M. Jean-François Husson. Mettez donc de la passion dans votre texte !

Mme Esther Benbassa. Le renforcement de l’intercommunalité voté dans le présent projet de loi permettra également de redynamiser le tissu économique local. (Murmures persistants sur plusieurs travées.)

Mes chers collègues, ce n’est franchement pas drôle. C’est toujours ainsi : quand les femmes parlent, tout le monde bavarde dans l’hémicycle ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Il faut se rendre à l’évidence, tant le projet de loi que le projet de loi organique présentent des manques, mais ils constituent, dans leur ensemble, une avancée législative relativement importante et prometteuse. Le groupe CRCE leur apportera donc son soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Ladislas Poniatowski. Tout ça pour ça…

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Esther Benbassa. À notre tour de bavarder pendant l’intervention de Jean-Pierre Sueur ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Madame Benbassa, si vous parlez aussi fort, je ne peux rien dire ! (Nouveaux sourires.)

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il faut imaginer 118 îles réparties sur un territoire plus grand que l’Europe, à 16 000 kilomètres de notre métropole, là où l’on avait envoyé celles et ceux qui avaient participé à la Commune de Paris, afin qu’ils fussent très loin.

M. Bruno Sido. C’était à Nouméa !

M. Jean-Pierre Sueur. Il a fallu qu’à cette tribune Victor Hugo fît trois discours pour que, quelques années plus tard, il y eût cette amnistie pour la Commune de Paris.

Je me permets de le dire, parce que ces événements sont importants dans notre histoire, mes chers collègues.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. J’en ai pris connaissance, quant à moi, dans un excellent livre ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Le texte dont nous parlons aujourd’hui, madame la ministre, est la traduction de l’accord signé le 17 mars 2017 par François Hollande et Édouard Fritch, président de la Polynésie française. Le Président de la République avait alors déclaré : « C’est un accord d’abord politique, qui met la Polynésie pleinement dans la République. Cette place ne doit jamais être remise en cause. »

Madame la ministre, je vous ai déjà dit que vous incarniez la continuité et vous êtes sans doute satisfaite que le président Emmanuel Macron ait pris l’engagement de respecter scrupuleusement l’accord conclu par son prédécesseur et qu’il vous ait confié, avec M. le Premier ministre, le soin de porter ce projet de loi que nous soutenons. Tout s’est donc passé dans de bonnes conditions.

L’accord que ce texte va inscrire dans la loi est important pour la Polynésie française, non seulement en matière institutionnelle, mais également pour des raisons de fond qui tiennent à son nécessaire développement économique.

La Polynésie dispose de nombreux atouts, en particulier des ressources minérales marines profondes qui ont déjà été évoquées et qu’il faut exploiter dans le respect de l’environnement – chacun en conviendra –, mais aussi avec le souci de faire vivre dans les meilleures conditions possible l’ensemble des Polynésiens grâce à un développement économique maîtrisé.

Se posent aussi le problème de la continuité territoriale, que vous connaissez bien, madame la ministre, la question du désenclavement, à la fois aérien et numérique, ainsi que celle du développement touristique, un tourisme qui permette de faire connaître en profondeur la richesse de la Polynésie et tout ce qu’elle peut apporter en termes non seulement de soleil et de mer, ce qui n’est pas négligeable, mais aussi d’humanisme, de philosophie et de rapport avec la nature. (Mme Lana Tetuanui applaudit.)Vous avez raison, ma chère collègue : l’humanisme, la philosophie et la culture sont très importants en Polynésie ; c’est d’ailleurs pour cela que nous aimons y aller ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Lana Tetuanui et Nassimah Dindar ainsi que MM. Yvon Collin et André Gattolin applaudissent également.)

Mes chers collègues, ce texte contient – cela ne vous a pas échappé, monsieur Rachid Temal ! – d’importantes avancées institutionnelles. Il n’était ainsi pas cohérent que l’on fût obligé de revoter pour toute l’assemblée de la Polynésie française après trois démissions. Beaucoup de mesures de ce texte, relatives aux droits de succession ou à la question très importante du foncier, constituent des avancées.

