M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. L’article 23 concerne les relations entre l’État et les collectivités territoriales.
L’État est le premier financeur de l’ensemble de nos collectivités territoriales : communes, intercommunalités, départements et régions. Mais les évolutions sont très variables. Nous avons beaucoup évoqué la baisse des dotations de l’État, un sujet particulièrement sensible au Sénat, qui est le vrai défenseur de nos collectivités territoriales, quelle que soit leur taille.
Je rappelle que les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales s’élèvent à 104,8 milliards d’euros en 2018 en autorisations d’engagement et que le prélèvement sur les recettes de l’État atteint 40,58 milliards.
Le premier de ces prélèvements est constitué par la dotation globale de fonctionnement, la DGF, qui bénéficie à l’ensemble de nos collectivités territoriales. Cette dotation est calculée à partir de nombreuses données – potentiel fiscal, etc. –, ce qui entraîne des montants très variables d’une collectivité à l’autre.
Parmi les autres transferts de l’État, je citerai le fonds de compensation de la TVA, FCTVA, et les diverses compensations liées à des exonérations de fiscalité locale.
La loi de finances pour 2019 prévoit le maintien relatif des fonds de concours de l’État en direction des collectivités territoriales, notamment en ce qui concerne la DGF.
Toutefois, les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, FDPTP, sont ponctionnés. Or ils constituent une forme de solidarité financière en direction des collectivités territoriales et ils ont déjà subi, au fil des dernières années, une diminution de l’ordre de 120 millions d’euros.
Nous resterons donc particulièrement vigilants sur l’ensemble de ces dispositions.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article. Mon cher collègue, si vous le souhaitez, vous pouvez aussi défendre à cette occasion l’amendement n° I–480.
M. Pascal Savoldelli. Mon intervention vaudra défense de l’amendement, monsieur le président.
Il est loin le temps où le Parlement, pour décider du montant de la dotation globale de fonctionnement, votait un article partageant le produit net de la TVA entre l’État et les collectivités.
En 1985, un prélèvement de 16,752 % sur le produit de cette taxe était prévu. Vous allez me dire que c’est de l’histoire ancienne, mais il n’était pas absurde qu’une part de la richesse produite permette de contribuer au bon fonctionnement des collectivités après la suppression du versement représentatif de la taxe sur les salaires et au moment où il existait déjà un certain nombre de dispositions à vocation de péréquation : renforcement de la DGF des communes sous-fiscalisées, majoration de la dotation des communes touristiques et des bourgs-centres…
Rapporté aux recettes nettes de TVA attendues, ce prélèvement représenterait aujourd’hui 27,959 milliards d’euros et reviendrait au bénéfice exclusif des communes – il convient de le rappeler. Cette année, l’ensemble de la DGF s’élève à environ 27 milliards d’euros. Autrement dit, la DGF pour 2019 est inférieure en valeur nette à ce que donnerait la simple réévaluation de la DGF pour 1985.
Il faut dire que, dans l’intervalle, de nombreuses mesures relatives à la DGF ont été adoptées : je pense notamment aux réformes de 1989 et 1993, qui ont traduit l’objectif de réduction, toujours plus important, des concours budgétaires de l’État aux collectivités territoriales.
Rappelons qu’en 2004, après la disparition de la part salaires de l’assiette de la taxe professionnelle, la compensation des pertes de recettes avait pratiquement fait doubler, à elle seule, le montant de la dotation et fait perdre aux collectivités le bénéfice du dynamisme des bases de la taxe professionnelle.
En 2019, la DGF devient la portion congrue de la politique gouvernementale. La situation est d’autant plus regrettable que, par le biais de la contractualisation, l’État semble toujours vouloir garder un œil sur ce que les élus locaux, « ces privilégiés », « ces inconséquents » – vous aurez compris que ce ne sont pas mes propos… – font de l’argent public.
Mes chers collègues, soyons bien conscients que la « trajectoire » – je reprends un terme à la mode… – représente un montant de 13 milliards d’euros en moins pour les collectivités territoriales d’ici à 2022, soit quatre fois l’impôt de solidarité sur la fortune. C’est donc une saignée pour les collectivités territoriales et les services publics locaux !
M. Éric Bocquet. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I–480, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le montant :
26 953 048 000
par le montant :
30 753 048 000
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a été défendu.
