M. le président. La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la semaine dernière, le Sénat a adopté en première lecture la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif. L’examen de ce texte peu ambitieux a au moins permis de débattre de mesures visant à favoriser l’engagement bénévole. J’espère que cette proposition de loi sera rapidement inscrite à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale et agira comme un nouvel élan donné au mouvement associatif et au bénévolat.
Cela étant, la France est riche de son dynamisme associatif, que nous devons soutenir.
De manière plus générale, si, aujourd’hui, nous pouvons constater plusieurs difficultés importantes dans la mobilisation bénévole, je souhaite revenir sur deux d’entre elles qui me paraissent importantes : la difficulté à fidéliser les bénévoles, malgré leur nombre croissant, d’une part ; la difficulté à recruter et à renouveler les dirigeants, d’autre part. (M. le secrétaire d’État acquiesce.)
L’atténuation de la responsabilité pour faute de gestion des dirigeants bénévoles d’association qui a été adoptée dans le cadre de la proposition de loi de la semaine dernière apporte d’ores et déjà certaines réponses aux lourdes responsabilités qui peuvent être un frein pour l’engagement.
Je m’attarderai sur la spécificité du bénévolat sportif. Celui-ci a de particulier que nombre des citoyens engagés ont des fonctions d’encadrement d’activités, sans aucune revalorisation possible de cette activité, comme peut l’être celle des dirigeants bénévoles via le compte engagement citoyen. Il faudrait, monsieur le secrétaire d’État, rapidement travailler sur ce point.
Dans les prochaines années, la France accueillera de nombreux événements sportifs d’envergure internationale, que ce soit la Coupe du monde de football féminine dans quelques semaines, l’Euro de volley-ball à l’automne prochain, les championnats d’Europe d’athlétisme de 2020, la coupe du monde de rugby de 2023 ou les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Tous ces événements ne pourraient se dérouler sans l’implication des bénévoles et du monde associatif. Leur très grosse force est de reposer sur l’implication de ces bénévoles : plus de 70 000 seront mobilisés pour les JO de 2024.
Force est de constater que les chiffres sont éloquents. Cependant, nous devons nous assurer que les personnes engagées puissent être pleinement considérées et, surtout, puissent valoriser cet engagement.
Une problématique a émergé lors de l’Euro 2016. Des fonctionnaires de l’Urssaf ont déclenché un contrôle sur le statut des bénévoles chargés d’accompagner arbitres, compétiteurs et officiels : ils s’interrogeaient sur le statut de ces volontaires, leur activité étant susceptible d’être assimilée à du travail dissimulé. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Dans cet esprit de soutien au bénévolat, de nombreux collègues et moi-même avons notamment proposé et adopté un nouveau dispositif de crédit d’impôt, qui doit permettre de soutenir les responsables bénévoles de nos associations. Alors que les élus ou les responsables syndicaux disposent de jours de congé rémunérés supplémentaires, en particulier dans le cadre de leur formation, il nous semble normal et souhaitable que les dirigeants bénévoles associatifs qui occupent des postes à responsabilité comme président, trésorier ou secrétaire bénéficient également de jours de congé rémunérés, à hauteur d’un nombre annuel à définir – on a évoqué le nombre d’un à trois lors de l’examen de cette proposition de loi –, pour se former et exercer leurs fonctions dans les meilleures conditions. Il s’agit aujourd’hui de postes à haute responsabilité avec des engagements importants qui peuvent avoir une incidence sur la vie même de ces dirigeants.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles suites comptez-vous donner à cette mesure ? Quelles solutions préconisez-vous ?
Il me semble plus que jamais nécessaire que le Gouvernement se penche sur la question de la formation des bénévoles. C’est un élément essentiel, alors que les contraintes sont toujours plus lourdes et les responsabilités toujours plus importantes.
Nous devons permettre à ces bénévoles de se former, pour que leurs missions soient accomplies dans les meilleures conditions.
Les amendements que nous avons déposés vont dans ce sens, mais je suis certain que d’autres pistes peuvent être explorées, comme un recours plus fort au mécénat de compétences, qui pourrait venir appuyer ce soutien nécessaire aux bénévoles dans de nombreuses associations. À ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, quelles sont vos propositions ?
