M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective.
Mme Françoise Cartron, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur l’éminent président de la délégation à la prospective – quand nous avons choisi de travailler sur les mobilités du futur, nous ne pensions pas que la problématique serait à ce point d’actualité ! –, mes chers collègues, dans notre rapport, nous avons identifié cinq enjeux essentiels.
L’enjeu environnemental est important, puisque les transports en France contribuent à hauteur de 30 % à nos émissions de gaz à effet de serre. Décarboner nos déplacements, cela paraît incontournable, et ce cap est désormais fixé avec l’interdiction des moteurs thermiques à l’horizon 2040.
L’enjeu industriel est aussi fondamental. La chaîne de valeur se déplace, des constructeurs traditionnels vers les fournisseurs de services numériques, gestionnaires de données, ou encore fabricants de batteries, qui sont plutôt pour l’instant asiatiques ou américains. Une question se pose alors : va-t-on conserver une industrie des transports innovante en France et en Europe ?
L’enjeu pour les finances n’est pas mince, avec près de 45 milliards d’euros de dépenses publiques.
L’enjeu social est aussi prioritaire, l’absence de solution de mobilité frappant d’abord les plus vulnérables. Elle est facteur d’exclusion sociale et de frein à l’emploi, comme l’actualité en témoigne tous les jours.
Les mobilités numériques posent également la question de l’exclusion numérique : l’illectronisme touche 6 à 11 millions de Français et il existe encore dans nos territoires ruraux des zones blanches.
L’enjeu territorial, enfin, brièvement évoqué par ma collègue Michèle Vullien (Sourires.), me paraît évident : les mobilités relient nos territoires entre eux, mais surtout les femmes et les hommes entre eux.
Nous avons ensuite identifié trois critères qui influenceront les mobilités de demain.
Premièrement, s’agissant des dynamiques territoriales des activités économiques et de l’habitat, va-t-on vers une polarisation accrue des territoires autour des métropoles et une spécialisation toujours plus forte des espaces ? Va-t-on, à l’inverse, vers une meilleure distribution des activités sur les territoires ?
Deuxièmement, quel sera le coût des nouvelles mobilités et comment les financer ?
Troisièmement, quels seront le degré d’intervention de la puissance publique et la coordination des acteurs ?
Différentes combinaisons de ces critères dessinent des mobilités futures aux multiples visages : le pire, l’impensable serait le scénario des mobilités nouvelles pour les seuls territoires attractifs drainant les populations les plus favorisées.
Une conviction forgée lors des auditions est que le progrès en la matière vient de micro-initiatives sur le territoire, qu’il s’agisse du covoiturage, de l’autopartage, du transport à la demande ou des pistes cyclables.
Pour éviter de futures mobilités très excluantes, nous faisons donc plusieurs propositions.
Première exigence : ces politiques doivent faire l’objet d’un pilotage à deux niveaux.
Au niveau des collectivités – « agglo » et « interco » –, nous estimons nécessaire de disposer partout d’AOM à compétence large, qui ne laissent aucune zone blanche de mobilité, de renforcer les moyens en ingénierie des mobilités, de lever les freins réglementaires à l’innovation et d’associer davantage les citoyens aux décisions locales.
Au niveau de l’État, nous suggérons de préserver une capacité nationale d’investissement dans les infrastructures de transport, assise sur des ressources pérennes, et de mettre en place des dispositifs de soutien aux actions locales en faveur des nouvelles mobilités, en particulier pour les territoires les plus défavorisés.
Notre deuxième exigence porte sur l’intermodalité.
Nous préconisons de renforcer les alternatives à la voiture au-delà des cœurs d’agglomération, en veillant à assurer une desserte de qualité, en rapidité et en fréquence autour des zones denses et sur des plages horaires élargies, mais aussi en créant des pôles multimodaux permettant le rabattement des usagers pendulaires, notamment à travers des parcs relais, et en construisant pour les voyageurs des services d’information fiables et de très haut niveau.
Dernière exigence : ne pas subir des effets que nous n’aurions pas anticipés.
