Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, auteur de la question n° 359, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Rémi Féraud. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation extrêmement préoccupante provoquée par la présence, à Paris, mais aussi dans d’autres villes de France, de mineurs isolés étrangers, parfois très jeunes, en errance et refusant, malgré la forte implication de tous les acteurs depuis plusieurs mois, les prises en charge qui leur sont proposées.
Parfois à la rue depuis leur plus jeune âge dans leur pays d’origine, le Maroc essentiellement, ces enfants commettent de nombreux actes de violence. Ils sont souvent devenus polytoxicomanes et se mêlent progressivement aux réseaux de délinquance organisée.
Cette problématique concerne tout particulièrement le quartier de la Goutte d’Or, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Ces enfants et adolescents représentent un danger pour la sécurité des habitants et sont eux-mêmes en grand danger.
La situation devient aujourd’hui d’autant plus alarmante que nous constatons tous l’impuissance des pouvoirs publics à répondre à la détresse de ces jeunes, qui sont à la fois victimes et délinquants. Or cette situation dépasse largement les compétences des collectivités locales en matière de protection de l’enfance.
La coopération avec les autorités marocaines, mise en place depuis quelques semaines, mais qui ne semble pas être inscrite dans la durée, est un outil indispensable, ne serait-ce que pour permettre l’identification des jeunes. Néanmoins, elle ne saurait constituer la seule réponse à une situation qui relève d’abord de l’enfance en danger et de la protection de l’enfance et qui demande un engagement beaucoup plus fort des institutions qui en ont la responsabilité.
La maire de Paris, Anne Hidalgo, a écrit en ce sens au Premier ministre le 17 juillet dernier. Elle propose de travailler avec l’État à la création d’une structure adaptée à ces mineurs, qui fonctionnerait comme un centre éducatif fermé, en accordant une place prédominante aux soins.
J’aimerais donc savoir, madame la secrétaire d’État, premièrement, quels moyens adaptés vont être déployés par l’État dans les mois qui viennent pour continuer d’activer les contacts diplomatiques avec les pays d’origine de ces mineurs isolés, en particulier le Maroc ; deuxièmement, pour renforcer les capacités d’action des forces de police dans les quartiers concernés ; troisièmement, pour trouver des réponses concrètes sur le plan pénal afin de sortir ces enfants de la rue et de leurs addictions, y compris contre leur gré, et de pouvoir mettre en œuvre une prise en charge éducative adaptée à leur situation ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, retenue pour une réunion à l’Élysée, ce que l’on peut comprendre, compte tenu de l’actualité. Elle est remplacée par Mme Delphine Gény-Stephann.
La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Rémi Féraud, je vous transmets en effet la réponse de Mme la garde des sceaux.
La problématique des mineurs non accompagnés marocains mobilise fortement la justice, notamment les juridictions de la région parisienne, au premier rang desquelles le parquet des mineurs de Paris et le tribunal pour enfants.
Vous l’avez dit, ces jeunes, souvent polytoxicomanes, vivent dans des conditions d’errance extrêmement précaires. Ils peuvent être à l’origine d’atteintes répétées à l’ordre public tout en étant eux-mêmes victimes de violences ou de réseaux de trafics.
À Paris, il y aurait en permanence entre quarante et soixante-dix mineurs localisés dans le quartier de la Goutte d’Or, avec des arrivées et des départs continus.
Ces mineurs représentent une part importante de l’activité de la permanence des mineurs du parquet de Paris. L’an dernier, 813 mineurs ont été placés en garde à vue, dont 482 ont été déférés au parquet. Ces mineurs refusent en général les prises en charge et fuguent des dispositifs de placement.
Les autorités françaises et marocaines unissent actuellement leurs efforts pour traiter la situation de ces mineurs non accompagnés, présumés marocains.
Depuis le 18 juin dernier, les autorités marocaines ont dédié une mission, installée dans le commissariat du XVIIIe arrondissement, en charge d’identifier ces mineurs et d’établir leurs liens familiaux. Au cas par cas, des solutions seront apportées, dans leur intérêt et le respect de leurs droits. Dans ce cadre, les juges des enfants décideront de toute mesure adaptée.
