M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Le droit en vigueur permet d’ores et déjà des assouplissements. Néanmoins, l’amendement visant à élargir le champ de la révision simplifiée, je souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Cet amendement vise à offrir aux collectivités la possibilité de faire évoluer le plan local d’urbanisme via une procédure de révision simplifiée lorsqu’il s’agit d’opérations de construction de logements.
Le droit en vigueur prévoit déjà des procédures accélérées pour faire évoluer les plans locaux d’urbanisme afin de favoriser la production de logements. La procédure intégrée pour le logement permet ainsi d’atteindre l’objectif qui est le vôtre. Elle permet de faire évoluer concomitamment l’ensemble des documents opposables, y compris ceux de rang supérieur. Le présent projet de loi prévoit également d’étendre ces procédures aux grandes opérations d’urbanisme.
La question posée est judicieuse, mais l’amendement est satisfait ; j’en demande donc le retrait.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission suit l’avis du Gouvernement.
M. le président. Monsieur Revet, l’amendement n° 96 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Charles Revet. La réponse de M. le ministre ne m’a pas convaincu. Il ne me semble pas que les dispositions en vigueur facilitent cette évolution. Sans doute sera-t-il possible de revenir sur ce sujet à l’occasion de la commission mixte paritaire ou en nouvelle lecture ?
J’ai lu et relu les dispositifs du code de l’urbanisme et je n’y ai pas trouvé une seule réponse satisfaisante ! C’est pourquoi j’avais déposé cet amendement. Cela étant dit, je le retire.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 145 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 1003 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec et Guérini.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le b du 1° de l’article L. 101-2 est complété par les mots : « , la lutte contre l’étalement urbain » ;
2° Au 1° du I de l’article L. 151-7, après le mot : « urbain », sont insérés les mots : « , favoriser la densification ».
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 145.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise à rétablir l’article 12 bis du projet de loi, qui visait explicitement la lutte contre l’étalement urbain dans les objectifs généraux du code de l’urbanisme, et qui intégrait dans les orientations d’aménagement et de programmation des plans locaux d’urbanisme des actions en faveur de la densification urbaine.
Alors que l’exigence de préservation de l’environnement est sans cesse réaffirmée et qu’un énième plan de sauvegarde de la biodiversité est en préparation, il semble nécessaire d’édicter des principes clairs pour guider l’action de la puissance publique. Cela a été dit, l’équivalent d’un département disparaît tous les sept ans. Il y a donc besoin de principes clairs et, surtout, urgence à agir.
Nous y reviendrons à propos des amendements sur les articles suivants, l’objectif n’est pas de réduire la capacité à construire ou à rénover en milieu rural ou en bordure littorale, mais bien, dans ces zones-là comme ailleurs, de préserver le principe de continuité du bâti, et donc de lutte contre l’étalement urbain, dont nous connaissons tous les conséquences : pour y remédier, il faut parfois installer des équipements dits « d’intérêt général », dont tout le monde veut, mais pas à côté de chez soi !…
Nous proposons donc de réintroduire cet article qui est certes déclaratif, mais qui présente l’avantage de marquer une ambition qu’il n’est pas inutile de rappeler ici. Il est important de le faire avant d’aborder les articles suivants, lesquels viseront à prévoir des exceptions et à les justifier. Il est nécessaire de conserver un principe de cohérence : nous devons, collectivement, limiter l’étalement urbain ; c’est-à-dire non pas empêcher les constructions, mais construire en respectant la continuité du bâti existant. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 1003 rectifié.
M. Joël Labbé. Cet amendement a été très bien défendu par ma collègue, mais je souhaite ajouter quelques réflexions personnelles.
Étant un grand utopiste, je me dis qu’en dépit de la position de la majorité des sénateurs, du Gouvernement et de la commission, qui a déjà émis un avis négatif, un bon argumentaire pourrait faire basculer le Sénat.
Personne n’est défavorable à la lutte contre l’étalement urbain,…
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Cela dépend !