Imposons l’ouverture des données mobiles, gardons sur notre territoire les start-up innovantes, encourageons l’expérimentation et captons les fonds européens de soutien à l’innovation. Nous préconisons enfin d’adapter l’action publique aux pratiques innovantes de mobilité, par exemple en permettant dans certains cas aux particuliers de participer à ces services.
Parce que le progrès dans les mobilités, c’est aussi une nouvelle approche centrée sur les besoins des usagers, les débats à venir sur le projet de loi Mobilités seront l’occasion d’entrer plus dans le détail, avec des mesures législatives précises et concrètes. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe La République En Marche, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Didier Mandelli, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la délégation à la prospective, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable aura très prochainement l’importante tâche d’examiner le projet de loi d’orientation des mobilités, qui a été déposé par le Gouvernement au Sénat le 26 novembre dernier. Nous sommes bien sûr déjà au travail et je suis honoré de la confiance que la commission m’a témoignée en me nommant rapporteur. C’est en cette qualité que je voudrais vous dire quelques mots en cette fin d’après-midi. J’en profite pour excuser notre président Hervé Maurey, qui n’a pas pu être parmi nous en cette fin d’après-midi en raison de la présence du Président de la République dans son département pour un autre débat, un peu plus vaste.
Le thème de notre débat d’aujourd’hui – les mobilités du futur – est loin d’être sans lien avec les travaux que nous menons actuellement au sein de la commission.
Permettez-moi tout d’abord de saluer l’important travail de la délégation sénatoriale à la prospective ainsi que la qualité du rapport d’information qu’elle a publié en novembre dernier. Mais c’est aussi son rôle au sein de notre assemblée que je voudrais vanter. C’est en effet une grande chance pour nous de pouvoir compter sur les travaux de cette instance prospective qui, par nature, a le temps de se pencher et de réfléchir sur les défis du futur à 10, 15, 20 ans et au-delà, tandis que les commissions permanentes sont contraintes par les délais et les rythmes législatifs. Notre débat de cette fin d’après-midi, qui s’inscrit dans le contexte de l’examen très prochain du projet de loi d’orientation des mobilités, montre cette complémentarité.
Quatre des cinq rapporteurs de la délégation sont d’ailleurs des membres actifs de notre commission et participent avec une grande assiduité aux auditions que je conduis et que j’ai souhaité ouvrir à tous les membres de la commission, en y associant également notre collègue Françoise Gatel, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je souhaite également les remercier pour leur travail, qui nous sera précieux lorsque nous arriverons à la phase concrète d’examen du projet de loi.
Vous ne m’en voudrez donc pas de faire le lien, d’établir ce pont évident entre les réflexions prospectives de la délégation sur les nouvelles mobilités et le projet de loi d’orientation et de programmation que vous portez, madame la ministre, dans un contexte que l’actualité rend particulièrement sensible.
Nous serions complètement déconnectés si nous nous contentions en cette fin d’après-midi de parler de la maturation technologique des véhicules autonomes ou encore des innovations scientifiques des start-up en matière de systèmes de covoiturage sans les relier aux enjeux actuels. Certes, les grandes mutations en cours doivent être bien comprises pour nous permettre de construire des scénarios d’adaptation à horizon 10 ou 15 ans. Mais ce sont surtout nos choix d’aujourd’hui que ces mutations bien appréhendées doivent déterminer.
Le rapport de nos collègues identifie deux mutations principales, qui sont entremêlées.
La première est une véritable « révolution » des usages. Cette révolution recouvre des enjeux environnementaux – comment passer à des transports moins polluants ? –, socio-économiques – comment garantir l’accès de tous à une offre de transport multiple et attractive ? –, industriels – comment permettre à notre filière automobile d’assurer les transitions en cours et à nos start-up de continuer à innover ? –, mais aussi territoriaux – comment mettre fin à ce qu’on appelle les « zones blanches de la mobilité », qui finalement divisent les citoyens en deux catégories, les « connectés », reliés au monde extérieur et mobiles, et ceux qui ne le sont pas ?
