Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Duranton, la France a pris deux engagements vis-à-vis de ses partenaires européens et, plus encore, vis-à-vis des Français. Le premier, c’est le rétablissement des finances publiques. Le second engagement, c’est la poursuite de la transformation économique de notre pays. Nous tiendrons ces deux engagements.
J’ai eu l’occasion de le dire, ces transformations économiques – indemnisation du chômage, retraites, fonction publique – feront l’objet de réformes structurelles dès 2019. Le Président de la République et le Premier ministre l’ont indiqué.
S’agissant des finances publiques, nous resterons sous les 3 % de déficit public. Nous devons continuer non seulement à stabiliser, mais aussi à baisser la dette publique, point noir de la situation des finances publiques françaises, je le reconnais bien volontiers. Cela veut tout simplement dire que, si nous ne voulons pas aggraver la charge de la dette, chaque fois qu’une nouvelle dépense est engagée, il faut trouver des recettes équivalentes.
Il faut donc un financement pour les 5 milliards d’euros de baisses d’impôt sur le revenu. Le Président de la République a été très clair sur ce sujet : ce financement doit reposer sur les organismes publics, dont un certain nombre doivent être transformés en profondeur, sur quelques niches fiscales destinées aux entreprises. Je le répète, cela concernera seulement une partie du financement. On ne financera pas l’intégralité des 5 milliards d’euros de baisse d’impôt sur le revenu par la remise en cause de niches fiscales destinées aux entreprises ; ce serait totalement incohérent.
Le troisième volet qu’a indiqué le Président de la République, c’est la durée du travail.
Telles sont les modalités de financement sur lesquelles, à la demande du Premier ministre, Gérald Darmanin et moi-même travaillons dès aujourd’hui.
Prenons l’exemple des organismes publics. Gérald Darmanin et moi-même allons, dès cette semaine, en vue de la réunion avec le Premier ministre qui se tiendra lundi prochain, faire la revue de l’ensemble des organismes publics pour voir lesquels sont efficaces, lesquels le sont moins et où nous pouvons réaliser des économies.
Nous avons eu ici même une longue discussion sur les chambres de commerce et d’industrie. Je veux les citer en exemple, car ces structures, qui bénéficiaient d’une taxe affectée de plus de 1 milliard d’euros, ont accepté une transformation en profondeur : la réforme de leur statut, un financement par prestation et non plus uniquement par taxe affectée. Tout cela se solde par un demi-milliard d’euros d’économies.
Les économies sur la dépense publique sont une affaire de volonté. Gérald Darmanin et moi-même avons la volonté, à la demande du Premier ministre et du Président de la République, d’examiner attentivement tous les organismes publics pour voir où nous pouvons faire des économies.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bouloux.
M. Yves Bouloux. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la question de la stabilité financière. Voilà quelques semaines, vous déclariez dans une interview accordée à Reuters qu’il nous fallait mettre en place l’union bancaire « dans les prochains mois et pas dans les prochaines années ». Difficile de ne pas partager cet objectif… Toutefois, le contexte politique actuel est tel que cette affirmation présente une valeur relative dans le débat public, d’autant plus que vous parlez de « mesures techniques » sans préciser lesquelles. Or la plupart d’entre elles sont de facto des mesures politiques.
Aujourd’hui, avant même l’achèvement de l’union bancaire, nous avons une forme d’union au sein de la zone euro. Nous avons notamment un Fonds de résolution unique, qui doit être doté de 55 milliards d’euros à l’horizon de 2023 et qui, l’été dernier, était doté de 24,9 milliards d’euros. Nous avons un système européen d’assurance des dépôts qui prendra la forme d’un mécanisme commun de coassurance en 2020-2024, à hauteur de 45 milliards d’euros.
Face à cette union bancaire, on peut relever deux types de risques.
Le premier est structurel et concerne les prêts non performants. D’après une étude publiée l’année dernière par l’OFCE, le solde de prêts non performants – qui n’a pas été provisionné – atteignait 395 milliards d’euros à la fin de 2017.
