Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a souligné notre collègue Jean-Michel Houllegatte à la fin de son intervention, l’un des sujets à mettre en exergue de ce texte est bien la recherche de convergence entre deux mondes que l’on oppose souvent. Si l’on veut caricaturer, il y a, d’un côté, les défenseurs de l’écologie, qui ont forcément raison, car leur cause est noble, contre, de l’autre, les chasseurs, qui ont forcément tort, car leur objectif est de tuer des animaux. Il est donc pour le moins audacieux de les réunir, et même de les amener à fusionner au sein d’une même structure ; c’est comme marier la carpe et le lapin !
Le souhait d’une grande partie de mes collègues est d’ajouter au nom de l’Office français de la biodiversité la mention « et de la chasse ». Cela ne me semble pas être indécent ; c’est même plutôt légitime, puisque cet office va naître de la fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage.
Votre majorité et vous, madame la secrétaire d’État, n’êtes pas favorables au rajout de cette mention relative à la chasse, comme s’il s’agissait d’un gros mot. Ce débat sur le nom pourrait n’être qu’un détail ; il est pourtant primordial. Il s’agit, en effet, d’un miroir de l’évolution de notre société, dans laquelle il est de bon ton de rester dans le « politiquement correct » et d’abonder dans le sens des réseaux d’influence. Or, contre cette réforme, ces réseaux sont nombreux. En effet, au travers du seul prisme de certains lobbies, la chasse est évidemment à bannir ; son image est réduite à des monstres qui abattent les animaux.
Pourtant, si l’on peut effectivement condamner ceux qui ont pour seule motivation le chiffre d’animaux abattus, on peut aussi, en étant honnêtes, considérer qu’il ne s’agit que d’une minorité de chasseurs. La grande majorité doit être vue comme un acteur important du maintien de la biodiversité. Carole Delga, présidente de la région Occitanie, dont je suis élu, déclare : « Chasse et pêche participent à notre culture du partage, du vivre ensemble, du bien manger et du bien vivre qui est l’âme de cette région. Sentinelles de la nature, les chasseurs ont toute leur place dans les campagnes et nos montagnes, comme les pêcheurs dans les lacs et rivières. »
On retrouve ce bain de nature avec Marcel Pagnol, qui relate, dans La gloire de mon père, les exploits de son paternel durant une partie de chasse dans les collines du massif du Garlaban.
Dans nos territoires ruraux, la chasse est effectivement une culture, une tradition qui rend service à l’environnement. Chaque année, en France, les chasseurs entretiennent et plantent plus de 20 000 kilomètres de haies et bosquets, pérennisant ainsi les atouts de ces architectures naturelles.
Des milliers de mares, naturelles ou créées par l’homme, parfois alimentées par des fossés ou des canaux, sont entretenues par les chasseurs, qui assurent ainsi leur préservation. Ces micro-milieux offrent un intérêt écologique incontournable.
Les chasseurs ont également une action forte de régulation du gros gibier. La prolifération des cervidés et des sangliers cause d’énormes dégâts pour l’agriculture et les forêts.
Dans l’Hérault, les indemnisations des dommages causés par les sangliers sont passées, en quelques années, de 120 000 euros à 360 000 euros ; dans le Gard, elles oscillent entre 500 000 euros et 800 000 euros selon les années. Ces chiffres sont toutefois très loin de la réalité, les difficultés à se faire indemniser et les faibles montants obtenus décourageant les agriculteurs à faire la moindre déclaration.
Là encore, la filière doit trouver les moyens de travailler avec les représentants des chasseurs pour atteindre des objectifs communs, notamment en matière de prévention.
Le bénévolat des chasseurs équivaut à 11 000 emplois, auxquels s’ajoutent 1 500 professionnels.
J’assistais, samedi dernier, à l’assemblée générale des chasseurs de l’Hérault. À la tribune, le président Jean-Pierre Gaillard avait invité des agriculteurs, des forestiers touchés par des dégâts importants dus au grand gibier, des élus de la métropole montpelliéraine, le vice-président des randonneurs de l’Hérault… soit beaucoup de personnes qui sont souvent opposées. La volonté du président, partagée par tous, est de bâtir une stratégie pour cohabiter sur les mêmes territoires. C’est la solution : n’opposons pas les genres, mais construisons ensemble.
