Mme Sophie Primas. Il faut fermer les usines automobiles, alors !
M. Guillaume Gontard. Le courage politique a permis d’adopter une interdiction, des solutions ont été trouvées et nous nous en sommes sortis. Et je ne parle pas de l’amiante ou d’autres dossiers de ce type.
Il faut que nous trouvions ce courage, à la fois pour nous-mêmes, mais aussi pour nos enfants et pour l’ensemble de la population. Quand on boit un verre d’eau, on ingurgite je ne sais combien de matières plastiques ! Quand on mange du poisson, on ingurgite 11 000 ingrédients de plastique par an.
Il faut savoir dire : stop ! C’est notre responsabilité.
On peut toujours repousser les décisions et laisser du temps aux entreprises pour espérer faire mieux plus tard, mais nombre d’entre elles ont déjà avancé sur ces questions et innovent. Je travaille par exemple avec la filière du chanvre, qui commence à fabriquer des bioplastiques, destinés notamment aux tableaux de bord de voitures.
Des solutions existent et nous devons prendre la décision politique d’avancer. Il faut passer à autre chose et ne plus laisser de produits en plastique sur nos tables. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Joël Labbé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Je crois que nous sommes globalement d’accord sur l’objectif. Nous débattons finalement du délai à accorder. Aurons-nous suffisamment de bon sens pour permettre à une filière industrielle de s’adapter ? Comme le disait la présidente de la commission des affaires économiques, nous avons reçu ce matin le président de France Industrie et nous avons eu le même débat.
Je me poserai une première série de questions. Il existe une filière de la plasturgie en France. A-t-elle été consultée, interrogée sur les évolutions en cours ? Il serait étonnant qu’elle ne l’eût pas été ! Un lien a-t-il été fait avec la question de la responsabilité élargie des producteurs, la REP ? Nous sommes-nous donné un peu de temps pour élaborer un objectif cohérent et faire en sorte que l’industrie française ne soit pas pénalisée ?
Je rejoins les observations faites par Alain Chatillon pour ma seconde série de questions. Avons-nous évité de sur-transposer, une nouvelle fois, le droit européen ? Ne serait-il pas préférable de se battre dans les instances européennes sur le projet de directive pour aboutir à une position équilibrée ?
Nous sommes globalement d’accord sur les objectifs, mais nous devons donner un peu de temps à nos industriels pour qu’ils s’adaptent. Je voterai donc tout naturellement le sous-amendement déposé par M. Cardoux. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Fabien Gay s’étonnait d’une éventuelle différence de traitement entre les sujets que nous abordons. Il n’en est rien !
Dès lors qu’un texte évoque la croissance et la transformation des entreprises, il ne me paraît pas anormal qu’une majorité de sénateurs qui mettent en doute une disposition adoptée antérieurement parce qu’elle aurait un impact économique sur des filières industrielles veuillent la remettre en cause. C’est le sens de ce que proposent les auteurs de ces amendements et sous-amendements. Ils estiment que certaines décisions prises précédemment ne sont pas conformes à l’objectif de développement de l’emploi dans notre pays, ce qui est bien la finalité du présent texte.
En ce qui concerne l’article 57 qui a été évoqué et qui traite de l’épargne salariale, il est vrai que des amendements du groupe CRCE devraient être déclarés irrecevables par la commission, parce qu’ils concernent des sujets qui n’ont pas de lien avec cet article, comme le SMIC ou les procédures de licenciement. Un amendement doit avoir un lien avec le texte, il faut donc qu’une grande majorité d’entre nous estime qu’il a une incidence importante sur l’économie de notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour explication de vote.
M. Frédéric Marchand. Nous le constatons, ce sujet est passionnant autant que passionné. Chacun détient une part de vérité, la question fondamentale étant de savoir comment articuler transition écologique et impératifs économiques.
La date du 1er janvier 2021, qui est proposée dans l’amendement n° 777 rectifié, ne tombe pas du camion ; elle est inscrite dans une décision historique de l’Union européenne, qui a fait l’objet d’un accord en trilogue et pour laquelle la France a joué un rôle éminemment important.
