Mme Nathalie Goulet. Non, nous sommes d’accord.
M. Gérald Darmanin, ministre. Selon moi, c’est plutôt au Parlement, en envoyant des questionnaires, en menant des auditions, en contrôlant sur place et sur pièces, d’établir les rapports que vous demandez. En effet, le Gouvernement est un peu de parti pris, puisqu’il présente son propre point de vue, ce qui ne règle pas le problème du contrôle de l’exécutif par le Parlement, qui est l’une de ses fonctions les plus importantes dans une démocratie parlementaire, et plus encore à un moment où l’on se pose la question du rôle du Parlement. Vous avez d’excellents administrateurs, d’excellentes manières de travailler et des pouvoirs d’enquête.
Si la question mérite d’être posée, je me range à l’avis de M. le rapporteur général concernant toutes les demandes de rapport dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
En revanche, je suis bien sûr favorable à ce qu’on ouvre toutes les portes et fenêtres s’agissant de toutes les données de toutes les administrations qui sont sous ma responsabilité.
M. le président. L’amendement n° 28 rectifié est-il maintenu, madame Goulet ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 28 rectifié est retiré.
Article 4
I. – Le code général des impôts est ainsi rédigé :
1° L’article 242 bis est ainsi rédigé :
« Art. 242 bis. – Les opérateurs de plateforme en ligne au sens du 2° du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation, quel que soit leur lieu d’établissement, sont tenus :
« 1° De fournir, à l’occasion de chaque transaction, une information loyale, claire et transparente sur les obligations fiscales et sociales qui incombent aux personnes qui réalisent des transactions commerciales par leur intermédiaire. Elles sont également tenues de mettre à disposition un lien électronique vers les sites des administrations permettant de se conformer, le cas échéant, à ces obligations ;
« 2° D’adresser par voie électronique aux vendeurs, aux prestataires ou aux parties à l’échange ou au partage d’un bien ou service qui ont perçu, en qualité d’utilisateur d’une plateforme, des sommes à l’occasion de transactions réalisées par son intermédiaire, au plus tard le 31 janvier de chaque année, un document mentionnant, pour chacun d’eux, les informations suivantes :
« a) Les éléments d’identification de l’opérateur de la plateforme concerné ;
« b) Les éléments d’identification et le numéro de taxe sur la valeur ajoutée de l’utilisateur ;
« c) Le statut de particulier ou de professionnel indiqué par l’utilisateur de la plateforme ;
« d) Le nombre et le montant total brut des transactions réalisées par l’utilisateur au cours de l’année civile précédente et dont l’opérateur a connaissance ;
« d bis) (nouveau) Si elles sont connues de l’opérateur, les catégories d’imposition desquelles sont présumés relever les revenus perçus par l’utilisateur ;
« d ter) (nouveau) Le cas échéant, et si les opérateurs en ont connaissance, l’exonération d’impôt dont les revenus perçus par l’utilisateur sont présumés bénéficier en raison de leur nature ;
« e) Si elles sont connues de l’opérateur, les coordonnées du compte bancaire sur lequel les revenus sont versés ;
« 3° D’adresser par voie électronique à l’administration fiscale, au plus tard le 31 janvier de chaque année, un document récapitulant l’ensemble des informations mentionnées au 2°.
« Un arrêté des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale précise le contenu des obligations prévues aux 1°, 2° et 3°.
« Les obligations prévues aux 1°, 2° et 3° s’appliquent à l’égard des utilisateurs de plateforme résidant en France ou qui réalisent des ventes ou des prestations de service en France au sens des articles 258 à 259 D.