Le second risque est celui d’une crise financière et économique dans les mois ou les années à venir, sur laquelle plusieurs économistes et responsables d’organisations internationales nous alertent déjà. Pour avoir une idée de l’ampleur potentielle d’une crise d’un point de vue financier, on peut regarder les montants des aides d’État accordées aux banques après la crise, entre 2008 et 2017 : au cours de cette période, l’Union européenne a déboursé 665 milliards d’euros en capital et 1 296 milliards d’euros d’aide en trésorerie. Ces chiffres ne sauraient suffire à évaluer la robustesse de notre système européen, mais ils donnent une idée des ordres de grandeur.
Hier, au Sénat, lors du débat sur le projet de programme européen de stabilité, lequel n’a malheureusement pas donné lieu à un vote, vous avez déclaré que la zone euro « n’est pas armée pour faire face à une nouvelle crise économique et financière » et que « les instruments mis en place après la crise de 2008 sont insuffisants ». Quelle serait l’ampleur du péril pour nos finances publiques si une crise financière se déclenchait demain, ce que nul ne peut exclure ? De quels instruments concrets disposerions-nous pour y faire face ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Nous avançons, monsieur le sénateur, mais trop lentement. Or je ne veux pas que nous soyons pris de court par les événements, car il n’y a rien de pire en politique.
Vous m’interrogez sur les instruments concrets dont nous disposerions en cas de crise.
Nous avons mis en place le backstop du Fonds de résolution unique. Ce filet de sécurité, de l’ordre de 55 milliards d’euros, permettra de doubler le montant du Fonds de résolution unique et de disposer d’un peu plus de 100 milliards d’euros en cas de crise financière. Il sera disponible à partir de 2024.
M. Jackie Pierre. À partir de 2024…
M. Bruno Le Maire, ministre. Si nous pouvons avancer son entrée en vigueur, nous le ferons ; nous y travaillons. C’est l’une des décisions clés prises à Meseberg par le Président de la République française et la Chancelière allemande.
Par ailleurs, vous avez parfaitement raison, il faut assainir la situation des banques. Il nous faut nous débarrasser le plus vite possible des fameux prêts non performants, les NPL, inscrits au bilan des banques, car ils font peser une menace sur la stabilité financière de la zone euro. Nous avons là aussi engagé le processus. Dans l’accord franco-allemand de Meseberg, nous avons fixé un niveau cible de prêts non performants, niveau que nous sommes en train d’atteindre à un rythme tout à fait régulier.
En outre, comme je l’ai indiqué précédemment, il faut renforcer la supervision bancaire de l’ensemble des banques européennes afin d’éviter les défaillances telles que celle d’une grande banque danoise.
Enfin, j’insisterai sur un dernier point : une consolidation bancaire est nécessaire en Europe. Nos banques sont trop petites, ce qui empêche le développement économique et ouvre notre marché à nos concurrents américains.
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Comme cela a été indiqué, afin de soutenir les réformes et les investissements nationaux, la France et l’Allemagne ont fait une proposition commune afin de créer un « nouvel instrument budgétaire pour la zone euro ». Ce nouvel instrument fiscal, qui ne sera pas mis en place avant 2021, aura pour objectif d’améliorer la compétitivité et la convergence parmi les pays de la zone euro et les États candidats à la monnaie unique.
La revendication du Président Emmanuel Macron concernant la fonction stabilisatrice de ce budget en cas de crise n’a en revanche pas été satisfaite. Cet instrument ne permettra donc pas de soutenir un État en cas de crise. La France et l’Allemagne estiment néanmoins qu’avec plus de compétitivité et de convergence la stabilité de la zone euro s’améliorera.
Ce nouvel instrument budgétaire pour la zone euro peut paraître utile pour accroître la convergence à l’échelon de la zone euro, la divergence étant plus forte au sein de la zone euro qu’à l’échelle de l’Union européenne. Considérez-vous toutefois, monsieur le ministre, qu’une occasion a été manquée d’instaurer une fonction stabilisatrice ?
Pour atteindre ses objectifs de compétitivité et de convergence, ce nouveau fonds financera les coûts occasionnés par les réformes et les dépenses d’investissement « dans des domaines stratégiques liés aux réformes et aux priorités d’investissement identifiées au cours du semestre européen ». Il s’agirait surtout d’investissements dans l’innovation et le capital humain, qui remplaceraient des dépenses aujourd’hui purement nationales.
