M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Bertrand. Je rappelle que, l’année dernière, j’attirais déjà l’attention sur le dispositif TO-DE.
Dans les Bouches-du-Rhône, on compte de nombreux maraîchers, arboriculteurs, serristes et viticulteurs. Or, pour ces derniers, le coût du travail ne représente rien de moins que le tiers de leurs dépenses ! De plus, ils sont en concurrence directe avec leurs homologues d’Espagne, où le travail, on l’a dit et répété, est de 30 % moins cher qu’en France, ou même d’Italie, où il est de 35 % moins cher.
Il faut également savoir, alors que l’on met souvent en avant les produits issus de l’agriculture bio, que cette dernière nécessite encore plus de main-d’œuvre.
Selon moi, il est vraiment incompréhensible de ne pas préserver le dispositif TO-DE à 1,25 SMIC. Vous savez très bien, monsieur le ministre, que, en l’établissant à 1,15 SMIC, vous écarterez à peu près 60 % des exploitants agricoles, parce que, par définition, le travail saisonnier implique de nombreuses heures supplémentaires au moment de la récolte.
Le dispositif TO-DE permet à de nombreux agriculteurs de survivre. Vous savez qu’ils ont fait beaucoup de progrès en ce qui concerne la qualité. Si nous continuons ainsi, si nous fermons beaucoup d’exploitations agricoles, la sécurité alimentaire ne sera plus garantie pour ces produits.
Je soutiens donc ces trois amendements identiques, dont l’adoption permettrait à nos agriculteurs de voir au-delà de 2020. Car – faut-il le rappeler ? – comme tous les entrepreneurs, les agriculteurs ont besoin de visibilité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Indépendamment du fait que les positions de M. le ministre aient pu varier depuis l’époque où il était sénateur, je ne comprends pas le sens d’une telle suppression. Le discours de Rungis du Président de la République se caractérisait pourtant par une volonté sincère de rendre de la valeur aux producteurs.
Dans certains départements, comme le mien, le Gers, la mesure représentera une double peine pour les producteurs, notamment les viticulteurs. Nombre de communes gersoises sont dans des zones défavorisées. Elles sont confrontées à d’énormes difficultés de subsistance liées à l’extinction des activités d’élevage. Certaines sont en polyculture et font de la viticulture. Alors qu’elles sont particulièrement touchées par la suppression de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN, on les pénalise encore avec la suppression du dispositif TO-DE.
Monsieur le ministre, cette suppression est à la fois un contresens économique au regard des enjeux de compétitivité qui ont été évoqués, une faute morale, puisque les agriculteurs vont subir une double peine, et une erreur politique à l’égard du monde agricole et de la ruralité dans son ensemble !
Nous savons que vous avez besoin de vous réconcilier avec le monde rural. Nous sommes prêts à y contribuer et à nous montrer constructifs, car c’est un enjeu d’intérêt national. Mais, avec les décisions que vous vous apprêtez à prendre, vous allez aboutir à l’effet inverse de ce que vous souhaitez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Je voudrais proposer un amendement de suppression de la seconde partie du discours de M. le ministre ! (Rires.) Ce que vous avez répondu ne vous ressemble pas et n’est pas à la hauteur des enjeux, monsieur le ministre.
Vous nous exhortez à ne pas voter une mesure que vous approuvez par ailleurs, de peur de voir l’Assemblée nationale retenir un dispositif moins favorable. En d’autres termes, vous vous déclarez incapable de convaincre les députés d’adopter un amendement que vous soutenez.
Vous valez mieux que cela, et vous allez faire mieux. Comprenez-le bien : une telle suppression porte atteinte au pouvoir d’achat des plus modestes. Elle obligera à embaucher à 1,15 SMIC, donc, le cas échéant, à faire venir des travailleurs des pays de l’Est au lieu de recruter des travailleurs français que nous sommes prêts à payer au bon tarif. Nous comptons sur vous pour changer d’opinion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le ministre, dans la première partie de votre intervention, vous vous êtes montré extrêmement désireux d’accompagner le monde rural. Nos agriculteurs, qui connaissent de grandes difficultés dans plusieurs filières, ont des attentes fortes à cet égard.
