M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, il me sera plus facile d’évoquer avec vous le constat que de répondre précisément à toutes les questions détaillées que vous avez posées.
Vous avez raison de souligner que nos concitoyens ont le sentiment que notre organisation administrative – État et collectivités locales – est trop complexe, au point qu’il arrive que l’on ne puisse avoir accès aux services auxquels on a droit et que l’on ne sache pas trouver le bon interlocuteur. Voilà d’où vient l’idée du guichet unique. Doit-il être dans la commune, la communauté de communes, la communauté d’agglomération ou la métropole ? Comment trouver un responsable à même d’accompagner chacun de nos concitoyens dans son parcours administratif ?
Pour le département et la région, c’est la même chose. Les Français ont le sentiment que la région est trop éloignée et que le département ne peut pas apporter toutes les réponses en raison des conventions avec la région. Il faut trouver les moyens de simplifier la vie administrative à l’égard tant des collectivités que de l’État.
Le conseiller territorial est une réponse possible. Ainsi, une ou plusieurs personnes identifiées pourront passer le message, transmettre le dossier, assurer son instruction et faciliter les échanges entre le département et la région.
Cela soulève un certain nombre de questions – vous en avez posé beaucoup. Si nous devions travailler sur ce sujet, il faudrait veiller à préserver la parité, à éviter une explosion de la taille des assemblées régionales, à affirmer l’ancrage local de tous les élus locaux,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Christophe Castaner, ministre. … et ce dans le respect de la règle d’égalité pour représenter un territoire dans une assemblée, qu’a posée le Conseil constitutionnel.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Notre devise républicaine « liberté, égalité, fraternité » est remplacée progressivement par « libéralisation, concurrence, privatisation ». Pourtant, les « gilets jaunes », comme une majorité de Français, refusent qu’on confie au privé nos biens communs.
Les libéraux avaient promis que la concurrence conduirait à une baisse des prix et à un meilleur service. Or les Français observent chaque jour que les prix augmentent pour les usagers devenus des clients – 6 % pour l’électricité l’été prochain –, que les salariés sont la variable d’ajustement et que les profits s’envolent au bénéfice des actionnaires.
Les Français sont majoritairement contre la privatisation des barrages hydroélectriques et pour une renationalisation des autoroutes, ce qu’a défendu notre groupe le mois dernier et que vous avez refusé.
Enfin, les Français s’opposent à la future privatisation d’Aéroports de Paris, monopole naturel au regard de ses 100 millions de passagers par an. C’est une question de souveraineté nationale, de sécurité, d’aménagement du territoire, mais aussi une question économique, sociale et environnementale. L’an dernier, ADP a versé 180 millions d’euros à l’État en tant qu’actionnaire. Nous refusons que cet argent aille engraisser les actionnaires de Vinci, car cet argent serait plus utile à nos hôpitaux et nos écoles.
Pourquoi vous entêtez-vous à privatiser ADP au profit des riches, plutôt que de défendre nos biens communs qui sont le patrimoine de celles et ceux qui n’en ont pas ? Si vous êtes si sûr de vous, donnez la parole au peuple par référendum et nous verrons le résultat ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Fabien Gay, nous avons consacré des dizaines d’heures de discussion à cette privatisation. Grâce au travail qui a été accompli au Parlement – au Sénat et à l’Assemblée nationale –, nous avons renforcé les garanties sur les tarifs, l’environnement, la récupération du foncier, la manière dont l’entreprise sera gérée, les investissements nécessaires et le cahier des charges, qui vous a été fourni. Nous avons désormais des garanties solides – plus solides même, comme l’a dit le président-directeur général d’ADP – qu’avant le projet de privatisation. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Fabien Gay. Ce n’est pas sérieux !
M. Bruno Le Maire, ministre. Vous avez pris l’initiative de demander un référendum d’initiative partagée, dans un attelage étrange qui est peut-être la première étape d’un programme commun entre Les Républicains et le parti socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.) Après tout, pourquoi pas ?
Mme Cécile Cukierman. C’est une question d’intérêt général !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne fais que constater que ce projet… (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. le président. Mes chers collègues, laissez parler monsieur le ministre !
M. Bruno Le Maire, ministre. Après m’être exprimé pendant des dizaines d’heures sur le fond de l’opération, je redis que cette initiative baroque pourrait être la première étape d’un programme commun entre Les Républicains, le parti socialiste et les communistes.
M. Vincent Éblé. Ce n’est pas à la hauteur du débat !
M. Rachid Temal. C’est une honte !
Mme Éliane Assassi. Répondez sur le fond !