En conclusion, je formule le souhait que le Gouvernement saura écouter la représentation nationale et prendre en compte les propositions que nous avons formulées, pour que le bénévolat ne disparaisse pas dans notre pays, mais, surtout, pour lui garantir un avenir encourageant et concret. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Annick Billon applaudit également. )
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en guise d’introduction, permettez-moi de citer celui qui fit entrer le mot « solidarité » dans le langage courant, Léon Bourgeois : « L’association, c’est l’apprentissage de la vie sociale, c’est faire sur un petit espace, dans un petit domaine, l’image réduite, visible pour quelques-uns, de ce que doit être la grande société humaine. »
Le débat qui nous est proposé aujourd’hui par le groupe Union Centriste porte sur cette manière de participer aux activités de la cité. L’association a l’intérêt collectif pour matière et le civisme pour manière.
Réjouissons-nous alors de ce que notre pays compte des centaines de milliers d’associations : 1,3 million d’entre elles proposent une autre raison de se rassembler et d’agir et 25 % de Français participent à ces associations, ce qui est nettement supérieur à la moyenne européenne.
Exprimons notre bienveillance à ces millions de bénévoles qui s’associent pour ce qu’ils aiment. Ces bénévoles se retrouvent dans ce que Léon Bourgeois appelait « ce petit espace », « ce petit domaine », où les formes de rassemblement ne sont ni contraintes ni fortuites, mais reposent sur des collectifs de volontés.
Cette belle communauté de manière ne doit pas masquer la grande diversité des forces qui la composent : il existe autant de bénévoles que de raisons de s’engager. Qu’il s’agisse de la Croix-Rouge française, d’une association de judo ou d’une fédération de parents d’élèves, on ne s’engage certainement pas de la même manière ni pour les mêmes raisons.
Toutefois, alors que nombre de nos concitoyens se détournent des sphères syndicales et politiques, soupçonnées d’immobilisme, le secteur associatif apparaît comme l’ultime garant des valeurs de générosité et d’altruisme.
Cette image de noblesse dont jouit ce secteur, si elle ne peut être parfaitement exacte, dit quelque chose des modes d’action publique que nos concitoyens plébiscitent.
On n’a généralement jamais de mots assez durs pour condamner l’individualisme de l’époque que nous vivons. Pourtant, le regard vers l’autre, les valeurs de gratuité, de don de soi et de désintéressement sont massivement affirmés par l’activité des bénévoles.
Le projet de la majorité présidentielle se retrouve pleinement dans ces forces vives qui participent d’une société de la confiance, de l’engagement et de l’entraide.
Notre mission, en tant que parlementaires, consiste non à répéter à l’identique cette représentation du secteur associatif, mais à observer les valeurs que nos concitoyens affirment en même temps qu’ils s’engagent.
Par conséquent, notre regard de parlementaires sur le phénomène bénévole et associatif doit être celui d’un observateur attentif. Il s’agit non d’être les acteurs de ce dynamisme, mais de se montrer bienveillants à son égard, d’accompagner la place des bénévoles dans notre société et de s’interroger à ce sujet.
C’est la logique qui structure la feuille de route sur la vie associative du Gouvernement : favoriser le financement des associations, réduire le poids de leurs coûts et faciliter l’engagement des bénévoles.
Ce dernier point est fondamental, puisque le recrutement est une difficulté récurrente pour le secteur. Les associations sont très nombreuses, les raisons de s’engager ne manquent donc pas, au point qu’il peut parfois être difficile de recruter ou de pérenniser ces effectifs.
C’était ce à quoi répondait la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif que nous avons examinée et c’est pour cela que nous l’avons soutenue.
Mes chers collègues, vous l’avez compris : le bénévolat fait l’objet d’un enthousiasme certain – et à raison. Le monde associatif participe pleinement au maillage territorial : que ce soit en métropole ou dans les territoires les plus ruraux, il y aura toujours une association prête à accueillir cet enthousiasme citoyen.
Notre sagesse consiste à nous réjouir de cet enthousiasme, tout en restant lucides sur la bonne place qui est la nôtre. Notre engouement ne doit pas nous conduire à dénaturer ce qu’est le bénévolat : un engagement libre et désintéressé.