Mes chers collègues, cette date résulte aussi d’une relation permanente avec les entreprises concernées. Nous avons la chance de bénéficier dans notre pays d’un tissu de petites et moyennes entreprises et d’entreprises de taille intermédiaire qui, dans le domaine du plastique, constituent une filière particulièrement innovante. Quand vous discutez avec ces entreprises, ce qui est mon cas dans le département du Nord, elles disent qu’elles seront prêtes pour le 1er janvier 2021, mais pas pour 2020.
Le sous-amendement de M. Cardoux, que je peux comprendre, tend à répondre à une problématique tout à fait particulière, celle des couverts en plastique, notamment ceux qui sont utilisés par une grande compagnie aérienne nationale. Il est vrai que l’entreprise qui fabrique ces produits fait preuve d’excellence dans ce domaine, mais ce sujet est véritablement spécifique, puisque dans l’aviation les couverts sont à usage unique, qu’ils nécessitent un compostage industriel et qu’ils doivent même, conformément à certaines directives – je pense à l’affaire de la vache folle – être incinérés.
Enfin, je rappelle que l’amendement n° 777 rectifié exclut tout ce qui a trait aux cantines, en ce qui concerne l’utilisation des plastiques, qu’il s’agisse de la réchauffe ou du service. Ainsi, nous donnons du temps aux collectivités pour qu’elles s’adaptent.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je voterai le sous-amendement déposé par M. Cardoux, mais dans cette affaire, j’ai plus d’interrogations que de certitudes. Je demande le droit au doute, non pas sur ce sous-amendement, mais sur la manière dont nous abordons le problème.
D’abord, le mot « transition » a un sens : il s’agit de gérer un changement de système dans le temps, sans brutalité. Ce sous-amendement est donc tout à fait dans cet esprit.
Ma première interrogation porte sur la manière de traiter les problèmes liés au plastique. Je ne vais pas refaire le débat de la loi ÉGALIM, mais il me paraît évident que la prolifération du plastique peut être néfaste pour la santé et pour l’environnement. Ce n’est pas tant la fabrication que la collecte et le recyclage de ce produit qui est problématique, en tout cas plus que pour d’autres matériaux recyclables.
Sur le fond également, s’agissant de la production, je me suis toujours demandé s’il était préférable, pour fabriquer du plastique, d’utiliser des sous-produits pétroliers plutôt que de cultiver des dizaines, des centaines, voire des milliers d’hectares pour produire du maïs, le substitut actuel au polyéthylène étant un produit fait à base d’amidon de maïs. Sur le plan écologique, vous conviendrez qu’il y a matière à s’interroger, car je n’ai aucune certitude sur l’avantage qu’il y aurait à utiliser certaines cultures très consommatrices d’eau plutôt que des sous-produits, qui, de toute façon, existent, tant que l’essence et le gasoil ne sont pas interdits… Ce sujet mérite une réflexion.
Ma seconde interrogation, dans la lignée de ce que vient de dire Michel Canevet, concerne la mise en œuvre des irrecevabilités de l’article 45 de la Constitution. Je n’ai pas de certitudes non plus en la matière, mais il me semble, soit dit sans vouloir venir au secours de M. Gay, qui est capable de se défendre tout seul, qu’un certain nombre d’amendements déclarés irrecevables, notamment relatifs à la rémunération des dirigeants, peuvent avoir une incidence sur le calcul de l’intéressement, donc ne sont pas sans lien avec le texte. D’autres amendements visant la commande publique ont été également jugés irrecevables à ce titre, alors que ce thème est abordé par le présent projet de loi de manière très précise, sous l’angle de la dématérialisation et des avances. Pourquoi rejeter ces amendements, qui ont pour ambition d’améliorer les processus de commande publique ?
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les arguments pour la suppression des rejets de matières plastiques dans notre environnement, en particulier dans la mer.
Dans le même temps, ai-je envie de dire, je représente dans cette enceinte un territoire où des entreprises seront directement affectées par ces mesures. Il s’agit d’entreprises dynamiques qui sont prêtes à une reconversion vers des activités sous d’autres formes, mais les transitions industrielles demandent du temps. Un changement trop brutal pourrait faire disparaître des activités dans des régions où le chômage est déjà très élevé.
