Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. De nombreux articles de ce projet de loi, de la suppression des centres de formalités des entreprises, les CFE, à celle du stage préalable à l’installation, auront pour effet de déstabiliser le réseau consulaire, lequel assure pourtant un service public réparti sur l’ensemble du territoire national dans un souci d’égalité de tous nos concitoyens.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, les chambres consulaires existent depuis le XVIe siècle, elles font partie de notre culture et sont véritablement utiles en matière de formation comme de conseil aux entreprises. Vous nous dites qu’elles doivent se réinventer, mais c’est leur asphyxie que vous organisez aujourd’hui.
En effet, vous ne cessez de réduire leurs moyens : près de 400 millions d’euros de ressources publiques en moins d’ici à 2022, une baisse qui entraînera la suppression de près de 2 500 équivalents temps plein, mais aussi la régionalisation des chambres de commerce et d’industrie, les CCI, et donc leur éloignement. Pourtant, c’est une politique d’accompagnement fine de l’ensemble du territoire qu’il faudrait privilégier.
Comme le rappelait justement André Chassaigne à l’Assemblée nationale, dans nos territoires ruraux ou dans les petits bassins industriels, les CCI constituaient un véritable levier de développement économique en raison de leurs liens avec la société civile et les élus. Elles avaient un rôle de proximité déterminant.
Or aujourd’hui, de réforme en réforme, coupe budgétaire après coupe budgétaire, elles n’ont plus les moyens de remplir cette fonction pourtant indispensable pour un territoire, mais aussi, et surtout, pour les petites et moyennes entreprises. Outil d’accompagnement des entreprises, de leur installation, de la formation de leurs personnels, de leur expansion, elles seront finalement transformées en simple guichet.
Les PME perdent ainsi petit à petit, décennie après décennie, des accompagnateurs déterminants pour leur activité. Ne nous y trompons pas, avec les dispositions des articles 13 et suivants, les chambres de commerce et d’industrie de certains territoires vont disparaître.
À force de prôner une répartition équilibrée des acteurs économiques sur nos territoires par la mutualisation des moyens et de penser que l’échelon régional, toujours plus éloigné, est le plus pertinent pour organiser cette mutualisation, vous dépouillez les territoires les plus fragiles et vous en faites des territoires abandonnés de la République. Cela n’est pas acceptable.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 204 est présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 365 est présenté par Mme Espagnac, MM. M. Bourquin et Tourenne, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, MM. Kanner, Antiste et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran et Fichet, Mme Préville, MM. Cabanel et Montaugé, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guillaume Gontard pour présenter l’amendement n° 204.
M. Guillaume Gontard. Outre les arguments qui viennent d’être exposés, l’article 13 présente deux dispositions supplémentaires qui justifient sa suppression : la libéralisation introduite par le recours à un personnel de droit privé et la redéfinition de la mission des CCI dans une optique concurrentielle.
Nous pensons tout d’abord que le type d’accompagnement économique assuré par les CCI exige du personnel présent dans la durée. Or le statut de droit public garantit précisément la présence au sein des structures d’un personnel pérenne, qui connaît le territoire, ses chefs d’entreprise, ses leviers de développement. Voilà pourquoi il s’agit bien d’efficacité.
Ensuite, loin de rationaliser le réseau consulaire au service des entreprises de l’ensemble de notre territoire dans ses différentes réalités, cet article se limite à gérer la pénurie des ressources allouées à ce réseau en prévoyant une réduction des missions des chambres consulaires, une réorganisation dans les territoires et un vaste plan social.
En effet, alors qu’est prévue une réduction de 400 millions d’euros du budget du réseau d’ici à 2022, les ressources fiscales ont baissé de plus de 40 % depuis 2013. Il s’agit donc d’inciter les CCI à se financer elles-mêmes en vendant des produits sur des marchés concurrentiels.
Cela ne correspond pas à notre vision d’un véritable accompagnement des PME.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 365.
M. Jean-Louis Tourenne. L’article 13 va fortement modifier l’organisation du réseau des chambres de commerce et d’industrie. On peut citer, notamment, les mesures qui visent au développement de l’activité des CCI dans le champ concurrentiel et l’obligation de recrutement de salariés de droit privé.
Cette réforme est guidée par le désengagement de l’État et l’urgente nécessité de trouver d’autres moyens pour faire vivre les CCI, fortement affaiblies par une réduction importante de leurs ressources, alors qu’une diminution de 400 millions d’euros de crédits sur quatre ans va leur être imposée. Ce n’est pas la première fois que l’on baisse ces crédits, mais on est arrivé à l’os et, après les mesures d’assainissement, le temps était venu d’arrêter.