Dans une société où il est plus facile de porter des jugements que de se comprendre, les chasseurs veulent qu’on leur reconnaisse le droit d’exister.
Les chasseurs vont, certes, voir le tarif de leur permis national baisser, mais ils vont contribuer au fonds de protection de la biodiversité à hauteur de 5 euros par permis.
Madame la secrétaire d’État, vous vous êtes engagée à une contribution de l’État à hauteur de 10 euros qui doit être votée dans le projet de loi de finances. Or nous savons que ce qui est voté aujourd’hui peut ne pas l’être demain. C’est pourquoi, au même titre que pour les 5 euros, nous aimerions que cette contribution soit inscrite dans la loi.
Que dire des 41 millions d’euros de financement manquants ? Comment allez-vous trouver les budgets ? Une nouvelle ponction sur les agences de l’eau sera-t-elle programmée ?
Enfin, des zones d’interrogation demeurent en ce qui concerne la gouvernance et la représentativité des collèges. J’espère que le débat vous donnera l’occasion, madame la secrétaire d’État, de nous éclairer sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Je voudrais saluer et remercier le rapporteur, la rapporteure pour avis, ainsi que toutes celles et tous ceux qui se sont exprimés, non seulement pour la richesse de leur propos, mais aussi pour avoir témoigné de leur intérêt pour ce texte.
Nous aurons l’occasion de revenir longuement, au cours de l’examen des articles, sur plusieurs questions centrales. Je pense notamment à la gouvernance et au financement, deux sujets dont je ne doute pas que nous discuterons de manière approfondie.
Je voudrais simplement vous dire mon optimisme. Je pense que l’équilibre dont il a été beaucoup question est à notre portée. Ce texte est en effet le résultat d’une grande concertation, comme l’ont souligné les sénateurs François Patriat, Jérôme Bignon, Ronan Dantec et Henri Cabanel.
Monsieur le sénateur Cardoux, vous me posiez la question rhétorique de savoir si ce texte était une chance ou une menace pour la chasse. Il s’agit bien d’une chance et nous aurons l’occasion de le démontrer.
Nous avons déjà très largement rapproché les points de vue. Nous sommes tous d’accord sur l’urgence à agir, l’urgence à préserver la biodiversité, comme l’ont rappelé la sénatrice Catherine Loisier ou le sénateur Michel Magras.
Je voudrais rassurer ce dernier : comme je l’ai souligné dans mon propos introductif, l’outre-mer est très largement représenté dans la gouvernance. L’Assemblée nationale a même voté la présence d’un représentant de chacun des cinq écosystèmes ultramarins au sein du conseil d’administration, dispositif complété en commission par l’équilibre de la représentation parlementaire.
Le sénateur Gontard s’est interrogé sur les effectifs. L’objectif de cette réforme n’est pas de faire des économies supplémentaires. Au contraire, il s’agit de réunir deux établissements, dans le respect – bien évidemment – de l’évolution des effectifs des fonctions publiques.
Je voudrais saluer le travail réalisé par le sénateur Bignon sur les zones humides, avec son rapport Terres d’eau, terres d’avenir. Une partie de ses préconisations a déjà été intégrée au texte au travers d’un amendement adopté en commission.
Nous reviendrons également sur le sujet important des dégâts de gibiers, souligné par le sénateur Cardoux, notamment avec l’idée de lutter contre les maladies, en particulier la peste porcine africaine. Il en sera de même pour la question de l’engrillagement, évoquée par le sénateur Prince. Il s’agit d’un sujet délicat qui a déjà été traité en commission.
Je crois que le consensus qui s’est assez largement exprimé en dehors de cet hémicycle entre des parties prenantes que nous n’avons pas besoin d’opposer, sans échange de gros mots, ni d’un côté ni de l’autre, peut également être atteint au sein de cet hémicycle.