M. Joël Labbé. … ou à la densification de l’habitat.
Cet article était certes déclaratif, mais important : nous avons évoqué précédemment la question de l’urgence, qu’elle concerne le climat, la biodiversité ou la préservation des terres agricoles.
Jeune maire, je m’étais passionné voilà quelques années pour l’urbanisme. En lien avec des urbanistes, je m’étais ainsi intéressé à la façon dont on a construit, par le passé, les villes et les bourgs – ma commune, au départ, en était un. L’habitat serré avait été conçu, justement, pour éviter l’étalement urbain car, à l’époque, les terres agricoles représentaient une richesse énorme. Puis on a basculé.
Après avoir travaillé et réfléchi sur ce sujet, je suis allé, toujours accompagné d’urbanistes, voir comment les choses se passaient en Allemagne et en Suède, des pays qui auraient dû être depuis longtemps des exemples pour nous, qui sommes les champions du monde de l’étalement urbain.
Il est temps d’en finir avec l’étalement urbain, nous sommes tous lucides à cet égard. Il faut réintroduire dans le projet de loi ce principe qui y avait déjà été inscrit par le Gouvernement, avant d’être conforté par l’Assemblée nationale. Il est absolument incompréhensible que la commission ait supprimé cette disposition !
On parle souvent de bon sens au sein de cette assemblée. Alors que l’avis favorable du Gouvernement est attendu, il serait bon qu’une majorité se dessine en faveur d’un tel amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cela a été rappelé, la commission avait supprimé cet article, partant du fait que les objectifs visés prenaient déjà largement en compte la lutte contre l’étalement urbain. Elle avait notamment cité le développement urbain maîtrisé et l’utilisation économe des espaces naturels.
Par ailleurs, il ne me paraît pas utile de surcharger encore le code de l’urbanisme. Quant au caractère normatif de la mesure, il n’est pas du tout établi.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. J’ai été convaincu par l’excellente argumentation de la sénatrice Cukierman et par les explications que vient de donner le sénateur Labbé en vue d’en revenir au texte initial. (Mme Cécile Cukierman et M. Victorin Lurel sourient.) Je remercie ces deux intervenants. Je ne doute pas que le Sénat, dans sa grande sagesse, confirmera cette opinion.
L’avis est donc favorable.
M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour explication de vote.
M. Marc-Philippe Daubresse. La commission des lois a proposé à une large majorité, au travers d’un amendement, de supprimer l’article 12 bis, et je remercie la commission des affaires économiques de nous avoir suivis, essentiellement sur l’argumentaire que vient de donner notre rapporteur Dominique Estrosi Sassone.
Aujourd’hui, lorsque vous faites un SCOT ou un PLU, vous luttez, évidemment, contre l’étalement urbain ! Il ne vous est d’ailleurs pas possible de faire autrement… Plusieurs lois ont été votées depuis quelques années, parmi lesquelles figure un grand texte, le Grenelle de l’environnement. Celui-ci impose un certain nombre de règles touchant, notamment, aux comptes fonciers et à l’artificialisation des sols, et en vertu desquelles les terrains sont comptabilisés. Aussi, comme l’a dit l’un de nos collègues, il y a très peu de terrains sur lesquels on peut construire, y compris en zone rurale.
Je rappelle également que la loi, en matière de construction, impose de faire de la rénovation urbaine avant de procéder à de l’extension urbaine. Cela figure dans la loi ALUR ; on est donc obligé de lutter contre l’étalement urbain, et personne ne le conteste !
Vous dites, monsieur Labbé, que nous sommes tous favorables à la densification urbaine. Nous sommes plusieurs à vous répondre : cela dépend où !
M. Philippe Dallier. Effectivement !
M. Marc-Philippe Daubresse. Il y a une diversification des territoires, avec une France à certains endroits très rurale et à d’autres très urbaine. Par exemple, mon agglomération, celle de Lille, est la plus rurale de notre pays ; personne ne le sait, mais, selon le SCOT, 50 000 hectares sur 100 000 y sont dédiés à l’agriculture.