Se pose par ailleurs la question d’une réelle péréquation au bénéfice des CCI territoriales implantées dans des départements ruraux.
Pour ces CCI rurales, la taxe affectée représente une part très importante des ressources : jusqu’à 65 %. Il leur sera donc très difficile de basculer vers un financement par prestations. Sans un système de péréquation efficace, ces CCI risquent à terme de disparaître.
Le projet de loi ne prend pas suffisamment en compte les besoins des très petites entreprises, les TPE, sur les territoires fragiles, aussi bien dans le rural que dans les quartiers de la politique de la ville.
Cette réforme se fait donc avant tout au détriment des CCI rurales dont l’existence même se trouve menacée à très court terme, ce qui est un très mauvais signal au regard des événements des derniers mois. Il est plus que jamais nécessaire d’apporter des réponses locales au plus près des territoires en termes de formation, d’accompagnement et d’emploi.
Cette réforme voulue par le Gouvernement ne s’accompagnant d’aucune garantie pour l’avenir des CCI rurales, cet amendement vise à supprimer l’article 13.
Monsieur le ministre, vous vous trompez d’orientation. Comme pour les chambres de métiers, votre ambition semble être de régionaliser et d’éloigner des utilisateurs les organismes qui peuvent les accompagner, les aider et les orienter.
Il nous faut au contraire renforcer tout ce qui fait des départements des territoires vivants, animés et qui peuvent rendre des services attendus tant par les particuliers que par les entreprises. Je vous invite à changer d’orientation et à vous tourner vers une autre politique, plus départementalisée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Adnot. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La modification du réseau des CCI est indispensable en raison des coupes sévères intervenues depuis les dernières années dans son financement public.
Le Sénat s’est opposé à ces baisses, mais il faut préserver l’action des CCI en faveur des entreprises. Notre commission spéciale s’est d’ailleurs efforcée d’assurer l’effectivité des dispositifs du projet de loi.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je voudrais remercier le Sénat pour la qualité des échanges que nous avons eus sur les CCI. Sur d’autres questions, nous avons été en désaccord, mais sur ce sujet, un travail extrêmement constructif a été mené, aboutissant à un texte de compromis qui me paraît bien meilleur, sur des points stratégiques pour les salariés des CCI, que le texte issu de l’Assemblée nationale.
Un mot sur la philosophie de cette réforme : celle-ci ne vise pas du tout à faire disparaître les CCI, lesquelles savaient parfaitement qu’elles étaient en train de mourir à petit feu. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Elles meurent parce que vous les avez privées d’argent !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne fais que reprendre les mots des présidents des CCI ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Monsieur Gremillet, vous êtes un élu du territoire et m’avez reproché, au début de votre intervention, de ne pas connaître le terrain, mais je suis un élu de terrain autant que vous, pardon de le dire ! Il n’y a pas de contestation de la légitimité des élus au regard du terrain.
Nous connaissons les CCI et il se trouve que les présidents de CCI n’ont cessé de me dire que, depuis des années, on était en train de les tuer à petit feu – je le répète, parce que ce sont leurs mots –, qu’ils savaient parfaitement que, année après année, on coupait dans la taxe affectée, ce qui était une façon d’organiser, lentement mais sûrement et sans courage, la disparition des CCI.
Je maintiens chacun des mots que j’ai prononcés, qu’ils plaisent ou non : j’ai voulu mettre un terme à cette manière de traiter les chambres consulaires qui appartiennent depuis plusieurs siècles à notre histoire économique et auxquelles je suis attaché.
Nous avons cherché à refonder leur système de financement. La taxe affectée a été réduite depuis dix ans de manière continue, par tous les gouvernements successifs, nous avons préféré construire d’autres modalités de financement, notamment par des prestations financées.
Je rends un hommage appuyé à tous les présidents de CCI que j’ai reçus à plusieurs reprises, soit en assemblée générale, soit séparément sur les territoires. Jacques Mézard n’est pas là ce soir, mais il avait lui-même tenu à organiser des réunions avec les présidents des CCI les plus reculées, celles que l’on ne peut atteindre qu’après plusieurs heures de transport parce qu’il n’y a pas de liaison directe, afin de leur apporter des réponses.
Tous, je dis bien tous, ont joué le jeu de cette transformation en disant : « À terme, nous en sortirons plus forts. »
Ils avaient toutefois émis deux demandes auxquelles vous avez répondu, c’est pourquoi je vous remercie du travail réalisé. Inutile donc de vous manifester ainsi alors que je vous remercie !