Dans la mesure où l’État est le garant institutionnel de l’intérêt général, sa place ne peut être écartée de la réflexion autour du bénévolat, qui bien souvent concourt à la poursuite du même intérêt général. Le législateur est à sa place lorsqu’il met en œuvre la protection que peut offrir la loi, mais seulement lorsque c’est utile. Il ne peut y avoir d’autre philosophie à l’endroit du secteur associatif, car un engagement bénévole est nécessairement libre, gratuit et désintéressé.
Aux associations, toute la liberté qui peut leur être laissée pour s’emparer des sujets au cœur des préoccupations citoyennes ; à l’État, les devoirs et missions d’intérêt général qui lui incombent.
Si l’on s’accorde sur ce constat préalable, l’association peut être un mode de gouvernance utile pour l’État, dès lors que son échelle et son regard sont plus adaptés. C’est notamment pour cela que les secteurs « Égalité des territoires et logement », « Solidarité, insertion et égalité des chances » et « Travail et emploi » sont les plus subventionnés par l’État.
Ainsi, lorsque c’est utile, l’État stimule cette forme d’action publique, par exemple en augmentant les crédits alloués au secteur associatif en 2018. De même, le Gouvernement continue de faciliter la vie des associations en allégeant les coûts qu’elles doivent supporter, notamment par le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires qui a été maintenu en 2019.
Si l’association peut donc être un mode d’action publique utile pour l’État, en aucun cas elle ne peut assumer à elle seule des prérogatives de l’État. En effet, elle ne peut assurer la continuité et l’égalité devant les services publics que seul l’État peut offrir.
Les situations de « bénévolat contraint », où des proches sont contraints de s’occuper d’un membre de leur famille, au détriment de leur vie personnelle, nous rappellent l’importance de cette répartition des rôles. Voir que, faute d’alternative, certains de nos concitoyens peuvent être astreints à ce rôle nous préoccupe.
Voilà une drôle de forme de bénévolat que ce bénévolat contraint. Faire en sorte que ce sombre oxymore ne désigne plus la réalité des proches aidants, tel peut être le rôle du législateur et du Gouvernement. Ainsi, nous espérons que l’effort déployé par Agnès Buzyn en faveur des Ehpad, qui recevront 360 millions d’euros supplémentaires de 2019 à 2021 pour recruter des personnels soignants, permettra de répondre à cette préoccupation.
La juste place du bénévolat dans notre société, c’est l’État qui la lui donne. L’association peut compter sur les forces vives de la Nation, dès lors que l’on protège ce petit domaine où les citoyens se grandissent. La juste place du bénévolat, c’est la liberté. Le bénévolat est libre lorsque l’État assume l’entièreté de ses responsabilités et poursuit sa mission émancipatrice avec toute sa ferveur.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie les membres du groupe Union Centriste d’avoir souhaité mettre le sujet de la place du bénévolat dans notre société au cœur de nos débats. Nous partageons bien évidemment le constat que, dans de nombreux secteurs, des missions fondamentales sont assumées par des bénévoles et qu’il faut leur prêter la plus grande attention.
De l’entraîneur du club sportif au bénévole du soutien scolaire en passant par les sapeurs-pompiers volontaires, dans tous les aspects de nos vies quotidiennes, nous devons beaucoup à ceux qui donnent de leur temps. La vie de la cité elle-même est concernée, avec ses élus locaux qui, notamment dans les communes les plus petites, exercent leur mandat de façon quasi bénévole. Je pourrai évoquer aussi la solidarité internationale, la santé, la démocratie, la culture : tous ces domaines tiennent grâce aux 15 millions de bénévoles de notre pays qui finissent parfois par remplacer la puissance publique. Pensons par exemple aux recettes du Téléthon qui servent à financer la recherche, aux 130 millions de repas distribués par les 76 000 bénévoles des Restos du Cœur, à la Journée des oubliés des vacances organisée par le Secours populaire, qui offre le dépaysement à des milliers d’enfants le temps d’un jour. J’ai bien conscience que ma liste est bien moins exhaustive que celle qu’a dressée mon collègue dont le groupe est à l’origine de ce débat.
Oui, à côté du travail rémunéré, il y a une sphère particulière, trop souvent oubliée, qui permet à notre société de tenir et qui donne une réalité à la cohésion sociale. Ce fait doit être tout particulièrement salué lorsque certains ont pour seul modèle un monde mercantile, où tout s’achète, tout se vend, se monétise, au mépris de nos valeurs et de nos biens communs. En cela, l’originalité française, avec ses associations loi de 1901 à but non lucratif, demeure un modèle fécond à préserver et à vivifier.