Mme la présidente. La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission sur le projet de loi.
projet de loi portant création de l’office français de la biodiversité et de la chasse, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement
Article 1er
I. – Le livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Le I de l’article L. 110-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« On entend par géodiversité la diversité géologique, géomorphologique, hydrologique et pédologique ainsi que l’ensemble des processus dynamiques qui les régissent, y compris dans leurs interactions avec la faune, la flore et le climat. » ;
1° L’intitulé de la section 2 du chapitre Ier du titre III est ainsi rédigé : « Office français de la biodiversité et de la chasse » ;
2° Les articles L. 131-8 à L. 131-13 sont remplacés par des articles L. 131-8 à L. 131-11, L. 131-11-1, L. 131-11-2, L. 131-12 et L. 131-13 ainsi rédigés :
« Art. L. 131-8. – Il est créé un établissement public de l’État dénommé : “Office français de la biodiversité et de la chasse”.
« Art. L. 131-9. – I. – L’Office français de la biodiversité et de la chasse contribue, s’agissant des milieux terrestres, aquatiques et marins, à la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité ainsi qu’à la gestion équilibrée et durable de l’eau. Il assure les missions suivantes :
« 1° Contribution à l’exercice de la police administrative et judiciaire relative à l’eau, aux espaces naturels, aux espèces, à la chasse et à la pêche, ainsi que la police sanitaire en lien avec la faune sauvage ;
« 1° bis (nouveau) Développement de la chasse durable ;
« 2° Développement de la connaissance, recherche et expertise sur les espèces, sur les milieux, leurs fonctionnalités et leurs usages, sur les services écosystémiques, sur les liens entre les changements climatiques et la biodiversité ainsi que sur les risques sanitaires en lien avec la faune sauvage. L’office pilote ou coordonne les systèmes d’information sur la biodiversité, l’eau, les milieux aquatiques et les milieux marins ;
« 3° Expertise et assistance en matière d’évaluation de l’état de la faune sauvage et de gestion adaptative des espèces mentionnée à l’article L. 425-15-1 ;
« 4° Appui à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques de l’eau et de la biodiversité, notamment à l’échelon territorial :
« a) Soutien à l’État pour l’élaboration de la stratégie nationale pour la biodiversité définie à l’article L. 110-1 et suivi de sa mise en œuvre ;
« b) Contribution à la lutte contre la biopiraterie et suivi du dispositif d’accès aux ressources génétiques et de partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation ;
« c) Appui à la mise en œuvre du principe mentionné au 2° du II du même article L. 110-1 et suivi des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité ;
« d) Appui au suivi de la mise en œuvre des règlements et directives européens et des conventions internationales ainsi qu’aux actions de coopération ;
« e) Appui à l’État et à ses établissements publics chargés de la gestion de l’eau, de la biodiversité et des espaces naturels, notamment en matière de lutte contre les pressions qui s’exercent sur la biodiversité, de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, de gestion de la faune sauvage, d’amélioration de ses habitats et de pratiques de gestion des territoires ;
« f) Appui, en lien avec les comités de bassin, aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux établissements publics chargés de la gestion de l’eau, de la biodiversité et des espaces naturels, notamment en matière de lutte contre les pressions qui s’exercent sur la biodiversité, de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, de gestion de la faune sauvage, d’amélioration de ses habitats et de pratiques de gestion des territoires ;
« g) Appui aux acteurs socio-économiques dans leurs actions en faveur de la biodiversité ;
« h) Soutien financier, à travers l’attribution d’aides financières à des projets en faveur de la biodiversité et de la gestion durable et équilibrée de la ressource en eau et la garantie de la solidarité financière entre les bassins hydrographiques ;
« 5° Gestion, restauration et appui à la gestion d’espaces naturels, notamment de zones littorales comprenant des récifs coralliens et des écosystèmes associés ;
« 6° Communication, sensibilisation du public, accompagnement de la mobilisation et formation :
« a) Accompagnement de la mobilisation citoyenne, de la société civile et des acteurs des secteurs économiques sur les enjeux de biodiversité, notamment le lien entre l’homme et la nature ;
« b) Formation, notamment en matière de police, et appui aux actions de formation initiale et continue, en particulier dans le cadre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’enseignement agricole ;
« c) Contribution à la structuration des métiers de la biodiversité et des services écologiques ;
« 7° et 8° (Supprimés)
« Il est chargé pour le compte de l’État de l’organisation matérielle de l’examen du permis de chasser ainsi que de la délivrance du permis de chasser.