Jusqu’à présent, 90 % des contrats saisonniers étaient en TO-DE. En Limousin, le secteur de la pomiculture, qui – cela a été rappelé – est confronté à une forte concurrence, notamment polonaise, représente plus de 3 000 emplois.
Dans la première mouture, la perte était de 144 millions d’euros. Dans la deuxième mouture, avec l’amendement, la perte est encore de 40 millions d’euros. Il faut absolument que le dispositif TO-DE s’applique. Les salariés estivaux sont payés entre 1,2 SMIC et 1,5 SMIC, parfois plus.
Il est donc absolument nécessaire de maintenir l’emploi et la compétitivité dans ces secteurs agricoles en grande difficulté, comme l’arboriculture ou la viticulture. L’exonération doit être jusqu’à 1,25 SMIC.
C’est pourquoi je soutiendrai ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Je soutiens également cette proposition. Le fait que M. Cabanel, Mme Cukierman et M. Duplomb aient déposé des amendements identiques montre qu’il y a une très large majorité dans l’hémicycle pour réclamer l’annulation de la suppression du dispositif TO-DE.
Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous ayez à cœur à la fois de renforcer la compétitive de notre agriculture et de rendre leur fierté à nos territoires ruraux. Vous l’avez démontré lorsque vous présidiez le département de la Drôme. Mais votre action passée, en tant que sénateur et président de conseil général, se heurte à la politique que vous mettez aujourd’hui en œuvre comme membre du Gouvernement.
La solution envisagée par les auteurs des amendements me semble être à la seule à même de maintenir la compétitivité de certaines filières, comme la filière arboricole. Je pense par exemple aux producteurs de pommes du nord de la Dordogne et du Limousin. Dans mon département, nous avons également de la viticulture et du maraîchage ; la fraise de Dordogne est assez réputée.
Si le dispositif TO-DE n’est pas rétabli, comme le souhaitent les auteurs de ces amendements, nombre d’exploitations seront obligées de mettre la clef sur la porte, car elles ne seront plus compétitives face à l’Espagne, sans parler de la Pologne ; les prix de la main-d’œuvre seront nettement supérieurs.
Je considère donc l’adoption de ces amendements comme le seul moyen de sauver les filières concernées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, entendez nos appels ! Nous voulons mettre nos filières à l’abri des distorsions de concurrence, du travail clandestin ou encore des prestations de services réalisées par des sociétés étrangères. À défaut, notre agriculture ne sera pas compétitive et des pans entiers du secteur disparaîtront.
Au départ, le coup de rabot était énorme. Puis le Gouvernement a utilisé un rabot plus petit. Mais, même réduit, le coup de rabot aggrave toujours les distorsions de concurrence. Le Gouvernement doit encore faire un effort. Sinon, ce sont des milliers de contrats saisonniers qui risquent d’en faire les frais.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous parlons de 0,008 % du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Est-ce une somme démentielle ?
Par ailleurs, on ne peut pas affirmer que l’adoption de ces amendements entraînerait une perte de recettes importante pour l’État tout en indiquant qu’aucun saisonnier ne perçoit de salaire égal à 1,25 SMIC ; car, dans ce cas, l’adoption des amendements n’aurait aucune conséquence financière…
Monsieur le ministre, vous avez eu des paroles d’amour à l’égard des agriculteurs ; pour bien vous connaître, je sais qu’elles étaient sincères. Il suffit à présent que vous leur en donniez quelques preuves ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Les exploitations alsaciennes sont en général plus petites que la moyenne nationale. Beaucoup d’entre elles ont dû diversifier leur production : maraîchage, arboriculture, viticulture… Naturellement, la main-d’œuvre saisonnière est forte ; elle représente 40 % du coût de production.