L’objectif est de sortir ces mineurs des rues et de les protéger. Nous souhaitons les inscrire dans un projet de réinsertion durable, familial et/ou institutionnel, tenant compte de leurs besoins fondamentaux en termes de santé physique et psychique et de leurs perspectives d’avenir, dans le cadre de la scolarité ou d’un apprentissage.
Tous les acteurs compétents, français et marocains, travaillent en collaboration, dans le strict respect de la législation applicable.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour répondre à Mme la secrétaire d’État.
M. Rémi Féraud. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de m’avoir transmis la réponse de Mme la garde des sceaux.
Nous sommes d’accord sur le constat. Je ne conteste pas du tout la nécessité de travailler avec les autorités marocaines, au cas par cas, sur la situation de ces enfants. Certains peuvent avoir vocation – ce serait la meilleure solution pour eux – à retourner dans leur pays d’origine. Néanmoins, nous avons déjà perdu beaucoup de temps.
Les pouvoirs publics ne peuvent pas rester impuissants face à cette situation, qui nécessite de faire évoluer un certain nombre de méthodes et d’outils de travail concernant la justice des mineurs. Pour le moment, les dispositifs de droit commun ne se sont pas révélés efficaces, ces mineurs très jeunes s’enfuyant souvent lorsqu’ils sont pris en charge.
Voilà pourquoi la Ville de Paris s’est dite volontaire pour être partenaire de l’État – cette situation relève de ses compétences – afin d’imaginer d’autres solutions, comme des centres éducatifs fermés adaptés à ces enfants. Je pense que le Gouvernement ne devrait pas tarder à travailler à cette solution, au-delà de la seule coopération avec les autorités marocaines, afin de faire face à cette situation et de mettre fin à l’impuissance actuelle.
projet d’implantation d’une prison à limeil-brévannes
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la question n° 294, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Laurent Lafon. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur le projet de construction d’un établissement pénitentiaire dans le Val-de-Marne.
Mme la garde des sceaux avait annoncé, au mois de mars dernier, qu’une quinzaine de quartiers de préparation à la sortie seraient prochainement ouverts, sur le modèle des « prisons ouvertes » scandinaves. Je ne conteste pas l’objectif, à savoir mieux lutter contre la récidive, alors que plus 60 % des sortants de prison sont réincarcérés dans les cinq ans. Ce qui pose question, c’est le choix de la localisation, tout particulièrement dans le Val-de-Marne, où deux emplacements sont envisagés.
À Limeil-Brévannes, la construction d’une prison serait un coup dur porté aux projets de la ville, et ce pour deux raisons principales : il y a déjà un projet de développement d’une zone d’attractivité économique sur la parcelle envisagée et la prison menacerait la construction de la future station de téléphérique des Temps durables.
À Choisy-le-Roi, le site envisagé est discutable. La construction d’un établissement pénitentiaire risque de freiner l’essor de la ZAC du quartier du Port. La ville de Choisy a besoin du développement de ces anciennes friches en bord de Seine, alors qu’elle souffre d’un réel déficit d’investissement en termes d’équipements publics.
Surtout, je m’interroge sur le choix de construire un nouvel établissement dans le Val-de-Marne. La création de quartiers prioritaires de sécurité ne passe pas forcément par la construction de nouveaux sites. Elle peut passer aussi par des réhabilitations de sites pénitentiaires existants, comme c’est le cas en Isère.
Dans le Val-de-Marne, nous avons justement le deuxième plus grand établissement pénitentiaire de France, celui de Fresnes. Alors que la maison d’arrêt fait l’objet d’un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, pour conditions indignes de détention, Mme la garde des sceaux a annoncé il y a un mois que le principe de la rénovation était retenu. C’est évidemment une bonne nouvelle. L’intégration d’un quartier de préparation à la sortie dans un centre pénitentiaire de Fresnes pleinement rénové apparaît aujourd’hui comme une éventualité.
Ma question est donc simple et double : quels sont les projets de l’État pour la construction de nouveaux établissements pénitentiaires dans le Val-de-Marne ? Comment justifier cette construction ? Pourquoi ne pas rénover le centre pénitentiaire de Fresnes pour y intégrer un quartier de préparation à la sortie ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Laurent Lafon, j’interviens au nom de Mme la garde des sceaux, qui a eu l’occasion de répondre à des questions d’autres parlementaires sur le sujet et m’indique que son cabinet a reçu l’ensemble des élus qui en ont fait la demande.