La seconde est une « révolution du numérique », qui impacte tant les offres de transports que la demande, tant les véhicules que les modes de conduite, et qui soulève des questions juridiques très fortes que le projet de loi d’orientation des mobilités commence à aborder. Ces questions sont très diverses. Elles vont de l’ouverture des données de mobilité au statut des personnes qui travaillent en ayant recours à des plateformes de mise en relation électronique.
Notre monde change au gré de ces enjeux. Et, en tant que rapporteur de la LOM, mon principal message pour notre débat de cette fin d’après-midi sera d’insister sur la nécessité de penser les mobilités de demain comme un outil au service de la réduction des fractures qui parcourent notre société, au premier rang desquelles les fractures territoriales. Ainsi, nous devrons veiller à ce qu’il n’y ait pas des gagnants et des perdants dans cette révolution des mobilités. Nous devrons absolument faire en sorte que les mobilités du futur n’accentuent pas les inégalités existantes ou – pire ! – qu’elles n’en créent pas de nouvelles. La mobilité connectée, le covoiturage, les nouvelles offres de free floating, le développement des transports à la demande ne doivent pas être réservés aux villes, tandis que les zones rurales n’auraient d’autre choix que de continuer à privilégier l’« autosolisme » et seraient même financièrement pénalisées pour cela, notamment en termes de fiscalité.
Une très récente étude du Pew Research Center montre que la spectaculaire progression des applis VTC aux États-Unis concerne avant tout les jeunes, les urbains et les catégories les plus aisées. Des mobilités du futur au service du désenclavement des territoires : voilà ce qui serait la plus grande des innovations ! Je rappelle d’ailleurs que c’est grâce à la présence des sénateurs au sein du Conseil d’orientation des infrastructures que les problématiques d’aménagement du territoire et du désenclavement des petites villes sont devenues des priorités. Et je souligne que cette présence est transpartisane.
Le projet de loi d’orientation des mobilités comprend des dispositions dont l’ambition affichée est de répondre à ce sentiment d’abandon des territoires. On peut citer par exemple la couverture de l’ensemble du territoire par des autorités organisatrices de la mobilité, alors qu’aujourd’hui 80 % du territoire représentant 30 % de la population n’est pas couvert.
On peut citer aussi la possibilité d’élaborer des plans de mobilité rurale, ainsi que l’ouverture des données de mobilité, qui doit permettre de faire connaître les solutions de mobilité dans les zones peu denses, ou encore la possibilité d’expérimenter des solutions de mobilité nouvelles dans ces mêmes zones. Quelques articles visent également à permettre le développement du covoiturage ou encore celui des bornes de recharge pour les véhicules électriques.
Toutes ces mesures vont dans le bon sens. Mais seront-elles suffisantes ? Deux conditions me semblent essentielles. La première est celle d’un financement à la hauteur des enjeux, sincère et crédible. Beaucoup de solutions sont d’ores et déjà expérimentées par les territoires. Les initiatives doivent être soutenues, encouragées, développées. Les collectivités territoriales doivent avoir les moyens, les outils et les marges de manœuvre nécessaires afin de pouvoir mettre en œuvre ces solutions nouvelles.
Tous les acteurs interrogés nous demandent de faire confiance à l’intelligence des territoires. C’est pour cette raison que le financement doit être transparent. Toutes les recettes perçues doivent être fléchées pour que les collectivités territoriales développent les offres de transport et créent des services partout, y compris dans les zones peu denses.
La seconde condition en découle : les solutions de mobilité de demain doivent être construites en concertation avec l’ensemble des collectivités concernées. Les contrats opérationnels de mobilité conclus entre les autorités organisatrices et les régions, qui figuraient dans une version antérieure du projet de loi, étaient à mon sens de bons outils à l’échelle des bassins de mobilité.