Je suis donc favorable à des amendements visant à aligner le calendrier d’application de l’interdiction en France sur celui des autres pays d’Europe, de façon à ne pas créer de distorsion de concurrence.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Il faut bien avoir en tête ce qu’a dit M. Chatillon : actuellement, en France, nous avons à peu près 13 % d’emplois industriels, contre 26 % en Allemagne. Or c’est grâce à l’emploi industriel que nous arriverons à résoudre nos problèmes de dette et de santé.
Ce sous-amendement a un objet très modeste. Il faut donner des orientations, mais savoir rester raisonnable. C’est le même problème que pour la transition énergétique. En Pologne, où s’est d’ailleurs déroulée la COP24 dernièrement, il faut savoir que 85 % de la production électrique se fait à partir du charbon. En France, on fait toute une histoire pour quatre centrales à charbon. Je ne dis pas qu’il ne faut pas les fermer, mais je pense qu’il faut le faire avec raison. Pour les productions à base de plastique, c’est la même chose.
L’adoption du sous-amendement n° 944 rectifié de M. Cardoux, en donnant des délais aux entreprises, laissera le temps à la recherche de trouver la façon de biodégrader ces matériaux, tout en développant l’emploi. À trop vouloir laver plus blanc que blanc, les entreprises d’autres pays de l’Union, voire de pays extérieurs, produiront à notre place, tandis que nous aurons perdu des emplois.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Au terme de ce débat, je tiens à dire essentiellement deux choses.
Tout d’abord, sur la question de la recevabilité, je vous fais remarquer, mes chers collègues, que le titre du projet de loi contient les termes « croissance » et « transformation des entreprises ». Avec ces amendements, nous parlons non pas d’une ou de quelques entreprises, mais bien de toute une filière industrielle, comme l’ont dit à tour de rôle bon nombre d’entre vous. Nous attachons de l’importance à ce sujet, car il s’agit de défendre une filière industrielle, installée dans tous nos territoires, avec des milliers d’emplois à la clé. Je revendique donc la recevabilité de ces amendements.
Ensuite, s’agissant des produits, c’est non pas leur interdiction qui est en cause, mais la brutalité de celle-ci. Comment imaginer que des entreprises, qui ont investi pendant des années dans des process extrêmement lourds, vont pouvoir en deux ou trois ans transformer complètement leur production ? Cela n’est pas possible. Il faut leur donner du temps, comme l’ont dit certains.
Je vous rappelle que, il n’y a pas si longtemps, dans cet hémicycle, nous avons débattu du projet de loi relatif aux hydrocarbures. Quand il a fallu décider – en fait, c’est le Gouvernement qui a décidé – à quel moment il n’y aurait plus de production d’hydrocarbures en France, nous avons retenu la date de 2040. Nous sommes donc loin des propositions faites par la Commission européenne dans la directive, qui parle de 2020 ou de 2021. Il me semble que nous nous sommes exprimés avec bon sens, les uns et les autres, pour la défense de la filière industrielle du plastique, convaincus que nous sommes de la nécessité de lui laisser du temps pour se transformer. Telle est la finalité de l’amendement que j’ai présenté au nom de la commission spéciale, et du sous-amendement de M. Cardoux, que nous soutenons.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Il s’agit là d’un problème, appelons les choses par leur nom, de pollution. Nous devons bel et bien réaliser une transition écologique et énergétique, mais, en l’occurrence, je le répète, nous parlons d’un problème de pollution, tout simplement.
Les déchets plastiques finissent dans les océans, et nos océans meurent. Nous assistons littéralement à la mort des poissons, des oiseaux et de tout le vivant. Nous n’avons plus le temps d’attendre ; nous n’avons déjà que trop attendu.
Il n’y a pas que les déchets visibles, le plus souvent un sac plastique qui flotte sur la mer. Les bouts de plastique sont de plus en plus petits. Si vous ne me croyez pas, je vous conseille, la prochaine fois que vous irez sur une plage, de vous pencher très près sur le sable et de regarder. (Mme Sophie Primas s’exclame.) Je l’ai fait moi-même et j’ai été effrayée de voir tous ces minuscules déchets en plastique, que l’on n’arrive même pas à prendre avec les doigts tellement ils sont petits. Il y a ceux que l’on voit à l’œil nu, mais il y en a d’encore plus petits, soit microscopiques, que l’on peut voir au microscope, soit nanoscopiques, que l’on ne peut même pas voir avec un microscope. Et l’on retrouve maintenant ces déchets dans tout le vivant, c’est-à-dire dans les poissons, dans les méduses, et certainement, dans nos propres corps.