M. Fabien Gay. Donnez la parole au peuple !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je constate d’ailleurs que, dans leur grande sagesse, ni le président du groupe Les Républicains au Sénat ni le président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale ne se sont associés à cette initiative, sans doute parce qu’ils la trouvaient surprenante, voire déplacée. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Éblé. Ils y viendront !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ce que je constate, monsieur Gay, c’est que vous affaiblissez la démocratie représentative en contestant les dizaines d’heures de travail de nos représentants – sénateurs et députés – sur la privatisation d’ADP et, avant même que le projet de loi ne soit voté, en demandant la consultation populaire par référendum.
M. Rachid Temal. C’est honteux !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je constate que les mêmes qui soutenaient les privatisations voilà quelques mois s’y opposent aujourd’hui et se sont joints à ceux qui s’y opposent depuis toujours.
M. Fabien Gay. Et Vinci ?
M. le président. Il faut conclure !
M. Bruno Le Maire, ministre. Toutes les garanties ont été données, monsieur Gay. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) J’attends maintenant sereinement la décision du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Fabien Gay. Nous aussi !
M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé.
M. Vincent Éblé. Le Gouvernement a lancé ce grand débat en posant la question du niveau des prélèvements obligatoires. Or nous pensons que la question qui est posée par les Français, c’est celle de la justice fiscale. Ce n’est pas la même chose !
Les principales raisons des contestations qui s’expriment vivement depuis novembre proviennent de l’accroissement des inégalités, devenues insupportables après les premières décisions budgétaires que vous avez prises dès 2017.
L’abaissement des mécanismes de redistribution est multiforme : baisse des APL, réduction des emplois aidés, hausse de la CSG pour tous les retraités, plan Pauvreté en deçà des attentes. Vos choix ont ainsi abouti à une remise en cause de notre pacte social dans des proportions jamais vues sous la Ve République.
La fin de l’ISF a eu des effets désastreux en matière d’acceptabilité de l’impôt. Cette suppression, couplée à la mise en place de la flat tax, a permis à chacun des cent premiers contribuables français d’économiser 1,5 million d’euros par an en moyenne,…
M. Martial Bourquin. C’est scandaleux !
M. Vincent Éblé. … ce qui représente 5 milliards d’euros de recettes fiscales annuelles en moins, alors que, dans le même temps, vous aviez prévu une hausse de la fiscalité écologique impactant fortement nos concitoyens de condition modeste.
La pratique du « en même temps », chère à notre Président, est dans les faits clairement déséquilibrée en faveur des contribuables les plus fortunés. Nous nous interrogeons sur vos ambitions en matière de lutte contre les inégalités fiscales. Si vous continuez à nous dire, comme M. le ministre de l’économie, que, pour lutter contre l’injustice fiscale, il faut réduire l’impôt, c’est pour nous un aveu clair : vous refusez de traiter la question essentielle de l’équité contributive ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Rachid Temal. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président Éblé, cela ne vous surprendra pas : nous ne partageons pas votre constat. Reste que vous posez une question de société très importante. À quoi sert l’impôt ? Est-il un outil juste de redistribution ? La réponse est oui. Les 10 % de Français qui paient le plus d’impôts sur le revenu en paient l’essentiel, soit 70 % de son produit. Pour autant, seuls 43 % des contribuables sont imposables.
Cela étant, vous le savez mieux que personne, monsieur le président la commission des finances, il existe d’autres impôts que les impôts directs. Les cotisations sociales sont les impôts les plus payés par nos compatriotes – et nous en avons supprimé –, puis la TVA. La question se pose de son équité et de son acceptabilité, selon ses moyens contributifs. Nous n’avons pas, dans un premier temps, posé la question de la TVA. D’autres la posent, y compris d’ailleurs dans votre famille politique désormais.
Quant à la CSG, nous avons considéré que c’est un impôt juste, parce qu’il est proportionnel aux revenus. Évidemment, un certain nombre de discussions sont nées à la suite de la suppression des cotisations, sur lesquelles nous sommes en partie revenus.
Enfin, monsieur le président de la commission des finances, la redistribution ne se fait pas que par l’impôt. Il faut aussi prendre en compte le grand niveau de redistribution sociale dans notre pays. Certes, notre système est celui où le niveau des prélèvements obligatoires est le plus élevé, notamment sur les plus riches, mais c’est aussi celui qui est le plus redistributif. C’est cela, le système français ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Monsieur le Premier ministre, ce grand débat aura finalement été utile, très utile même, car il vous aura permis d’ouvrir les yeux. Pourtant, cela fait deux ans que les élus locaux, le Parlement – inlassablement –, votre opposition, celle de l’ancien monde, et même quelques-uns de vos ministres depuis quelque temps vous le disent : les Français sont des exaspérés fiscaux ! Avec 45 % de prélèvements obligatoires en 2018, la France porte le bonnet d’âne !
