M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Je vous demande de respecter strictement votre temps de parole, ce débat s’inscrivant dans un créneau horaire quelque peu contraint, compte tenu de la reprise de la séance demain matin, à neuf heures trente.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’éducation est le premier pilier de la République. C’est un enjeu fondamental de cohésion sociale et de formation citoyenne. Il est donc important que le budget que nous y consacrons soit à la hauteur des enjeux.
Cette année, le budget de l’enseignement scolaire augmente modestement, tout en opérant une réduction des emplois. L’examen de l’évolution des crédits rend compte d’une priorité forte accordée par le Gouvernement à l’école primaire, que nous ne pouvons que saluer tant la maîtrise des fondamentaux est primordiale pour l’avenir des 12,8 millions d’élèves scolarisés en France : près de 7 millions dans le premier degré, près de 6 millions dans le second, sans oublier les 260 000 apprentis. Pour prendre en charge ces élèves, pas moins de 881 000 enseignants sont mobilisés chaque année, tous secteurs confondus, dans le système scolaire, constitué de 62 200 établissements.
Monsieur le ministre, nous avons la chance d’avoir en France un système éducatif solide mais devenu inadapté, et les études publiées sur le niveau des écoliers français le confirment d’année en année. Malgré les lois qui se sont succédé, le système éducatif français accuse les effets d’une lente dégradation : échec scolaire, baisse du niveau de performance des élèves, notamment en français et en mathématiques.
Autre fait marquant révélé par le classement PISA : l’école française apparaît comme la plus inégalitaire des pays développés. Ainsi, 73 % des personnes ayant des parents diplômés du supérieur sont elles-mêmes diplômées, tandis que cette part chute à 17 % pour les adultes issus de familles non diplômées. Nous nous situons loin derrière le Canada, la Suède ou la Finlande.
Dans son récent rapport publié en octobre 2018, la Cour des comptes constate que l’éducation prioritaire n’a pas atteint son objectif, qui était de réduire les écarts de niveau entre élèves de l’éducation prioritaire et ceux du parcours classique. Ce même rapport établit que les premières années d’étude sont primordiales pour compenser cette perte de chance. Aussi, nous saluons la priorité que vous avez souhaité donner à la scolarisation précoce des enfants, qui reste, malgré les efforts entrepris, en deçà des objectifs fixés à 30 % des enfants de deux ans en REP et 50 % en REP+.
L’abaissement de la scolarité obligatoire de six à trois ans va dans le bon sens. Cependant, dans un contexte financier dégradé pour les finances locales, il nous faut veiller à accompagner les communes qui rencontrent des difficultés à dégager les moyens nécessaires à l’accueil de ces enfants supplémentaires. Par ailleurs, la formation initiale des enseignants devrait inclure un module spécifique sur l’accueil de ces très jeunes recrues. Enfin, il appartient au Gouvernement d’évaluer les effets de cette réforme sur la réussite des élèves.
Autre mesure phare : le dédoublement des classes de CP et de CE1 à 12 élèves dans les quartiers défavorisés se poursuit, pour s’étendre dès la rentrée de 2019 à l’ensemble des classes concernées. Si notre groupe encourage le déploiement d’un tel dispositif de justice sociale, les collectivités locales sont prises de court, à budget constant, voire en diminution, pour trouver les fonds nécessaires au dédoublement des classes. Nous constatons également dans nos départements que les fermetures de classes en milieu rural restent très mal vécues par les populations locales, qui les ressentent comme un abandon de l’État. Nous sommes donc favorables à l’amendement de la commission de la culture visant à pallier ces fermetures, tout en proposant un amendement de repli que nous vous présenterons.
L’attractivité de l’enseignement agricole est un autre sujet fondamental pour l’avenir de nos territoires ruraux. L’érosion des effectifs se poursuit, et cela malgré un bon niveau d’insertion des anciens élèves issus de ces formations. Nous comptons sur l’action du Gouvernement pour valoriser l’enseignement technique agricole, car il se situe au cœur du changement qui anime notre agriculture et nos territoires.