S’il n’y a pas urgence en l’espèce, alors, je ne sais plus ce que signifie ce mot. Tout le monde sait depuis longtemps qu’il est urgent d’agir. Les entreprises ont eu suffisamment de temps, à mon sens, pour réagir. Certaines l’ont d’ailleurs fait.
Les plastiques, pour la plupart, ne sont pas recyclés pour l’instant. De toute façon, je pense que le recyclage posera un réel problème à l’avenir.
En responsabilité, je ne voterai pas ces amendements. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Il est urgent que l’on mette un terme à ces pollutions. À mes yeux, un intérêt prime sur tous les autres ; il doit être vu comme une priorité. Ce problème nous concerne tous, puisqu’il y va de notre santé.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Pour lever toute ambiguïté, je veux préciser un point. Le projet de directive ne comprend pas d’article 22. Cette référence au nombre 22 vise un considérant qui prévoit une évaluation de ce texte de manière à aller plus loin dans les mesures préconisées. Ce projet de directive sera adopté en avril, ce qui reporte la mise en œuvre à 2021, comme c’est proposé non seulement dans l’amendement n° 777 rectifié, mais également dans l’amendement n° 932. Cette proposition nous paraît conforme à la directive. Il n’y a pas de souhait de sur-transposition.
Je précise également que l’article 5 du projet de directive indique que le champ d’interdiction renvoie à une liste en annexe B, qui comprend explicitement les couverts. Le sous-amendement n° 944 rectifié est donc techniquement contraire au texte précité.
M. Jean-François Husson. Non !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. S’agissant de l’aspect industriel, il est clair que la directive s’appliquera à tous les pays européens, dans un délai de vingt-quatre mois maximum. Il n’y a par conséquent pas de problème de compétitivité avec les autres pays européens. En revanche, vous avez raison, il y a un problème avec les pays extérieurs à l’Union européenne. C’est un sujet de politique industrielle dont, me semble-t-il, la prochaine Commission devra s’emparer. C’est très exactement le sens de la déclaration des Amis de l’industrie que nous avons faite le 18 décembre dernier, et qui a été signée par plus de vingt-trois pays, dont onze étaient représentés par un ministre.
Pour conclure, je vous le confirme, nous avançons main dans la main avec les industriels à travers les contrats de filière. Je vois d’ailleurs régulièrement M. Varin. Madame la rapporteur, vous avez évoqué ma visite à Limay, qui avait précisément pour objet de soutenir le contrat stratégique de filière « déchets ». Il faut transformer cette filière pour qu’elle en vienne à transformer des produits sortants en intrants pour de nouveaux procédés industriels. C’est tout l’enjeu de cette politique, qui doit nous permettre de créer des emplois industriels dans nos territoires.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 944 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.
Par ailleurs, l’amendement n° 777 rectifié, les sous-amendements nos 936, 935 et 934, l’amendement n° 120 rectifié bis, l’amendement n° 310 rectifié et le sous-amendement n° 921 n’ont plus d’objet.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 352 rectifié bis est présenté par MM. Marie et Daudigny.
L’amendement n° 708 rectifié bis est présenté par MM. Bizet, Danesi, Lefèvre, Chaize, Cuypers, Revet, de Nicolaÿ et Babary, Mmes A.M. Bertrand et Bonfanti-Dossat, MM. Brisson, Cambon et Charon, Mmes Deromedi et Dumas, MM. Huré et Karoutchi, Mme Lassarade, M. Le Gleut, Mme Morhet-Richaud, M. Sol, Mme Bruguière, M. Chatillon, Mme Gruny, MM. Laménie, Pellevat et Piednoir, Mme Ramond, MM. Vaspart, Daubresse, de Legge et Rapin, Mme Bories, MM. Gremillet, Poniatowski, Savary et Savin, Mme Boulay-Espéronnier, MM. J.M. Boyer et Duplomb, Mme Garriaud-Maylam et MM. Leleux et Pierre.