Alors que le montant du budget de la zone euro n’est pas encore fixé – il sera déterminé lors des négociations du prochain budget européen pluriannuel pour la période 2021-2027 –, je m’interroge sur la finalité peu précise et le fonctionnement de ce budget. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce que ce budget est censé financer et sur ses règles de fonctionnement ? Sera-t-il utilisé sous forme de subventions ou de prêts ? Pourra-t-il servir à financer des investissements publics ou non ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. La réponse est oui, monsieur le sénateur Pellevat, ce budget de la zone euro pourra servir au financement d’investissements publics.
Je ne reviens pas sur le fonds de stabilisation, que nous avons déjà longuement abordé. Sachez simplement que je ne renonce absolument pas à l’idée que, au cours des années à venir, le budget européen puisse comprendre une dimension de stabilisation. On me dit parfois que c’est absolument hors de portée, qu’il existe des oppositions farouches. Reste que je pense à des exemples très récents d’opposition totale à des projets portés par la France, tels que le budget de la zone euro : au bout de deux ans, nous y sommes arrivés.
Je pense à un exemple encore plus frappant : les aides d’État. Il y a cinq ans, on ne pouvait même pas prononcer les mots « aide d’État » ou « aide publique » s’agissant des investissements dans l’innovation ou la recherche. C’était impensable ! Nous avons depuis apporté la preuve qu’il était tout de même compliqué de se passer des aides publiques pour financer des projets d’investissement, sachant que les Chinois et les Américains ne se privaient pas, eux, d’y avoir recours.
SpaceX n’est pas né du seul génie de M. Musk. Ce dernier a bénéficié des infrastructures et des commandes de l’État fédéral américain et des installations de la NASA. Résultat : les Américains ont aujourd’hui un lanceur renouvelable, mais pas nous, hélas ! La Chine, quant à elle, subventionne massivement ses véhicules et ses batteries électriques. Et nous serions, nous, au milieu, le dindon de la farce, adeptes d’un libéralisme absolu et animés d’une croyance aveugle dans les forces du marché, les seuls à dire : « jamais d’intervention publique » ?
Ce que je constate, c’est que, grâce à la persévérance française, il est aujourd’hui possible de financer des projets d’innovation structurants avec des aides publiques, des aides d’État. Peter Altmaier et moi, nous annoncerons dans deux jours la création d’une filière européenne de batteries électriques, qui nous permettra d’être souverains et indépendants de la Chine et de la Corée du Sud. Si une telle filière est possible, c’est parce qu’on a accepté qu’elle soit financée non seulement par des entreprises privées allemandes et françaises, mais également par des aides d’État, des aides publiques. C’est comme cela que l’Europe réussira. Il nous faut non pas répéter sans cesse un mantra idéologique dépassé, mais être capables d’inventer l’économie du XXIe siècle. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Conclusion du débat
Mme la présidente. Pour clore ce débat, la parole est à M. Jean Bizet, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Bizet, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de la tenue de ce débat sur la zone euro, organisé sur l’initiative de notre collègue Jean-François Rapin.
Je me permets de rappeler que la création de l’euro fut un acte économique fort, autant qu’un acte politique fondamental. Il a procuré aux pays qui l’ont adopté des avantages économiques que nous avons tendance à oublier et dont nous aurions tort de sous-estimer l’ampleur. Il est surtout devenu le bien commun des 340 millions d’Européens qui l’utilisent quotidiennement.
Au cours de ses deux décennies d’existence, la monnaie unique a dû surmonter bien des épreuves. Nombreux sont ceux qui, à sa création, lors de la crise financière ou de la crise des dettes souveraines, lui ont prédit avec certitude une fin aussi imminente que retentissante. Pourtant, malgré les vicissitudes et les polémiques, l’euro est toujours là. À ceux qui prônent sa disparition, les Européens répondent massivement par une volonté, croissante au fil des ans, de le préserver.
On ne saurait toutefois en déduire que le bilan de l’union économique et monétaire est pleinement satisfaisant dans tous les domaines. Certes, l’euro a parfaitement joué son rôle de bouclier anti-crise monétaire et de stabilisateur des prix et des changes, et grâce aux réformes lancées entre 2010 et 2012, conjuguées à l’action de la Banque centrale européenne dans les moments décisifs, la zone euro est aujourd’hui bien plus solide qu’à l’origine. La création de la monnaie unique portait toutefois en elle une promesse de prospérité qui n’a pas été suffisamment tenue dans tous les pays après la crise. Alors que l’euro devait engendrer une convergence « naturelle » ascendante des économies européennes, c’est au contraire, et vous l’avez souligné à plusieurs reprises, monsieur le ministre, à leur évolution divergente que nous avons assisté.