Avant de conclure, je souhaite appeler votre attention sur le problème des violences à l’école et à ses abords. Il ne s’agit pas forcément d’augmenter les crédits, mais plutôt d’améliorer la formation des personnels, aujourd’hui démunis face à des situations parfois extrêmes.
Les sénateurs du groupe Les Indépendants voteront les crédits de la mission.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Il serait difficile, monsieur le ministre, de débuter mon intervention sans évoquer la mobilisation des lycéens, qui rejettent autant votre vision de l’éducation que la politique injuste et méprisante du Gouvernement.
Les choix budgétaires que nous examinons aujourd’hui sont incriminés, et il serait bon, me semble-t-il, d’accorder à cette mobilisation toute l’attention qu’elle mérite. Cela serait plus pertinent que d’aviver les tensions, comme à Ivry-sur-Seine, où des lycéens voient leur garde à vue prolongée pour avoir tagué devant leur lycée « Macron démission », ou, ailleurs encore, où l’on répond à des adolescents de seize ans par des gaz lacrymogènes et des tirs de flash-ball, causant des blessures très graves (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. Philippe Pemezec. Vous n’allez pas défendre des voyous, quand même !
Mme Céline Brulin. … et alors même que plusieurs syndicats d’enseignants rejoignent désormais les mobilisations.
Les suppressions de postes suscitent colère et inquiétude, comme les réformes qui risquent d’accentuer les inégalités sociales. Votre politique est construite sur ce postulat : la France investirait trop dans le secondaire et pas assez dans le primaire. Ce parti pris vous a conduit à dédoubler les classes en CP et en CE1 en REP et REP+. Mais l’augmentation du nombre de postes n’a pas suivi. Du coup, cette mesure, pourtant louable, s’est traduite par des retraits de postes et donc des classes surchargées dans beaucoup de territoires.
Le dispositif « Plus de maîtres que de classes » a été réduit d’un tiers en 2018 et va continuer à diminuer en 2019. Vous avez justifié cette décision en avançant qu’il n’existait pas de preuves tangibles et scientifiques qu’un taux d’encadrement plus élevé favorisait la réussite. Cet argumentaire est à géométrie variable ! La réduction du nombre d’élèves par classe est la première des priorités pour le CP, mais, « en même temps », on réduit le nombre d’enseignants dans le secondaire et on ferme même des classes rurales au prétexte que le nombre d’élèves y est trop faible. On cherche la cohérence….
Le jeu de vases communicants auquel vous vous êtes livré pour mettre en place le dédoublement des classes de CP et CE1 pose deux problèmes majeurs.
Il est vrai que le primaire est le parent pauvre de l’école française, mais il est faux de croire que le secondaire dispose de moyens suffisants, à plus forte raison au collège ou dans l’enseignement professionnel. Permettez-moi de rappeler que, en vingt ans, la part des dépenses d’éducation a baissé de 1 point de PIB, ce qui représente tout de même 23 milliards d’euros. C’est d’autant plus problématique que la réforme du baccalauréat demandera un investissement supplémentaire aux enseignants de lycée, dorénavant chargés d’organiser des épreuves et de gérer la place accrue du contrôle continu. Surtout, ces réductions de moyens et d’effectifs sont incompréhensibles au vu des évolutions démographiques. Ainsi, dans le seul secondaire, ce sont plus de 40 000 nouveaux élèves qui sont attendus d’ici à 2021.
Au regard de ce constat, vous augmentez les heures supplémentaires des enseignants. Or, d’une part, un enseignant français travaille devant les élèves 900 heures, contre 784 en moyenne dans l’OCDE, et, d’autre part, les équipes éducatives ne cessent de demander des temps hors cours pour travailler sur la vie scolaire et la cohésion au sein du lycée, notamment pour lutter contre les incivilités ou les violences.
Face à la crise de recrutement que nous connaissons, ce sont les salaires des enseignants, particulièrement bas en France, qu’il faut augmenter, plutôt que de passer par le subterfuge des heures supplémentaires. Il n’aura échappé à personne, ces jours-ci, que la question du pouvoir d’achat s’impose… Il serait temps d’y répondre réellement !