Pour la seule Île-de-France, au regard des besoins projetés de la population pénale, ce sont six structures de ce type qu’il faut bâtir. Il s’agit d’établissements fermés, accueillant un public de personnes condamnées à de courtes peines ou d’autres, en fin de peine, dont le potentiel de réinsertion est avéré.
Mme la garde des sceaux vous sait gré de reconnaître l’opportunité de développer notre parc pénitentiaire en adaptant les structures aux différents types de publics qu’il doit accueillir. Elle regrette que vous considériez que ce nécessaire effort doit prendre place ailleurs que dans votre circonscription.
Elle rappelle qu’une des réponses à la surpopulation carcérale forte que nous connaissons, au-delà de la refonte du dispositif de sanction et de l’échelle des peines qu’elle présentera dans le cadre du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, réside dans un programme immobilier ambitieux de 15 000 places supplémentaires d’ici à 2027, dont 7 000 livrées à l’horizon de la fin de 2022.
Limeil-Brévannes, au regard des propositions foncières qui nous ont été faites, est l’une des deux implantations envisagées pour le Val-de-Marne. Les études préliminaires montrent la faisabilité du projet, sans remettre en cause les perspectives de développement de la zone, particulièrement du projet de téléphérique urbain défendu par Mme le maire.
Le choix d’implantation, comme pour l’ensemble du programme immobilier pénitentiaire et afin d’en garantir la cohérence, sera arrêté prochainement et en une seule fois. Les annonces correspondantes seront faites au moment de la présentation du projet de loi de programmation, au mois d’octobre.
S’agissant, enfin, de la maison d’arrêt de Fresnes, Mme la garde des sceaux précise que des crédits d’étude ont été débloqués dès cette année afin de déterminer le programme de rénovation envisageable.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour répondre à Mme la secrétaire d’État.
M. Laurent Lafon. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces éléments de réponse. J’ai bien pris soin de préciser, au début de mon intervention, que je ne suis pas contre les projets d’établissements à sécurité adaptée défendus par le Gouvernement, qui sont utiles et tout à fait complémentaires des établissements existants.
Ma question porte sur la localisation et la problématique spécifique du Val-de-Marne liée à la présence du centre pénitentiaire de Fresnes. L’installation d’un nouvel établissement sur le site de Fresnes aurait un sens en termes de complémentarité. Elle permettrait en outre d’éviter la question toujours délicate, quelle que soit la commune, de l’implantation d’un nouvel établissement pénitentiaire. C’est pourquoi j’invite le Gouvernement à envisager l’installation d’une « prison ouverte » dans le cadre de la rénovation de l’établissement pénitentiaire de Fresnes.
devenir du recrutement en école d’orthophonie
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand, auteur de la question n° 418, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Anne-Marie Bertrand. Madame la secrétaire d’État, ma question concerne les formations paramédicales. La suppression annoncée du concours d’entrée en institut de formation en soins infirmiers au profit d’une sélection par Parcoursup dès le printemps 2019 suscite des inquiétudes. Ce processus de sélection, qui devrait ensuite être généralisé pour toutes les études paramédicales, nuirait notamment à la profession d’orthophoniste.
Ces concours d’entrée en école d’orthophonie, difficiles mais essentiels, garantissent en effet une maîtrise de connaissances variées et nécessaires à cette profession. Ainsi, cette suppression risquerait d’entraîner un nivellement vers le bas, alors que la place des orthophonistes est amenée à croître, au regard notamment du vieillissement de la population. Enfin, il existe également un aspect économique, avec la mise en danger des établissements privés qui préparent à ces concours. Les supprimer brutalement, comme cela vient d’être fait pour les concours d’infirmiers, serait évidemment difficile pour leurs salariés.
Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, me préciser les modalités de recrutement en école d’orthophonie dans les années à venir ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Anne- Marie Bertrand, je vous réponds au nom de Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Frédérique Vidal.
