M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il ne nous appartient pas d’organiser les travaux internes du Sénat, et l’on peut tout à fait souscrire au renforcement de la transparence du dispositif de contrôle des IEF demandé par les assemblées.
Le dispositif Montebourg est effectivement utilisé, je vous le confirme.
Toutefois, sur ces sujets nombreux et sensibles, quel que soit le dispositif retenu, nous vous demandons d’être particulièrement vigilants au respect des secrets légalement protégés et du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Nos collègues députés sont venus me voir pour défendre l’idée de cette nouvelle délégation – mais je ne suis pas le président du Sénat, cela ne vous aura pas échappé… (Sourires.)
Depuis plusieurs années, nous avons travaillé, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, pour essayer d’éviter la multiplication sans fin des délégations.
Une délégation, c’est un outil parlementaire certes très important, mais aussi assez lourd, qui monopolise beaucoup de moyens.
La désindustrialisation est un sujet important, bien sûr, monsieur Yung. MM. Bourquin et Chatillon le savent mieux que quiconque pour avoir conduit une mission d’information sur la désindustrialisation des territoires.
On a déployé des moyens pour suivre ces sujets de désindustrialisation et de réindustrialisation. La commission des affaires économiques auditionne déjà régulièrement les ministres compétents et d’autres interlocuteurs.
La création d’une délégation, ce serait un peu « l’arme nucléaire », alors qu’il existe aujourd’hui des outils dans les deux assemblées.
Faut-il, pour répondre aux objections et aux réserves de Mme la secrétaire d’État, créer une structure spéciale plus fluide, plus ramassée, notamment pour des questions de séparation des pouvoirs et de confidentialité ? On pourrait imaginer un organe réunissant des membres de la commission des finances et de la commission des affaires économiques, avec moins de personnes, mais des pouvoirs d’enquête, par exemple.
L’Assemblée nationale et le Sénat doivent réfléchir pour créer une structure légère – on se plaint souvent de la lourdeur du Parlement – et agile pour répondre à ces problématiques de l’arrivée d’entreprises étrangères dans le giron de l’économie française.
Je ne pense pas qu’il faille rétablir cet article, mais il faut poursuivre le travail de réflexion.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Dans la lignée de l’intervention de Sophie Primas, nous ne voterons pas ces amendements de rétablissement.
J’ajoute qu’il existe également la délégation aux entreprises, présidée par Mme Lamure. Ne faudrait-il pas étendre son champ de compétences ? Le débat est ouvert. Au fond, tout le monde se pose les mêmes questions.
Je constate toutefois qu’il est déjà extrêmement difficile de participer à la fois aux travaux de la commission des affaires économiques et de la délégation aux entreprises, sans parler des missions d’information ! Si l’on ajoute encore une structure supplémentaire, on ne s’en sortira plus !
Les questions soulevées par ces amendements sont stratégiques, c’est évident – on vient d’ailleurs d’en débattre pendant une heure –, mais je ne crois pas qu’on réglera ce problème en créant une délégation de plus.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Nous demandons quelque chose d’efficient. Tous les mardis, Roland Courteau, avec d’autres parlementaires, siège au Conseil national de l’énergie, où tous les dossiers sont abordés.
Nous ne voulons pas d’une commission qui se réunisse une fois par an. Les investissements étrangers et la sécurité économique, qui sont déjà de graves problèmes aujourd’hui, vont devenir dans les mois et les années à venir des questions « surdéterminantes ».
Quand nous avons travaillé sur la question, Alain Chatillon et moi-même, nous avons constaté que l’État ne savait parfois pas répondre à nos questions.
Ce qu’il faudrait, ce n’est pas forcément une délégation, mais un organisme où le Gouvernement travaillerait avec des parlementaires s’intéressant au sujet et où toutes les questions seraient abordées au fur et à mesure qu’elles se posent.
