M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Le présent article met à mal les principes posés par la loi Littoral de 1986, qui permettait pourtant de tenir un équilibre, certes précaire, entre la préservation nécessaire de nos littoraux et la prise en compte de la démographie croissante à laquelle doit faire face notre pays.
À cet effet, cette loi se fondait sur deux principes : un développement urbain uniquement dans la continuité des villes et villages existants et la protection, pour des raisons environnementales et esthétiques, des littoraux sur un espace de cent mètres au-delà des rivages. L’article 12 quinquies remet en cause ce dispositif en entérinant le principe de constructions sur les littoraux, si celles-ci répondent à des besoins de logement ou de développement de services publics.
L’intention est bien sûr louable : nous avons, certes, besoin de plus de services publics et de logements plus nombreux, notamment pour les plus précaires. Toutefois, cette solution comporte un écueil de taille : elle est la porte ouverte à toutes les dérives. En effet, si une dérogation était consentie pour le service public et le logement social, qu’est-ce qui empêcherait, plus tard, la prolifération sur les littoraux de complexes hôteliers ou de locaux relevant du secteur privé ?
Alors même que la loi ALUR permet déjà un certain nombre de dérogations, fermement encadrées, afin de densifier et d’améliorer l’offre de logements, l’exécutif, probablement au service de lobbies de l’immobilier, souhaite étendre cette possibilité au mépris de toute logique environnementale.
« Make our planet great again ! », a dit voilà plus d’un an Emmanuel Macron, exhortant les chefs d’État du monde à respecter leurs engagements internationaux en matière environnementale. Cela ne concernait de toute évidence pas la préservation de nos littoraux…
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, sur l’article.
M. Michel Canevet. Passionnel, notamment dans cet hémicycle, le sujet que nous abordons est important, parce qu’il importe, à mon sens, de tenir compte de la réalité de ce que connaissent les élus qui vivent les questions liées à la loi Littoral. Je n’aimerais pas que ceux d’entre nous qui ne connaissent pas ni ne pratiquent la loi Littoral viennent faire la leçon à ceux qui connaissent les problèmes au jour le jour. (MM. Loïc Hervé, Jean Bizet et Alain Marc applaudissent. – Mme Esther Benbassa s’exclame.)
Nous avons eu le plaisir d’accueillir le Président de la République en Bretagne pendant deux jours au mois de juin dernier. Le 21 juin, il a prononcé à Quimper un discours affirmant la nécessaire ambition maritime de la France.
Permettez-moi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de donner lecture de la partie de ce discours qui concerne la loi Littoral : « Mais vous n’êtes pas non plus tombés dans le conservatisme qui fait que, tout en protégeant légitimement la côte, le littoral, plus aucun projet ne serait possible. Je sais, nous l’avons vu hier encore, que certains élus ont vécu avec cruauté – nous en parlions ce matin – les projets qui ont pu être bloqués, parce que, progressivement, nous avons construit ce qui est sans doute une vision excessive de la fameuse loi Littoral. »
Et le chef de l’État de poursuivre : « Mais tout cela, c’est quoi ? C’est le fruit d’une vision qu’on n’arrive plus à expliquer avec bon sens. On veut protéger le littoral, et nous allons continuer à le faire. La loi Littoral est une bonne loi et sera préservée, mais elle a des aberrations. Quand un acteur économique ou touristique est là de tout temps et qu’il lui faut revoir ses structures, les étendre un peu dans le cadre des documents d’urbanisme pris en vertu de la loi, donc dans le respect de ladite loi, il faut qu’on puisse trouver les bons aménagements. »
Le Président de la République continuait en ces termes : « Lorsqu’on demande à une station d’épuration ou un centre nautique d’être réhabilité et qu’on lui dit : à cause de la loi Littoral, ce ne sera plus possible, on ne peut pas expliquer légitimement, face aux jeunes qu’on ouvre à la mer et au goût de la mer, qu’on va encourager ce goût en fermant le centre nautique. Il faut, là aussi, un peu de pragmatisme et de bon sens. Je crois que vos élus en ont et je pense que les avancées commencées à l’Assemblée nationale seront poursuivies au Sénat pour permettre de traiter ce sujet. »
« Et l’autre sujet que, je dois dire, j’ai découvert il y a près d’un an chez vos voisins du Morbihan – Jacques Le Nay était là tout à l’heure –, c’est ce fameux sujet des dents creuses, une spécialité pas tout à fait uniquement bretonne,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Également corse !