Votre question porte sur les effets combinés de la mise en œuvre de Parcoursup et du processus d’universitarisation des formations paramédicales sur l’accès aux formations en orthophonie.
Agnès Buzyn et Frédérique Vidal ont conduit plusieurs cycles de discussion afin de dessiner les contours de la transformation des études de santé. C’est une nécessité afin de doter notre pays de professionnels de santé encore mieux formés et capables de s’adapter aux besoins croissants.
L’universitarisation des formations paramédicales a vocation à rapprocher ces formations de l’université, afin de garantir les mêmes droits à tous les étudiants, tout en facilitant la transversalité et les approches interprofessionnelles entre futurs professionnels de la santé.
Vous l’avez rappelé, les personnels soignants formés dans les instituts de formation en soins infirmiers seront admis sur dossier via Parcoursup, et le profil de chaque candidat sera ainsi examiné pour ce qu’il est et non plus pour sa conformité avec les règles d’un concours.
S’agissant des formations en orthophonie, la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants prévoit, conformément à un amendement adopté par le Sénat, que l’offre de formation disponible soit inscrite sur Parcoursup en perspective de la campagne d’affectation de 2019. Certaines formations pourront n’intégrer la plateforme qu’en 2020.
L’intégration dans Parcoursup en tant que telle n’enlève rien au caractère sélectif de ces formations. La suppression de la hiérarchisation des vœux sur Parcoursup interdit les stratégies d’optimisation qui conduiraient certains à s’orienter en orthophonie « par défaut ». La spécificité de l’orthophonie sera ainsi respectée, ce qui n’enlève rien à la nécessité de réfléchir à la façon d’identifier plus finement les bacheliers ou les étudiants en réorientation qui correspondent le mieux aux attendus d’une formation en orthophonie.
C’est ce à quoi le Gouvernement travaille en ce moment, en lien avec les écoles en orthophonie, les centres de préparation au concours et les professionnels du secteur. À ce stade, cette réflexion est toujours en cours, s’agissant tant du calendrier que des modalités d’accès aux écoles en orthophonie. Des annonces spécifiques auront lieu, le moment venu, une fois qu’une position équilibrée aura été définie en concertation avec tous les acteurs concernés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand, pour répondre à Mme la secrétaire d’État.
Mme Anne-Marie Bertrand. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Néanmoins, vous comprendrez qu’il est important, aussi bien pour les étudiants que pour les établissements formant au concours, d’être informés assez rapidement. Il y va aussi bien des emplois que de l’avenir des étudiants.
calendrier de notification et de versement des dotations aux collectivités locales
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 413, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Nadia Sollogoub. Je souhaite par cette question, madame la secrétaire d’État, appeler votre attention sur les graves conséquences financières, pour les collectivités territoriales, qu’entraîne le retard chronique et systématique, en matière de notification, particulièrement, et de versement, par l’État, des subventions et des compensations financières et fiscales auxquelles elles ont droit. En dépit des nombreux engagements de l’État à ce sujet, ce problème récurrent n’a pas trouvé, à ce jour, de solution satisfaisante. Quelles que soient les règles en vigueur en matière de subventions et de compensations accordées par l’État aux collectivités locales, il doit pourtant être possible de définir et de mettre en œuvre, de manière programmée et rigoureuse, une procédure qui permette, à terme, la notification et le versement intégral des dotations et des compensations avant une date limite précise.
Pour mémoire, la liste des informations financières qui doivent être communiquées aux collectivités territoriales figure à l’article D. 1612-1 du code général des collectivités territoriales. L’idéal en la matière serait que cette date tende à se rapprocher le plus possible du 31 mars, date limite prévue par la loi pour la communication des informations indispensables au vote du budget des collectivités. On ne peut sans cesse appeler à une gestion plus performante des collectivités locales si l’État ne fait pas preuve, de son côté, d’une véritable rigueur en matière de délais de notification, d’application et de versement des dotations et des compensations attribuées aux collectivités locales.
À titre d’exemple, on peut citer le cas de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, notifiée en général aux mois de mai ou de juin, et pour laquelle les services de l’État exigent un commencement des travaux avant octobre de la même année !