Voilà, mes chers collègues, le sentiment que je souhaitais vous livrer aujourd’hui. Il ne fait aucun doute que les débats de cette fin d’après-midi alimenteront ceux que nous aurons très bientôt sur le projet de loi. En attendant, nos travaux continuent. Nous avons déjà mené plus de 65 auditions et elles se poursuivront durant tout le mois de janvier. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc de la délégation.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le président, monsieur le président de la délégation à la prospective, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour ce débat sur les mobilités du futur et pour ce rapport d’information qui arrive au moment opportun pour éclairer le débat parlementaire que nous aurons prochainement sur le projet de loi d’orientation des mobilités.
Les transports occupent une place centrale dans la vie quotidienne des Français, ils sont la condition nécessaire à l’accès à l’emploi, à l’éducation, à la santé, à la culture et à de nombreux services.
L’accès à la mobilité pour tous et partout est un facteur essentiel de la cohésion sociale et territoriale de notre pays.
C’est la conviction forte que je porte et qui guide mon action.
L’urgence environnementale nous oblige, par ailleurs, à prendre des mesures fortes pour réduire l’impact des transports sur l’environnement.
La colère exprimée ces dernières semaines par les « gilets jaunes » montre l’importance de ce triple enjeu : offrir à tous les Français l’accès à la mobilité, et que celle-ci soit à la fois abordable financièrement et soutenable pour l’environnement.
Je crois profondément que les transformations que nous observons depuis plusieurs années dans les transports – révolution numérique ou émergence de l’économie du partage, par exemple – sont de réelles opportunités à saisir pour répondre à ces attentes.
Elles offrent de nouvelles solutions de mobilité, alternatives à l’usage individuel de la voiture thermique, qui est encore trop souvent l’unique solution dans les territoires ruraux.
Aussi, je partage les principaux constats du rapport d’information de votre délégation à la prospective, et je veux ici saluer la qualité du travail de vos rapporteurs.
Le premier constat que vous faites, qui est au cœur du projet de loi d’orientation des mobilités, c’est celui de la nécessité d’apporter une solution de mobilité à tous et dans tous les territoires.
Le projet de loi Mobilités, dont vous débattrez très prochainement, est la traduction de l’engagement du Président de la République de repenser en profondeur notre politique de mobilité en donnant la priorité aux déplacements du quotidien. Ce projet de loi a été nourri par un intense travail de concertation depuis les Assises nationales de la mobilité jusqu’à aujourd’hui.
Parce que j’ai la conviction que rien ne se fera en matière de transports sans un rôle actif et central des territoires, le premier pilier de ce projet de loi concerne la gouvernance des mobilités.
L’objectif est de couvrir 100 % du territoire par une autorité organisatrice pleinement en charge des mobilités, contre seulement 20 % aujourd’hui. Cet objectif, que vous mettez en avant dans votre rapport, sera mis en œuvre en privilégiant l’exercice de la compétence au niveau intercommunal et en faisant intervenir la région lorsque cela est nécessaire. Celle-ci sera cheffe de file de la mobilité sur son territoire. L’exercice de cette compétence mobilités sera simplifié, assoupli, et les collectivités se verront confier de nouveaux outils pour promouvoir des mobilités plus partagées et plus propres, en particulier à destination des publics les plus fragiles. L’exercice de ces compétences pourra s’appuyer sur le versement mobilité, l’actuel versement transport. La réflexion se poursuit avec les associations d’élus pour les situations où la collectivité ne souhaite pas organiser de transports réguliers.
Je partage également l’orientation proposée par votre rapport de s’intéresser à des mécanismes pour les territoires où le potentiel fiscal du versement mobilité est inadapté aux besoins.
Le deuxième pilier de cette loi est le soutien à l’innovation pour répondre aux besoins des territoires. C’est dans ce cadre que s’inscrivent la politique nationale d’ouverture des données de mobilité et le développement de services de billettique multimodale. L’objectif fixé dans la loi, et auquel nous travaillons avec les collectivités et les entreprises au sein du comité stratégique sur les données et la billettique multimodale, est simple : il s’agit de favoriser le déploiement de nouvelles formes de mobilité en offrant à tous les Français, d’ici à la fin de 2021, toutes les informations sur la mobilité dans leur territoire. Cela répond notamment à votre proposition de construire des systèmes d’information des voyageurs de très haut niveau. C’est également dans ce cadre que s’inscrit la stratégie de la France en faveur du développement des véhicules autonomes, que j’ai présentée en mai 2018, avec une priorité donnée au développement des navettes autonomes.