Dans un même territoire, certaines zones sont rurales, d’autres rurbaines, d’autres encore urbaines. On peut, ici, construire des boulevards Haussmann, et là, non… Il faut laisser la diversité se faire et les élus choisir la juste répartition, celle qui permet d’utiliser parcimonieusement les terrains. Il faut préserver à tout prix l’espace agricole, nous en sommes d’accord, mais ne pas mettre tout le monde sous la même toise. Tel est l’esprit de l’amendement adopté par la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub et M. Jacques Le Nay applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. On a le droit de ne pas être d’accord avec nous. Mais lorsque nous disons qu’il faut réintroduire l’article 12 bis et réaffirmer la volonté de lutte contre l’étalement urbain, nous ne laissons pas entendre que notre pays est uniforme et qu’il faudrait faire pareil partout ! Je tenais à le préciser.
La France est effectivement diverse et riche de cette diversité, et les problématiques, y compris en matière de logement, ne sont pas les mêmes dans tous les territoires. Il y a des zones urbaines tendues ou détendues, des zones périurbaines tendues ou détendues, des zones rurales…
Ce ne sont pas les mêmes situations.
C’est pour cela que les SCOT sont soumis à des principes répondant à la volonté d’aménagement du territoire de notre pays ; mais, ensuite, ce sont bien les élus, en lien avec les services de l’État, au sein du SCOT, qui répartissent les décisions, voire les imposent. Je répète très sereinement ce que j’ai dit précédemment : parfois, c’est au sein d’un SCOT que la décision de densifier très fortement une ville-centre ou une ville « de centralité » est prise, ce qui exclut de fait la possibilité de construire dans les communes voisines plus ou moins éloignées.
Il y a donc les principes et la réalité de ce que décident les élus. Comme j’ai toujours défendu la liberté communale, je ne demanderai pas de changement à cet égard, donc ne faites pas dire cela à nos amendements, à la volonté qu’ils reflètent.
Je l’ai déjà indiqué en défense de mon amendement, on peut évidemment soutenir que la rédaction proposée est un peu bavarde, qu’elle réaffirme plus un principe qu’elle ne bouleverse en profondeur l’existant ; j’accepterais que vous nous renvoyiez cet argument et que vous affirmiez que l’amendement n’a pas lieu d’être. Mais ne dites pas que j’aurais, au travers de cet amendement, une vision complètement centralisée et déconnectée de la réalité. On a tous des exemples de SCOT et de PLU, avec du bon et du mauvais, des gestions politiques différentes, des changements de majorité ou de position. Que l’on se tranquillise donc sur cet amendement !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Comme Cécile Cukierman, je veux indiquer qu’il s’agit, avec cet amendement, d’une question de lucidité et de sagesse. C’est peut-être ennuyeux à entendre, mais je le répéterai inlassablement, et ce soir plus que jamais, tellement j’en suis convaincu, je tiens à vous le dire. Je finirai peut-être par devenir enquiquineur (Mais non ! et marques d’ironie sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.),…
M. le président. Mais non, mon cher collègue ; poursuivez.
M. Joël Labbé. … mais je le serai toujours tranquillement. On a évoqué le Grenelle de l’environnement ; il y a effectivement eu, à cette occasion, des travaux, de la véritable cogitation, mais on constate que 58 % de l’urbanisation se pratique encore par étalement.
M. Marc-Philippe Daubresse. Quand il n’y a pas eu de PLU…
M. Joël Labbé. Moi aussi, je suis absolument contre l’uniformisation. Je connais et j’apprécie les territoires ruraux, mais il n’empêche que la préservation des terres agricoles et naturelles, en territoire rural comme en territoire urbain, est absolument nécessaire. Il s’agit simplement de l’écrire dans le texte comme une intention, une volonté forte. Limiter l’étalement urbain et densifier l’urbanisation, voilà des principes qui devraient, aujourd’hui, être adoptés par nous tous !
J’en reviens au ministre de la transition écologique, qui se bat pour essayer de convaincre (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), mais qui prêche dans le désert. On est toujours dans cette situation : la maison brûle et on continue de regarder ailleurs.