Je serai plus nuancée que vous ne l’êtes, monsieur le ministre, sur la hausse de 850 millions d’euros de votre budget que vous vous plaisez à mettre en avant, ce que l’on peut parfaitement comprendre.
Tout d’abord, 400 millions d’euros sont mécaniquement abondés pour les lignes « Glissement vieillesse technicité » et « Parcours professionnels, carrières et rémunérations ».
Ensuite, il y a une bascule budgétaire du recrutement et de la rémunération des AESH, pour 213 millions d’euros. Sur ce point, je me permets de rappeler que de très nombreux enfants en situation de handicap n’ont toujours pas d’accompagnant alors que nous approchons des vacances de Noël. Vous savez que ce sujet me tient particulièrement à cœur. D’ordinaire, les situations sont pratiquement toutes réglées entre la rentrée de septembre et celle de la Toussaint. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. S’agit-il d’attendre janvier pour faire passer ces recrutements sur le budget 2019, comme semblent en attester certains témoignages ?
Enfin, le même mouvement d’écriture comptable est à appliquer aux crédits de la vie associative dévolus aux activités périscolaires.
Concernant la voie professionnelle, vous considérez que le lycée professionnel est celui qui « coûte le plus cher et a le plus d’heures de cours sans être synonyme de réussite ». Vous prévoyez la diminution du nombre d’heures d’enseignement. Cela se vérifie, notamment, à travers l’effondrement des postes de professeurs de lycée professionnel mis au concours pour 2019.
Je rappelle que la voie professionnelle est celle qui prépare le mieux les jeunes à l’obtention d’une qualification et à l’insertion professionnelle. Elle permet à de nombreux jeunes, notamment des milieux populaires, d’accéder au bac, puis à l’enseignement supérieur. Elle est également indispensable pour maintenir et développer des savoir-faire, dans l’industrie par exemple. L’apprentissage ne peut pas être la seule réponse, d’autant que la réforme qui dessaisit les régions de cette mission pour la confier aux branches professionnelles risque de porter un coup fatal à de nombreux centres de formation des apprentis, qui maillent nos territoires, et de mener à l’abandon d’un certain nombre de formations.
En conséquence, notre groupe votera contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, au sein du budget de l’État, la mission interministérielle « Enseignement scolaire » regroupe l’ensemble des crédits consacrés à l’enseignement scolaire qui relèvent du ministère de l’éducation nationale et du ministère de l’agriculture et de l’alimentation.
Avec plus de 72,762 milliards d’euros de crédits de paiement prévus dans le projet de loi de finances pour 2019, la mission « Enseignement scolaire », qui est par ailleurs l’une des plus importantes missions du budget général de l’État, verra ses crédits augmenter d’environ 1,2 milliard d’euros, soit une hausse de 1,6 % hors inflation. Cette hausse est toutefois moindre que celle constatée au cours du quinquennat précédent, qui s’élevait à 2,4 % en moyenne annuelle.
Cette mission se décompose en cinq programmes du ministère de l’éducation nationale, pour une valeur de 71,28 milliards d’euros, tous en augmentation, sauf le programme 214, « Soutien de la politique de l’éducation nationale », et en un programme du ministère de l’agriculture, « Enseignement technique agricole », doté de 1,46 milliard d’euros, soit en hausse de 1,4 %. Hors contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions », les crédits de cette mission s’élèveront donc à 51,387 milliards d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit une reconduction des crédits au même niveau qu’en 2018. À titre de comparaison, l’augmentation supplémentaire était de 3 milliards d’euros en 2017 et de 1,3 milliard d’euros l’année précédente, contre seulement 811 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2019.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que ces 811 millions d’euros supplémentaires permettront d’être en « capacité d’augmenter le pouvoir d’achat des professeurs ». Cela veut-il dire que cette somme permettra d’honorer la promesse d’octroyer « 1 000 euros de plus à un professeur sur une année en début de carrière » ? Si oui, pourquoi cela n’a-t-il pas été fléché en ce sens dans le bleu budgétaire ? Une telle mesure, découlant des accords « Parcours professionnels, carrières et rémunérations », décidée par le précédent gouvernement en 2017 et bloquée depuis, est très attendue par le monde enseignant.