La suppression envisagée représente un véritable coup de massue pour ces exploitations, auxquelles elle ôte toute compétitivité, surtout dans notre région frontalière : les coûts salariaux allemands peuvent être beaucoup plus bas. Avec cette mesure, nos exploitations seront carrément étouffées ! Je voterai donc ces amendements identiques ; j’ai d’ailleurs cosigné celui de M. Duplomb.
Monsieur le ministre, je vous demande de défendre devant l’Assemblée nationale la position qui était jadis la vôtre et qui, j’en suis convaincu, l’est toujours en votre for intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Monsieur le ministre, vous l’avez bien compris : aujourd’hui, nous ne parlons pas de budget ou de projet de loi de financement de la sécurité sociale ; nous parlons des territoires, du cœur de la France ! Les fraises, les asperges, les pommes du Pilat… nous avons un beau panorama de la France, qui montre l’attachement du Sénat à notre pays.
L’union sacrée qui prévaut aujourd’hui dans cet hémicycle tient au fait que la mesure envisagée dans le PLFSS touche à l’identité de nos territoires et à notre modèle social.
On nous parle d’« extinction douce » du dispositif TO-DE. Une « extinction douce » est effectivement possible… à condition que les Espagnols, les Italiens, les Polonais, les Belges et les autres aient tous la même volonté d’harmonisation fiscale et sociale ! Monsieur le ministre, je vous engage à prendre votre baluchon et à aller négocier cette harmonisation fiscale et sociale en Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Pour l’instant, on prend le problème à l’envers, en mettant des boulets aux pieds de nos agriculteurs, sans compter qu’une telle mesure favorisera le travail détaché et le travail au noir. Je pense que nous ne voulons pas de cela, sur aucune travée.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur le fait – c’est un peu mon dada en ce moment ! – qu’une réforme portant sur les contrats courts est actuellement en préparation. Attention ! Si vous supprimez le dispositif TO-DE tout en taxant les contrats courts, on pourra vraiment fermer les exploitations de la ferme France.
Enfin, j’apprécie peu votre dernier argument : le Sénat ne devrait pas adopter un tel dispositif sous prétexte l’Assemblée nationale risque de voter autre chose… Que les députés prennent leurs responsabilités ! Pour notre part, nous prenons les nôtres. Laissons les députés aller expliquer aux agriculteurs de leur circonscription pourquoi ils auront voté la fin du dispositif TO-DE. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Monsieur le ministre, je pourrais citer Edgar Faure : « Ce n’est pas la girouette qui tourne ; c’est le vent. » (Sourires.) Je pourrais également rapporter ce que j’ai entendu ce matin de la part de notre collègue Robert Navarro sur la nécessité de ne pas ajouter de nouvelles dépenses. Tout le monde est d’accord sur le principe de faire des économies, mais dès lors qu’il s’agit de les mettre en œuvre concrètement, c’est plus compliqué… (M. Gérard Longuet approuve.)
Je me bornerai à rappeler les chiffres. Le fait de ramener le dispositif à 1,15 SMIC – c’est ce qui a été voté à l’Assemblée nationale –, représente un coût de 100 millions d’euros. D’ailleurs, cette somme ne figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elle fera partie d’une compensation prévue dans le projet de loi de finances. Ainsi, 70 millions d’euros proviennent des comptes de l’État et 30 millions d’euros seront prélevés sur le budget de l’agriculture.
Monsieur le ministre, ayant entendu la première partie de votre discours – à l’instar de M. Adnot, j’ai été sourd sur la seconde… (Sourires.) –, je souhaite vous faire une proposition.
Vous indiquez avoir compris la réalité du problème. Dans ce cas, acceptons 1,25 SMIC. Cessons de prendre les agriculteurs pour ce qu’ils ne sont pas. Garantissons-leur la pérennité du dispositif. Et donnons-nous rendez-vous lors de l’examen du projet de loi de finances pour trouver comment financer le delta entre 1,15 SMIC et 1,25 SMIC, soit 30 millions d’euros.