Pour remédier à cette situation, certains préconisent d’en finir avec ce qu’ils appellent le « dogme de l’austérité », refusant de voir que les dérives budgétaires individuelles des États membres sont le premier des risques pesant sur l’ensemble de l’édifice commun. La responsabilité première de tout pays ayant fait le choix d’appartenir à la zone euro reste donc de mener des politiques budgétaires non pas rigoristes, mais équilibrées, ainsi que, et surtout, des réformes structurelles visant à relever son potentiel de croissance économique. À cet égard, monsieur le ministre, je vous avoue que nos analyses concernant les réformes structurelles mises en place dans ce pays divergent.
D’autres, comme le Président de la République, prônent quant à eux une mutualisation de ces risques budgétaires par la création d’un budget de la zone euro suffisamment important pour mettre sur pied une union de transferts permanents, ou tout au moins pour assurer une fonction de stabilisation macroéconomique puissante. L’idée ne manque pas de fondement théorique. J’avoue qu’elle peut paraître séduisante, mais elle est aujourd’hui politiquement irréaliste, tant les crises qui ont marqué cette décennie ont miné la confiance entre États membres. Force est de constater que la France, au vu de son incapacité à redresser ses comptes publics et à transformer son économie, n’est sans doute pas l’avocat le plus indiqué pour défendre une telle évolution de la zone euro. Chacun sait que c’est en 1974 que la France a, pour la dernière fois, connu un budget à l’équilibre.
C’est donc avant tout en nous appuyant sur des réformes – de vraies réformes ! – que nous pourrons poursuivre le renforcement de l’union économique et monétaire et améliorer la situation économique structurelle de la zone euro, en termes de résilience et de convergence, une convergence, monsieur le ministre, que je ne perçois guère. Je dis oui à l’accord de Meseberg, oui au passage de la règle de l’unanimité à la majorité qualifiée – trois fois oui ! –, mais les résultats se font attendre…
Pour la convergence, l’union bancaire et l’union des marchés de capitaux sont fondamentales. Leur achèvement permettrait de mieux absorber les chocs économiques en diversifiant les risques spécifiques aux différents pays de la zone euro, sans qu’il soit nécessaire de recourir à un budget commun de stabilisation.
Chacun a pu percevoir la différence, tant dans l’analyse que dans la prospective, entre l’approche allemande et l’approche française. Je pense, pour reprendre les mots de François Villeroy de Galhau, qu’une « union de financement » contribuant à rétablir la circulation des capitaux entre les pays de la zone euro est indispensable. L’épargne excédentaire dans un pays viendrait ainsi plus facilement financer les investissements efficaces dans un autre et y soutenir la croissance, ce qui est l’un des objectifs d’une union monétaire.
Pour améliorer la qualité de ces investissements, outre la poursuite des réformes structurelles nationales, l’émergence d’une politique industrielle européenne dans les secteurs stratégiques est essentielle. Le temps me manque pour détailler précisément ces politiques, mais il est bien évident…
Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue !
M. Jean Bizet. … que des progrès importants restent à faire dans les domaines de l’intelligence artificielle et de la digitalisation de l’économie.
Enfin – c’est une question qui a été abordée par nombre de nos collègues –, la dimension de la zone euro nécessite bien évidemment que cette monnaie soit davantage utilisée dans les accords commerciaux internationaux. Dans les deux ans qui ont suivi la crise de Lehman Brothers, elle était utilisée à hauteur de 40 %, contre moins de 30 % aujourd’hui. C’est la seule véritable réponse à l’extraterritorialité des lois américaines, sur fond de fragilité de l’Organisation mondiale du commerce. Il n’y a pas d’autre solution que celle-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur la zone euro.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Questions d’actualité au Gouvernement
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence du président Gérard Larcher, en déplacement à l’étranger.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Au nom du bureau du Sénat, j’invite chacun à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles de notre assemblée : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
soutenabilité budgétaire
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Sylvie Vermeillet. Jeudi dernier, le Président de la République a annoncé les mesures qu’il souhaitait mettre en œuvre à l’issue du grand débat national.