Il y a également des avancées non négligeables pour ce que j’appellerai « la dette nucléaire ». Soyons clairs : nous nous sommes tous réjouis du vote de la loi Morin en 2010 ; mais, vous le savez, madame la ministre, entre 2010 et 2017, 1 245 dossiers ont été présentés et 96 seulement ont donné lieu à une indemnisation.

M. Jean-Paul Émorine. Qu’a fait François Hollande ?

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, les choses avancent maintenant, grâce à cet accord, dont j’ai indiqué qu’il était une œuvre commune à deux Présidents de la République successifs. Tout le monde est donc satisfait !

À cet égard, il me semble important que les sommes sur lesquelles vous vous êtes engagée, madame la ministre, soient bien inscrites dans les lois de finances, de manière que cette indemnisation aille enfin à son terme dans des délais rapprochés. Il y a une injustice à l’égard des victimes : vous vous êtes engagée à la réparer ; il faut le faire dans des délais très rapprochés.

Je terminerai en rappelant que nous avons marqué quelques différences, quelques nuances, s’agissant, tout d’abord, des autorités administratives indépendantes. À la suite du travail très important de Catherine Tasca, de René Dosière et de Mathieu Darnaud, ici présent,…

M. Jean-Pierre Sueur. … sur la Nouvelle-Calédonie, un excellent dispositif avait été adopté. Il était tellement bon, madame la ministre, que vous l’aviez inscrit dans le présent projet de loi. Or, à notre grand regret, il n’a pas été retenu in fine.

De même, nous pensons que les sociétés publiques locales peuvent apporter une souplesse nécessaire, à condition que leur objet soit public. Nous l’avons dit, nous y tenons. J’ai remarqué que vous aviez appelé à la sagesse sur l’amendement que nous avions déposé à ce sujet ; ce n’était pas anodin de votre part.

Enfin, s’agissant du statut des personnels, nous sommes très attachés à l’égalité et il nous semble que la référence au statut des personnels des assemblées parlementaires n’était pas pertinente puisqu’il s’agit, après tout, de collectivités locales.

Moyennant quoi nous considérons que ce texte est un progrès pour la Polynésie française, pour tous ses habitants et toutes ses habitantes. C’est pourquoi notre groupe le votera ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au moment de dresser le bilan de l’examen de ces deux textes, je tenais tout d’abord à souligner la qualité de nos échanges.

Je félicite notre rapporteur Mathieu Darnaud, qui n’a pas ménagé ses efforts pour tenir compte des opinions exprimées par les différents groupes, en essayant toujours d’apporter des réponses aux problèmes soulevés, dans le souci permanent de parvenir au texte le plus consensuel possible.

M. Simon Sutour. Quel succès !

M. Guillaume Arnell. Mes félicitations s’adressent également à vous, madame la ministre, d’abord pour avoir déposé ces deux projets de loi attendus de longue date. Vous avez su faire preuve d’ouverture d’esprit durant nos débats, même si, en Ultramarine que vous êtes, vous avez des convictions fortes et vous les exprimez ! (Mme la ministre sourit.)

Mes chers collègues, au cours des discussions, le groupe du RDSE a souhaité attirer votre attention sur deux points, sur lesquels j’aimerais revenir brièvement.

En notre qualité de législateur et parce que nous légiférons pour l’avenir, nous avons tout d’abord jugé indispensable que soient questionnées les dispositions relatives aux autorités administratives indépendantes, objets de nombreux rapports au cours des dernières années ainsi que d’une commission d’enquête sénatoriale, dont notre excellent collègue Jacques Mézard – qui va peut-être bientôt quitter nos travées pour exercer d’autres fonctions (Exclamations sur plusieurs travées.) – fut membre. Son rapport relevait que « la prolifération de ces autorités […] contribue de plus en plus fortement à l’illisibilité et au dysfonctionnement du système institutionnel, alors même que la volonté de simplification administrative doit constituer une ardente obligation afin de redonner tout son sens et son efficacité à l’action publique ».