L’amendement n° I–683, présenté par MM. Marie, Tissot et Jacquin, Mmes Perol-Dumont et Taillé-Polian, M. Manable, Mme Tocqueville, MM. Tourenne et Todeschini, Mme Guillemot, MM. Antiste et Iacovelli, Mme Préville, M. Vallini, Mme Artigalas, M. Durain, Mme Bonnefoy, MM. Kerrouche et Duran, Mmes Espagnac et Féret, M. Cabanel et Mme Monier, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le montant :
26 953 048 000
par le montant :
27 330 391 000
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Didier Marie.
Mon cher collègue, si vous le souhaitez, vous pouvez défendre en même temps les amendements nos I–684 rectifié, I–687, I–295 rectifié et I–688.
M. Didier Marie. Le Gouvernement a un leitmotiv, la stabilité des dotations, et les élus sont priés d’y croire… L’an dernier à pareille époque, le Président de la République prenait un engagement, en annonçant que 95 % des communes ne perdraient pas de dotation globale de fonctionnement.
Las ! Ce sont 21 600 communes qui auront finalement vu leur DGF baisser, 16 500 après déduction des dotations de péréquation. Cette année, l’exécutif est plus prudent, en expliquant qu’il existe des mécanismes d’ajustement ; il a raison de l’être, puisque, selon les prévisions de l’Association des maires de France, 6 000 à 8 000 communes verront, cette année encore, leur DGF baisser.
La stabilité n’est donc pas pour tout le monde…
En outre, si la DGF reste stable, le panier du maire augmente et le pouvoir d’agir de celui-ci s’érode. Selon les prévisions, l’inflation atteindra 1,4 % en 2019 et elle est de 2,2 % à la fin du mois d’octobre, ce qui représente, au regard du montant de DGF prévu, une baisse de 1,5 % en volume pour les finances communales.
Et encore, ce calcul ne prend pas en compte les autres éléments du panier du maire : l’augmentation du glissement vieillesse technicité de 1,7 %, la hausse des prix des carburants et du gaz ou encore l’intégration des dépenses décidées par le Gouvernement, comme l’ouverture des bibliothèques le dimanche, le dédoublement des classes de CP ou les mesures catégorielles concernant les fonctionnaires territoriaux.
Non seulement le gel de la DGF ne permet pas de couvrir l’augmentation des dépenses incompressibles des communes, mais les élus voient d’autres dotations baisser : c’est le cas du produit des amendes de police, qui diminue pour la deuxième année consécutive, mais c’est aussi le cas du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, de nouveau amputé – à hauteur de 56 millions d’euros cette année –, et des crédits d’investissement, qui sont eux aussi touchés, puisqu’ils diminuent de 302 millions d’euros en deux ans.
Enfin, on ne peut pas passer sous silence l’inclusion dans l’enveloppe des concours financiers de l’État aux collectivités des 50 millions d’euros destinés à la reconstruction de Saint-Martin.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, monsieur le secrétaire d’État, de faire un premier geste en direction des élus, avec lesquels le Premier ministre souhaite renouer le lien : acceptez l’amendement n° I–683 qui prévoit d’augmenter l’enveloppe de la DGF de 377 millions d’euros, ce qui correspond à 1,4 % de hausse, l’équivalent de l’inflation !
Les amendements suivants déclinent cette ambition de répondre aux attentes des élus sur la DSU et la DSR – je ne développerai pas, monsieur le président –, ainsi que sur le FDPTP, que j’ai évoqué précédemment.
M. le président. L’amendement n° I–684 rectifié, présenté par MM. Marie, Tissot et Jacquin, Mmes Perol-Dumont, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Tourenne et Todeschini, Mme Guillemot, MM. Antiste et Iacovelli, Mmes Préville et Bonnefoy, MM. Durain et Duran, Mme Espagnac, MM. Kerrouche et Vallini, Mme Féret, M. Cabanel et Mme Monier, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le montant :
26 953 048 000
par le montant :
27 133 048 000
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a été défendu.
L’amendement n° I–687, présenté par MM. Marie, Kerrouche, Durain et Duran, Mme Bonnefoy, M. Cabanel, Mme Conway-Mouret, MM. Iacovelli, Antiste et P. Joly, Mme Tocqueville, MM. Vallini et Todeschini et Mmes Féret et Grelet-Certenais, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le montant :
26 953 048 000
par le montant :
27 008 448 000
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a été défendu.