Il est regrettable que nous n’ayons pas trouvé une solution. Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, ne sous-estimez pas cette question ; elle est de la plus haute importance et notre organisation est aujourd’hui totalement insuffisante.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 143 et 743.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 55 ter demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 55 ter
M. le président. L’amendement n° 874, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 55 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la section 6 du chapitre II du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est ajoutée une section 7, ainsi rédigée :
« Section 7
« Régime d’autorisation préalable de l’exploitation des équipements de réseaux radioélectriques.
« Art. L. 34-11. - I. – Est soumise à une autorisation du Premier ministre, destinée à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale, l’exploitation sur le territoire national des appareils, à savoir tous dispositifs matériels ou logiciels, permettant de connecter les équipements de clients au réseau radioélectrique mobile, qui par leurs fonctions présentent un risque pour l’intégrité, la sécurité et la continuité de l’exploitation du réseau, à l’exclusion des appareils installés chez les clients, par les opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense ainsi désignés en vertu de leur activité d’exploitant, direct ou par l’intermédiaire de tiers fournisseurs, d’un réseau de communications électroniques ouvert au public.
« Le Premier ministre publie et tient à jour une liste des dispositifs soumis au régime d’autorisation prévu à l’alinéa précédent.
« II. – Sauf si elle est refusée en application de l’article L. 34-11-2 du présent code, l’autorisation est octroyée pour un ou plusieurs modèles et une ou plusieurs versions de dispositifs matériels ou logiciels, ainsi que pour un périmètre géographique précisés par l’opérateur dans son dossier de demande d’autorisation, pour une durée maximale de huit ans.
« Art. L. 34-11-1. – Le renouvellement de l’autorisation prévue à l’article L. 34-11 peut être sollicité par son bénéficiaire, au minimum deux mois avant l’expiration de l’autorisation initiale.
« Les modalités de l’autorisation, la composition du dossier de demande d’autorisation et du dossier de demande de renouvellement sont fixées par décret.
« Art. L. 34-11-2. - Le Premier ministre refuse par décision motivée l’octroi de l’autorisation s’il estime, après examen de la demande, qu’il existe un risque sérieux d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale en raison de ce que le respect des règles mentionnées aux a), b) et e) du I de l’article L. 33-1, en particulier l’intégrité, la sécurité et la continuité de l’exploitation des réseaux et services de communications électroniques, n’est pas garanti.
« Le Premier ministre peut prendre en considération, pour l’appréciation de ces critères, les modalités de déploiement et d’exploitation mis en place par l’opérateur, et le fait que l’opérateur ou ses prestataires, y compris par sous-traitance, soit ou non sous le contrôle ou soumis à des actes d’ingérence d’un État non membre de l’Union européenne.
« Art. L. 34-11-3. – I. – Si l’exploitation des appareils mentionnés au I de l’article L. 34-11 est réalisée en France sans autorisation préalable, le Premier ministre peut enjoindre à l’opérateur de déposer une demande d’autorisation, ou de renouvellement, ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure, dans un délai qu’il fixe.
« Ces injonctions ne peuvent intervenir qu’après que l’opérateur a été mis en demeure de présenter des observations dans un délai de quinze jours, sauf en cas d’urgence, de circonstances exceptionnelles ou d’atteinte imminente à la sécurité nationale.
« II. - Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle prévoyant l’exploitation des appareils mentionnés au I de l’article L. 34-11, lorsque cette activité n’a pas fait l’objet de l’autorisation préalable exigée sur le fondement du même article L. 34-11 ou d’une régularisation dans les délais impartis. »
II. – Le chapitre V du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 39-1, il est inséré un article L. 39-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 39-1-1. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait :
« 1° D’exploiter des appareils mentionnés à l’article L. 34-11 sans autorisation préalable ;
« 2° De ne pas exécuter – totalement ou partiellement – les injonctions prises sur le fondement du I de l’article L. 34-11-3. »
2° À l’article L. 39-6, les références : « aux articles L. 39 et L. 39-1 » sont remplacées par les références : « aux articles L. 39, L. 39-1 et L. 39-1-1 » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 39-10, après la référence : « L. 39-1 », est insérée la référence : « L. 39-1-1 ».