Je tenais à le dire simplement. (Mme Michèle Vullien applaudit.) Advienne que pourra…
M. Marc-Philippe Daubresse. Qu’a fait le Grenelle ?
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Écoutez, je ne crois pas qu’il y ait, d’un côté de l’hémicycle, ceux qui ne veulent pas consommer de terres agricoles et, de l’autre, ceux qui veulent en consommer ; ce n’est pas le sujet. Nous avons tous cet objectif de non-consommation des terres agricoles, on l’a dit plusieurs fois depuis le début de ce débat. Je le répète, il n’y a pas d’un côté ceux qui le veulent et de l’autre ceux qui ne le veulent pas ; nous sommes tous tendus vers cet objectif.
Nous disons simplement qu’il ne sert à rien de le répéter tous les deux articles du texte et de rédiger des lois bavardes.
M. Michel Canevet. Bien sûr !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. On dispose aujourd’hui d’outils d’urbanisme – SCOT, PLU, PLUI et autres documents stratégiques d’urbanisme – dont c’est l’objectif permanent. Si cet objectif ne figure pas dans le PLU, les mairies voient retoquer leur document – tous ici nous l’avons vu –,…
M. Marc-Philippe Daubresse. Bien sûr !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. … parce que la direction départementale des territoires considère qu’il y a trop de consommation de terres agricoles,…
M. Jean-Marc Boyer. Exact !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. … et c’est bien ! Nous partageons tous cet objectif, monsieur Labbé.
Il faut donc arrêter de répéter toutes les deux minutes partout dans les textes qu’il ne faut pas consommer les terres agricoles. Mme le rapporteur l’a dit, c’est indiqué plusieurs fois dans ce texte.
Arrêtons de faire des lois bavardes, sans quoi, ensuite, on ne les comprend plus.
M. Michel Savin. Très bien !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Il faut rester concentré sur l’objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous venons de dépasser minuit ; je vous propose d’en prendre acte et de prolonger notre séance jusqu’à minuit et demi afin de poursuivre l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de la Provôté. Je veux appuyer ce qui vient d’être dit. Je suis complètement en phase avec ce qu’a dit notre collègue Joël Labbé, mais, très clairement, on ne peut pas en rajouter dans le projet de loi.
En outre, on parle de terres agricoles, mais la lutte contre l’étalement urbain concerne aussi les terres non agricoles, qui ont, notamment du point de vue de la biodiversité, un intérêt écologique essentiel.
La lutte contre l’étalement urbain constitue un objectif majeur, on le sait très bien, cela fait partie des éléments fondamentaux qui doivent guider nos SCOT et nos plans locaux d’urbanisme. Néanmoins, je ne pense pas vraiment utile de l’ajouter ici, parce que c’est vraiment entré, me semble-t-il, dans les mœurs. Un grand nombre de territoires sont en cours de révision de leur SCOT, et l’on peut constater, au vu du bilan des précédents, que l’évolution a été réelle dans ce domaine. On est dans une phase de progrès et de prise de conscience de la nécessité de préserver les terres.
Quant à la densification, je veux ajouter un bémol. Quand on cherche la qualité urbaine, la densification ne constitue pas forcément l’alpha et l’oméga de la grande qualité de vie à l’intérieur de nos villes. Il faut faire attention quand on utilise ce terme, parce que cela remplace parfois la qualité architecturale et peut être un prétexte pour bâtir haut, plutôt laid, plutôt uniforme et plutôt monomorphe. La densification a été trop imposée comme la règle de l’urbanisme dans toutes nos villes. (Mme Dominique Vérien et plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je l’ai déjà dit précédemment, si on ne laissait dans le code de l’urbanisme que ce qui est prescriptif, il en resterait à peine un tiers… Ce code donne, pour partie, une vision culturelle de notre développement.