Il revient, me semble-t-il, à la représentation nationale la responsabilité de soutenir et d’encourager cet engagement bénévole si essentiel, de susciter de nouvelles vocations en créant des conditions plus favorables à l’engagement, source d’épanouissement, tout en protégeant cette logique de possibles dévoiements.
Nous nous trouvons, en effet, sur ce sujet devant une double nécessité : encourager et encadrer.
La loi permet déjà une certaine valorisation de l’engagement bénévole. C’est notamment le cas avec le compte engagement citoyen, qui permet au bénévole de voir son engagement traduit dans des droits à la formation et à des congés supplémentaires. Il en va de même pour la validation des acquis de l’expérience ou la possibilité de présenter les concours de la fonction publique en troisième voie. Pour les étudiants aussi, la loi Égalité et citoyenneté a rendu possible la validation du bénévolat en crédits ECTS. Récemment, lors de l’examen de la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif, nous avons adopté dans cette enceinte même la rémunération du congé engagement citoyen sur trois jours.
Toutes ces avancées sont à saluer, mais sans doute conviendrait-il de mieux les faire connaître, car beaucoup de ceux qui pourraient y avoir droit méconnaissent la plupart de ces dispositifs. Sans doute faudrait-il également aller plus loin pour concilier réellement engagement bénévole et vie professionnelle, par exemple en permettant la mise en place d’horaires personnalisés ou en élargissant les possibilités de congés spécifiques aux bénévoles réguliers. Il serait aussi pertinent de progresser dans la reconnaissance des acquis liés au bénévolat dans le milieu professionnel pour s’assurer que toutes les compétences développées dans ce cadre soient reconnues à leur juste valeur. De même, il y a aujourd’hui un réel besoin de formation du côté des bénévoles, lesquels devraient pouvoir compter sur la puissance publique pour être mieux accompagnés dans leurs responsabilités associatives. Autant de chantiers sur lesquels il est urgent d’avancer.
Nous devons aussi nous interroger sur le modèle de société que nous ambitionnons dans sa globalité. On constate par exemple un tassement du bénévolat parmi les seniors, alors qu’il s’accroît plutôt pour l’ensemble de la population, même si l’on aimerait qu’il augmente davantage encore. France bénévolat a émis plusieurs hypothèses pour expliquer ce phénomène, parmi lesquelles le durcissement des conditions de départ à la retraite, donc le besoin de souffler une fois l’heure de la retraite venue, ou encore la nécessité pour de plus en plus de retraités de travailler, au moins un peu, pour continuer, non pas à mettre du beurre dans les épinards, si je peux m’exprimer ainsi, mais à pouvoir manger des épinards !
Encourager l’engagement bénévole ne doit pas non plus se faire à n’importe quel prix. Les formes qui se développent à la lisière du salariat et du bénévolat doivent à ce titre susciter notre interrogation, non pour les condamner, mais pour les appréhender avec la prudence qu’elles exigent.
Je pense aux missions de service civique, qui constituent une voie intermédiaire entre bénévolat et travail salarié, pour lesquelles nous devons traquer les éventuels abus. Plus encore, je pense aux contreparties aux aides sociales récemment et très malheureusement évoquées par le Premier ministre.
Je conclus en précisant que chaque logique doit avoir sa place : le bénévolat ne peut ni ne doit remplacer le travail rémunéré ou les services publics et la solidarité que l’État doit garantir. Encourager l’engagement bénévole est une nécessité, mais lui faire porter des responsabilités qui ne lui incombent pas serait trahir son sens. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie le groupe Union Centriste de sa nécessaire et heureuse initiative. Près de 65 000 associations naissent chaque année en France. On en dénombre plus d’un million en activité qui emploient 1,8 million de salariés et auxquelles adhèrent environ 16 millions de personnes de plus de 16 ans. En prenant en considération les adhésions multiples, on compte plus de 21 millions d’adhésions. Ces chiffres démontrent, loin des clichés grossiers, que les Françaises et les Français ont à cœur d’être utiles à autrui et à la société. N’oublions pas que les valeurs essentielles sur lesquelles repose l’engagement associatif sont la fraternité et la solidarité.