« L’obligation prévue au 3° s’applique également à l’égard des utilisateurs de plateforme établis dans un État ou un territoire n’appartenant pas à l’Union européenne et qui réalisent des ventes ou des prestations de service en France au sens des articles 258 à 259 D. » ;
2° L’article 1731 ter est ainsi rédigé :
« Art. 1731 ter. – Le non-respect, constaté à l’occasion d’un contrôle, de l’une des obligations prévues au 1° de l’article 242 bis est sanctionné par une amende forfaitaire globale fixée dans la limite d’un plafond de 50 000 €. » ;
3° Après le mot : « onéreux, », la fin du 34° du B de l’article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 est ainsi rédigée : « 241, s’agissant des droits d’auteur imposés suivant les règles applicables aux bénéfices non commerciaux et des droits d’inventeur, et par les 2° et 3° de l’article 242 bis. » ;
4° (nouveau) L’article 1754 est complété par un 9 ainsi rédigé :
« 9. Les entreprises établies en France et liées, au sens du 12 de l’article 39, à l’opérateur de la plateforme en ligne sont solidairement responsables du paiement de l’amende prévue par l’article 1731 ter et, s’agissant du non-respect des obligations prévues par les 2° et 3° de l’article 242 bis, de l’amende prévue par le III de l’article 1736. »
II. – L’article L. 114-19-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 114-19-1. – Toute entreprise mentionnée au premier alinéa de l’article 242 bis du code général des impôts est tenue :
« 1° De fournir, à l’occasion de chaque transaction, une information loyale, claire et transparente sur les obligations sociales qui incombent aux personnes qui réalisent des transactions commerciales par leur intermédiaire. Elles sont également tenues de mettre à disposition un lien électronique vers les sites des organismes permettant de se conformer, le cas échéant, à ces obligations ;
« 2° D’adresser par voie électronique à l’organisme mentionné à l’article L. 225-1, au plus tard le 31 janvier de chaque année, les informations mentionnées au 2° de l’article 242 bis du code général des impôts. Les données ainsi obtenues peuvent faire l’objet d’une interconnexion avec les données des organismes mentionnés à l’article L.213-1 au titre de l’accomplissement de leurs missions de contrôle et de lutte contre le travail dissimulé.
« L’arrêté prévu à l’avant-dernier alinéa du même article 242 bis précise le contenu des obligations prévues aux 1° et 2° du présent article.
« Le non-respect, constaté à l’occasion d’un contrôle, de l’une des obligations prévues au 1° est sanctionné par une pénalité forfaitaire globale, fixée dans la limite d’un plafond de 50 000 €. Toutefois, lorsque les manquements constatés ont déjà donné lieu au prononcé de l’amende mentionnée 1731 ter du code général des impôts, le montant cumulé des deux sanctions ne peut être supérieur à 50 000 €.
« Le non-respect des obligations prévues au 2° du présent article entraîne l’application d’une pénalité de 5 % des sommes non déclarées. Toutefois, lorsque les manquements constatés ont déjà donné lieu au prononcé de l’amende mentionnée au III de l’article 1736 du code général des impôts au titre du non-respect des obligations prévues au 3° de l’article 242 bis du même code, le montant cumulé des deux sanctions ne peut être supérieur à 5 % des sommes non déclarées.
« Les pénalités mentionnées aux cinquième et avant-dernier alinéas du présent article sont recouvrées selon les garanties, les règles et les sanctions applicables au recouvrement des cotisations assises sur les rémunérations. »
III. – L’article 24 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 est abrogé.
IV. – Le chapitre Ier septies du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales et l’article L. 102 AD du même livre sont abrogés.
V. – Les I, II et IV s’appliquent aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2019.
M. le président. L’amendement n° 79, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 242 bis. – Les entreprises, quel que soit leur lieu d’établissement, qui en qualité d’opérateur de plateforme mettent en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service sont tenues :
La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Cet amendement concerne les obligations de déclaration des plateformes d’économie collaborative.
Au travers de cet amendement, il s’agit de réintroduire une définition moins risquée en termes de contentieux des entreprises visées par l’article 4. Cette définition est plus large que celle du texte adopté en commission.
Par ailleurs, le texte adopté ne recouvre pas complètement la définition de l’article L. 111–7 du code de la consommation, puisqu’il ne prend en compte que l’un des deux alinéas. L’argument fondé sur le choix de fixer une définition d’opérateur de plateforme nous paraît faible.
Notre groupe propose donc un choix pragmatique, qui évite tout risque juridictionnel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Très souvent, le Gouvernement nous parle de cohérence, nous dit qu’il faut être clair, qu’il faut se référer au bon texte… Nous avons simplement souhaité, pour la définition d’un sujet évolutif, à savoir celui du droit des plateformes en ligne, nous référer au droit existant, c’est-à-dire au code de la consommation. Or le 2° de l’article L. 111–7, qui est issu de la loi pour une République numérique, définit concrètement les plateformes.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons en rester à la définition retenue par la commission, qui est celle du code de la consommation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Il s’agit d’une clarification importante (M. Michel Savin s’esclaffe.) L’argumentation de M. le sénateur, à mon avis, devrait convaincre le rapporteur général,…
M. Michel Savin. Surprise !
M. Gérald Darmanin, ministre. … et le rapporteur général devrait s’inspirer, me semble-t-il, de la sagesse du Gouvernement, qui ne propose pas de supprimer par amendement une partie des dispositions, afin de trouver un consensus sur les questions soulevées par l’article 4. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie s’exclame.)