C’est donc uniquement par cohérence avec ces recommandations que nous avions déposé un amendement tendant à supprimer l’article 4, et non pour nous opposer d’une quelconque manière à la volonté des autorités polynésiennes.

Suivant la même idée, il nous a semblé cohérent de rappeler les dispositions contenues dans la proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales, adoptée en 2010, qui fixaient comme exigence le maintien d’une présence obligatoire de deux actionnaires au minimum, alors que l’article 5 du présent texte offre la possibilité d’un actionnaire unique.

Notre groupe a, lui aussi, su faire preuve de sagesse : après avoir écouté avec attention les observations et les arguments avancés à la fois par le rapporteur et par vous-même, madame la ministre, pointant les spécificités locales, nous avons fait le choix de retirer nos deux amendements.

C’est, je le crois, la grande force de notre assemblée que d’arriver très régulièrement à dépasser les postures et les clivages partisans pour écouter, échanger, débattre et parvenir, le plus souvent, au consensus.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Guillaume Arnell. S’agissant du renforcement des prestations dues aux victimes de maladies radio-induites imputables aux essais nucléaires, une phrase d’André Malraux me vient à l’esprit : « Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie. »

Aussi, je tiens à témoigner au peuple polynésien que, même si des dispositifs viendront apporter un dédommagement aux victimes, nous avons conscience que les blessures physiques et morales ne pourront jamais se refermer complètement. Aucune compensation financière ne saurait être juste ou équitable, tout simplement parce que la vie n’a pas de prix. Nous saluons, néanmoins, les avancées qui permettront d’améliorer ces dédommagements.

Je forme le vœu que ces deux textes permettent aux autorités polynésiennes de disposer des outils nécessaires à leur développement institutionnel et économique, indispensable pour asseoir le rayonnement régional de la Polynésie, et donc de la France, dans cette zone du monde tant convoitée.

Je sais que nos amis polynésiens auraient souhaité aller encore plus loin, mais il faut laisser du temps au temps. Ces projets de loi organique et ordinaire, qui viennent compléter la loi de 2004, sont voués, eux-mêmes, à être enrichis à l’avenir.

Le RDSE votera donc à l’unanimité en faveur de ces deux textes.

M. Roger Karoutchi. C’est remarquable !

M. Guillaume Arnell. Je caresse, quant à moi, l’espoir que, dans un avenir proche, nous étudiions des projets de loi similaires pour d’autres collectivités régies par l’article 74 de notre Constitution, notamment pour mon territoire de Saint-Martin ! J’espère, madame la ministre, que vous serez alors toujours au Gouvernement (Mme la ministre rit. – Exclamations amusées.) pour m’accompagner dans cette voie. Le territoire de Saint-Martin, après dix ans d’existence, a suffisamment de recul pour évaluer les limites de son statut actuel. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche. – Mmes Nassimah Dindar et Sylvie Robert ainsi que MM. Martial Bourquin et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe. (Murmures sur plusieurs travées.)

M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, madame la ministre, j’ai pu constater qu’il y avait un large consensus sur ce projet de loi organique. Cela prouve que le texte répond à un besoin et qu’une large concertation a été menée en vue de son adoption.

Globalement, les éléments dont j’ai pris connaissance indiquent que ce que nous votons aujourd’hui rencontre un accord général. Il n’y a, à mon sens, pas de raison pour que nous ne nous y associions pas. Il est rare que je sois d’accord avec ce que vote le Sénat.

M. Jean Louis Masson. Mais c’est le cas aujourd’hui !

Je souhaite formuler une remarque plus générale. Je suis quelque peu inquiet du fonctionnement des rapports entre la France et certaines collectivités d’outre-mer. Nous allons parvenir à une sorte de fouillis dans lequel chacun aura un statut spécial, avec des différences de traitement et des disparités dans les textes votés. C’est ce que l’on appelle la spécialité. Nous devons en tenir compte, mais il nous faut tout de même être cohérents et respecter autant que faire se peut un certain cadre global.