À cette lourde charge s’ajoutent l’injustice et, pour le moins, la maladresse de vos mesures. Vous avez supprimé l’ISF, comme vous l’aviez annoncé, et, en même temps, vous avez baissé les APL et augmenté le taux de la CSG des retraités. Dans ces conditions, comment voulez-vous que les Français ne ressentent pas une profonde amertume ? Que de temps perdu, alors que la réalité sautait aux yeux !
Les Français ne se satisferont plus des grandes envolées en bras de chemise et des punchlines sur Twitter.
Mentir aux Français en déclarant avec aplomb, et quelquefois avec talent, que « jamais les impôts n’ont autant baissé depuis vingt ans »,…
Mme Sophie Primas. … ce n’est pas respecter nos concitoyens. Qui regarde les comptes publics sait que c’est faux !
Instaurer une taxe carbone et baisser les budgets consacrés à l’environnement ne trompent pas nos concitoyens. Annoncer que vous baissez les impôts en comptabilisant ceux que vous aviez prévus et auxquels vous renoncez, c’est incroyable !
Ce que nos compatriotes attendent maintenant, ce sont des faits et des chiffres clairs de baisses d’impôts. Alors, allez-vous supprimer l’augmentation de la CSG pour tous les retraités ? Quels impôts va-t-on voir enfin baisser ? Et quand ? Quel niveau de prélèvements obligatoires vous fixez-vous comme objectif ?
Plus votre réponse sera précise, plus elle sera convaincante. Les Français nous regardent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Je vais vous répondre précisément, madame la sénatrice Primas : notre objectif est de baisser les impôts de plus de 1 point de PIB d’ici à la fin du quinquennat. Objectivement, factuellement, ce sera la baisse d’impôts la plus importante des dix dernières années, dans la stabilité et dans la continuité. Je rappelle que, en dix ans, ce sont les ménages français qui ont payé le prix de la crise financière et qui ont vu exploser leur niveau de prélèvements, qu’il s’agisse d’impôts ou de taxes.
Nous avons amorcé une décrue. On peut toujours faire mieux, on peut toujours aller plus vite, mais le fait est que nous l’avons amorcée. Selon l’OFCE, les impôts baisseront en 2019 de 440 euros en moyenne pour deux tiers des ménages. C’est factuel. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’OFCE !
Notre philosophie, pour vous répondre sur le type d’impôts que nous souhaitons baisser, c’est d’aider d’abord ceux qui travaillent. Je pense que vous serez d’accord avec nous sur ce point, comme un bon nombre de vos collègues sur les travées du Sénat : il faut aider principalement ceux qui travaillent pour que le travail paie davantage et que tous ceux qui ont un emploi aient le sentiment qu’ils peuvent en vivre dignement. C’est tout de même le premier message que nous ont adressé les « gilets jaunes » : « Nous voulons vivre dignement de notre travail ! » La suppression des cotisations chômage et maladie, la défiscalisation des heures supplémentaires, l’augmentation de la prime d’activité : toutes ces mesures vont dans ce sens.
Enfin, je sais que la fiscalité sur le capital est très critiquée. Pour ma part, je constate une seule chose, c’est qu’elle soutient l’attractivité, l’innovation et les entreprises dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Il y a une semaine, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, plaidait pour une « loi Macron des territoires ». Il a exprimé le souhait que le rôle des préfets soit renforcé et, en même temps, que soient octroyées plus de libertés locales et plus de souplesse aux collectivités en matière d’organisation afin de leur permettre de s’adapter plus efficacement aux réalités des territoires.
Ce souhait, nous ne pouvons que le partager. Il est temps de redonner de la cohérence à une organisation territoriale profondément abîmée et déstructurée par les réformes antérieures, notamment par la loi NOTRe. Il est nécessaire de restaurer une meilleure lisibilité de la carte territoriale, mais également de donner aux collectivités les moyens de leurs compétences.
En parallèle, l’État doit assumer son rôle dans nos territoires, notamment dans les plus fragiles d’entre eux, où les habitants considèrent souvent qu’ils sont traités comme des citoyens de seconde zone. C’est la raison pour laquelle je pense en effet que les préfets doivent voir leur pouvoir de décision renforcé et surtout – surtout ! – adapté aux territoires dont ils ont la charge. Il est également nécessaire de donner à ces territoires, qui font la fierté de notre pays, les moyens de leur développement économique.