En outre-mer, l’engagement associatif constitue un levier essentiel d’épanouissement pour la population. Les très nombreuses difficultés rencontrées par nos territoires dans des domaines sensibles – emploi, vie chère, précarité, pauvreté, etc. – participent sûrement à l’engouement général pour les associations œuvrant dans les secteurs de l’éducation, de la culture, du social, de la santé, de l’environnement, de la défense des droits, des loisirs… À titre informatif, en Martinique, le rythme des créations d’associations est plus soutenu qu’à l’échelon national et l’on compte entre 7 000 et 8 000 associations de toutes tailles animées par 68 000 à 76 000 bénévoles, auxquels s’ajoutent 10 000 salariés.
Cela ne doit pas pour autant occulter le fait que, si le secteur associatif est dynamique, il rencontre au quotidien de graves difficultés non seulement financières, mais aussi législatives et réglementaires.
Au fil du temps, les associations ont vu leur objet évoluer. Elles répondent aux attentes et aux besoins des habitants, elles leur offrent des réponses à la crise sociale, économique et même politique, en grande partie du fait du désengagement de l’État dans un certain nombre de domaines. C’est pourquoi nous avons besoin des associations et de leurs bénévoles, afin de faire vivre nos quartiers et territoires ruraux. Les bénévoles sont une force avec laquelle il faut compter : ils font preuve d’un engagement quotidien certain au service d’une cause et sont essentiels à la vie locale partout en France !
Pourtant, le monde associatif et le bénévolat sont en danger. Les politiques publiques mises en œuvre aggravent la dépendance des associations aux cotisations et aux dons devenus de plus en plus rares. C’est ainsi que l’État a supprimé la réserve parlementaire, soit 45 millions d’euros versés directement aux associations, tout en n’alimentant le Fonds pour le développement de la vie associative, le FDVA, qu’à hauteur de 25 millions d’euros. Le nombre des emplois aidés, pourtant indispensables au fonctionnement de structures telles que les banques alimentaires, est passé de 460 000 en 2016 à 200 000 en 2018. Cette réduction devrait se poursuivre, soit une baisse de 2,8 milliards d’euros de crédits dédiés.
L’État a également diminué, pour la deuxième année consécutive, les crédits budgétaires de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
Pour une complète information, il faut savoir que 90 % des associations ont un budget annuel de moins de 50 000 euros et que 50 % d’entre elles n’ont même pas un budget de 10 000 euros par an.
Cet état de fait, insoutenable pour les associations et les membres qui les composent – salariés et bénévoles –, doit nous conduire à nous interroger. Nous devons réfléchir à de nouvelles sources de financement pour soutenir le monde associatif. Nous devons également tous ensemble – parlementaires, élus politiques, monde associatif, bénévoles eux-mêmes – nous réunir et formuler des propositions cohérentes, justes, proches des réalités du terrain, afin de créer un véritable statut du bénévole, avec toutes les particularités qui y sont afférentes. Il convient également de réfléchir à la reconnaissance des compétences acquises par les bénévoles, que ce soit par le biais de diplômes universitaires ou d’équivalences liées à leurs expériences de terrain.
C’est à ce prix et à l’issue d’une concertation urgente sur ce sujet que nous redonnerons confiance à la société civile et que nous replacerons la vie citoyenne au cœur de la société et de la politique, là où est sa vraie place ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’adoption la semaine dernière de la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif, nous nous réunissons de nouveau pour débattre et rendre hommage aux 13 millions de bénévoles qui s’engagent et rendent effectif l’indispensable lien social sur nos territoires.
La mobilisation qui a émergé et qui se poursuit depuis de nombreuses semaines nous amène à nous interroger notamment sur l’accès aux services publics et sur la prise en charge des plus fragiles dans notre société. Le grossissement des structures régionales et intercommunales a accentué la fracture territoriale et le sentiment d’une perte de proximité. Bien souvent, alors que l’État se désengage de nos territoires et que les services publics viennent à manquer, ce sont les associations et leurs bénévoles qui prennent le relais et recréent du lien, y compris auprès des plus précaires.
Le secteur associatif s’est en effet, dans certains cas, substitué à l’État dans sa mission de cohésion sociale et d’animation des territoires. À cet égard, il revêt un caractère essentiel, qui doit retenir toute notre attention.