Il est des domaines où, manifestement, on peut se poser la question de savoir si on n’est pas allé trop loin. Par exemple, lorsqu’avaient été examinés, il y a quelques mois, les textes sur la Nouvelle-Calédonie, j’avais exprimé mon opposition radicale au fait qu’il y ait deux sortes de Français sur ce territoire : ceux qui ont le droit de vote et ceux qui ne l’ont pas. (Sourires sur plusieurs travées.)

Cela vous fait rire, mes chers collègues, mais c’est la vérité !

La Cour européenne des droits de l’homme avait considéré qu’une telle situation n’était acceptable que de manière transitoire et pour une durée déterminée. La France avait indiqué que ce serait le cas, mais cela fait maintenant plus de vingt ans que ces dispositions sont en vigueur et personne ne remet de l’ordre dans le système !

S’il est bon que nos collectivités d’outre-mer puissent jouir de statuts particuliers, il me semble que nous devrions fixer un cadre au-delà duquel on ne saurait aller. À défaut, on avance sans savoir où cela va s’arrêter, au risque de donner lieu à une sorte d’auberge espagnole dans laquelle chacun pourra faire ce qu’il veut et passer outre des règles qui paraîtraient absolument invraisemblables dans les autres démocraties du monde. Dire que des ressortissants d’un pays n’ont pas le droit de vote sur le territoire de ce pays, pour telle ou telle raison, c’est à mon avis inadmissible.

Je souhaiterais, madame le ministre, que nous puissions, un jour, appliquer cette vision globale pour ce qui est du traitement qu’il convient de réserver à nos collectivités territoriales d’outre-mer. (Mme Lana Tetuanui applaudit.)

Ouverture du scrutin public solennel sur le projet de loi organique

 
 
 

Mme la présidente. Mes chers collègues, il va être procédé dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi organique portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française, dans le texte de la commission, modifié.

Ce scrutin de droit, en application de l’article 59 du règlement, sera ouvert dans quelques instants. Il aura lieu en salle des conférences.

Je remercie nos collègues Éric Bocquet, Françoise Gatel et Michel Raison, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure et je suspends la séance jusqu’à seize heures trente, heure à laquelle je proclamerai le résultat.

À l’issue, nous procéderons, dans l’hémicycle, au vote sur l’ensemble du projet de loi ordinaire. Je compte sur votre présence tout à l’heure.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Proclamation du résultat du scrutin public solennel

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 56 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 343

Le Sénat a adopté le projet de loi organique portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française. (Acclamations sur certaines travées suivies dapplaudissements unanimes.)

Vote sur l’ensemble du projet de loi

 
 
 

Mme la présidente. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française.

(Le projet de loi est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’unanimité exprimée démontre que les deux textes sont de grande qualité : le travail a été conduit dans la confiance et le respect mutuel. Aussi, je tiens à remercier chaleureusement le rapporteur et toute son équipe pour la qualité de ce travail et de nos échanges.

Ces projets de loi marquent un renouveau dans les relations entre l’État et la Polynésie française. Je souhaite ou, plutôt, nous souhaitons tous que cette dynamique née du travail engagé sur ces deux textes puisse perdurer.

L’État prend ici, vous le savez, des engagements importants concernant, tout d’abord, le dispositif d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, profondément rénové en 2018, ensuite, la sécurité des atolls, pour laquelle l’État vient de nouveau d’investir 100 millions d’euros, et, enfin, l’accompagnement économique de la Polynésie française, un point également extrêmement important.

Ces projets de loi apportent surtout des réponses adaptées et sont une belle illustration de la différenciation voulue, souhaitée par le Président de la République et qui, outre-mer encore plus qu’ailleurs, doit trouver à s’exprimer.

Ils démontrent enfin, comme l’a indiqué, il y a quelques instants, M. le rapporteur, que nous devrons également collectivement conduire une réflexion à l’avenir parce que les statuts organiques des collectivités régies par l’article 74 de la Constitution doivent demeurer vivants, et nous devons régulièrement y travailler.