III. – Le I est applicable à l’exploitation des appareils, mentionnés à l’article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques, installés depuis le 1er février 2019.
Les opérateurs qui exploitent des appareils soumis à autorisation, en vertu de l’article L. 34-11 du code de postes et de télécommunications électroniques, à la date d’entrée en vigueur de la loi disposent d’un délai de deux mois pour déposer la demande d’autorisation préalable prévue à ce même article.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Cet amendement instaure un dispositif d’autorisation préalable des équipements de réseaux radioélectriques. Nous sommes donc dans la continuité des échanges que nous venons d’avoir sur la sécurité économique et les investissements étrangers.
Le Gouvernement est particulièrement vigilant à la sécurité et à la résilience des réseaux de communications fixes et mobiles et aux équipements qui constituent le cœur de ces réseaux.
Avec le développement de la 5G qui est prévu dès le début de l’année 2020, les réseaux mobiles deviennent de plus en plus critiques du fait d’usages potentiels dans les domaines de l’industrie ou de la santé. Je vous donne un exemple : le robot qui est commandé à distance aura besoin d’une technologie de type 5G et il serait ennuyeux qu’une opération chirurgicale s’arrête en plein milieu, parce que quelqu’un aura pris la main sur ce robot. On pourrait aussi citer, bien évidemment, l’exemple de la voiture autonome.
Il est donc nécessaire d’apporter des évolutions au cadre juridique actuel qui ne protège que la confidentialité des communications et s’inscrit dans l’idée de protéger le secret des correspondances. Ce cadre est ancien, fragile et peu adapté au regard de l’importance de l’ensemble des enjeux actuels de sécurité nationale, notamment les risques potentiels de sabotage des réseaux.
Cet amendement tend donc à soumettre à autorisation préalable du Premier ministre l’exploitation d’équipements actifs des antennes mobiles pour les opérateurs télécoms qui sont considérés comme des opérateurs d’importance vitale, dits OIV. Il a fait l’objet d’un avis positif de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, et a été élaboré avec les opérateurs télécoms concernés.
Pourquoi une telle procédure ? Parce qu’il faut être à la fois suffisamment agile pour autoriser des innovations, ne pas être dans l’inspection des travaux finis ou le surcontrôle et en même temps ne pas être naïf. Dans l’esprit de ce que nous avons tous exprimé il y a quelques minutes, nous devons être capables de bloquer des équipements industriels ou de communication qui présenteraient des fragilités, en raison notamment de la présence de portes dérobées.
Ces mesures ne ciblent pas un équipementier en particulier. Des vulnérabilités peuvent être constatées chez tous les équipementiers et il convient de mettre en place les contrôles appropriés.
La création d’un nouvel instrument juridique opposable pour contrôler les équipements télécoms n’emporte pas non plus un changement de doctrine de la France en la matière. Nous créons simplement les leviers nécessaires pour contrôler efficacement les équipements de réseaux et nous nous donnons la capacité de faire évoluer nos modalités d’action en fonction des évolutions technologiques.
Il est évident que nous devons nous adapter à la montée en puissance des équipements technologiques et au fait qu’ils entrent plus profondément dans l’ensemble des processus, que ceux-ci soient individuels ou industriels.
Il est essentiel que ce nouveau régime n’obère pas la capacité des opérateurs à investir. Il leur faut un cadre juridique clair et transparent qui soit mis en œuvre rapidement. L’amendement donne deux garanties très précises à ce stade : les autorisations préalables sont les plus larges possible, tant du point de vue matériel que temporel ou géographique ; les opérateurs connaîtront la liste des appareils et logiciels qui feront l’objet d’un contrôle.
Le Gouvernement est évidemment prêt à poursuivre les travaux et, si nécessaire, à faire évoluer certains éléments du dispositif dans le cadre des travaux de la commission mixte paritaire.
Vous l’aurez compris, cet amendement constitue d’abord une plateforme de discussion, notre objectif étant d’ouvrir ce débat.