M. Daniel Gremillet. On s’est beaucoup moqué de nous !
M. Jean-François Husson. Maintenant, nous nous méfions !
M. Bruno Le Maire, ministre. Cessez donc, cela ne sert à rien…
La première de ces demandes était le rétablissement du seuil minimal d’activités consulaires.
Mme Sophie Primas. Bien sûr !
M. Bruno Le Maire, ministre. Vous l’avez fait, je vous rends hommage et je vous en remercie. Je voudrais également remercier Jacques Mézard, parce que, lorsqu’il était chargé des territoires au Gouvernement, c’est lui qui m’avait alerté sur la situation des CCI dans les zones rurales les plus reculées et sur la nécessité absolue de rétablir un seuil minimal d’activités consulaires pour les chambres appartenant des territoires à 70 % en zone de revitalisation rurale. Cela me semble constituer une amélioration significative du texte issu de l’Assemblée nationale.
La deuxième demande des CCI est stratégique et nous a demandé des semaines et des semaines de négociations. Les CCI nous ont dit qu’elles acceptaient de bénéficier d’un système de financement différent, qu’elles considéraient même que c’était mieux pour elles, car cela allait leur permettre de se développer. Elles avaient toutefois une exigence : faire passer les personnels d’un statut public à un statut privé.
Le problème résidait dans l’absence d’assurance chômage. Passer d’un statut public à un statut privé sans bénéficier de l’assurance chômage pose évidemment un problème majeur de protection. Vous avez introduit dans le texte la possibilité d’affiliation de tous les salariés des CCI au régime général d’assurance chômage. Selon moi, c’est la clé du succès de cette transformation.
Je suis convaincu que cette évolution va permettre à la réforme de réussir, parce qu’elle donne des garanties aux agents des CCI, tout en permettant à leurs présidents de gérer de manière plus souple leur personnel.
Enfin, j’en viens à la question de la régionalisation, sur laquelle je souhaite qu’il n’y ait aucune ambiguïté. Monsieur Tourenne, nous ne régionalisons pas. Après des mois de discussion avec les CCI, nous nous sommes rangés à leurs demandes, nous n’imposons pas les choses brutalement. Les CCI ne voulaient pas de régionalisation, à deux exceptions près : les Hauts-de-France et l’Île-de-France. Nous avons accepté et fait du sur-mesure.
Si les autres CCI décident de conserver une organisation avec une CCI régionale et des CCI territoriales, elles la conservent, cela ne me pose absolument aucune difficulté.
Je le répète donc, grâce au travail des sénateurs et de la commission spéciale, et je rends hommage à Mme la rapporteur, ce texte va nous permettre de donner de la visibilité aux CCI, de soutenir les plus rurales d’entre elles, de permettre aux agents d’être sécurisés quant à leur avenir professionnel et de laisser aux CCI la liberté de s’organiser comme elles le souhaitent.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. J’ai déjà eu l’occasion, monsieur le ministre, de vous dire mon admiration pour la façon vertueuse dont vous annoncez les choses, même si les desseins ne correspondent pas toujours au discours.
Il est vrai que, pendant un certain temps, les CCI ont été amenées à faire des efforts, comme tout le monde, comme les communes, comme l’État. Compte tenu de leur situation financière, des réserves dont elles disposaient, il était normal qu’elles participent à l’effort national. Arrive le moment où il faut que cela s’arrête.
Vous nous dites qu’elles sont d’accord. Nous ne fréquentons pas les mêmes cafés ou les mêmes CCI, parce que le président de la CCI de Rennes vous a écrit il y a un mois et m’a confié un double de la lettre. Vous n’avez pas répondu, c’est normal, vous n’avez pas eu le temps. Dans cette lettre, il ne vous dit pas du tout qu’il est satisfait : il vous fait part de ses craintes et de sa volonté de rester autonome.
Vous nous dites qu’il n’est pas question de régionalisation. Bien sûr ! Vous n’en avez pas l’intention, et, si vous l’aviez, vous ne le diriez pas comme cela. Pourtant, lorsque les CCI, comme les chambres des métiers, sont étranglées, de quelles possibilités disposent-elles ? Elles peuvent disparaître, comme vous l’avez dit, ou essayer de se regrouper et de mutualiser leurs moyens. Vous ne l’aurez pas fait, vous ne l’aurez peut-être même pas voulu, pas explicitement, au moins, mais elles seront régionalisées. La même chose va se produire pour les chambres des métiers.