Le troisième pilier du projet de loi Mobilités vise à engager une transition complète de nos mobilités vers la neutralité carbone. Je crois profondément que cette transition ne sera possible qu’à travers de réels changements de comportement. J’ai la conviction que les mobilités actives, en particulier le vélo, peuvent jouer un rôle accru dans la mobilité des Français. C’est l’enjeu du plan Vélo, qui prévoit de tripler la part du vélo dans nos trajets quotidiens d’ici à 2024.
Mais le foisonnement créatif de ces nouvelles solutions ne doit pas nous faire oublier que, dans de nombreux territoires, la voiture restera le moyen de déplacement incontournable pour de nombreux trajets. L’enjeu, c’est donc de rendre les déplacements en voiture à la fois plus partagés, plus propres et plus économes.
Je suis convaincue qu’en développant les mobilités actives et partagées, il sera ainsi possible à de nombreux ménages de se passer de leur deuxième, voire troisième véhicule.
Aussi, le projet de loi prévoit de nouveaux outils pour inciter au partage des véhicules et a pour ambition de favoriser le déploiement de véhicules plus propres et plus économes.
Le quatrième et dernier pilier du projet de loi Mobilités porte, pour les cinq prochaines années, sur un renforcement de l’investissement dans les infrastructures, avec une augmentation de 40 % par rapport au précédent quinquennat. Cet effort sans précédent ira en priorité aux infrastructures essentielles pour la mobilité quotidienne, avec notamment un grand plan de désenclavement routier des villes moyennes et des territoires ruraux.
Là encore, et je sais que vous y êtes sensibles, c’est une révolution culturelle que nous entendons mener, où plutôt que de se contenter de promettre des grands projets, nous mettons notre énergie et nos moyens à ce qui sert vraiment le quotidien de nos concitoyens : des routes et des voies ferrées en bon état, des trains là où il en manque, des itinéraires routiers enfin achevés. (M. François Bonhomme s’exclame.)
Au-delà de l’ensemble des mesures présentes dans le projet de loi Mobilités et des dispositions qui viendront l’enrichir lors des débats parlementaires, je sais que cette loi devra être accompagnée auprès de tous les acteurs pour qu’elle porte ses fruits. Les enjeux sont dans les territoires et sont donc aux mains de l’ensemble des porteurs de projet, collectivités, entreprises et associations.
Vous en êtes sans doute les témoins dans chacun des territoires que vous représentez, comme je le constate moi-même à chacun de mes déplacements : nos territoires regorgent d’initiatives et de solutions innovantes.
C’est pour cela que j’ai lancé voilà maintenant un an la démarche baptisée French Mobility dans la continuité des Assises, pour créer un vrai lien de coopération et accompagner les porteurs de projet. Cette démarche facilite ainsi les expérimentations, fait partager les bonnes pratiques et accompagne les collectivités pour déployer des solutions de mobilité plus propres et plus accessibles partout sur notre territoire. Car c’est bien cela notre ambition commune : donner tous les outils, juridiques et opérationnels pour que les solutions concrètes se déploient.
Vous l’aurez donc compris, les nouvelles mobilités, ce sont pour moi des mobilités qui incluent et rassemblent. Nous avons une responsabilité particulière pour nous assurer qu’elles n’oublient personne et qu’elles soient accessibles à tous et sur tous les territoires.
Le grand débat qui débute est pour moi, pour nous tous, une nouvelle opportunité d’écouter les Français, de faire connaître nos actions. Vous le savez, nous avons choisi ensemble de décaler de quelques semaines le calendrier d’examen de ce projet de loi, pour tenir compte des propositions qui pourraient venir l’enrichir.
C’est également le cas du débat d’aujourd’hui, avec vous, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, qui représentez nos territoires.