« II. – L’intervention de l’Office français de la biodiversité et de la chasse porte sur l’ensemble des milieux terrestres, aquatiques et marins du territoire métropolitain, des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi que des Terres australes et antarctiques françaises.
« Il peut aussi mener, dans le cadre de conventions, des actions à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie et dans ses provinces, à la demande de ces collectivités.
« III. – L’office et les collectivités territoriales coordonnent leurs actions dans les domaines d’intérêt commun. Les régions ou les collectivités exerçant les compétences des régions et l’office peuvent mettre en place conjointement, dans le cadre d’une convention signée entre les parties, des offices régionaux de la biodiversité auxquels peuvent notamment s’associer les départements et les collectivités exerçant les compétences des départements. Ces offices exercent leurs missions dans le champ des missions de l’office, à l’exception des missions de police et de délivrance du permis de chasser.
« Art. L. 131-10. – L’Office français de la biodiversité et de la chasse est administré par un conseil d’administration qui comprend :
« 1° Un premier collège constitué par des représentants de l’État, des représentants d’établissements publics nationaux œuvrant dans le champ des compétences de l’office et des personnalités qualifiées ;
« 2° Un deuxième collège comprenant des représentants des secteurs économiques concernés, des représentants d’organisations professionnelles agricoles et forestières, d’associations agréées de protection de l’environnement ou d’éducation à l’environnement, de gestionnaires d’espaces naturels, des instances cynégétiques et des instances de la pêche de loisir ;
« 3° Un troisième collège comprenant des représentants des comités de bassin ainsi que des collectivités territoriales et de leurs groupements ;
« 4° Un quatrième collège composé des représentants élus du personnel de l’office ;
« 5° Un cinquième collège composé de deux députés dont un représentant des territoires ultramarins, et deux sénateurs dont un représentant des territoires ultramarins, désignés, respectivement, par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat.
« Les ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture désignent un commissaire du Gouvernement, qui appartient au collège mentionné au 1°. Un décret précise les conditions dans lesquelles ce commissaire du Gouvernement peut demander l’inscription d’un point à l’ordre du jour du conseil d’administration, provoquer la convocation d’un conseil d’administration extraordinaire ou s’opposer à une décision du conseil d’administration et solliciter une nouvelle délibération.
« Les représentants de la Fédération nationale des chasseurs, des fédérations départementales des chasseurs et de la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique représentent au moins 10 % des membres du conseil d’administration.
« Le conseil d’administration est composé de manière à comprendre au moins un représentant de chacun des cinq bassins écosystémiques ultramarins.
« Il est composé de manière à ce que l’écart entre le nombre d’hommes, d’une part, et le nombre de femmes, d’autre part, ne soit pas supérieur à un. Lorsqu’un organisme est appelé à désigner plus d’un membre du conseil, il procède à ces désignations de telle sorte que l’écart entre le nombre des hommes désignés, d’une part, et le nombre des femmes désignées, d’autre part, ne soit pas supérieur à un. La même règle s’applique à la désignation des personnalités qualifiées.
« Le président du conseil d’administration est élu au sein du conseil d’administration par ses membres.
« Le conseil d’administration peut constituer en son sein des commissions spécialisées.
« Art. L. 131-11. – (Supprimé)
« Art. L. 131-11-1. – L’Office français de la biodiversité et de la chasse est doté d’un conseil scientifique, placé auprès du conseil d’administration.
« Ce conseil scientifique comprend une part significative de spécialistes de la biodiversité ultramarine.
« Art. L. 131-11-2. – Un comité d’orientation réunissant des représentants des différentes parties concernées par les missions de l’Office français de la biodiversité et de la chasse mentionnées à l’article L. 131-9 est placé auprès du conseil d’administration de l’établissement, qui en détermine la composition et le fonctionnement. Le conseil d’administration peut lui déléguer certaines de ses compétences.