Vous avez une façon de négocier et de considérer que les gens sont satisfaits qui m’étonne toujours un peu. Cela était déjà le cas avec les communes. Vous leur aviez dit : c’est 1,2 % ou vous vous exposerez à des conséquences extrêmement graves, avant d’annoncer que 50 % ou 60 % ou 70 % des communes avaient signé. Évidemment, elles avaient le couteau sous la gorge et le pistolet sur la tempe, que vouliez-vous qu’elles fissent ?
Nous avons le choix entre deux attitudes : accepter ce que vous proposez parce qu’il n’y aurait pas d’autre moyen ou bien résister et dire qu’il faut que l’État assume les conséquences de ses actes. Je ne me rendrai pas complice d’une opération consistant, à terme, à désertifier les départements, à en faire des cellules mortes dans lesquelles on ne trouvera plus que le conseil départemental alors que toutes les décisions seront prises ailleurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.
Mme Gisèle Jourda. Mon intervention ira dans le même sens que celle de mon collègue Jean-Louis Tourenne, et je parle par expérience. L’Aude était un cas particulier : nous avions deux chambres de commerce et d’industrie. Par souci d’accompagnement, celles-ci ont récemment fusionné.
Lorsque la CCI de Carcassonne existait encore, nous avions le projet de créer un centre de formation d’apprentis, un CFA. Les coupes budgétaires impitoyables qu’a entraînées la diminution des ressources – puisque les CCI devaient contribuer à l’effort – ont empêché jusqu’à présent l’implantation de ce centre. Nous l’attendons depuis six ans.
Aujourd’hui, le montage qui nous est présenté va conduire à imposer une désertification aux départements. Auparavant, nous avions deux CCI et quatre antennes dans les différents cantons. Il ne reste plus qu’une seule CCI, à Narbonne, qui travaille énormément et pour laquelle je souhaite que les moyens soient conservés.
Il faut dire stop à certains dispositifs. Nous devons maintenir le réseau consulaire pour le faire jouer à plein et lui permettre de dispenser aux entreprises les conseils que celles-ci méritent de recevoir de la part de ces organismes dont on ne rappellera pas l’histoire !
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, vous m’avez un peu troublé en affirmant d’un ton très déterminé à propos de cette concertation avec les CCI que celles-ci avaient toutes accepté la réforme.
Je me suis permis de retrouver un courrier qui m’avait été adressé. Je voudrais d’ailleurs dire à mon collègue Tourenne, qui attend une réponse, que j’étais intervenu le 2 juillet 2018, mais que je n’ai reçu une réponse de M. le ministre que le 24 novembre 2018. Un certain temps de réflexion est nécessaire, c’est tout à fait normal, la préoccupation est grande.
Je vous lis le début de la lettre, monsieur le ministre, parce que je n’ai pas bien compris : « Monsieur le sénateur, vous connaissez les nombreuses activités de notre CCI au bénéfice de nos entreprises et de nos territoires. Nous avons d’ailleurs régulièrement l’occasion d’agir ensemble – merci ! – pour stimuler le développement économique et renforcer l’attractivité de la Marne et nous tenons à vous en remercier. » Jusqu’ici, tout va bien !
« Je dois cependant vous alerter sur la grave menace qui pèse sur les CCI, à laquelle notre établissement public départemental n’échappera pas, malgré ses nombreuses réussites.
« En effet, après avoir connu une perte de la moitié de nos ressources fiscales en cinq ans – là, on vous rejoint, monsieur le ministre –, le Gouvernement vient de nous annoncer que nous allons voir ces ressources une nouvelle fois divisées par deux dans les quatre ans qui viennent.
« Cette annonce a été faite au mépris des engagements de stabilité qui avaient été pris par le ministre Le Maire il n’y a même pas un an. »
Monsieur le ministre, vous voyez bien que les présidents de CCI se posent encore un certain nombre de questions et que la réalité n’est pas forcément aussi idyllique que le tableau que vous avez brossé.
Il est important que nos territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains, disposent encore de cette force de frappe que représentent les CCI, quand bien même il serait sans doute logique que leur mode d’action et de financement évolue. Elles restent déterminantes dans le soutien à nos territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je rejoins ce que vient de dire René-Paul Savary. J’ai rencontré la présidente de la CCI de la Corrèze et celle-ci s’inquiète effectivement beaucoup pour l’avenir, ne serait-ce que pour élaborer son budget dès cette année.