M. Michel Canevet. … mais très bretonne, qui là aussi est un peu une aberration de la loi Littoral qui sera corrigée par le texte. »
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’espère que vous entendez bien le message qu’a diffusé le Président de la République en Finistère ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, sur l’article.
M. Jean-Luc Fichet. Nous nous félicitons de l’introduction au sein du projet de loi ÉLAN de cet article qui permettra de remédier à de nombreuses difficultés d’urbanisme en Bretagne, liées à la constructibilité des dents creuses, ces espaces intermédiaires non construits mais entourés d’espaces bâtis.
Les dispositions introduites sont des mesures d’équilibre qui ne remettent aucunement en cause les fondements de la loi Littoral, contrairement à ce qu’on a prétendu, mais visent à définir des règles d’urbanisation claires afin de mettre fin aux lourdes difficultés rencontrées par les propriétaires des terrains concernés, ainsi que par les maires, qui font face à de nombreux contentieux en la matière.
Le code de l’urbanisme prévoit jusqu’à présent que, dans les communes littorales, l’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement.
L’article 12 quinquies fait disparaître le terme « hameaux » de l’article L. 121–8 du code de l’urbanisme et le remplace par l’expression « secteurs déjà urbanisés », soit précisément ce que nous proposions par voie d’amendements en janvier dernier, lors de l’examen de la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux. La notion de hameaux n’est en effet pas satisfaisante, car des dents creuses existent également dans des secteurs qui ne peuvent être qualifiés d’agglomérations ni de villages existants, mais qui sont trop importants pour être qualifiés de hameaux.
En outre, avec l’introduction de cet article 12 quinquies, c’est le SCOT qui aura la responsabilité de définir les zones où pourront être comblées les dents creuses. Seuls des logements et équipements de service public pourraient être construits ou installés dans ces dents creuses. L’autorisation serait refusée si ces constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou au paysage.
La possibilité de densifier les formes urbaines intermédiaires entre le village et l’urbanisation diffuse ne s’appliquera ni dans la bande des 100 mètres ni dans les espaces proches du rivage.
La commission des affaires économiques du Sénat a adopté un amendement visant à préciser les modalités d’intégration de cette disposition dans les documents d’urbanisme locaux, les SCOT et les PLU. Il s’agit d’éviter une procédure de révision de ces documents longue – plusieurs années – et coûteuse – plusieurs centaines de milliers d’euros – pour les collectivités territoriales, en prévoyant la possibilité de recourir, jusqu’au 31 décembre 2021, aux procédures de modification simplifiée prévues par le code de l’urbanisme.
De même, la durée du dispositif transitoire institué dans cet article a été allongée jusqu’au 31 décembre 2021, afin de permettre aux préfets de débloquer la situation locale.
Nous soutenons donc l’ensemble de ces dispositions et souhaitons un large soutien à l’article 12 quinquies au sein de notre hémicycle !
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. Après d’autres, je veux affirmer que la loi Littoral est un bien commun.
Pourquoi cette loi est-elle à ce point un totem ? Parce qu’elle montre une capacité de la société française à gérer collectivement ses espaces plus forte que celle des pays voisins.
Mes chers collègues, il est extrêmement important de considérer que nous sommes collectivement capables de défendre un bien commun, là où beaucoup d’autres ont échoué, du fait de la pression des intérêts privés et de la perméabilité des élus locaux à ces intérêts. Je ne ferai pas la liste complète et je ne serai pas trop donneur de leçons pour les pays alentour. Ils ont, en tout cas, détruit leur bien commun. (M. Philippe Bas opine.)