Contrairement à ce que j’ai pu lire dans les différents rapports et avis sur cette mission, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, son budget se situe donc clairement en deçà des objectifs fixés par la loi de programmation des finances publiques.
De plus, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit la suppression de 2 600 postes d’enseignants, pour 1 900 postes créés dans le premier degré. À ce chiffre s’ajoutent la suppression de 600 postes dans l’enseignement privé et celle de 400 postes administratifs. L’annonce initiale de 1 800 postes supprimés n’est donc pas tout à fait exacte et aura, quoi qu’il en soit, des impacts importants. D’ailleurs, contrairement à ce qu’indiquait le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, M. Olivier Dussopt, ces coupes ne peuvent pas être justifiées par une baisse des effectifs dans le secondaire, puisque les collégiens et lycéens ne seront pas moins nombreux l’an prochain, bien au contraire ! Il devrait y avoir 40 000 élèves supplémentaires, selon les prévisions de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale, pour chaque rentrée entre 2019 et 2021.
Dès lors, la question des effectifs des classes se posera sous peu, ce qui est d’autant plus grave que la France était plutôt bien classée quant au nombre d’élèves par enseignant dans le secondaire. Se dessine en conséquence un schéma scolaire dans lequel les classes à 30 élèves en collège et à 35 en lycée seront la norme.
J’ajoute que cette suppression de 2 600 postes dans le secondaire, au collège et au lycée mettra en difficulté certaines académies qui conjuguent faible attractivité du métier de professeur et forte croissance démographique. Par ailleurs, ces suppressions de postes se marieront mal avec la nouvelle politique publique de réforme du lycée, mise en place dès cette année pour les élèves de seconde pour une expérience sur trois ans, jusqu’au bac 2021. On se dirige, ni plus ni moins, vers une réforme du lycée utilisée comme variable d’ajustement, à moyens constants et avec des postes en moins.
Monsieur le ministre, à la lecture de la présentation stratégique de la mission, il semblerait que la première des priorités soit de transmettre les savoirs fondamentaux à tous les élèves et d’agir à la racine de la difficulté scolaire, c’est-à-dire dès les premières années de la scolarité. Vous érigez également la confiance comme ciment de cette ambition : confiance de l’école envers les parents, des professeurs envers leurs élèves, de l’institution envers les professeurs. Vous avez raison. Qui ne partagerait pas cette belle et noble ambition ? Pourtant, et c’est là que le bât blesse, le Gouvernement a-t-il les moyens de ses ambitions ? Se donne-t-il réellement les moyens d’y parvenir ? L’annonce d’une priorité donnée au primaire et d’un maintien des taux d’encadrement dans le second degré, via une augmentation imposée des heures supplémentaires sans cotisations sociales, ne va pas dans le sens d’une confiance des personnels dans les orientations de l’exécutif. Je préciserai d’ailleurs sur ce point que les professeurs attendent parfois quatre à six mois pour recevoir le paiement des heures supplémentaires. Est-ce normal ?
Le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseau d’éducation prioritaire – REP et REP renforcé – constitue la principale mesure mise en œuvre par le Gouvernement en vue de favoriser la réussite à l’école primaire. Mais, pour ce faire, selon les évaluations effectuées par les syndicats et les autres partenaires sociaux, de tels dédoublements consommeraient entre 4 000 et 4 100 postes. À quel niveau seront prélevés les 2 200 à 2 300 postes manquants ? Parmi les 1 496 postes de « maîtres plus » encore existants, ce qui mettrait ainsi fin à cette expérimentation ?
Je rappelle que 300 classes ont été fermées à la rentrée de 2018 en milieu rural, du fait du redéploiement des postes pour financer le dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire. Assistera-t-on à un bis repetita de cette mesure pour mener à bien les dédoublements prévus ? Ce n’est pas ce que j’appelle « assurer la continuité du service public sur tout le territoire métropolitain et outre-mer » et faire de l’éducation une priorité !
Je ne m’attarderai pas plus sur ce point, car mon collègue Patrice Joly interviendra spécifiquement sur ce sujet.