Madame la ministre de la cohésion des territoires, comptez-vous lancer le chantier d’une grande réforme territoriale ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice, je suis absolument d’accord avec tout ce que vous avez dit. Le grand débat a aussi eu le mérite de montrer que les Français qui se sont exprimés étaient attachés à la proximité. C’est pour cela que le maire est plébiscité, car il est l’élu de proximité par excellence.
Le Président de la République l’a souvent dit : déconcentration et décentralisation ne sont pas antinomiques. On peut imaginer des transferts nouveaux vers les collectivités territoriales et conserver une organisation territoriale de l’État forte. Nous savons combien les élus et la population sont attachés à la présence des services de l’État sur le territoire. C’est pourquoi nous avons créé de nombreuses maisons de services au public, qui remplacent un certain nombre de services de proximité qui ont disparu depuis une dizaine d’années. Nous allons essayer de renforcer cette présence sur les territoires d’une autre manière.
Mon temps de parole étant achevé, je terminerai ma réponse sur ce sujet à l’occasion de mon intervention sur une autre question. (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme Sylvie Vermeillet. Le mouvement social de ces derniers mois a permis au Président de la République de prendre connaissance de la détresse du monde rural, du sentiment d’abandon qu’il a maintes fois exprimé et du découragement des maires.
Dans les petites communes, au-delà de la fermeture sans négociation des services publics – écoles, hôpitaux, agences du trésor public, bureaux de poste, etc. –, il existe sur le plan financier une injustice aussi fondamentale qu’insupportable ; je veux parler de la répartition de la dotation de base de la dotation forfaitaire des communes. Aux yeux de l’État, un habitant d’une commune de 200 000 habitants vaut deux fois plus qu’un habitant d’une commune qui en compte moins de 500 ! Avant 2005, il en valait même deux fois et demie plus, cette différence s’expliquant par les charges de centralité exercées par les grandes villes… Certes ! Mais l’intercommunalité ne serait-elle pas passée par là ? Et n’exercerait-elle pas aujourd’hui ces compétences transversales ? Quels que soient les montants de la DSU, de la DSR et des péréquations, l’État peut-il concevoir qu’un Français vaille deux fois plus à un endroit qu’à un autre ?
Dès son élection, le Président de la République a annoncé la suppression de la taxe d’habitation au motif qu’elle était un impôt injuste. Monsieur le Premier ministre, la dotation de base de la DGF est-elle juste ? Allez-vous rendre justice au monde rural et aux petites communes ? (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice, on peut en effet se demander si le calcul des dotations aux collectivités locales est juste et s’il prend en compte les questions sensibles que vous posez concernant le monde rural, mais aussi celles, très importantes, sur les villes, certaines ayant des quartiers qui relèvent de la politique de la ville, et sur les intercommunalités, en plein développement. Or je constate que tous ceux qui ont essayé de réformer la DGF et toutes les dotations depuis le gouvernement Barre ont échoué. Il appartient sans doute à la Haute Assemblée de s’y intéresser particulièrement – je sais que vous le faites –, mais aussi aux élus locaux et au Comité des finances locales.
Depuis la fin du gouvernement Jospin, qui est le dernier à avoir touché aux quarante variables de la DGF, et, pour simplifier, la distinction entre l’euro donné à la ville et l’euro donné au village, il y a une différence entre les dotations, en raison des charges de centralité. Il est vrai par ailleurs que les intercommunalités n’étaient pas aussi développées qu’aujourd’hui.
Si le Comité des finances locales, notamment son président M. Laignel, la Haute Assemblée, l’Association des maires de France souhaitent redistribuer différemment une enveloppe qui, pour la première fois depuis dix ans et pour la troisième année consécutive, ne baisse plus, Mme Gourault et moi sommes tout à fait prêts à en discuter. Cependant, vous l’aurez constaté, il y a parmi les associations d’élus, parmi les élus eux-mêmes, que ce soit les représentants des collectivités locales que vous êtes ou les représentants élus directement par le peuple, des gens qui ont des visions différentes.