Ajoutées à la suppression intégrale de la taxe d’habitation et aux mesures prises en décembre dernier, la baisse prévue de l’impôt sur le revenu pour les classes moyennes et la réindexation des plus petites retraites portent la facture à plus de 25 milliards d’euros !
Le chef de l’État a esquissé quelques pistes de financement, évoquant pêle-mêle l’abrogation de certaines niches fiscales consacrées aux entreprises, un allongement de la durée de cotisation ou encore, du bout des lèvres, la réduction des dépenses publiques. Mais nul ne sait très bien aujourd’hui selon quelle méthode et quelle ventilation…
Quelles niches fiscales allez-vous raboter ou supprimer ? Le taux réduit de TVA sur les travaux de rénovation sera-t-il concerné ? Quid de l’exonération d’impôt sur les sociétés pour les organismes d’HLM et des dérogations en faveur du mécénat ?
Pour réaliser des économies budgétaires, lesquelles ne sont pour l’heure supportées que par les seules collectivités locales, le Président de la République semble surtout miser sur les taux artificiellement bas de la Banque centrale européenne. Par pur opportunisme budgétaire, Bercy dégrade ainsi ses prévisions monétaires pour se ménager plusieurs milliards d’euros de réserves budgétaires.
Monsieur le Premier ministre, la situation préoccupante de nos finances publiques exige beaucoup plus et beaucoup mieux. Quel effort budgétaire l’État consentira-t-il et à quelle hauteur ? Quels ministères seront concernés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice Vermeillet, je vous remercie de votre question, qui me permet d’évoquer le financement des mesures annoncées par le Président de la République et la manière dont nous allons les mettre en œuvre.
Ces mesures, vous l’avez souligné, sont importantes. Elles viennent s’ajouter à celles qui ont été annoncées le 10 décembre dernier, à savoir l’augmentation de la prime d’activité, la diminution du taux de CSG payée par un grand nombre de retraités ou encore l’exonération des heures supplémentaires.
Notre objectif, d’ici au 1er janvier 2020, est de mettre en œuvre une baisse de l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros, de réindexer sur l’inflation les pensions de retraite de moins de 2 000 euros, puis, au 1er janvier 2021, toutes les pensions de retraite.
Nous avons fait la démonstration au cours des années précédentes de notre capacité à tenir nos engagements européens. Ainsi, pour la deuxième année consécutive, 2018 s’est terminée avec un déficit public inférieur à 3 % et égal à 2,5 %, soit 0,2 point de moins que les prévisions du projet de loi de finances pour 2018. L’année 2018 s’est également caractérisée, et c’est une première dans notre histoire contemporaine, par une diminution en volume de la dépense publique, à hauteur de 0,3 %, grâce à la fois à un pilotage extrêmement strict des dépenses de l’État, à la maîtrise de l’augmentation des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, à hauteur de 0,7 %, et à une amélioration des comptes sociaux de 4 milliards d’euros par rapport à 2017.
M. Philippe Dallier. La croissance n’était pas la même !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Premier ministre et le Président de la République ont indiqué que, pour financer les nouvelles mesures, nous procéderions de deux manières. En premier lieu, nous dégagerons des économies budgétaires sur la dépense publique. Nous l’avons fait en 2018, et nous pouvons le faire de nouveau en 2019 et en 2020. En second lieu, nous réexaminerons un certain nombre de niches fiscales dont bénéficient les entreprises, à l’exception de celles qui garantissent la compétitivité des entreprises et l’emploi.
Nous aurons à débattre de ces questions d’ici au mois de juin, à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques. Nous serons particulièrement à l’écoute, madame la sénatrice, des propositions des parlementaires en la matière. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour la réplique.
Mme Sylvie Vermeillet. Redonner du pouvoir d’achat était un préalable indispensable, mais il s’agit maintenant de redonner de la confiance afin que ce pouvoir d’achat dope l’économie française et ne soit pas transformé en épargne.
Pour redonner de la confiance, l’État doit montrer l’exemple. Il doit prouver qu’il a la volonté de faire des économies et les réaliser. C’est à vous d’ouvrir la marche, sinon, nous allons tous la rater. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
lutte contre le terrorisme
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe La République En Marche.