La loi Littoral, c’est ainsi la force de la société française. C’est pourquoi, comme dirait le président Larcher pour la Constitution, il ne faut y toucher que d’une main tremblante.
Je pense que l’article 12 sexies, que nous examinerons dans quelques instants, comporte des mesures un peu dangereuses ; il faut que nous en discutions.
Sur ce sujet, contrairement à d’autres pour lesquels – j’assume mes propos précédents – l’affirmation de postures a pris le pas sur l’écriture de dispositions opérationnelles, on sent la volonté d’aller plutôt vers un dispositif applicable. Néanmoins, je le répète dans cet hémicycle après en avoir longuement discuté avec Michel Vaspart, je ne pense pas que cela réglera tout.
Il faut à un moment que nous nous mettions d’accord – je sais qu’il y a sur le sujet des clivages politiques – sur un lieu où nous puissions régler des problèmes que la loi ne prévoira jamais. Ainsi, pour l’aéroport de Guipavas, éloigné du rivage mais soumis à la loi Littoral, ce qui pose des problèmes – je le mentionne pour montrer que nous connaissons les uns et les autres des exemples concrets –, ce n’est pas la loi qui réglera les questions.
Je reste convaincu qu’on n’est pas passé loin de la catastrophe dans les années quatre-vingt, même sur le littoral breton. Regardez les lotissements de ces années-là : on n’est pas passé très loin de massacrer notre propre littoral, mais on est revenu en arrière ensuite.
Si nous ne réfléchissons pas à un lieu où élus locaux, État et associations de protection de l’environnement et du patrimoine peuvent se mettre d’accord sur une dérogation pour laquelle il y a consensus, on aura toujours des difficultés avec la loi Littoral. Réfléchissons donc à ce lieu de construction du consensus, même si nous voyons bien que nous avons du mal à y arriver, car sinon nous aurons toujours des problèmes !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. Voilà des années que nous travaillons sur ces questions.
Je tiens à rappeler le travail de la mission d’information conduite par notre collègue Bizet et notre ancienne collègue Herviaux. Je rappelle aussi les votes constants sur cette question de la commission des lois, de la commission de l’aménagement du territoire et, aujourd’hui, de la commission des affaires économiques.
Je voudrais que l’on cesse de faire à toutes ces initiatives une sorte de procès en sorcellerie. Oui, nous sommes profondément attachés à la loi Littoral. Oui, cher collègue Dantec, cette loi est notre bien commun, et nous devons la défendre.
Mais je vous signale qu’aucune disposition de la loi Littoral n’interdit la construction dans les dents creuses : c’est une construction des jugements de tribunal administratif, et, d’ailleurs, il y a eu dans la jurisprudence de ces tribunaux de grandes différences d’appréciation.
Il s’agit donc, d’une manière limitée et en protégeant ce bien commun, de faire en sorte que, sans être sur le rivage, sans avoir vue sur la mer et à l’intérieur de hameaux déjà construits, sur des terrains qui sont encadrés par deux constructions existantes, on puisse désormais construire.
Dans le département de la Manche, nous avons le deuxième plus long littoral de France métropolitaine. Nous cherchons bien sûr à le protéger, car c’est notre richesse, mais nous ne pouvons absolument pas continuer à accepter que des retraités qui ont acheté un terrain constructible voilà vingt ans, alors que la loi Littoral était déjà applicable, ne puissent pas faire construire la maison de leurs rêves pour leur retraite, alors qu’il n’y a aucun préjudice pour l’environnement.
Le Président de la République reconnaît des « aberrations ». Les témoins sont nombreux, à l’instar de nos collègues Vaspart et Canevet, que nous venons d’entendre.
Il est temps maintenant que le Gouvernement entende le Président de la République comme la représentation nationale et qu’on mette un terme à ces difficultés qui n’ont que trop duré, pour rendre la justice en faveur des propriétaires de ces petits terrains : ils devront pouvoir construire demain, sur autorisation du préfet et avec des documents d’urbanisme qui le leur permettront ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe Union Centriste. – Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit également.)