Les 100 millions d’euros que vous avez déjà trouvés sont liés au passage à 1,15 SMIC et à la compensation des quatre points de CICE, qui était de six points au départ. Je vous suggère de revenir au 1,25 SMIC et de garder les quatre points. Cela représente 30 millions d’euros. Nous verrons ensemble où les prendre lors de l’examen du projet de loi de finances.
L’an dernier, votre prédécesseur avait inscrit une réserve de 300 millions d’euros sur le budget de l’agriculture. Il s’en est servi pour payer 176 millions d’euros d’apurement budgétaire, face à ce que je qualifierais volontiers d’errements de l’administration française. Dire aux agriculteurs que l’on ne peut pas trouver 30 millions d’euros quand on est capable de couvrir les erreurs de l’administration pour 176 millions d’euros, c’est tout simplement leur manquer de respect ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le ministre, j’ai pris la parole hier sur l’article 8. Comme l’a souligné notre collègue Cécile Cukierman, dans cet hémicycle, nous sommes tous mobilisés sur ce dossier, car il est majeur.
Je m’adresse à vous avec la tempérance qui sied au Sénat, mais nous sommes face à une crise. C’est même une crise majeure ! Vous devez donc nous proposer une sortie de crise.
J’ai défendu un amendement ayant pour objet le 1,25 SMIC en général, qui est tombé dans les méandres de l’irrecevabilité. Vous m’avez indiqué que le dispositif aurait peu d’effet sur les grosses structures. Je crois que nous ne parlons pas du même monde rural ! Pour ma part, je parle des petites exploitations et des petites entreprises agricoles qui travaillent aussi avec des emplois saisonniers.
Hier, j’ai pris l’exemple des pépiniéristes viticoles. Ils sont 600. À la force des bras, ils sont devenus l’année dernière leaders mondiaux. Ils sont touchés par le dispositif que vous proposez. En l’état, cela représente 5 millions d’euros pour eux en moins, soit 8 000 euros en moins par pépinière. Cela peut vous paraître dérisoire, mais ce ne l’est pas pour eux ni pour nous, élus locaux. Nous nous battons depuis des années pour sauver nos territoires et nos exploitations agricoles, qui font le socle de notre économie locale. Ces exploitations embauchent, emploient nos concitoyens et font parfois survivre des familles de nos communes. Nous leur devons ce combat. Et vous nous le devez !
En une seule décision, vous allez briser la dynamique que nous avons mis des années à engager ; vous allez casser ce que nous avons gagné de haute lutte pour nos territoires !
J’ai tout de même une pensée pour nombre de collègues qui sont au bord du gouffre. Pour ma part, je leur dirais que, ensemble, nous avons voté un sursis pour eux aujourd’hui. Mais vous, qu’allez-vous leur dire ? Ce que vous disiez dans cet hémicycle voilà quelques jours à peine, alors que vous étiez encore sénateur, à savoir que l’adoption d’une telle mesure serait « la fin de l’agriculture » ?
Prenez vos responsabilités, monsieur le ministre. Vous devez nous proposer quelque chose ce soir ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Émorine, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Émorine. Les trois amendements identiques dont nous sommes saisis sont politiquement « transcourants », ce qui montre leur importance capitale.
Monsieur le ministre, je vous fais tout à fait confiance. Lors de votre prise de fonction, vous avez déclaré que le suicide des agriculteurs ne devrait plus exister. Vous êtes donc face à vos responsabilités.
Le président du Sénat est venu dans mon département accompagné de Sophie Primas et d’Anne-Catherine Loisier, alors rapporteur sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable. Les centres de gestion d’économie rurale ont présenté les résultats de notre agriculture, qui étaient négatifs dans presque tous les secteurs : céréales, élevage allaitant… Seules la viticulture et la production laitière dégageaient quelques marges.