Je sais que cet amendement a été déposé tardivement, je pense que Mme le rapporteur le soulignera… Nous en sommes tout à fait conscients, mais compte tenu de l’enjeu, il nous semble important d’ouvrir la discussion. En outre, nous ne disposerons pas de tant de véhicules législatifs que cela dans un avenir proche. Or la technologie avance et elle n’attend malheureusement pas la discussion parlementaire.
Nous vous proposons donc aujourd’hui d’amorcer une discussion qui a vocation à se poursuivre en commission mixte paritaire, puis le cas échéant en nouvelle lecture.
En ce qui concerne la 5G, il existe déjà des travaux dits de « bac à sable » et des expérimentations sont en cours.
Je m’engage personnellement à ce que vous soyez directement associés au dialogue de fond que nous engageons et à ce que des réponses précises soient apportées à vos interrogations.
L’absence d’adoption d’un tel amendement par la Haute Assemblée aurait des conséquences pour le moins paradoxales. D’une part, cela retarderait l’entrée en vigueur d’un dispositif qui me paraît essentiel par rapport à vos préoccupations de sécurité nationale. D’autre part, l’attente de l’adoption d’un tel dispositif juridique entretiendrait une incertitude pour les investissements des opérateurs, ainsi que pour ceux des fournisseurs d’équipements.
Vous savez qu’il existe aujourd’hui trois fournisseurs d’équipements : Ericsson, Huawei et Nokia. Ils ne sont pas tous au même niveau de maturité technologique et l’un des enjeux est de leur donner envie d’investir afin que nous puissions conserver notre souveraineté, lorsque nous devons choisir tel ou tel équipement. Le plus français de ces fournisseurs, si je peux me permettre de le dire ainsi, est Nokia, dont les laboratoires 5G sont situés en France, mais ce n’est pas nécessairement celui qui a la plus grande force de frappe en matière d’investissements et de recherche et développement.
Si ces fournisseurs ne connaissent pas le dispositif d’encadrement, ils peuvent s’interroger sur le niveau d’efforts à fournir. Or ces investissements sont nécessaires pour assurer la couverture numérique du territoire, et également parce que la 4G est un élément de fragilité.
J’insiste beaucoup sur la 5G qui, en tant que technologie de rupture, présente une fragilité potentielle pour notre souveraineté, mais le déploiement de la 4G et tout ce que nous faisons pour le New Deal conduisent à équiper de manière très importante tout le territoire et nous devons donc rester très vigilants sur l’ensemble de ces équipements.
Bien entendu, le Gouvernement maintiendra son attention et soumettra de nouveau le projet au Parlement, mais nous savons tous combien notre temps est précieux et limité. C’est pourquoi je vous invite à nous soutenir dans cette démarche, en adoptant cet amendement.
M. le président. Le temps n’est pas si limité, puisque vous avez pris plus de six minutes pour présenter cet amendement…
Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, vous venez de nous exposer un sujet qui, à mon avis, dépasse largement le cadre d’un simple amendement…
Vous avez insisté, à juste titre, sur l’importance du sujet, qui est tout à fait stratégique, et c’est bien pour cela que nous avons besoin de temps pour approfondir la question et expertiser votre proposition. Or, vous le savez, nous n’avons pas disposé de ce temps.
La question des équipements et des réseaux est dans l’actualité depuis de longs mois, mais elle n’était pas inscrite dans le projet de loi initial du Gouvernement et elle n’a été abordée ni à l’Assemblée nationale ni par M. le ministre de l’économie et des finances, lorsqu’il est venu présenter ce texte devant notre commission spéciale. Nous n’avons donc pas pu l’intégrer dans le texte de la commission spéciale et cet amendement est arrivé sans préavis il y a à peu près deux semaines, au moment où nous amorcions l’examen du texte en séance publique.