Le groupe du RDSE se félicite donc de ces deux opportunités – la proposition de loi examinée le 6 mars dernier et le débat de ce jour –, qui nous permettent d’évoquer le bénévolat sous toutes ses formes et toutes ses problématiques.
J’en reviens toutefois à l’intitulé de ce débat : la juste mesure du bénévolat dans la société française. J’y vois une référence claire à la suppression de 100 000 contrats aidés, dont un tiers bénéficiait au secteur associatif, qui a ainsi perdu l’équivalent de 1,6 milliard d’euros de subventions indirectes. Dans les associations sportives notamment, où les besoins sont immenses en termes d’accompagnement des jeunes, d’encadrement, de suivi à long terme, les conséquences se font déjà sentir. Les associations, qui n’ont pas bénéficié à « juste mesure » du report de ces crédits, font également face à une baisse de la capacité de subvention des collectivités et à une forte diminution des dons aux associations constatée à la suite de la réforme de l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune.
Les associations font ainsi appel à des bénévoles et à des volontaires en service civique pour pallier la perte des emplois aidés et la baisse de leurs recettes. Or, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous défendez l’engagement au service de l’intérêt général, un volontaire en service civique n’a pas vocation à se substituer à un salarié. Le bénévole, quant à lui, est bien évidemment limité par le temps et les moyens qu’il peut consacrer à cette activité censée demeurer secondaire.
Ce manque d’encadrement salarié et stable ainsi que les complexités administratives liées à la gestion d’une association rendent l’engagement particulièrement chronophage et conduisent à des stéréotypes marqués chez les bénévoles, qui sont globalement soit très jeunes, soit retraités. Prenez l’exemple d’une petite association qui doit remplir un dossier de demande de subvention auprès de différentes collectivités pour percevoir, dans le meilleur des cas, quelques centaines d’euros. Ce temps et cette énergie dépensés sans garantie de résultat sont autant de temps et d’énergie que les bénévoles ne peuvent pas consacrer à l’activité même de leur association et à l’accompagnement de leurs adhérents. Ils s’ajoutent aux dépenses, notamment de déplacement, que certains bénévoles acceptent de faire passer en abandon de frais, lorsque l’association n’est pas en mesure de les prendre en charge. Ce remboursement, à hauteur de 66 % ou de 75 % via un crédit d’impôt sur le revenu, ne couvre pas la totalité des dépenses et ne bénéficie pas à ceux qui ne sont pas imposables.
Lors de l’examen de la proposition de loi la semaine dernière, le groupe du RDSE a déposé plusieurs amendements visant à améliorer les droits des personnes bénévoles. Si le caractère désintéressé, donc non rémunéré, de l’engagement doit bien sûr être préservé, une réflexion doit nécessairement être menée pour limiter la crise des vocations dans ce secteur.
Aujourd’hui, plus d’un quart des présidents d’association sont en poste depuis au moins dix ans. Cette situation ne peut pas perdurer. Nous invitons notamment le Gouvernement à étudier la possibilité d’élargir le compte engagement citoyen et le congé engagement citoyen, aujourd’hui limités aux bénévoles dirigeants.
L’engagement associatif est bien souvent à l’origine d’un engagement politique, nous sommes nombreux à pouvoir en attester. Cet engagement politique commence d’ailleurs généralement par un statut d’élu bénévole, qui souffre lui aussi d’une crise des vocations. Et pour cause : il s’agit d’un véritable sacerdoce ! Dans les petites communes, en zone rurale notamment, les élus sont les premiers, voire les seuls interlocuteurs des citoyens. Ils font face à des problématiques aussi nombreuses que variées, dans un contexte de baisse des dotations et de désengagement progressif de l’État dans les territoires.
Je profite donc de la tribune qui m’est offerte pour leur rendre un hommage appuyé et leur dire la volonté du Sénat de les accompagner dans cette noble mission.
J’en profite également pour réaffirmer notre soutien aux sapeurs-pompiers volontaires, qui donnent beaucoup de leur temps et font preuve d’un engagement sans limites au service des autres, dans des conditions de plus en plus difficiles.
Après 118 ans d’existence, la loi de 1901 démontre encore toute sa pertinence, comme le prouve le nombre de créations d’associations chaque année. La liberté d’association a valeur constitutionnelle ; elle est une composante incontournable de la démocratie. Tâchons de la préserver du mieux possible. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)