Je vous demande donc quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour mettre en œuvre, en étroite concertation avec les élus locaux, une procédure claire et rigoureuse et, surtout, un calendrier réaliste, particulièrement attendus par nos collègues élus en cette période d’austérité budgétaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Nadia Sollogoub, je vous réponds au nom du ministre de l’action et des comptes publics, dont je vous prie d’excuser l’absence.
Vous interrogez le Gouvernement sur les délais de notification des dotations et des subventions allouées aux collectivités territoriales. Le respect de ce calendrier est une priorité pour le ministre de l’action et des comptes publics, tout comme d’ailleurs pour le ministre de l’intérieur, dont les services calculent et mettent en œuvre les transferts financiers au profit des collectivités.
Concernant les dotations et les compensations d’exonération, il s’agit d’informations indispensables pour que les collectivités puissent adopter leur budget dans les délais fixés par la loi, c’est-à-dire le 15 avril de l’année, au plus tard.
Si la collectivité ne dispose pas, à la date du 31 mars, d’un certain nombre d’informations indispensables, le délai limite d’adoption de son budget est alors reporté. Par exemple, le calcul de la dotation globale de fonctionnement s’achève aux alentours du 31 mars, une fois que l’ensemble des données disponibles a pu être recensé et fiabilisé. Si la mise en ligne n’intervient pas le 31 mars, mais le 2 avril, alors le délai limite d’adoption du budget est reporté du 15 au 17 avril.
La fin du mois de mars ou le début du mois d’avril sont des échéances incompressibles. Le recensement des attributions de compensation auprès des collectivités s’achève le 28 mars. Plus généralement, certaines données doivent, en vertu de la loi, provenir du dernier compte administratif disponible. Pour raccourcir les délais, il faudrait donc renoncer à utiliser les données de l’année écoulée et se fonder sur des données de l’année n-2, périmées. C’est une éventualité que le Gouvernement exclut.
En revanche, le ministère de l’action et des comptes publics ne partage pas votre observation relative aux subventions d’investissement, tout simplement parce qu’il ne s’agit pas de constater un « droit » pour la collectivité, mais bien de lui allouer une subvention sur la base des projets qu’elle aura proposés. Vous remarquerez d’ailleurs que la loi demande déjà au préfet de programmer la DETR avant le 31 mars.
Soyez assurée, madame la sénatrice, que les services préfectoraux sont pleinement mobilisés, comme chaque année, pour examiner la trentaine de milliers de dossiers de subvention qui leur sont adressés aux mois de janvier et de février pour être en mesure d’effectuer une programmation rapide, judicieuse et efficace des crédits.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour répondre à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nadia Sollogoub. Madame la secrétaire d’État, je suis parfaitement consciente que les services des préfectures sont noyés pour examiner les dossiers de la DETR et je les remercie vivement de tout le travail qu’ils accomplissent.
Simplement, je ne suis pas certaine que la personne ayant rédigé cette réponse ait été, un jour, élue locale. Il faut en faire l’expérience pour se rendre compte de ce que représente le vote du budget d’une commune, avec les délais d’envoi des convocations, les contraintes éventuelles des élus. La première quinzaine d’avril, on consulte plusieurs fois par jour son ordinateur pour savoir si les dotations sont arrivées. On finit par envoyer les convocations, et les dotations sont notifiées le lendemain du vote du budget, qu’il faut revoir pour l’ajuster à la baisse de 50 000 ou 60 000 euros !
Malheureusement, je pense que votre réponse, même si elle est vertueuse et s’efforce d’aller dans le bon sens, est tout de même coupée de la réalité de ce que vivent les élus de terrain.
En ce qui concerne la DETR, la situation est compliquée parce que les travaux doivent être engagés en octobre. Il faut donc consulter une éventuelle maîtrise d’œuvre en amont, sans savoir si les subventions seront accordées. C’est un calendrier ubuesque, impossible à tenir… Il faut vraiment se mettre à la place des élus de terrain, à qui l’on demande sans cesse des efforts, car cela ne peut plus durer !
activité « relation clients » d’engie
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, auteur de la question n° 424, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Franck Montaugé. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis dix ans, le groupe national Engie a fermé dix-neuf de ses trente-deux sites de relation clients, supprimé 1 000 emplois et externalisé 85 % de ses activités clientèle, dont 30 % à l’étranger. Cette hémorragie s’est encore accélérée depuis deux ans par des délocalisations au Cameroun et au Sénégal, après le Maroc, le Portugal et l’île Maurice. Près de 3 000 emplois sont actuellement menacés par cette stratégie de délocalisation vers des pays à bas coûts de main-d’œuvre.