Pour ce qui concerne l’enseignement technique agricole, il est prévu une suppression de 50 équivalents temps plein, 38 enseignants et 12 postes administratifs, sans qu’il en soit précisé la répartition entre public et privé. Ces 12 suppressions de postes ne sont pas non plus acceptables au regard de la situation très difficile que connaissent les services dans ces établissements, déjà fortement impactés par les suppressions successives d’emplois prévues au programme 215.
Le redéploiement par transfert sur le programme de 25 emplois d’AESH ne peut en aucun cas être utilisé pour minimiser les 50 emplois supprimés. Par ailleurs, il faudra s’assurer que les 1 247 assistants d’éducation seront effectivement présents physiquement dans les établissements. Ils n’étaient que 1 120 ETP en 2016-2017, selon la direction générale de l’enseignement et de la recherche.
Enfin, si le principal objectif poursuivi par l’éducation nationale, à savoir l’amélioration des performances scolaires, est en outre-mer similaire à celui des autres académies françaises, la donne de départ est profondément différente.
Il est essentiel que l’égalité réelle outre-mer se concrétise dans le système éducatif, des performances scolaires moindres ne pouvant avoir que des répercussions négatives sur l’insertion socioprofessionnelle des jeunes et le développement du territoire. L’accès à une éducation de qualité, prenant en compte les spécificités locales pour la réussite et le bien-être de tous les élèves, est également fondamental à ce niveau.
Néanmoins, d’importants écarts demeurent du fait d’un décalage persistant entre les ambitions affichées dans les plans d’action, d’une part, et le calibrage des moyens et des besoins, d’autre part. Je prendrai la situation de la Martinique comme exemple : l’affectation massive de nos lauréats hors de l’académie, la diminution importante du vivier des titulaires sur zone de remplacement, quasi vide dans certaines disciplines, et le recrutement de contractuels sur le marché sans aucune expérience sont autant de signes de cette dichotomie. Cela signifie que, chaque année, plusieurs disciplines sont en déficit d’enseignants.
Monsieur le ministre, il faut des actes pour garantir que les transformations à venir visent bien des améliorations pour les élèves et les personnels. Toutes réformes de l’éducation en outre-mer doivent, à mon sens, s’accompagner d’un moratoire sur de nouvelles méthodes de calcul tenant vraiment compte de la situation des académies, …
M. le président. Merci de conclure, cher collègue !
M. Maurice Antiste. … avec la participation des organisations syndicales et de groupes de travail qui seront mis en place. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous évoquons ce jour les crédits alloués à la mission « Enseignement scolaire », en progression de 1,2 milliard d’euros, soit 1,7 %. Cette évolution est à remettre en perspective, puisqu’elle se fait à un rythme moindre qu’entre 2012 et 2017, période durant laquelle les mêmes crédits avaient progressé en moyenne de 2,4 %. La totalité de cette hausse a vocation à financer des dépenses de personnel, comme des mesures de revalorisation catégorielle, indispensables à une profession dont l’attractivité s’érode année après année.
Sur le plan des emplois, 1 800 postes sont supprimés.
La priorité demeure à l’enseignement primaire, avec la création de 2 850 postes d’enseignants titulaires. Dans le même temps, 1 050 postes d’enseignants stagiaires y sont supprimés.
Sans marges budgétaires supplémentaires significatives, cet effort consenti vers l’apprentissage des fondamentaux se fait aux dépens du secondaire, où 2 650 postes d’enseignants disparaissent, tout comme 550 postes dans l’enseignement privé et 400 postes administratifs.
Le principal effort entrepris en direction de l’enseignement primaire continue de résider dans le dispositif de dédoublement des classes de cours préparatoire et de CE1 au sein des écoles situées en réseau d’éducation prioritaire. Nous sommes toutes et tous convaincus du bien-fondé de cette démarche.
Lire, écrire, compter, mais également faire preuve de respect vis-à-vis d’autrui sont autant d’éléments essentiels qui nécessitent une attention toute particulière et un apprentissage rigoureux afin d’établir un socle sur lequel tout individu peut ensuite sereinement « construire » son parcours de vie. Toutefois, le dispositif déployé au sein des établissements ne devra pas faire l’économie d’une évaluation prochaine, car sa concrétisation mobilise, au sein du ministère de l’éducation nationale, des moyens importants qui peuvent faire défaut ailleurs. Elle mobilise également des moyens significatifs auprès des collectivités territoriales concernées. Ces dernières, semble-t-il, n’ont pu suffisamment bénéficier des dotations mobilisées à cet effet.