En outre, supprimer un article qui, dans le texte issu de l’Assemblée nationale, affirmait, avec l’accord du Gouvernement, qu’il fallait favoriser la lutte contre l’étalement urbain et encourager la densification urbaine n’a pas le même sens que de créer un nouvel article, ici, au Sénat. Cela prend un sens politique de le supprimer, quoi que vous disiez.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Les députés ne se gênent pas pour supprimer nos articles !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Par ailleurs, sur l’étalement urbain, certes, on a des textes, mais, pour l’instant, on ne peut pas dire que l’efficacité de nos pratiques soit à la hauteur de l’urgence qu’il y a à régler ce problème.
Par ailleurs, concernant les centres-bourgs, s’il n’y a pas une pression qui évite l’étalement urbain,…
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Il y en a une !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … ce sera toujours plus facile de faire des lotissements en périphérie – je le dis parce que je suis favorable à l’accession à la propriété –, plutôt que de se contraindre à inventer des réponses en modifiant nos centres-bourgs ou nos centres-villes.
Cet étalement urbain conditionne aussi la crédibilité de la démarche de reconquête des zones qui sont aujourd’hui faiblement urbanisées et qui ont besoin d’être en reconversion.
Le terme de densité fait peur, c’est vrai, parce que « densité » fait penser à « concentration ». Je donne souvent cet exemple, les grands ensembles créés dans les années soixante ont une densité nettement inférieure à celle de la place des Vosges à Paris. Or chacun a bien conscience que l’urbanisme de la place des Vosges ne traumatise pas considérablement les gens qui y vivent. (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Mais c’est la place des Vosges…
M. Michel Canevet. En banlieue, ce n’est pas pareil !
Un sénateur du groupe socialiste et républicain. C’est là que vit Jack Lang !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. À lui tout seul, il fait la densité… (Sourires.)
Ces exigences cumulées de densité urbaine et de lutte contre l’étalement urbain imposent que l’on repense notre urbanisme et notre architecture. Il existe des modèles ; les Anglais ont par exemple une tendance à faire de la construction beaucoup plus dense que les Français, avec pourtant un habitat individuel très développé.
M. Charles Revet. C’est vrai !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est donc une question de culture urbaine ou rurale, qu’il est fondamental d’engager. Il ne s’agit pas de prescription absolue mais d’une évolution culturelle indispensable.
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est une idéologie !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. S’il y a cet étalement urbain, c’est que le coût du foncier est beaucoup plus faible en périphérie urbaine et qu’on y mène de grands projets. Rémy Pointereau et moi avons travaillé sur les questions des grandes surfaces ; on sait très bien que les projets en préparation mangent de l’espace agricole.
Cela pose aussi la question de la faible rémunération des terres agricoles et celle de la fin des carrières, qui mène à des ventes de terrains agricoles. Il ne faut pas ignorer ces questions.
Il y a aussi des pressions exercées sur les élus pour rendre constructibles des terrains qui ont d’autres facultés que la seule constructibilité.
Comment faire ? L’amendement tend à y répondre, mais il y a une première solution : rendre plus chères les terres agricoles.
M. Marc-Philippe Daubresse. Staline est de retour !
M. Martial Bourquin. Si l’on n’agit pas sur ces questions, on aura du mal à les régler, on en restera aux bonnes intentions.
Deuxième chose, il faut alléger la fiscalité sur les terres non construites – le foncier non bâti –, qui est parfois trop élevée ; ce foncier semble parfois ne servir à rien alors qu’il a ses fonctions.
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est la planification dirigiste stalinienne !
M. Martial Bourquin. Dernière chose, Marie-Noëlle Lienemann vient de le dire, nous devons avoir une réflexion sur la question de la densité dans les villes et dans les villages. L’extension systématique des villes, avec le pavillon, ne doit plus être la recette miracle ; on doit aussi proposer d’autres formes urbaines et d’autres formes rurales.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Mon propos va illustrer les nuances qui peuvent exister sur une question au sein d’un groupe. Malgré tout le pouvoir de conviction de Joël Labbé, je ne partage pas son analyse.