Je vous remercie donc une nouvelle fois pour ce rapport et ce débat et je serai heureuse de répondre à vos questions. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Madame la ministre, penser les mobilités du futur, c’est favoriser les modes de déplacement respectueux de l’environnement et de la santé des citoyens, et c’est, par conséquent, réduire sensiblement la part du trafic routier, première cause de la pollution de l’air.
De nombreuses villes souffrent de ce fléau et de la congestion automobile, qu’il est urgent de réguler.
Pour répondre à cette problématique, l’avant-projet de loi d’orientation des mobilités autorisait initialement les grandes agglomérations à mettre en place des péages urbains.
Si le principe majeur consistait alors à faire payer les usagers se rendant en centre-ville, ces mesures permettaient également de mettre en place un péage « inversé » ou « positif ». Cet « écobonus », tel qu’imaginé par la Métropole européenne de Lille ou encore la métropole de Grenoble, par exemple, prévoit de rétribuer les automobilistes volontaires qui évitent de prendre leur véhicule aux heures de pointe, utilisant un mode de transport plus doux ou optant pour le télétravail.
Face aux revendications du mouvement des « gilets jaunes », qui dénonçaient, à juste titre, le risque d’un impôt injuste pénalisant les ruraux et ceux qui ne peuvent habiter plus près de leur lieu de travail, le Gouvernement a intégralement supprimé du projet de loi final les articles relatifs aux péages urbains, sans se douter que les deux systèmes – l’un qui pénalise et l’autre qui récompense les conducteurs – étaient liés dans le texte.
Faute de cadre juridique, il est aujourd’hui impossible de lancer l’expérimentation de ces péages inversés.
Aussi, je vous demande, madame la ministre, ce que le Gouvernement entend faire pour que le projet de loi évolue afin de permettre ces expérimentations.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je rappelle tout d’abord que le péage urbain a été inscrit dans la loi à la suite du Grenelle de l’environnement, et les dispositions qui avaient été envisagées avaient pour objectif de mieux encadrer celui-ci. Or il est apparu que cette disposition était mal comprise et il nous a donc semblé préférable de la retirer du projet de loi.
S’agissant du péage « inversé » ou « positif » tel que l’envisage la Métropole européenne de Lille, et comme vous l’avez évoqué, il s’agit, grâce à un ciblage des usagers fréquents concernés, de récompenser ceux qui renoncent à des trajets aux heures de pointe sur les axes urbains les plus encombrés. Effectivement, l’expérience montre qu’avec un report d’une fraction finalement assez limitée de ces usagers, on peut réduire significativement la congestion.
Le projet de péage « inversé » a emporté l’adhésion, depuis 2017, des services de l’État, mais il apparaît que tel qu’il est envisagé aujourd’hui, il supposerait un recours large, pour le ciblage en amont des usagers, à des moyens de vidéosurveillance et au croisement du fichier des immatriculations pour enregistrer les comportements. Cela peut représenter une atteinte à la vie privée disproportionnée compte tenu de notre cadre constitutionnel.
Or c’est un point de vigilance du Gouvernement : toutes les dispositions du projet de loi d’orientation des mobilités liées aux dispositifs de contrôle automatisé ont fait l’objet d’une analyse rigoureuse quant à leur proportionnalité. Il nous faut donc continuer le travail en cours entre les services de la métropole et de l’État, en lien avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, pour imaginer une autre façon de cibler les usagers – qui se seraient préalablement inscrits, par exemple – afin de définir un mode opératoire respectueux de la vie privée.
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique. Vous disposez de trente-cinq secondes, ma chère collègue.
Mme Martine Filleul. Madame la ministre, il est vraiment urgent de trouver des solutions à la pollution atmosphérique à laquelle sont confrontées les métropoles. Une catastrophe sanitaire se prépare.
D’une manière plus générale, il faut absolument entendre et accompagner les collectivités territoriales et les métropoles, qui ont des capacités à innover. Nous ne réussirons à nous battre contre le réchauffement climatique qu’avec leur apport.
Enfin, il faut encourager nos concitoyens à adopter de bonnes pratiques plutôt que de taxer les utilisateurs d’automobiles.