Au moment où d’autres territoires caressent l’idée d’accéder à un statut organique – je pense notamment à la Guyane –, nous devons interroger nos pratiques juridiques.

Les élus polynésiens, les acteurs économiques et les professionnels du droit considèrent à juste raison et unanimement que le droit applicable est aujourd’hui d’une complexité énorme et souvent inintelligible. Comme vous l’avez souhaité, monsieur le rapporteur, l’État lancera une mission sur la lisibilité du droit en Polynésie. Bien sûr, l’ensemble des acteurs y seront associés.

En conclusion, je veux dire que si, au premier chef, le travail que nous avons engagé concerne bien sûr la Polynésie française, il aura aussi, j’en suis sûre, un intérêt pour tous les autres territoires d’outre-mer, notamment les COM, les collectivités d’outre-mer.

Je le redis encore une fois, merci à tous pour ce travail collectif de grande qualité ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

 
 
 

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

4

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du bureau du Sénat, je rappelle, une fois encore, à chacun de vous, les principes conformes aux usages de notre assemblée, à savoir le respect des uns et des autres, ainsi que celui du temps de parole, qui ne saurait être une intention, mais doit être une réalité.

lutte contre la montée de l’antisémitisme

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – MM. Jean-Pierre Corbisez et Gérard Longuet applaudissent également.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes très chers collègues, ce qui fait l’actualité, hélas, ce sont des actes d’une ignominie telle qu’ils remettent en cause la nature même de notre pacte républicain. Ce sont le lâche assassinat de Mireille Knoll, la mémoire d’Ilan Halimi et de Simone Veil outrageusement bafouée, l’agression d’Alain Finkielkraut, la profanation d’un cimetière juif aujourd’hui même en Alsace, que nous découvrons avec horreur.

Parfois, sous couvert d’antisionisme, les comportements les plus abjects sont permis. Mais gardons-nous, monsieur le Premier ministre, de la tentation d’un nouveau texte de loi élaboré dans l’émotion. Notre arsenal législatif ne nous permet-il pas, déjà, de répondre avec la plus grande des fermetés ?

Toutefois, l’augmentation de 74 % en un an du nombre des actes antisémites doit nous faire réagir. Ceux-ci engagent notre responsabilité collective à analyser les maux dont souffre notre société de plus en plus fragmentée, de plus en plus vulnérable à la manipulation de l’information et des faits historiques ainsi qu’à la propagation d’idéologies haineuses, à l’opposé de nos valeurs républicaines.

Il est, à cet égard, nécessaire de réguler internet et les plateformes, qui permettent tous les débordements. Le Sénat a formulé des propositions très fortes à cet égard. Mais aussi et surtout, il convient de ne pas laisser s’installer l’idée que l’antisémitisme serait une opinion comme une autre. Cela passe d’abord, monsieur le Premier ministre, par des précisions, qui doivent être apportées à la lettre adressée par M. le ministre de l’éducation nationale, le 31 août 2018, aux enseignants, où il est question du respect d’autrui, de la transmission de savoirs fondamentaux et de l’éducation aux valeurs de la République.

Le Sénat examinera prochainement le projet de loi pour une école de la confiance. C’est un véhicule idéal pour permettre aussi de rappeler l’importance et la réalité des faits historiques ainsi que l’importance d’une éducation aux médias et au numérique, encore largement insuffisante aujourd’hui.

Tout nous oblige à un véritable sursaut républicain, mes chers collègues. À l’appel des formations politiques, le grand rassemblement de ce soir à Paris et dans la France entière est très important. Mais, au-delà, monsieur le Premier ministre, quelles mesures vont être prises pour reconstruire ensemble, de toute urgence, le pacte républicain auquel nous sommes profondément attachés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Morin-Desailly, vous avez commencé votre question en rappelant une série de faits, d’actes ou de propos antisémites. Ces faits, nous les connaissons, certains ont été rendus visibles parce qu’ils étaient filmés, alors que d’autres sont malheureusement quotidiens et invisibles, mais ils n’en sont pas moins répugnants, graves, en ce qu’ils sont très profondément dirigés contre ce que nous sommes, la République, la France.