Enfin, il apparaît que ces dédoublements de classes au sein des quartiers prioritaires ont « coûté » au monde rural de nombreuses fermetures de classes.
Si l’immense majorité des quartiers prioritaires ne se situe pas en zone rurale, ces territoires n’en sont pas moins également en proie à des difficultés sociales importantes. Nous ne le rappellerons jamais assez : une école en zone rurale joue un rôle primordial dans l’attractivité d’une commune. L’accessibilité à une école conditionne bien souvent le départ ou l’arrivée des familles, celles qui, par la suite, assureront le renouvellement générationnel et la vie de la commune.
Le groupe du RDSE soutiendra donc l’amendement proposé par notre collègue Françoise Laborde visant à financer la création de 300 postes d’enseignants supplémentaires pour pallier les fermetures observées à la rentrée de 2018 de 300 classes en zone rurale. Notre amendement diffère de celui porté par la commission de la culture, car il ne vient pas ponctionner les crédits dédiés à l’enseignement secondaire, dont les moyens sont déjà amputés dans ce projet de budget.
Nous pouvons également observer que ce rééquilibrage salutaire des moyens au bénéfice des écoles primaires est facilité par une dynamique démographique favorable qui conduira l’année prochaine, ainsi que les suivantes, à accueillir un nombre d’élèves décroissant. Toutefois, si le primaire profite d’une conjoncture démographique favorable, il en est tout autrement des établissements du secondaire, qui absorbent actuellement les générations nombreuses du début des années 2000.
Il nous faut donc, compte tenu de la baisse des effectifs portée par ce budget, nous montrer particulièrement vigilants. Ces réductions de postes doivent être compensées par un recours aux heures supplémentaires. Si cette perspective peut être intéressante en matière de pouvoir d’achat des enseignants, elle nous interroge.
Initialement tenus d’accepter au moins une heure supplémentaire par semaine, les professeurs ne seront plus en mesure d’en refuser deux si leur établissement leur en fait la demande. Il apparaît toutefois que la moitié des professeurs compte déjà au moins deux heures supplémentaires par semaine. La marge d’augmentation d’heures de cours dispensés ne risque-t-elle pas d’être trop réduite pour parvenir à pallier la baisse des effectifs budgétaires dans le second degré ?
J’évoquerai enfin l’abaissement de l’âge de la scolarité obligatoire de six à trois ans.
Même si sa portée est limitée, avec près de 97 % des enfants de trois ans déjà scolarisés, cette évolution s’inscrit dans le bon sens et continue de recueillir notre soutien. Toutefois, cette nouvelle disposition va engendrer de nouvelles obligations et de nouvelles charges pour nos communes tenues, depuis 1959, de participer au fonctionnement des écoles sous contrat d’association avec l’État. Aucune compensation financière n’est prévue pour le moment dans ce budget.
Le projet de loi pour une école de la confiance, présenté ce matin en conseil des ministres, nous apporte des éléments d’information sur l’accompagnement financier dont bénéficieront les collectivités. La réponse apportée ne nous apparaît pas satisfaisante, dans la mesure où elle semble reposer sur un principe inédit en matière de décentralisation : quand le Sénat dit « qui décide, paie », le Gouvernement semble répondre « qui faisait quoi avant ? » Monsieur le ministre, toutes les collectivités devront être accompagnées, et pas uniquement celles qui ne le faisaient pas déjà sur la base du volontariat.
Je conclurai mon propos en évoquant l’enseignement agricole, dont l’attractivité continue de décroître en dépit de la qualité de l’enseignement dispensé et des perspectives d’emplois à l’issue des formations. Nous devons redoubler d’efforts dans la valorisation et la visibilité de ces cursus, qui font aussi la richesse de nos territoires.
Le groupe du RDSE, dans sa majorité, votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)