À un moment donné, la Mutualité sociale agricole a publié le revenu des agriculteurs : un tiers d’entre eux gagnent moins de 360 euros par mois et encore un tiers ont moins de 1 000 euros par mois. Ces amendements sont donc tout à fait symboliques compte tenu de la situation de notre agriculture. La crise est structurelle ; elle n’est plus conjoncturelle, la sécheresse ayant encore aggravé les choses.
Monsieur le ministre, vous avez suffisamment d’expérience de la vie parlementaire. Vous étiez à mes côtés lorsque je présidais une commission permanente du Sénat. Vous avez indiqué que l’Assemblée nationale risquait d’opter pour 1,20 SMIC. Mais vous vous doutez bien que si le Président de la République se prononce en faveur d’une exonération à 1,25 SMIC, l’Assemblée nationale le suivra !
Soyez attentif à la situation très délicate de notre agriculture. C’est son avenir qui est en jeu. D’ailleurs, le budget de l’agriculture est en baisse. Certes, M. le ministre a dit qu’il fallait aussi tenir compte de la forêt et de la ruralité. Mais les crédits baissent tout de même de 268 millions d’euros dans le projet de loi de finances.
L’agriculture doit être soutenue aujourd’hui si nous voulons défendre nos territoires ruraux, en particulier nos paysages et nos productions de qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Morisset. Avec mon collègue Philippe Mouiller, nous ne voulons pas que notre département, les Deux-Sèvres, subisse une double peine. Comme cela a été évoqué, 1 200 exploitants ne vont plus bénéficier de l’ICHN ; seules treize exploitations de notre département continueront à en bénéficier. On nous a annoncé voilà quelques mois les conséquences d’une telle mesure sur le travail saisonnier, par exemple dans l’arboriculture et la production de melons.
J’ai eu beaucoup d’espoir en lisant les déclarations des députés La République En Marche de notre département, selon lesquelles l’Assemblée nationale avait voté le maintien de l’exonération en commission. Ils indiquaient notamment : « Cette décision est le fruit d’un travail collectif […] et le signe que les députés de la majorité demeurent résolus au quotidien à soutenir notre monde agricole. »
Toutefois, ils ajoutaient vouloir rester vigilants quant à la nouvelle copie qui devait être rendue prochainement. Force est de constater qu’ils ne sont pas restés bien vigilants ! L’agriculture de notre département ne se retrouve pas dans la décision qui a été prise à l’Assemblée nationale.
Comme l’a souligné notre collègue Laurent Duplomb, le manque sera de 39 millions d’euros en 2019, de 64 millions d’euros en 2020 et de 144 millions d’euros en 2021. Vous comprenez bien que nous ne puissions plus entendre de tels messages.
En Nouvelle-Aquitaine – vous savez qu’il s’agit d’une grande région –, 175 930 contrats saisonniers, cela représente un manque de 8 millions d’euros pour la seule année 2019. Soyons raisonnables : dans un contexte de concurrence entre les territoires européens, chaque euro compte !
Le coût du travail saisonnier est inférieur de 27 % en Allemagne, de 35 % en Espagne et de 37 % en Italie. Mettez-vous à la place des arboriculteurs des Deux-Sèvres et du territoire français en général ; ils ne peuvent pas admettre de telles décisions !
Monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour faire en sorte que nos territoires ruraux puissent continuer à vivre et que nos agriculteurs ne subissent pas de double peine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour explication de vote.
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le ministre, voilà quelques semaines, alors que vous étiez encore sénateur, vous déclariez ceci : « Lorsqu’un ministre de Bercy répond à une question sur l’agriculture, je m’inquiète terriblement. » Cela vous avait valu d’être très applaudi dans cet hémicycle. Applaudi, vous l’avez encore été voilà quelques minutes après votre vibrant plaidoyer en faveur de l’agriculteur. Malheureusement, ce fut un peu plus compliqué au moment de la chute…
Lorsqu’un amendement déposé par notre collègue Laurent Duplomb et par des sénateurs d’autres groupes politiques est unanimement soutenu et devient, en quelque sorte, l’amendement du Sénat, il convient d’y porter une attention toute particulière. Il y va tout simplement de l’avenir de notre agriculture.