Vous avez indiqué que nous devions dénoncer ces faits et vous avez rappelé la marche ou, plus exactement, le rassemblement qui sera organisé ce soir à Paris et dans de très nombreuses villes françaises. Ces rassemblements sont nécessaires ; ils sont utiles pour que nous puissions tous ensemble, sans exclusive, dire que ces faits sont inacceptables. Mais ils ne sont pas suffisants, et nous en avons parfaitement conscience.

Face à ces atteintes répétées et croissantes, madame la sénatrice, vous le savez,…

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … le nombre d’actes et d’agressions antisémites ayant très fortement progressé au cours de l’année dernière, nous ne devons pas nous contenter d’une dénonciation morale : nous devons la faire, mais nous ne devons pas nous en contenter.

Évidemment, le champ de l’action est considérable. Je pense d’abord et avant tout à l’éducation et au soutien aux enseignants quand ils transmettent l’histoire, les faits, qu’ils sont confrontés à des propos ou à des actes antisémites ; je pense également à la formation des policiers, des gendarmes, des magistrats, qui concourent à réprimer ou à prévenir ces atteintes. Il s’agit aussi de renforcer le droit lorsque c’est nécessaire.

À cet égard, vous avez affirmé, madame la sénatrice, qu’il ne fallait pas légiférer sous l’empire de l’émotion. Je vous rejoins volontiers sur ce sujet, mais il ne faut pas non plus renoncer à légiférer lorsque cela est nécessaire. Or il y a au moins un champ – il en existe peut-être d’autres – où cela est parfaitement nécessaire, c’est celui des réseaux sociaux et d’internet (Mme Catherine Morin-Desailly opine.), sur lesquels une forme d’impunité a pu donner le sentiment de se développer.

Derrière une forme d’anonymat, des femmes et des hommes écrivent, promeuvent des propos parfaitement antisémites et parfaitement inacceptables. Cette impunité ne peut pas prévaloir. Nous savons que le droit national – c’est également vrai d’ailleurs, à bien des égards, pour le droit communautaire – n’est pas à ce jour adapté à la sévérité de la réponse que nous sommes en droit d’attendre.

C’est la raison pour laquelle, à la suite d’un rapport qui a été préparé notamment par Mme la députée Avia, nous voulons compléter notre droit national et militer pour compléter le droit communautaire en modifiant le statut de ceux qui gèrent des réseaux sociaux, en vue d’invoquer leurs responsabilités s’ils ne font pas ce qui est nécessaire pour retirer les publications sur ces réseaux sociaux, voire s’ils ne préviennent pas de façon efficace la commission de tels actes, qui sont, je le rappelle, des délits. Il nous faudra modifier le droit national et obtenir de nos partenaires européens qu’ils complètent le droit communautaire – cela en vaut la peine. Je crois profondément, madame la sénatrice, que nous devons légiférer : il ne serait pas acceptable qu’en matière d’antisémitisme nous donnions le sentiment que l’impunité pourrait prévaloir.

Il en est de même pour ce qui concerne la sévérité des sanctions qui sont prises : des sanctions administratives lorsque c’est le cas ou judiciaires. J’incite – je ne peux pas employer ce terme, excusez-moi… Je souhaite que, systématiquement, les affaires d’antisémitisme donnent lieu à des poursuites et je souhaite également que, systématiquement, elles donnent lieu à des sanctions sévères.

Nous devons en la matière, mesdames, messieurs les sénateurs – je le dis, je le sais, à des femmes et à des hommes qui en sont convaincus –, faire l’union sacrée, sans exclusive, sans hypocrisie, sans incohérence, pour dénoncer ces faits inacceptables. (Applaudissements.)

avenir de la fusion de la métropole d’aix-marseille provence et du département des bouches-du-rhône