« Art. L. 131-12. – L’Office français de la biodiversité et de la chasse est dirigé par un directeur général, nommé par décret.
« Art. L. 131-13. – Les ressources de l’Office français de la biodiversité et de la chasse sont constituées par :
« 1° Des subventions et contributions de l’État et de ses établissements publics ainsi que, le cas échéant, des gestionnaires d’aires marines protégées et des collectivités territoriales et de leurs groupements ;
« 2° Les recettes des taxes affectées ;
« 3° Toute subvention publique ou privée ;
« 4° Les dons et legs ;
« 5° Le produit des ventes et des prestations qu’il effectue dans le cadre de ses missions ;
« 6° Des redevances pour service rendu ;
« 7° Les produits des contrats et conventions ;
« 8° Les revenus des biens meubles et immeubles ;
« 9° Le produit des aliénations ;
« 10° D’une manière générale, toutes les recettes autorisées par les lois et règlements. » ;
3° L’article L. 131-14 est abrogé ;
3° bis (nouveau) À l’article L. 131-15, le mot : « agence » est remplacé par le mot : « office » ;
4° À l’article L. 131-16, les mots : « Agence française pour la biodiversité » sont remplacés par les mots : « Office français de la biodiversité et de la chasse ».
II. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le financement de la politique de l’eau et de la biodiversité pour la période 2019-2022. Ce rapport aborde notamment les modalités de création du futur fonds consacré à la protection de la biodiversité pour lequel chaque titulaire d’un permis de chasse versera cinq euros et pour lequel l’État s’est engagé à verser une contribution annuelle au moins égale à 10 euros par permis de chasser national ou départemental validé dans l’année.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, sur l’article.
Mme Françoise Férat. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, interpellés par de nombreux élus locaux, les sénateurs ont pointé, en commission, les similitudes entre les missions conférées aux six agences de l’eau et les compétences du nouvel office français de la biodiversité, l’OFB, détaillées dans cet article 1er.
On y retrouve de nombreuses références relatives aux milieux aquatiques et à la gestion de l’eau. Il s’agit de savoir, en pratique, comment vont s’articuler les missions de l’OFB et celles des agences territoriales de bassin. Les missions des fonctionnaires en charge de ces politiques vont-elles se télescoper ?
Je suis bien consciente que l’Agence française de la biodiversité, jeune ancêtre de l’OFB, revêtait déjà une large partie des compétences allouées dans ce texte.
Toutefois, l’étendue des missions conférée à l’AFB ne lui aura peut-être pas permis de les déployer entièrement, eu égard à sa jeunesse. A-t-on pu dresser un bilan des éventuels enchevêtrements de compétences entre AFB et agences de l’eau ?
Par ailleurs, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale a substantiellement étoffé les missions du nouvel établissement.
Elle a également précisé les contours de la mission relative aux politiques de l’eau et de la biodiversité en réaffirmant leur ancrage à l’échelon territorial et en déclinant leurs diverses composantes, au 4° de l’alinéa 12. Cette réaffirmation de l’ancrage territorial des missions interpelle véritablement les acteurs de terrain. Pouvez-vous préciser vos intentions ?
En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement de l’OFB, vous avez déclaré en commission souhaiter que son financement soit budgétaire et ne sollicite pas les agences de l’eau. Toutefois, les arbitrages n’étant pas rendus, vous n’êtes pas allée plus loin à ce stade.
Quand on voit qu’il manque déjà 40 millions d’euros pour financer ce nouvel office et que les budgets des agences de l’eau sont continuellement ponctionnés, c’est inquiétant. Et cela soulève surtout une question simple : quelle est la volonté du Gouvernement sur la pérennité des agences de l’eau ?
S’il s’agit d’une stratégie préparée et argumentée, madame la secrétaire d’État, le Sénat est prêt à l’entendre. Nous annoncez-vous, à terme, la fin programmée des agences de l’eau ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu, sur l’article.