Si je suis pour une densification raisonnable, la densification à tout prix, qui mène à la concentration urbaine, a montré, je crois, ses méfaits, depuis un certain nombre d’années, sur un plan écologique et, surtout, social.
La densification et l’artificialisation des sols, ce sont des mots ; ce qui compte, sur une zone donnée, c’est le taux d’artificialisation. Une très grande zone artificialisée à 100 % est extrêmement dangereuse, car les eaux pluviales, les eaux de ruissellement, deviennent ingérables parce qu’il n’y a plus de capacité d’absorption naturelle.
Donc, oui à une certaine forme de densification, mais il ne faut pas condamner les habitats plus diffus, dans les petits villages, ou les autres types d’habitat, parce que tout n’est pas artificialisé et l’absorption naturelle peut s’y faire beaucoup plus facilement.
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Jean-Marc Gabouty. Quant à l’utilisation des sols, la perte de terres agricoles concerne beaucoup, aujourd’hui, des jachères et de la forêt non exploitée, naturelle – quand on laisse un terrain vague à l’abandon, les bouleaux et divers arbustes poussent dessus. Là est la perte de terres agricoles.
Cela renvoie à une autre question : la terre agricole est-elle faite pour fabriquer du carburant ou est-elle destinée à l’alimentation ? C’est une question à laquelle il faut répondre. Je ne suis pas pour que les terres agricoles fabriquent du carburant. C’est une autre approche de la société que l’on peut avoir.
Je ne suivrai donc pas Joël Labbé dans son raisonnement ; je me range à l’avis de la commission.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je comprends bien qu’il faille lutter contre l’artificialisation des sols, mais la loi telle qu’elle existe actuellement suffit.
Peut-être qu’il y a eu une artificialisation des sols dans certains grands centres autour des métropoles, mais, je le répète, quand on fait un PLU dans une commune rurale pour avoir des lotissements, c’est très difficile. En effet, peut-être est-ce une conséquence – sans doute, il ne faut pas tout uniformiser, mais ce n’est pas le cas actuellement –, mais on dispose aujourd’hui de très peu de terrain.
Dans ma commune, par exemple, il y a un tout petit peu de terrain autour du bourg, que l’on a pu convertir en lotissements, mais sur une cinquantaine de hameaux, il y en a trois dans lesquels on a pu récupérer un peu de terre.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je veux soutenir l’avis de notre rapporteur, pour deux raisons.
Aujourd’hui, on dispose de l’arsenal permettant d’intervenir sur la diversité de nos territoires. On l’a évoqué précédemment à propos des établissements publics fonciers, les EPF, et on a parlé des SCOT : on a la capacité de préserver la terre agricole et d’orienter, en milieu tant urbain que rural, vers ce que l’on appelle les dents creuses.
Certes, il y a un autre sujet, que l’on n’évoque que très rarement et sur lequel on pourrait peut-être s’améliorer : il faut donner des pouvoirs plus importants aux maires, notamment en milieu rural, pour qu’ils aient la capacité de reconquérir les bâtisses agricoles ou autres bâtisses en ruine. Non seulement cela retire du cachet à nos territoires, mais encore cela pourrait donner des capacités de construction nouvelle. Il y a peut-être une piste en milieu rural, comme on sait le faire en milieu urbain, avec les établissements publics fonciers. Sur la partie agricole, on est orphelin de moyens incitatifs pour que les maires puissent intervenir.
Cela dit, globalement, je le répète, on a aujourd’hui tout l’arsenal pour proposer une offre supplémentaire et préserver la terre agricole. C’est ce mariage qu’il nous faut réussir.
Peut-être faut-il avoir un travail plus fin entre le rôle des EPF et celui des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER ; on pourrait leur attribuer des missions nouvelles, notamment en milieu rural. Cela pourrait compléter l’action, tant en ville que dans les territoires ruraux.
Je soutiens notre rapporteur et l’avis de la commission des affaires économiques ; il ne faut pas réinventer la poudre, on a suffisamment d’outils ; encore faut-il qu’on se les approprie. C’est tout le sens de notre débat. (M. Jean-Marc Boyer applaudit.)