Monsieur le ministre, vous nous avez en quelque sorte rassurés concernant le maintien des CCI rurales. Il n’en demeure pas moins que leurs responsables sont très inquiets. Nos communautés de communes ont besoin des interventions des CCI.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. Je représente l’un des territoires les plus reculés – je trouve d’ailleurs que ce qualificatif n’est pas très agréable. Ce qui se passe là avec les chambres de commerce, c’est un peu ce qui se passe avec tous les services publics dans nos territoires ruraux : on dirait que vous prenez plaisir à les supprimer.
Certes, il faut qu’ils s’adaptent, mais il faut quand même laisser un peu d’espoir à nos commerçants et artisans, qui ont besoin de la chambre de commerce.
Il faudrait que vous vous demandiez pourquoi des gens ont manifesté.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Monsieur le ministre, vouloir orienter l’action des CCI vers le champ concurrentiel me semblerait une grave erreur. Il est vrai qu’elles peuvent, d’une certaine façon, fournir des prestations et leurs personnels sont tout à fait en capacité de mener ce type d’action. Néanmoins, il ne faut pas oublier que nos chambres de commerce conduisent aussi des actions d’intérêt général et des actions collectives – sensibilisation des entreprises à l’export, introduction de démarches qualité, sensibilisation, en particulier à l’heure actuelle, aux outils numériques et à la dématérialisation, face auxquels nos petites entreprises sont souvent complètement démunies.
Sans ces actions collectives, qui, d’une certaine façon, ne peuvent être financées que par les fonds propres des CCI, au plus près des territoires, au plus près des besoins des entreprises, il existe un risque d’affaiblissement de notre tissu industriel et de notre tissu d’entreprises, notamment en milieu rural.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Monsieur le ministre, je ne sais pas si, effectivement, les chambres de commerce ont volontairement et spontanément donné leur accord à cette proposition de regroupement telle qu’elle est préconisée. En revanche, ce dont je suis sûr, pour avoir rencontré un grand nombre de représentants des chambres de métiers, notamment le président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat, l’APCMA, c’est que les chambres de métiers ont majoritairement – pas unanimement, certes – donné leur accord à cette proposition de regroupement au niveau régional.
En tout état de cause, cet accord a été donné en raison des difficultés financières auxquelles elles sont actuellement confrontées. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ne se sont pas mises spontanément et volontairement dans cette situation. Vous le savez bien, monsieur le ministre.
Si elles se fédèrent ainsi au niveau régional, il faut à tout prix éviter que cette opération se fasse au détriment de l’échelon de proximité et de l’échelon départemental. Tout à l’heure, nous examinerons des amendements visant précisément à préserver ce lien de proximité avec les chambres départementales de métiers – ou interdépartementales, dans le cas de la chambre de métiers d’Alsace, qui recouvre les deux départements. Il est absolument indispensable que cet élément de proximité perdure.
Les chambres de métiers et les chambres de commerce, cela a été dit ici, ont cet avantage de savoir répondre aux besoins de leurs ressortissants et leur enlever cette possibilité serait vraiment une erreur.
La prière que je me permets d’adresser, c’est que ces futures chambres régionales de métiers et chambres régionales de commerce, qui sont déjà une réalité, préservent un fort lien de proximité. Pour moi, cela passe obligatoirement par l’attribution de la personnalité morale aux chambres départementales – ou interdépartementales, pour ce qui concerne l’Alsace – de métiers ou de commerce.
La constitution de ces chambres régionales de métiers et de commerce est pour moi un crève-cœur, parce que je suis résolument hostile à ces grandes régions qui ont fait perdre son âme à notre belle France. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Valérie Létard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Voici la réponse qu’a faite la CCI du Lot, mon département.
« Le projet de loi PACTE va fortement modifier l’organisation du réseau des chambres de commerce et d’industrie. Les CCI connaîtront une réduction importante de leurs ressources, qui pose la question d’une réelle péréquation au bénéfice des CCI territoriales implantées dans des départements ruraux.
« Les CCI rurales, si elles ne bénéficient pas d’un système de financement minimal spécifique, nécessaire au maintien de leurs activités d’appui et de soutien des entreprises, ne survivront pas à ces nouvelles réformes.
« Ce projet est un pas de plus vers un risque de régionalisation du réseau des CCI et la mort annoncée des actions de soutien adaptées aux territoires les plus fragiles.
« Les CCI territoriales rurales restent encore une fois les plus fragiles et les plus dépendantes de la ressource fiscale. »
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 204 et 365.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)