M. Didier Rambaud. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
Monsieur le secrétaire d’État, vendredi dernier, quatre individus ont été mis en garde à vue dans le cadre d’une enquête pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Ils préparaient à brève échéance une attaque extrêmement violente contre nos forces de l’ordre. Trois d’entre eux seraient connus pour des faits de droit commun. Le dernier, un mineur, aurait déjà été condamné à une peine de prison pour avoir cherché à se rendre en Syrie.
Je sais que vous ne pourrez pas nous donner plus de détails sur cette affaire, confiée à la Direction générale de la sécurité intérieure, mais je veux ici saluer le travail de nos forces de l’ordre et de nos services de renseignement, qui ont permis de déjouer avec brio ce projet d’attentat contre les leurs. C’est le cinquante-huitième attentat déjoué depuis 2015. À travers la police française, c’était une fois encore toute une nation qui était visée.
Dans un contexte de forte sollicitation, nos services de renseignement et l’ensemble de nos forces de sécurité demeurent fortement mobilisés pour prévenir de nouveaux drames humains. Ils le sont depuis les terribles attentats de 2015, qui ont suscité un renforcement de notre dispositif de sécurité intérieure. Le projet d’attentat déjoué vendredi démontre une nouvelle fois l’utilité et l’efficacité de ce dispositif.
Cet épisode vient surtout nous rappeler que la menace terroriste reste présente et qu’elle nous concerne toutes et tous, non seulement en France, mais également à l’étranger. Nous pensons aux attaques perpétrées à Christchurch en Nouvelle-Zélande, mais aussi à Colombo, au Sri Lanka. Le terrorisme n’a pas de frontières, et nous sommes tous concernés.
Face à la menace terroriste toujours bien réelle, et même si le risque zéro n’existe pas, pouvez-vous nous dire si nous sommes dans cette lutte mieux armés qu’hier et nous préciser les moyens mis en œuvre pour renforcer la lutte contre ce fléau ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, vendredi, quatre individus – trois majeurs et un mineur – ont été interpellés alors qu’ils s’apprêtaient à commettre une action violente à l’arme automatique. Nous avions de bonnes raisons de penser qu’un passage à l’acte pouvait avoir lieu à brève échéance. Sur instruction du parquet de Paris, ces individus ont donc été interpellés. Vous comprendrez que je ne peux pas vous en dire plus.
Oui, la menace existe toujours. Elle a une forme endogène. Des individus peuvent être présents sur le territoire et passer à l’acte en réponse à la propagande de Daech. On l’a vu, Al-Baghdadi a diffusé une vidéo hier. Nous devons donc être extrêmement vigilants.
Le dispositif qui a été mis en place sous le quinquennat précédent, puis renforcé par le Président de la République et le Premier ministre, vise à faire en sorte que tous les services de renseignement travaillent ensemble, sous la coordination de la Direction générale de la sécurité intérieure. L’ensemble des individus connus pour radicalisation sont suivis par les services de renseignement.
Je tiens également à saluer le travail effectué dans l’administration pénitentiaire par le Bureau central du renseignement pénitentiaire.
L’ensemble des services échangent des informations sur les objectifs pour s’assurer que tous sont bien pris en compte et suivis.
Je précise que les moyens mis à disposition des services ont été renforcés. Ils le seront encore cette année, le budget de la DGSI augmentant de 20 millions d’euros afin de financer des dispositifs techniques de renseignement et de renforcer son dispositif humain. Le recrutement dans les services de renseignement de plus de 1 900 personnes est prévu sur le quinquennat.
Le dispositif juridique est lui aussi renforcé, grâce à la loi SILT.
Je tiens à vous rassurer, ce dispositif fonctionne puisque ces individus n’étaient pas connus uniquement pour des faits de droit commun. Ils étaient aussi suivis en raison de leur radicalisation. Ils ont été détectés dans le cadre du dispositif que je viens d’évoquer, puis judiciarisés. Les services de renseignement ont décidé de les poursuivre pour association de malfaiteurs en vue de commettre un acte terroriste.
Tels sont les éléments que je peux porter à votre connaissance.
À mon tour, je félicite et je remercie mes anciens collaborateurs, l’ensemble des effectifs de la Direction générale de la sécurité intérieure, qui, sous l’autorité du directeur général, puis du parquet de Paris, ont effectué un travail remarquable ayant permis de déjouer un cinquante-huitième projet d’attentat. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
financement des classes de vingt-quatre élèves