Vous comprendrez donc que je n’ai pas pu faire mon travail habituel de rapporteur. Aucun d’entre nous n’a d’ailleurs pu faire son travail de parlementaire, alors que cette proposition soulève un certain nombre de questions. Il aurait au moins fallu que nous puissions auditionner les acteurs concernés : l’ARCEP, les opérateurs, les fournisseurs…
Or beaucoup de questions se posent et nous n’avons pas pu les aborder. Par exemple, les équipements actuels sont-ils touchés par ce dispositif d’autorisation ? Comment les choses se passeront-elles pour leur maintenance ? La restriction du champ de la concurrence aura-t-elle des conséquences sur les tarifs ? Est-ce que le fait d’avoir besoin d’une autorisation administrative supplémentaire ne va pas peser sur le déploiement de la 4G et le retarder ? Qu’en est-il également du rythme de déploiement de la 5G ?
Finalement, la commission spéciale a donné un avis défavorable, non pas sur la proposition en elle-même, mais au motif que nous n’avons pas pu l’étudier réellement. Il s’agit donc d’abord d’une question de forme.
Bien entendu, et compte tenu de l’importance du sujet, nous serons tout à fait disposés à débattre de cette question, lorsque vous trouverez une place opportune dans le calendrier législatif.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. En préambule, je voudrais dire de façon très claire que je suis extrêmement sensible au sujet, important, abordé par l’amendement du Gouvernement.
Cependant, il ne nous est pas possible d’apprécier la portée de cet amendement pour des questions de forme. Nous avons eu connaissance de ce projet gouvernemental par la presse il y a quelques jours seulement. L’amendement a été mis en ligne lundi dernier sur le site du Sénat, alors même que le droit d’amendement était déjà clos pour les sénateurs. C’est donc, en quelque sorte, tout ou rien !
Je m’étonne de cette précipitation et du fait que l’on demande au Sénat d’apporter son soutien de cette manière, d’autant que cette proposition peut, le cas échéant, entraîner de grandes perturbations dans le déploiement des réseaux. Vous avez évoqué le New Deal, de mon côté, je pourrais citer la loi ÉLAN, ce sont en tout cas des vecteurs qui ont permis d’accélérer la couverture 4G et je crains que cet amendement ne retarde ce mouvement.
Je m’étonne aussi qu’aucune étude d’impact n’ait été diligentée afin de mesurer les effets de cette proposition sur les investissements à venir, comme sur les matériels déjà installés.
De plus, dans son avis du 4 février dernier, l’ARCEP relève que la mesure proposée répond à l’objectif légitime de protection, de fiabilité, de sécurité et d’intégrité des réseaux de communications électroniques. Mais n’étant pas en mesure d’évaluer les risques encourus, l’Autorité se limite dans son avis à l’analyse des modalités de mise en œuvre de la mesure proposée et elle indique ensuite qu’il importera, en conséquence, dans la mise en œuvre de ce dispositif, d’une part, que les modalités soient les plus claires possible et, d’autre part, que les effets rétroactifs, même indirects, soient évalués.
Cette sagesse de l’Autorité me conforte dans l’idée qu’il est urgent d’engager un véritable débat et un travail parlementaire approfondi sur ce sujet capital.
Au cours de nos débats, Bruno Le Maire a évoqué plusieurs points, sur lesquels je voudrais revenir. En premier lieu, il a exprimé son respect du travail parlementaire. Alors, acceptez que le Parlement ait le temps de mener les travaux nécessaires pour prendre les bonnes décisions ! En second lieu, il a longuement insisté sur l’importance de la 5G pour la souveraineté nationale, notamment en ce qui concerne le véhicule connecté. Or, à ma connaissance, rien n’indique aujourd’hui que la 5G soit la base technologique choisie.
M. Patrick Chaize. Nous attendons d’ailleurs de connaître la position du Gouvernement sur ce sujet.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à ne pas voter cet amendement. Ce sujet mérite d’être débattu dans le cadre de l’examen d’un texte spécifique, qui devra de toute façon arriver, puisque nous aurons à transposer le code européen des communications électroniques.