M. Jean-Pierre Vial. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot, sur l’article.
Mme Évelyne Perrot. Je suis, moi aussi, attachée à la loi Littoral, mais sachez, mes chers collègues, qu’elle ne concerne pas seulement les bords de mer. Dans mon village de pleine terre, entouré par 5 000 hectares de plan d’eau, la loi s’applique sur la totalité du territoire communal, soit 2 000 hectares. Je vous assure qu’un peu de souplesse, ce serait drôlement bien, parce que nous avons besoin de nous développer ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 149 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 739 rectifié quinquies est présenté par Mmes Lienemann et G. Jourda, MM. Tourenne, Duran et Tissot, Mmes Meunier et Monier, MM. Jacquin et Kerrouche et Mme de la Gontrie.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 149.
Mme Michelle Gréaume. Nous en arrivons à un sujet qui préoccupe beaucoup le Sénat : les dents creuses. Il s’agit en réalité d’une énième attaque contre la loi Littoral.
Mes chers collègues, ne nous y trompons pas : les dangers qui ont conduit à l’adoption de la loi Littoral ne sont pas derrière nous, mais devant nous. La préservation de notre patrimoine littoral est, aujourd’hui encore, un enjeu majeur.
L’article 12 quinquies prévoit plusieurs évolutions, dont le remplacement de la notion de « hameaux nouveaux intégrés à l’environnement », appréciée de manière extrêmement limitative par la jurisprudence, par celle de « secteurs déjà urbanisés », qui s’oppose à l’urbanisation diffuse.
Pour notre part, nous estimons que des évolutions sont envisageables et nous en avons proposé. En particulier, nous considérons qu’il vaut mieux densifier là où il existe déjà des éléments bâtis avec un caractère structuré et regroupé plutôt que d’empiéter sur des zones non urbanisées. Dans ce cadre, la disparition de la notion de « hameaux nouveaux » nous convient.
Pour autant, comme nous l’avons déjà dit, nous aurions aimé que soit mené un travail de définition sur les notions qui conditionnent la possibilité de construction dans ces zones.
Nous souhaitons ainsi que soient définies les notions d’agglomération, de village, mais également de zone déjà urbanisée, ce qui permettra de prendre en compte les hameaux déjà construits où se situent les dents creuses.
La jurisprudence concernant la loi Montagne est plus claire. Nous savons, par exemple en Isère, qu’un groupement est constitué à partir de quatre maisons distantes de moins de cinquante mètres, et que dans ce cadre, et uniquement dans ce cas, il est possible de densifier.
La définition actée dans le présent article issue des travaux de la commission est trop large. Il s’agit de secteurs « qui se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipement ou de lieux collectifs ». Rien donc sur le caractère regroupé des habitations.
Une telle définition, qui donne la responsabilité aux SCOT de localiser ces zones, semble ouvrir la voie à une urbanisation trop large, atomisant ainsi la loi Littoral.
Nous proposons donc la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 739 rectifié quinquies.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai bien entendu l’argument de notre collègue Canevet, selon lequel seuls ceux qui sont concernés par un sujet peuvent en parler. (M. Michel Canevet s’exclame.) Je lui rappellerai qu’il intervient sur toute une série de sujets où il n’est pas concerné, notamment lorsqu’il s’agit de la politique des banlieues. Nous sommes les représentants de la Nation dans son entièreté, mon cher collègue ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – MM. Julien Bargeton et Ronan Dantec applaudissent également.)
Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’on n’est pas élu ou maire d’une commune concernée par la loi Littoral qu’on ne connaît pas les problèmes qui peuvent s’y poser. Il se trouve que j’ai eu à débattre de la remise en cause de la loi Littoral exactement sur ce genre de critères au moment des accords Matignon sur la Corse.
M. Jean-Jacques Panunzi. Ah ! Attention !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Fort heureusement, le Parlement n’avait alors pas retenu les exceptions qui étaient proposées. Il n’y a pas qu’en Bretagne, cher collègue, que la loi Littoral peut créer des obstacles et des contraintes. De nombreux territoires de la Nation sont concernés.