L’amendement n° 933 est présenté par Mme Lamure, au nom de la commission spéciale.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa du 2° du I de l’article 83 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous est supprimé.
La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 352 rectifié bis.
M. Didier Marie. Cet amendement s’inscrit dans la suite de la discussion que nous venons d’avoir, même si le sujet est différent.
Je ne suis pas de ceux qui souhaitent voir la transition écologique retardée, mais je pense, comme d’autres dans cet hémicycle, qu’il faut procéder avec méthode et organiser cette transition en tenant compte de son incidence sur les territoires et sur l’emploi. Comme le disait Jean-Pierre Sueur, je suis, certes, un élu de la Nation, mais je suis aussi un élu de mon département, et, à ce titre, je suis concerné par l’amendement que je vais défendre.
Ce dernier a pour objet de revenir sur un autre amendement, adopté par l’Assemblée nationale en seconde lecture du projet loi ÉGALIM, dont le vote a eu pour conséquence d’interdire la production, la commercialisation et le stockage de certains produits phytosanitaires, qui ne sont plus autorisés en Europe, mais qui sont commercialisés en dehors de celle-ci. La directive européenne qui régule ce secteur n’a pas décidé de revenir sur cette commercialisation à l’extérieur de l’Union européenne.
Cette mesure d’interdiction votée par l’Assemblée nationale, qui n’a pas été discutée avec les entreprises du secteur et n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact digne de ce nom, a des conséquences immédiates particulièrement lourdes : dix-neuf sites sont concernés en France ; 2 700 emplois directs sont menacés, et plusieurs milliers en amont et en aval de la filière.
C’est la raison pour laquelle je demande à revenir sur cette partie, minime au demeurant, de la loi ÉGALIM. Une discussion doit s’engager avec les entreprises du secteur, afin de pérenniser les emplois concernés. Il est bien évident que les pays qui utilisent ces produits n’hésiteront pas, en cas d’interdiction de la commercialisation en France, à aller les acheter chez nos voisins allemands, italiens et espagnols, qui continueront de les produire.
J’ajoute que la transition est en marche dans ce secteur. Il faut l’accompagner. Ces entreprises, notamment les plus importantes, se sont engagées dans la diversification de leurs productions et prévoient des investissements massifs dans l’agro-écologie, en particulier dans les techniques de biocontrôle. Nous devons leur laisser le temps de s’organiser en transformant les emplois pour les pérenniser. Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. René Danesi, pour présenter l’amendement n° 708 rectifié bis.
M. René Danesi. Cet amendement, qui a été cosigné par beaucoup de mes collègues, est identique à celui que vient de défendre, très bien d’ailleurs, Didier Marie. De nombreuses entreprises de l’agro-écologie sont concernées à travers toute la France. J’y insiste, 2 700 emplois sont menacés par un petit article de la loi ÉGALIM, qui prétend, lui aussi, laver plus blanc que blanc.
J’ajoute que l’interdiction ainsi opposée aux fabricants français sera strictement sans effet sur l’utilisation de ces produits dans les pays tiers, lesquels pourront s’approvisionner auprès d’autres industriels au sein de l’Union, conformément à la réglementation européenne.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur, pour présenter l’amendement n° 933.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. À l’instar des deux amendements identiques que mes collègues viennent de présenter, notre proposition a pour objet de revenir sur une disposition qui apparaît comme une sur-transposition du droit européen susceptible de mettre en péril l’équilibre économique de plusieurs sites de production français.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Ces amendements identiques visent à abroger l’interdiction de fabrication sur le territoire français de produits pharmaceutiques, dont l’usage n’est pas permis au sein de l’Union européenne, et destinés à être commercialisés dans des pays situés hors de l’Union, où leur utilisation est autorisée.
Il est vrai qu’un règlement européen encadre déjà très strictement l’exportation de tels produits. L’interdiction actuelle va au-delà.