M. Robert Laufoaulu. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’importance de la biodiversité française se trouve dans nos outre-mer, comme vous l’avez rappelé en discussion générale.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite profiter de la discussion de cet article 1er pour vous poser trois questions.
Tout d’abord, cet article prévoit que le futur office français de la biodiversité et de la chasse puisse, dans le cadre de conventions, mener des actions dans les collectivités d’outre-mer comme la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna. De quelle manière ces conventions pourront-elles être concrètement mises en œuvre entre l’office et lesdites collectivités ? Et surtout, impliqueront-elles un financement ou cofinancement de la part de ces dernières ?
Par ailleurs, la France a pris, dans le cadre du One Planet Summit, une initiative remarquée pour l’adaptation, la biodiversité et la résilience dans le Pacifique. De nouveaux projets ou de nouveaux financements sont-ils à l’ordre du jour au titre de cette initiative ? Les collectivités françaises, éminemment concernées, seront-elles éligibles à ces projets comme le seront les États insulaires du Pacifique ?
Enfin, où en sommes-nous de l’« équivalent fonds vert » pour les outre-mer du Pacifique ? Notre biodiversité, dans le Pacifique, est formidablement riche. Elle est aussi incroyablement fragile et nécessite d’être protégée. Pour cela, nous avons besoin de l’aide et de l’engagement déterminé de la France à nos côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’effondrement massif de la biodiversité sur terre est une réalité malheureusement de plus en plus visible pour chacun d’entre nous : moins d’oiseaux moins d’insectes, moins de vers de terre…
Or la biodiversité, c’est la vie, tout simplement. La biodiversité, c’est un vaste tissu d’interactions constantes entre les espèces, nous compris. Sans le maintien de la biodiversité, nous pourrions être confrontés à une crise alimentaire mondiale.
Dans notre malheur, nous avons une chance inouïe : la nature possède une capacité de résilience extraordinaire, proprement incroyable, pour peu qu’on évite d’intervenir.
Par ailleurs, je tiens à attirer votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la France métropolitaine possède la plus grande biodiversité d’Europe. Nulle part ailleurs, ni en Europe ni dans le monde, on ne peut observer, en parcourant un même département, autant de paysages variés.
Nous devons faire en sorte que cette richesse ne meure pas. La France compte 5 000 espèces différentes de plantes, alors qu’il en existe moins de 3 000 en Grande-Bretagne et autour de 2 000 en Pologne. Sur les 114 espèces de libellules dénombrées en Europe, 100 sont présentes en France.
Ce sont nos terroirs, qui sont nés de notre histoire géologique, de la fragmentation lors des précédentes glaciations, qui ont créé des foyers d’endémisme à l’origine de cette fabuleuse biodiversité.
Aussi profitons-nous d’un foisonnement d’espèces. Je citerai, par exemple, le goujon occitan, le goujon d’Auvergne, le goujon d’Adour… Or, malgré cette fabuleuse biodiversité, seulement 1 % de notre territoire national est protégé par des parcs ou des réserves – et encore, il y a de nombreuses dérogations. En Italie, 10 % du territoire national est protégé.
Nos voisins européens, même avec des territoires plus petits, plus denses en population, connaissent un plein essor de la faune sauvage, marquant une reconquête bénéfique sans précédent : on dénombre ainsi 2,5 millions de chevreuils en Allemagne contre seulement 1,5 million en France ; de même, l’Espagne compte 24 000 vautours fauves contre seulement 2 000 en France ; les phoques gris sont 120 000 en Grande-Bretagne et 500 en France… Les exemples sont légion. Nous sommes en retard.
L’équation est la suivante : nous avons une très grande biodiversité, la plus grande en Europe, spécifiquement française, mais une faune sauvage très en deçà de ce qu’elle pourrait et devrait être, et qui compte également des espèces menacées. La solution est évidente : protéger plus, prélever moins.
Il est donc temps, après l’immense avancée de la loi de 1976, d’aller de l’avant, en conscience, en responsabilité. Ne sommes-nous pas homo sapiens sapiens, c’est-à-dire l’homme sage ? Il faut donner à la nature la possibilité d’une renaissance…