Or la preuve a été faite qu’en maintenant rigoureusement cette loi, on n’a empêché aucun projet sérieux, par exemple de centre nautique, d’être mené à bien. Peut-être pas où vous auriez voulu qu’il soit, mais il a quand même été ouvert. Une solution a toujours été trouvée.
Par ailleurs, on le découvre a posteriori, un certain nombre de sites que l’on demandait à rendre constructibles ont subi des submersions. Fort heureusement, les autorisations n’avaient pas été accordées !
Je le dis tout net : notre intelligence collective est capable de maintenir avec rigueur la loi Littoral et de répondre aux attentes de nos concitoyens. La qualité de notre littoral, tant sur le plan touristique qu’en termes de sécurité de l’habitat ou de refus de l’émiettement de l’urbanisation en dépend. Nous avons réussi à maintenir cette loi jusqu’à présent, et la France n’en est pas affaiblie, notamment du point de vue touristique.
En outre, dans bien des endroits, la tentation de construire tout près du bord de mer plutôt que de revaloriser de petits villages proches dans les terres n’est pas une bonne idée pour le développement de notre pays.
Monsieur le ministre, je partage l’avis du ministre d’État Nicolas Hulot qui, en février 2017, signait comme moi une pétition pour que la loi Littoral ne soit en rien modifiée.
C’est dans ce sens que je présente cet amendement. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Comme un certain nombre de mes collègues l’ont déjà fait, je répète qu’il ne s’agit ni d’affaiblir la loi Littoral ni d’un passage en force comme on peut l’entendre, mais qu’il s’agit simplement de trouver des solutions précises et encadrées à des problèmes précis et identifiés.
Un grand nombre de collègues présents sur les différentes travées de cet hémicycle demandent des possibilités plus flexibles pour combler les dents creuses du littoral.
Le présent article permet de le faire de façon encadrée mais territorialisée via les documents locaux d’urbanisme. Cela va justement dans le sens de la proposition de loi de Michel Vaspart. Les constructions limitées et n’étendant pas l’urbanisation seront permises dans les secteurs qui sont déjà urbanisés avec avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
Arrêtons de faire des procès d’intention ! Nous n’affaiblissons pas la loi Littoral, nous voulons simplement l’adapter et faire en sorte que l’on trouve des solutions précises à des problèmes bien précis et identifiés dans les territoires.
L’avis est défavorable. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Permettez-moi à cette occasion de préciser la position du Gouvernement sur ce sujet important qui non seulement a fait couler beaucoup d’encre, mais fait beaucoup de vagues. (Sourires. – On apprécie la formule sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Michel Canevet. Pas en Méditerranée !
M. Marc-Philippe Daubresse. Il ne faut pas rester ensablé !
M. Jacques Mézard, ministre. La position du Gouvernement a été clairement exprimée à l’Assemblée nationale. Nous sommes très attachés à la loi Littoral, à son architecture et à ses principes fondamentaux qui remontent à 1986. Il n’est aucunement question pour le Gouvernement de revenir sur ces derniers. Je l’ai dit et je l’ai rappelé à de nombreuses reprises lors du débat à l’Assemblée nationale et depuis.
J’ajoute, en réponse aux interpellations qui m’ont été adressées, que ce sujet n’était pas dans le texte initial du Gouvernement. Il a été introduit par des députés qui se trouvent être bretons bien que le sujet puisse concerner d’autres territoires, et pas seulement marins.
M. Alain Marc. Tout à fait !
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement a donc coconstruit le texte avec l’Assemblée nationale pour tenir compte de la volonté exprimée de résoudre quelques cas particuliers qui sont régulièrement soulevés. On peut donc reconnaître au Gouvernement sa faculté à ne pas considérer son texte comme intangible, et sa capacité à aborder, sans en faire un tabou, la question des dents creuses.
À la suite d’un débat constructif devant l’ensemble des députés, le ministre d’État en charge de la transition écologique et solidaire – qui a été précédemment cité – et moi-même avons fait, le 1er juin dernier, un communiqué de presse conjoint : « Nicolas Hulot et Jacques Mézard saluent le travail du Parlement pour préserver la loi Littoral et prendre en compte les réalités locales ».