L’amendement n° I–295 rectifié, présenté par MM. Tissot, Marie et Jacquin, Mme Taillé-Polian, MM. Cabanel et Antiste, Mme Conway-Mouret, M. Dagbert, Mme Guillemot, M. Manable, Mmes Monier, Perol-Dumont et Rossignol, MM. Temal, Todeschini et Tourenne, Mmes Préville et Artigalas, M. Duran, Mmes Ghali et Grelet-Certenais, M. Kerrouche, Mme Tocqueville, MM. Vallini et Daunis et Mme Jasmin, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le montant :
26 953 048 000
par le montant :
26 993 048 000
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a été défendu.
L’amendement n° I–688, présenté par MM. Marie, Raynal, Kerrouche, Durain et Duran, Mme Bonnefoy, M. Cabanel, Mme Conway-Mouret, MM. Iacovelli, Antiste et P. Joly, Mme Tocqueville, MM. Vallini et Todeschini et Mmes Féret et Grelet-Certenais, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le montant :
26 953 048 000
par le montant :
26 968 048 000
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a été défendu.
L’amendement n° I–874, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le montant :
26 953 048 000 €
par le montant :
26 948 048 000 €
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cet amendement tire les conséquences du vote, par l’Assemblée nationale, de la création d’une dotation destinées aux communes dont une part importante du territoire est classée en site Natura 2000. C’est une somme extrêmement mineure, puisqu’il s’agit de 5 millions d’euros, mais il faut en tirer les conséquences en termes d’affectation des crédits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je suis défavorable aux amendements nos I–480 et I–683, pour une raison très simple, leur coût.
Le premier représente un montant de 3,8 milliards d’euros, ce qui serait évidemment très sympathique pour les collectivités… Bien sûr, nous pouvons nous faire plaisir – mettre le taux normal de TVA à 5,5 %, augmenter les dotations, etc. –, mais à mon grand regret, cet amendement est beaucoup trop coûteux.
Il en est de même pour l’amendement n° I–683, dont le coût est de 377 millions d’euros.
M. Pascal Savoldelli. Vous trouvez ça trop cher pour les communes ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est évidemment pas trop cher pour les communes, mais c’est trop cher pour le budget de la Nation. C’est la réalité, puisque l’amendement n° I–480 nous fait juste passer au-dessus de la barre des 3 % de déficit.
Vous savez bien qu’en ce qui concerne les communes tous les membres de cette assemblée pensent exactement la même chose, puisque nous avons tous eu des mandats communaux ou que nous leur sommes très liés.
Sur l’amendement n° I–684 rectifié de notre collègue Didier Marie, je rappelle que l’article 79 du projet de loi de finances que nous examinerons ultérieurement prévoit une augmentation de la DSR et de la DSU de 90 millions d’euros chacune.
En outre, la commission des finances a déposé l’amendement n° I–167 que nous examinerons dans quelques minutes et qui prévoit la non-minoration des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. Cet amendement permettra d’augmenter une forme de péréquation à hauteur de 49 millions d’euros et je pense qu’il faut en rester là, ne pas aller au-delà – cela serait déraisonnable. La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos I–684 rectifié, I–687, I–295 rectifié et I–688.
Sur l’amendement n° I–874 du Gouvernement, pouvez-vous nous confirmer, monsieur le secrétaire d’État, que vous proposerez bien, en parallèle, de majorer de 5 millions d’euros les crédits de la mission « Relation avec les collectivités territoriales » ? Si tel est le cas, l’avis de la commission sera favorable.
Je rappelle que l’amendement n° I–874 prévoit de minorer la DGF de 5 millions d’euros et la commission des finances y est favorable, sous réserve d’en tirer toutes les conséquences en seconde partie du projet de loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je vais commencer par répondre à M. le rapporteur général en ce qui concerne l’amendement n° I–874 du Gouvernement : nous présenterons bien, en seconde partie du projet de loi de finances, un amendement visant à majorer la mission « Relations avec les collectivités territoriales » de 5 millions d’euros afin de prendre en compte la nouvelle dotation destinée aux communes dont une part importante du territoire est classée en zone Natura 2000. Il est vrai qu’en présentant l’amendement j’avais spécifié le montant en cause, mais je n’avais pas évoqué sa contrepartie.
Sur les autres amendements, l’avis du Gouvernement est défavorable, pour plusieurs raisons.
Je rappelle que le Président de la République s’est engagé à maintenir l’enveloppe globale des dotations et des concours de l’État aux collectivités.
