les régions françaises ! Elle serait travaillée par des Compagnons du devoir et d’autres corporations plutôt que par de grands groupes du béton. Je pense qu’on a le droit, en tout cas, d’émettre cette préférence. C’est ce que nous faisons aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Je tiens à m’exprimer parce que, sur un certain nombre de sujets, je ne suis pas nécessairement en conformité avec tous les collègues de mon groupe. Je suis sensible aux arguments de M. Assouline, même si, à titre personnel, je préfère une reconstruction à l’identique.
Je me souviens de plusieurs chantiers parisiens et de grands projets où s’affrontaient l’État et la Ville de Paris. Moi-même, j’ai été amené, par le passé, à m’opposer, en tant qu’élu municipal, au projet du président Mitterrand sur la pyramide du Louvre. Un dialogue s’est ouvert entre le maire de Paris et le Président de la République de l’époque. Nous avons vu s’enclencher une dynamique, nous avons assisté à l’enrichissement du projet. Tout cela a été possible parce que le texte n’avait pas été figé dès le départ.
Pour ma part, tout en étant évidemment sensible à la reconstruction à l’identique, je voudrais laisser une certaine liberté dans ce projet. Sur ce point, je trouve que nous allons un peu trop loin dans les détails, en tant que parlementaires. J’aimerais que nous laissions la possibilité de créer une dynamique pour permettre d’améliorer le projet.
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour explication de vote.
Mme Anne Chain-Larché. Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai entendu beaucoup d’entre vous exprimer leur déception sur la qualité de ce débat. Pour ma part, je ne suis pas déçue, parce que je ne suis pas surprise !
Je vois le nombre de textes soumis à cette assemblée à l’occasion desquels on nous demande de faire confiance au Gouvernement, qui reporte les explications et informations à la discussion du projet de loi des finances.
Je prendrai pour seul exemple le projet de loi que j’ai eu la chance de rapporter sur la création de l’Office français de la biodiversité et de la chasse où il ne manquait jamais que 40 millions d’euros, ce qui, après tout, n’est pas grand-chose ! Le Gouvernement nous a demandé de lui faire confiance, de voter le texte en attendant de revoir la question à l’occasion du projet de loi de finances.
Il en est allé de même avec la loi Pacte, que certains ont citée et qui comportait la privatisation d’Aéroports de Paris. Nous n’avions même pas le cahier des charges ! On nous a demandé de faire confiance au Gouvernement sans même avoir consulté le cahier des charges. Nous l’avons vu une fois que la loi a été votée. Et vous savez le résultat : un référendum d’initiative partagée !
Monsieur le ministre, pour avoir été maire, vous connaissez les élus et leurs difficultés. Vous êtes aujourd’hui face à des parlementaires qui représentent les maires et les collectivités. Ils ne peuvent s’affranchir des multiples contraintes qu’ils rencontrent lorsqu’ils ont un problème sur un édifice classé. Ils acceptent bien volontiers de se soumettre à l’avis de l’architecte des Bâtiments de France pour restaurer exactement, à l’identique. Vous savez tout ce que cela représente comme énergie à déployer, comme dossiers à remplir, comme difficultés à surmonter…
Si vous demandez aujourd’hui à notre assemblée de ratifier ce que vous voulez faire passer, eh bien, je suis désolée de vous le dire, monsieur le ministre, vous affichez ainsi un mépris vis-à-vis des élus que nous sommes et de ceux que nous représentons !
Avant de nous demander de vous faire confiance, tâchez de la mériter et d’être au moins à la hauteur du débat qui se déroule aujourd’hui en acceptant tout simplement – à moins que vous n’ayez aucune marge de manœuvre – d’étudier avec attention et bienveillance les amendements que nous vous proposons.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Je ne voudrais pas que les amendements que j’ai déposés puissent être perçus comme relevant d’une attitude politicienne.
Je suis tout simplement un admirateur quasi inconditionnel de l’œuvre de Viollet-le-Duc et de Lassus. Pardonnez-moi, je crains simplement que le fait de remplacer cette architecture admirable puisse dénaturer au fond l’ensemble de l’étude faite à l’époque et qui est constituée par de très nombreux ouvrages. J’ai une forme d’admiration pour cela. Je ne fais que défendre cette thèse – qui n’est d’ailleurs qu’une thèse parmi d’autres. J’estime, sans adopter ce que vous semblez considérer comme une attitude politicienne, qu’elle a le mérite d’exister et d’être claire.
Monsieur Dominati, personnellement, je ne suis pas du tout opposé à ce qu’un « geste architectural » soit opéré sur le parvis de la cathédrale, afin de commémorer cet abominable sinistre et, d’une certaine manière, de mettre en valeur l’événement que nous avons connu.