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais bien sûr !
M. Jacques Mézard, ministre. Les dispositions votées par l’Assemblée nationale ont reçu l’assentiment du ministre d’État et de l’ensemble du Gouvernement.
Le bilan de la loi Littoral est très positif. Elle a permis d’organiser le développement équilibré de nos territoires littoraux et de préserver nos côtes depuis trente ans – il est d’ailleurs exact de dire qu’elle est assez enviée par les pays voisins. Elle a complété des dispositifs de protection de nos côtes, comme l’action foncière du Conservatoire du littoral (M. Ronan Dantec opine.) dont tout le monde reconnaît aujourd’hui l’utilité.
Cette loi n’est pas un outil coercitif qui empêche de construire. Les territoires concernés ayant globalement connu une expansion démographique très claire, on ne peut pas dire que la loi Littoral a été un frein au développement (M. Ronan Dantec opine de nouveau.) de la démographie et de la vie économique de ces territoires. Au contraire, elle en a préservé l’essentiel puisque ces communes littorales ont connu un accroissement de leur population, qui, pris dans sa globalité, est très largement supérieur à celui du reste du territoire depuis 1986.
L’Assemblée nationale et la commission des affaires économiques ont proposé de modifier quelques éléments de la loi Littoral en introduisant des dispositions permettant de densifier les dents creuses. Il s’agit d’une demande régulièrement exprimée au cours de nombreux débats par des parlementaires de sensibilités diverses, personne n’étant jusqu’à présent parvenu à faire évoluer la loi sur ce point.
Le Gouvernement a donc donné son accord à l’introduction d’une disposition à l’article 12 quinquies permettant de densifier les dents creuses dans les hameaux sous réserve que ceux-ci soient suffisamment denses et structurés, identifiés par le SCOT et délimités par le PLU.
Il a également donné son accord à l’introduction, à l’article 12 sexies, de dispositions permettant de faciliter l’implantation de bâtiments agricoles qui ne sont pas incompatibles avec le voisinage des zones habitées, sous réserve qu’ils soient situés en dehors des espaces proches du rivage et après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, la CDNPS, et de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, la CDPENAF.
Il est également précisé que ces constructions doivent être nécessaires à l’exploitation agricole et pas seulement liées à une telle exploitation, et que les changements de destination sont interdits – sinon, c’était la porte ouverte à tout et n’importe quoi. Nous n’avons pas souhaité aller au-delà.
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces deux amendements, et à défaut, il émettra un avis défavorable, car il ne souhaite pas la suppression pure et simple de l’article 12 quinquies – ce serait contradictoire avec la position du Gouvernement dans le débat qui s’est tenu précédemment à l’Assemblée nationale.
En revanche, nous ne sommes pas d’accord avec toutes les évolutions qui sont proposées par la commission sénatoriale. Nous aurons donc à exprimer notre position au cas par cas, mais globalement, telle est la position du Gouvernement : ne pas être bloqué, et nous l’avons montré, sur la question des dents creuses et trouver des solutions pour résoudre des problèmes marginaux correspondant à des réalités locales tout en préservant rigoureusement l’architecture de la loi Littoral dont le bilan est extrêmement positif.
Cela étant dit, nous ne pouvons pas être d’accord avec certaines extensions proposées. Le Gouvernement, heureusement suivi par l’Assemblée nationale, s’est ainsi opposé en séance publique à une disposition introduite en commission par le rapporteur de l’Assemblée nationale permettant l’installation de centrales photovoltaïques au sol.
Oui, pour résoudre la question des dents creuses, non pour élargir beaucoup trop certaines dérogations : telle est la position du Gouvernement.
Je maintiens toutefois que certaines adaptations sont souhaitables. Il ne s’agit ni d’un totem intangible ni de la Bible, mais d’une loi qui peut être modifiée par le Parlement. (MM. Michel Vaspart, Jean Bizet et Jean-Jacques Panunzi applaudissent.)