M. David Assouline. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Patrick Chaize. La réouverture du guichet du plan France très haut débit constituera une autre occasion de travail législatif. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Je voudrais dire que la méthode est quelque peu détestable. Vous avez fort justement dit, madame la secrétaire d’État, que la technologie avance. Heureusement pour nous, elle n’avance pas depuis hier soir ou lundi dernier !
D’ailleurs, le Sénat a publié en 2012 un rapport d’information La cyberdéfense : un enjeu mondial, une priorité nationale, qui préconisait des mesures rigoureuses et précises pour renforcer la protection de la France contre les cyberattaques. Il proposait d’interdire, sur le territoire national et à l’échelle européenne, le déploiement et l’utilisation de routeurs et de certains autres équipements, en particulier ceux d’origine chinoise – vous y avez fait référence, madame la secrétaire d’État, dans votre présentation.
En même temps, vous nous placez par cet amendement devant un fait accompli. Or il faut avoir parfaitement conscience des questions et des intérêts qui sont en jeu – notre collègue Chaize l’a rappelé fort justement –, en particulier dans le contexte d’un monde qui est troublé.
Le groupe socialiste et républicain regrette, comme Mme le rapporteur et les différents intervenants qui viennent de s’exprimer, une certaine légèreté dans le dépôt de cet amendement, par ailleurs extrêmement tardif, d’autant que, si les intentions du Gouvernement, que nous pouvons partager, pour renforcer la sécurité des systèmes d’information doivent être soutenues, un certain nombre de questions se posent.
Je ne reviens pas sur l’absence d’étude d’impact. En outre, l’Europe semble s’être emparée de ce dossier. Mais quelle est sa position ? Quelles sont les orientations et les échéances d’une éventuelle évolution de ce dossier à l’échelle européenne ?
Par ailleurs, l’amendement prévoit que c’est le pouvoir réglementaire qui arrêtera la liste des équipements qui seront soumis à autorisation préalable. L’ARCEP donnera-t-elle un avis sur cette liste ?
Bref, je pourrais, mais je n’en aurai pas le temps, multiplier les questions qui se posent et qui font qu’il nous est extrêmement difficile, même si nous partageons l’idée qu’il s’agit d’un enjeu important, d’avoir une autre position que celle défendue par nos collègues.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Comme tout le monde, j’ai été quelque peu surpris, d’autant que, il y a deux semaines, j’ai interrogé, en commission des affaires étrangères et de la défense, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la position de la France à l’égard de Huawei, en particulier en ce qui concerne le déploiement de la 5G. En effet, nous avions appris peu de temps auparavant que le Royaume-Uni et l’Allemagne avaient pris des décisions pour refuser cet équipementier. Je n’ai pas eu de réponse et – hop ! –, deux ou trois jours plus tard, nous apprenions le dépôt de cet amendement.
Maintenant, vous nous dites qu’il ne concerne pas un équipementier en particulier. J’ai bien noté vos précautions oratoires…
Je me réjouis que le Gouvernement soit réactif dans ce domaine et tente de faire quelque chose. J’ai bien compris que vous aviez envie d’avancer, puisque vous avez parlé de revenir en commission mixte paritaire pour faire encore évoluer votre proposition.
Pour être très honnête, c’est la première fois, depuis que je suis élu, que j’entends dire que le Gouvernement dépose un amendement d’appel. (Sourires sur différentes travées.) C’est un nouveau concept… J’ai entendu cette expression pour des amendements déposés par des parlementaires, mais pour un amendement du Gouvernement, c’est la première fois. Je salue cette approche !
J’ai envie d’être positif et de vous aider à avancer. J’ai bien compris que le texte était imparfait. C’est la raison pour laquelle, même si je comprends la position de la commission spéciale et de mes collègues et que j’approuve leur souci de respecter un certain formalisme – mon collègue Chaize l’a exprimé très justement –, j’ai quand même envie d’avancer le plus vite possible dans ce domaine.
C’est pourquoi, à titre d’encouragement pour cet amendement d’appel, même si je pense qu’il a peu de chance de prospérer, je le voterai.