Par ailleurs, en dépit de l’interdiction française, les pays de destination peuvent tout autant s’approvisionner auprès d’autres producteurs au sein de l’Union européenne ou dans des pays tiers, ce qui conduit à s’interroger sur cette mesure et son objet.
Vous le savez, le Gouvernement soutient l’objectif de réduction dans le monde de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques interdits à la consommation au sein de l’Union européenne. La question soulevée par le Sénat concernant l’emploi industriel – plus de 1 000 emplois directs et, potentiellement, jusqu’à 3 000 emplois au total – est néanmoins importante, et n’avait pas fait l’objet d’une étude d’impact lors de l’adoption de cette mesure à l’Assemblée nationale dans le cadre de la loi ÉGALIM. Dès lors, la discussion doit pouvoir se poursuivre sur cette mesure, afin d’en adapter la portée et les conséquences sur l’économie française.
Vous proposez l’abrogation de cette disposition ; je m’en remets à la sagesse du Sénat, dans l’attente d’échanges complémentaires lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Nous avions longuement discuté sur plusieurs amendements portant sur ce sujet et avions retenu le principe de l’interdiction de la commercialisation de produits interdits en France et en Europe.
C’est d’abord une question d’éthique. Nous estimons qu’il est nécessaire d’interdire ces produits sur nos territoires pour la protection de la santé de nos agriculteurs, de nos consommateurs, des jeunes générations, mais aussi pour le respect de l’environnement et de la biodiversité, qui est mise à mal. De quel droit permettrions-nous à nos entreprises de les vendre dans des pays tiers ?
C’est un sujet fort de politique ; il y va de notre exemplarité.
N’oublions quand même pas que près de 80 % de l’alimentation mondiale est produite par la petite agriculture familiale, qui n’utilise pas du tout de produits chimiques. Cette agriculture mérite d’être accompagnée vers l’agro-écologie. Il y a tout un travail à faire pour assurer la souveraineté alimentaire des pays tiers.
La proposition qui nous est soumise constitue une régression totale par rapport à la loi ÉGALIM. Et c’est une nouvelle régression. Nous avons évoqué le Conseil constitutionnel ; je pense qu’il y aurait beaucoup à dire sur sa décision.
Enfin, c’est une question de respect des textes que nous avons votés. Avec la loi sur la biodiversité, nous avons inscrit dans le code de l’environnement le principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment.
Je dois dire que je suis sidéré par ces amendements. Madame la secrétaire d’État, vous vous en êtes remise à la sagesse du Sénat. J’espère que notre assemblée sera à la hauteur de sa réputation.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. J’ai cosigné l’amendement qui a été parfaitement présenté par Didier Marie. Il est bien évident que je partage ses préoccupations et que je voterai cette proposition.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je comprends ce qu’ont dit Mme la rapporteur et Mme la secrétaire d’État ; j’entends également ce qu’a dit M. Labbé. J’en appelle à la logique : il serait cohérent que l’on interdise la vente de ces produits en dehors de l’Europe à tous les pays de l’Union européenne. En revanche, si leur fabrication est interdite seulement en France, mais que l’on peut les acquérir auprès de l’Espagne, de l’Italie et de l’Allemagne, il y a quelque chose qui ne va pas. Je suis pour l’Europe, à condition que ce soit toute l’Europe et que les règles s’appliquent à tout le monde dans les mêmes termes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Au risque d’allonger un peu les débats, je veux souligner que l’on est resté dans le même sujet. Une décision a été prise sans étude d’impact, sans étude du tout, et elle s’applique du jour au lendemain, mettant en péril un équilibre industriel.
Monsieur Labbé, je suis d’accord, il y a un côté amoral dans le fait de fabriquer des produits que l’on interdit sur notre propre territoire. Il faut accompagner cette décision, en laissant aux entreprises le temps de s’adapter. De surcroît, comme vient de le dire Jean-Pierre Sueur, cette décision doit être européenne.
Je suis très embêtée, mais je pense que la décision abrupte, violente, sans réflexion, qui a été prise dans le cadre de la loi ÉGALIM ne permet pas cette transition. Je le répète, on est dans le même sujet que précédemment. Il faut arrêter ce processus et donner du temps à l’industrie pour absorber cette difficulté.