Cet engagement est tenu, puisque, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à l’occasion d’un amendement présenté par Mme Lavarde, les concours de l’État aux collectivités qui s’élevaient à 47,8 milliards d’euros en 2017 atteignent 48,1 milliards en 2018 et 48,2 milliards en 2019. – je devrais peut-être dire 48,205 milliards avec les 5 millions que je viens d’annoncer sur Natura 2000…
Cette évolution est bien différente de celle que nous avons connue précédemment, puisque, dans les quatre années qui ont précédé 2018, le total des dotations a baissé de presque 11 milliards d’euros.
M. Marie s’est interrogé sur l’évolution des dotations de chaque collectivité prise individuellement. Il faut rappeler que nous nous situons dans une enveloppe globale stable – elle augmente même légèrement.
L’explication des évolutions contrastées est sinon simple, du moins facile à donner, puisque la DGF totale perçue par les communes dépend de deux facteurs principaux.
Le premier facteur est lié à la dotation forfaitaire, qui évolue, à la hausse ou à la baisse, en fonction de la démographie. Nous savons bien que la DGF est une dotation vivante et que, si nous gelons celle des communes qui perdent des habitants, nous renonçons, dans le cadre d’une enveloppe normée, à abonder celle des communes ou territoires qui en gagnent.
Le second facteur tient au fait que, depuis très longtemps, quasiment l’ensemble des emplois internes de la DGF, notamment l’augmentation de la DSU et de la DSR, est financé par un écrêtement sur la dotation forfaitaire. Ce mécanisme explique l’évolution de cette dotation.
Ensuite, pour la deuxième fraction de la DGF, l’accès aux dotations de péréquation, que ce soit la DSU, la DSR ou la part « cible » de la DSR, dépend du potentiel financier agrégé des communes. Ce potentiel financier tient compte des indicateurs socio-économiques de la commune, mais aussi de l’intercommunalité à laquelle elle appartient.
Entre 2017 et 2018, le potentiel financier retenu pour le calcul de la DGF a évolué : en 2017, dernière année de baisse des dotations, nous avons calculé les potentiels financiers sur la base de la carte de l’intercommunalité de 2016, dernier exercice comptable connu ; en 2018, première année de stabilité, nous avons pris en compte le potentiel financier de 2017 et une carte intercommunale qui avait été profondément modifiée.
Ainsi, de manière mécanique, certaines communes, notamment les plus petites d’entre elles qui appartenaient à des intercommunalités rurales et rejoignaient des groupements plus urbains, ont vu leur potentiel financier évoluer à la hausse, au risque de perdre l’éligibilité à une dotation de péréquation.
Il faut préciser, pour être tout à fait complet, que lorsque l’on perd le bénéfice de la DSU, un mécanisme de « sortie en sifflet », protecteur, permet d’empêcher une perte brutale de ressources. Il en est de même pour la première fraction de la DSR, mais pas pour la troisième, dite cible. En 2015, les travaux du Comité des finances locales n’avaient pas abouti sur ce point. La fin de l’éligibilité à la fraction « cible » de la DSR se traduit par une perte sèche, ce qui constitue la principale explication de la baisse de dotation, parfois importante, que certaines communes rurales ont connue en 2018.
Pour 2019, les choses seront beaucoup plus stables, puisque, indépendamment des évolutions démographiques et d’un écrêtement qui sera plus faible que les années précédentes, on peut imaginer que le potentiel financier agrégé des communes variera moins qu’entre 2017 et 2018, dans la mesure où nous utiliserons les chiffres de l’année 2018, année où la carte intercommunale a moins évolué.
Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Certains points qui ont été évoqués méritent d’être approfondis, d’autant que le Congrès des maires s’est récemment réuni.
Je remercie M. le secrétaire d’État d’avoir pris le temps de répondre, même si, au final, il est défavorable à l’ensemble des amendements qui ont été présentés.
Les amendements nos I–684 rectifié et I–295 rectifié, ce dernier constituant une forme de repli, visent finalement à poursuivre les efforts engagés sous le quinquennat précédent. Je note d’ailleurs que ces efforts ont été prolongés l’année dernière, puisque le Président de la République, considérant qu’il était nécessaire de réduire les écarts importants qui persistent entre les communes, a décidé d’abonder l’enveloppe de la DGF de 110 millions d’euros pour permettre une progression de la péréquation, tant sur la DSU que sur la DSR.