En revanche, pour la toiture et la flèche, il me semble indispensable de mener, autant que possible – je prends cette précaution, car quelques détails exigent peut-être des modifications –, une reconstruction à l’identique. On peut considérer cette position comme extrêmement conservatrice ; mais, pour ma part, j’ai envie de revoir dans le ciel de Paris la flèche de Notre-Dame et sa toiture comme elles étaient il y a deux mois ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. Monsieur Leleux, je ne remets pas du tout en cause votre opinion, et je ne dirai jamais que vous avez des arrière-pensées politiciennes : nous nous connaissons depuis longtemps, et j’ai eu suffisamment l’occasion de travailler avec vous sur des textes importants pour savoir qu’avec vous l’on débat toujours du fond. J’espère d’ailleurs que nous pourrons poursuivre cette collaboration dans l’avenir.
En l’occurrence, vous souhaitez voir modifier ce texte en fonction de votre propre avis, qu’il s’agisse du parvis ou de la flèche. Mais s’il fallait procéder ainsi pour chaque sénateur et chaque député, notre travail d’écriture deviendrait problématique, pour ne pas dire impossible.
L’essentiel, c’est d’adopter un principe général permettant de poursuivre le débat, puis de prendre une décision. Tel est le sens de la rédaction précédemment retenue. Voilà pourquoi je propose, avec l’amendement n° 62, de rétablir l’article 2 tel qu’il est issu des travaux de l’Assemblée nationale.
En précisant que la restauration menée vise « à préserver l’intérêt historique, artistique et architectural du monument », on prend en compte le souci que vous exprimez, notamment lorsque vous relevez que l’ancienne flèche de Notre-Dame faisait écho à la flèche de la Sainte-Chapelle. En outre, on répond à la préoccupation exposée par M. Assouline au nom du groupe socialiste et républicain. Je le répète, faisons vivre ce débat.
Loin de la caricature faite par Mme Chain-Larcher, je suis toujours soucieux d’accompagner les améliorations proposées par le Sénat. En ce sens, je tiens à être parfaitement clair : je suis favorable à l’amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Assouline. En revanche, je suis défavorable aux amendements de M. Leleux.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Schmitz, rapporteur. Je précise que la commission est défavorable à l’amendement n° 15 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 124 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 300 |
Pour l’adoption | 101 |
Contre | 199 |
Le Sénat n’a pas adopté.
M. David Assouline. C’est bien dommage !
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mme de Cidrac, MM. Segouin, Daubresse et Lefèvre, Mme Gruny, M. Grosdidier, Mmes Lassarade, Garriaud-Maylam, Ramond, L. Darcos et Deromedi, M. Laménie, Mme Lamure et M. Poniatowski, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les conditions de formation initiale et continue des professionnels disposant des compétences particulières qui sont requises pour ces travaux sont précisées par décret.
La parole est à Mme Marta de Cidrac.
Mme Marta de Cidrac. Cet amendement prévoit un décret, dont le but sera d’éclaircir les conditions de formation des professionnels pouvant concourir à la restauration et à la conservation de Notre-Dame. L’article 2 mentionne bien des compétences particulières, mais il ne les précise pas. Or Notre-Dame mérite, de notre part, une grande exigence !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Schmitz, rapporteur. Ma chère collègue, nous avons entendu les représentants du groupement des entreprises spécialisées dans la restauration des monuments historiques ; cette audition a d’ailleurs été un moment très fort de nos travaux.
D’après ces interlocuteurs, l’essentiel est de garantir que l’accent sera mis sur la formation aux métiers du patrimoine : c’est bel et bien le cas. Peu importe, bien sûr, l’organisme formateur. En conséquence, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame de Cidrac, l’amendement n° 3 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Marta de Cidrac. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
Le produit des dons et versements effectués depuis le 15 avril 2019, au titre de la souscription nationale, par les personnes physiques ou morales dont la résidence ou le siège se situe en France ou dans un État étranger, auprès du Trésor public, du Centre des monuments nationaux ainsi que des fondations reconnues d’utilité publique dénommées « Fondation de France », « Fondation du patrimoine » et « Fondation Notre Dame » est reversé à l’établissement public désigné pour assurer la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Les modalités de reversement aux fonds de concours font l’objet de conventions entre le Centre des monuments nationaux ou les fondations reconnues d’utilité publique mentionnées au premier alinéa et l’établissement public en charge de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame, permettant d’assurer le respect de l’intention des donateurs. Elles sont rendues publiques.
Les personnes physiques ou morales ayant effectué des dons et versements directement auprès du Trésor public peuvent conclure des conventions avec l’établissement public.
Les conventions mentionnées aux deuxième et troisième alinéas prévoient que l’établissement public procède à une évaluation précise de la nature des coûts des travaux de conservation et de restauration.
Les reversements par les organismes collecteurs aux fonds de concours sont opérés à due concurrence des sommes collectées, en fonction de l’avancée des travaux et après appel de fonds du maître d’ouvrage.