La proposition de notre collègue Laurent Duplomb, qui vous donne rendez-vous lors de l’examen du projet de loi de finances pour trouver les millions d’euros manquants, me semble particulièrement intéressante. Monsieur le ministre, montrez-nous que votre plaidoyer pour l’agriculture saura convaincre les députés de la majorité ! Montrez-nous que vous êtes un ministre de l’agriculture qui sait tenir tête à Bercy ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. L’amendement de repli que j’ai déposé a été signé par un certain nombre de parlementaires de mon groupe, du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Monsieur le ministre, je vous ai entendu. Je sais l’intérêt que vous portez au milieu rural et à l’agriculture. J’ai pour vous beaucoup de respect et d’estime. Vous avez été, comme un certain nombre d’entre nous, président de département, donc tout près de la ruralité.
Je considère qu’un certain nombre de mes arguments sont repris dans le dispositif proposé par M. Duplomb. Je soutiendrai donc son amendement, que je trouve meilleur pour les agriculteurs. Une telle mesure permettrait d’apporter des aides et d’éviter les problèmes de compétitivité dus aux charges excessives, aux travailleurs étrangers, au travail au noir… Je suis disposé à retirer mon amendement pour voter le sien. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je ne reviens pas sur les arguments qui ont déjà été défendus avec précision, conviction et souvent même émotion. À ce grand cri de désespoir qui provient de tous les territoires de France et qui s’exprime aujourd’hui au Sénat, je veux ajouter la voix de mon département.
L’économie agricole du département de l’Aisne se développe surtout sur de grandes plaines céréalières et betteravières. Mais elle comporte, dans les vallées et dans certains secteurs, une activité de viticulture, avec la production de 10 % du champagne français, ainsi que différentes activités maraîchères : légumes, fruits, aromates, safran bio… Ces activités seraient bien évidemment durement touchées par les mesures envisagées si celles-ci devaient demeurer en l’état.
Je voterai donc évidemment en faveur des amendements qui nous sont proposés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. J’entends des représentants de chaque territoire décrire la même réalité. Dans mon département, le Tarn-et-Garonne, les arboriculteurs et les maraîchers sont dans la même situation. Nous savons très bien que la fin de l’exonération va créer des problèmes majeurs et déstabiliser des filières entières.
Monsieur le ministre, le 26 septembre dernier, ici même, nous avons tous applaudi sincèrement vos propos lorsque vous avez, en tant que sénateur, interpellé le ministre. C’était Mme Gény-Stephann qui vous répondait, et vous aviez eu, comme l’a dit notre collègue Mathieu Darnaud, des mots très clairs sur ce sujet. Vous aviez même ajouté qu’en supprimant l’exonération de charges du dispositif TO-DE, on signait la fin de la petite agriculture, celle que précisément nous voulons aujourd’hui préserver.
Très franchement, je trouve votre réponse dilatoire eu égard au sujet. Vous dites à tout propos – c’est bienvenu – que vous voulez défendre les agriculteurs ; vous l’avez encore dit hier devant la commission. Or vous avez là l’occasion rêvée, si j’ose dire, de mettre vos actes en conformité avec vos propos et aussi, me semble-t-il, avec vos convictions. J’aimerais que, comme ministre, aujourd’hui, vous retrouviez toute la lucidité qui était la vôtre lorsque vous siégiez ici, comme sénateur, il y a six semaines encore.
Vous dites aujourd’hui qu’il faut prendre ses responsabilités et que vous ne serez peut-être pas en mesure de convaincre les députés. Mais, parmi les députés, il s’en trouve sans doute quelques-uns qui demeurent « en pleine terre » et qui sont capables, en tant que parlementaires, de mesurer les effets que produira sur leur territoire l’application d’une telle disposition.
De toute façon, nous attendons d’un ministre, sur un sujet majeur comme celui-ci, qu’il mette tout son pouvoir de conviction dans l’exercice de sa pleine responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)