L’amendement n° I–295 ne fait que reprendre la proposition faite par le Gouvernement l’an passé. Or je ne pense pas que la situation des communes qui éprouvent le plus de difficultés financières et sociales se soit améliorée à un tel point entre 2018 et 2019 qu’il faille stopper nos efforts…
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez aussi évoqué la question de la perte de dotations de péréquation subie par un certain nombre de communes. L’an dernier, 3 600 communes ont vu leur dotation de péréquation baisser de 1 % de leurs recettes réelles de fonctionnement et, parmi elles, 1 200 ont vu une diminution supérieure à 5 %.
L’amendement n° I–687 permet de mettre en place un mécanisme de lissage afin que le choc soit moins brutal. Cela ne me semble pas non plus complètement hors de portée…
Enfin, l’amendement n° I–688, sur lequel nous sommes passés rapidement, prévoit un abondement de la DGF à hauteur de 15 millions d’euros afin de financer la moitié de l’augmentation de la dotation d’intercommunalité. Je rappelle qu’il s’agit d’une proposition du Comité des finances locales qui a été votée à l’unanimité, y compris par le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Cette demande, qui permet de renforcer la solidarité, n’a pas pu aboutir lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale et il me paraîtrait normal que le Gouvernement la prenne maintenant en compte.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie pour la qualité technique de vos arguments, mais je crois qu’il faut aussi apporter des réponses politiques ! Le Gouvernement a quand même bien fixé un cap pour 2022 qui prévoit au moins 13 milliards d’euros en moins pour les collectivités territoriales. À un moment, il faut assumer clairement son orientation politique !
Je rappelle à mes collègues sénateurs que, concernant le projet de révision constitutionnelle, nous sommes tombés d’accord à l’unanimité sur la question de l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales. J’imagine d’ailleurs que nous aurons cette même unanimité lorsque ce texte sera inscrit à notre ordre du jour.
Malgré cela, nous ne serions pas capables de nous mettre d’accord aujourd’hui pour augmenter un peu la dotation globale de fonctionnement de ces mêmes collectivités ! J’ai l’impression que nous ne sommes pas loin du double langage. J’attire votre attention, dans la situation actuelle de notre pays, sur l’importance de la notion de crédibilité du politique.
Enfin, il faut bien comprendre que toute cette mécanique, certes préparée de manière très technique et compétente, nous entraîne vers une République du contrat et nous éloigne d’une République de la loi ! Tous ces calculs, toute cette technocratie, mènent bien à cela et ce n’est pas une voie acceptable. Vous devriez tous, mes chers collègues, partager ce sentiment.
Ne plus prendre en compte la croissance économique dans le calcul des dotations des collectivités territoriales a été une erreur politique autant qu’économique. Les communes, les départements et les régions contribuent à la croissance économique du pays et les dotations de l’État doivent en tenir compte.
M. Éric Bocquet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je voudrais d’abord dire à M. Marie que la DSU et la DSR, c’est-à-dire la péréquation verticale, continuent d’augmenter dans le projet de loi de finances pour 2019. Certes, cette augmentation de 90 millions d’euros est un peu moins forte que celle des années précédentes, 110 millions, mais comme vous le savez, l’objectif prioritaire qui avait mené, il y a quelques années, à fixer cette évolution, qui était particulièrement forte sur la fraction « cible » de la DSU, était de compenser la diminution de la dotation forfaitaire liée à la contribution au redressement des finances publiques. Or chacun peut constater qu’aujourd’hui l’enveloppe globale des dotations est stable. Les problèmes de perte de recettes qu’ont connus certaines communes, notamment celles éligibles à la fraction « cible » de la DSU, ne se posent donc plus de la même manière.
Monsieur Savoldelli, nous n’avons pas la même lecture des économies demandées aux collectivités : le chiffre de 13 milliards d’euros que vous évoquez et que je partage ne correspond pas à une baisse de dépenses ou de recettes. Vous présentez les choses comme si l’État allait soit retirer 13 milliards d’euros de recettes aux collectivités, soit les obliger à baisser leurs dépenses à cette hauteur.
Or la loi de programmation des finances publiques ainsi que les contrats, quoi qu’on puisse penser de ce dispositif, demandent uniquement aux collectivités de limiter l’augmentation de leurs dépenses. Si, sur la période de la loi de programmation, l’augmentation est contenue à 1,2 % par rapport à la moyenne constatée durant les vingt dernières années, cela constituera un amoindrissement de l’augmentation de la dépense, mais aucunement une baisse.
Je rappelle que, durant le quinquennat précédent, la DGF a baissé, ce qui a entraîné une diminution des recettes des collectivités territoriales.
M. Pascal Savoldelli. C’est la République du contrat !