Les charges de centralité des très grandes villes et les pertes d’habitants des communes rurales sont des questions très importantes. Peut-être pourrions-nous y travailler ensemble, sous l’autorité de la ministre de la cohésion des territoires ? (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Je veux évoquer ces territoires où certains services publics s’éloignent, où l’emploi agricole a diminué des deux tiers en trente ans, où il faut avoir une voiture pour se déplacer, où les Français à faibles revenus ne peuvent circuler ou se chauffer en raison de l’augmentation du prix du gazole. Le Gouvernement a débloqué 11 milliards d’euros pour le pouvoir d’achat, c’est positif.
Il faut faire évoluer l’organisation de l’État et des services publics pour plus d’efficacité et un meilleur rééquilibrage. Il faut renforcer les dotations aux communes, soutenir l’aménagement des centres-bourgs, développer internet et la téléphonie mobile, restructurer le réseau ferroviaire et les lignes Intercités secondaires, maintenir les écoles, les gendarmeries, les sapeurs-pompiers volontaires, car ils sont indispensables, développer l’emploi par les entreprises par l’intermédiaire d’un préfet développeur, grâce à des zones franches et des ZRR efficaces. De plus, il faut implanter ou maintenir des maisons de services au public pérennes, avec des permanences efficaces des services publics de l’État, pour les élus et les citoyens.
Enfin, il faut faire en sorte que tous les professionnels de santé soient présents dans les maisons de santé. Pour les médecins, l’abolition du numerus clausus et le plan Santé vont dans le bon sens, même si leurs effets ne se feront pas sentir avant longtemps. Nous devons aussi fortement améliorer la prise en charge de la dépendance, à domicile et dans les Ehpad.
J’en viens à mes questions : comment, dans ces territoires hyper-ruraux, adapter le rôle de l’État pour le rendre plus efficace, pour l’emploi et le service public, pour y maintenir la vie ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour supprimer les zones blanches en matière de santé et maintenir les centres de secours ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, cher docteur (Sourires.), vous avez, je pense, mentionné dans votre intervention tous les services publics dans les territoires…
Il est vrai que les problèmes de désertification médicale sont une réalité, et vous êtes bien placé pour le savoir. Il est vrai également que certains services publics ont disparu des territoires. Le Président de la République a l’habitude de dire qu’on a considérablement réduit le nombre de fonctionnaires depuis une dizaine d’années, essentiellement dans les territoires, beaucoup moins dans les administrations centrales, et qu’il aurait peut-être fallu faire le contraire. C’est la raison pour laquelle il faut effectivement remettre des permanences des services publics dans les territoires et développer les MSAP.
Cela étant, je le dis comme je le pense, il faut aussi garantir des services de qualité dans ces MSAP, les services que certaines d’entre elles rendent étant parfois un peu justes. Nous projetons donc la création d’une sorte de label, attestant de la fourniture dans ces maisons d’un nombre minimum de services, afin de garantir un certain niveau de qualité.
Certains territoires ont mis en place des MSAP mobiles, qui passent de village en village, et c’est une réussite.
M. le président. Il faut penser à conclure !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Enfin, j’indique que, dans le cadre de l’ANCT, l’Agence nationale de la cohésion des territoires, nous prévoyons une aide de l’État aux élus locaux.
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud. Mesdames, messieurs les ministres, si vous n’êtes pas responsables de tous les maux de nos communes, il est un échec dont vous portez l’entière paternité, c’est à l’évidence celui de la Conférence nationale des territoires. Cette conférence, dont le Président de la République lui-même attendait des propositions concrètes, n’a pas été capable de corriger ce que vous appelez vous-mêmes « les irritants » de la loi NOTRe.
Il a fallu que le Sénat fasse des propositions, notamment sur les questions de l’eau et de l’assainissement, pour que, enfin, soient apportées les corrections que les élus appelaient de leurs vœux. Aucune disposition n’a été prise non plus, alors que s’amorce une réforme fiscale, afin de mettre en œuvre les péréquations nécessaires à l’instauration d’une plus grande solidarité entre territoires urbains et territoires ruraux.
Durant deux années, le Sénat n’a cessé de faire des propositions sur la revitalisation de l’échelon communal, sur les conditions d’exercice des élus locaux, sur la limitation de vitesse à quatre-vingts kilomètres à l’heure, de proposer des mesures susceptibles de permettre aux territoires de retrouver la voie de l’espérance.
Au cours du grand débat national, le Président de la République a avancé un nombre incroyable de pistes. J’ai envie de dire : finies les paroles, place aux actes ! Il est temps pour vous de conjuguer le « dire » et le « faire » et de reprendre les propositions du Sénat. Il n’y a, comme disait Churchill, aucun mal à changer d’avis, pourvu que ce soit dans le bon sens ! (Sourires.)