Ces délocalisations permettront des économies dérisoires, de l’ordre de 7 millions d’euros, à comparer au 1,4 milliard d’euros de bénéfices réalisés par le groupe en 2017, ceci dans le cadre d’un marché de 11 millions de clients générant 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires. De surcroît, cette stratégie fait fi de la dimension humaine du sujet. Elle prévoit par exemple la formation du personnel à l’étranger par ceux-là mêmes qui, demain, verront leur emploi en France supprimé ! Ces milliers d’emplois sont pourtant souvent indispensables à l’économie locale française et à la cohésion des territoires. Certains de ces territoires seront considérablement affaiblis par la disparition des centres de « relation clients » et de leurs emplois.
Lors d’une récente audition par la commission des affaires économiques du Sénat, Mme Isabelle Kocher, directrice générale d’Engie, a indiqué aux commissaires qu’« il n’y a pas d’avenir pour la relation clients ». Comment faut-il comprendre cette déclaration, madame la secrétaire d’État ? Quelle appréciation l’État, actionnaire principal à hauteur de 24,1 % du capital et qui détient 28,1 % des droits de vote, porte-t-il sur cette stratégie d’entreprise ?
Faut-il comprendre qu’Engie s’apprête à vendre ce portefeuille de 11 millions de clients dans le cadre, par exemple, de l’entrée de nouveaux partenaires au capital en compensation du retrait de l’État, comme pourrait le permettre in fine le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit PACTE ?
Enfin, quelles mesures l’État compte-t-il prendre pour préserver l’emploi de ces activités de relation clients en France et pour les relocaliser en France ?
M. Fabien Gay. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Franck Montaugé, vous m’interrogez sur la politique d’externalisation des activités de service client du groupe Engie, dont l’État est l’actionnaire de référence. Sachez que nous sommes particulièrement attentifs à la dimension sociale de la transformation en cours de ce groupe. À cet égard, il faut signaler que le groupe a signé en avril 2016, avec trois fédérations syndicales européennes, un accord impliquant qu’une offre d’emploi au sein du groupe soit proposée à tout salarié concerné par des réorganisations. Cet accord prévoit, en outre, un important effort de formation.
Sur le sujet spécifique du service client, la décision d’Engie d’externaliser une partie de son service résulte d’une intensification de la concurrence sur ses marchés, en lien avec la dérégulation des marchés de l’énergie. Le groupe a traversé une crise profonde jusqu’en 2016, à l’image des énergéticiens européens. Ces entreprises possédant un large portefeuille de clients sont confrontées à la nécessité de réduire leurs coûts, tout en proposant un service davantage en ligne avec les standards actuels, reposant sur les technologies numériques et une approche multicanale. Elles procèdent à une externalisation croissante des formes traditionnelles d’interaction avec la clientèle, éventuellement au travers d’opérateurs basés à l’étranger proposant des prestations moins onéreuses sur une plage calendaire et horaire élargie, et parallèlement au déploiement d’outils avancés de CRM, ou Customer Relationship Management, intégrant l’apport de nouvelles technologies faisant appel notamment à l’intelligence artificielle.
Ce double mouvement d’externalisation des activités à faible valeur ajoutée et de recours croissant à des éditeurs de solutions et des entreprises de services numériques spécialisées s’inscrit dans la transformation numérique des processus. Les entreprises françaises spécialisées dans la relation clients tiennent donc, avec cette transformation, l’occasion de rebondir.
Le groupe Engie a ainsi tout récemment confié à des sociétés françaises l’intégration de la relation clients numérique multicanale dans son système d’information. Dans ce contexte, les professionnels concernés et le Gouvernement travaillent au renforcement des atouts de nos entreprises et plus généralement à l’attractivité de notre pays.