M. Michel Savin. Quel succès !
M. le président. L’amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Canevet et Delcros et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … – Le numéro d’inscription au fichier de simplification des procédures d’imposition (SPI) de l’utilisateur ne peut être utilisé comme élément d’identification de l’utilisateur. Lorsque le montant total brut des transactions réalisées par l’utilisateur au titre de l’année considérée est supérieur ou égal à 2 500 €, l’opérateur de plateforme vérifie l’identifiant IBAN et les éléments d’identité de l’utilisateur. » ;
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Monsieur le ministre, l’économie collaborative s’est beaucoup développée dans notre pays, et de nombreuses entreprises se sont ainsi créées. Il est souhaitable qu’une telle situation puisse perdurer.
Cet article regroupe un ensemble d’obligations destinées à mieux connaître le détail de ce qui est effectué. Simplement, il faut veiller à ce que les propositions formulées ne tendent pas à décourager, par des dispositifs trop sophistiqués, un certain nombre d’opérateurs et d’utilisateurs.
On le sait bien, demander le numéro fiscal, c’est susciter une certaine inquiétude chez nombre d’utilisateurs, alors même qu’une bonne partie des prestations ne sont pas taxables. Il est donc souhaitable, à mon sens, s’agissant des relations avec l’administration, de nous reposer sur les dispositifs déjà existants. Je pense notamment au KYC, Know Your Customers, qui oblige les plateformes à collecter les données d’identité et l’IBAN des utilisateurs. Cela doit permettre de bien identifier l’ensemble des acteurs redevables d’obligations fiscales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. L’intention est bonne, mais l’IBAN est-il suffisant ? Permettez-moi de prendre quelques exemples qui témoigneront de la difficulté.
Tout d’abord, comment fait-on avec un paiement par PayPal ? Il n’est pas illégal en soi d’utiliser un mode de paiement alternatif, mais cela signifie qu’on ne recueille pas l’identification bancaire. Rien n’interdit non plus d’utiliser le compte d’un conjoint, d’un enfant ou d’un parent.
L’IBAN, ex-RIB, ne suffit donc pas, ce qui soulève la question des modes de paiement alternatifs, qui sont nombreux. On peut avoir un compte prépayé, certaines plateformes acceptent les paiements en bitcoins ou monnaie virtuelle, d’autres, les paiements par Paypal. L’IBAN ne permet pas d’avoir une identification suffisante des utilisateurs de plateformes au regard des obligations fiscales.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 70 rectifié est-il maintenu, monsieur Canevet ?
M. Michel Canevet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 70 rectifié est retiré.
L’amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Après la référence :
du B
insérer la référence :
du I
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 22 à 29
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
II. – L’article L. 114-19-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Les mots : « au I de » sont remplacés par le mot : « à » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le document mentionné au 3° de l’article 242 bis du code général des impôts est adressé à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale au plus tard le 31 janvier de chaque année. Les données ainsi obtenues peuvent faire l’objet d’une interconnexion avec les données des organismes mentionnés à l’article L. 213-1 du présent code au titre de l’accomplissement de leurs missions de contrôle et de lutte contre le travail dissimulé. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Il s’agit d’un amendement de simplification. Jusqu’à présent, deux déclarations étaient nécessaires. L’adoption de cet amendement permettra de n’en avoir plus qu’une seule. La volonté de simplification va aussi de pair avec la lutte contre la fraude. Cet amendement devrait recueillir l’assentiment de votre assemblée.
M. le président. L’amendement n° 108 rectifié bis, présenté par M. P. Dominati, Mmes Boulay-Espéronnier et Lavarde, MM. Panunzi, Houpert, H. Leroy, Longuet, Sido, Mouiller et Bizet, Mmes Deromedi et Delmont-Koropoulis, M. Revet et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Alinéas 22 à 29
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
II. – À l’article L. 114-19-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « au I » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa ».
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. La fraude fiscale est un fléau et nous avons, par le passé, fait pas mal de propositions en la matière.
Monsieur le ministre, dans ce projet de loi, il manque bien évidemment l’essentiel. En effet, la disposition la plus efficace contre la fraude fiscale, c’est la baisse de la fiscalité dans l’un des pays les plus imposés au monde.
M. Alain Dufaut. Eh oui !
M. Philippe Dominati. La fraude fiscale est en effet le corollaire de la pression fiscale. Malheureusement, les différents budgets et lois de programmation pluriannuelle n’offrent pas une visibilité suffisante. Ce projet de loi ne comporte donc pas un article selon moi essentiel.
Pour autant, j’ai compris que Bercy était affaibli par un manque de moyens et qu’il fallait une police fiscale. Avec cet amendement, je le reconnais, je n’ai pas fait preuve d’une grande créativité face à cet affaiblissement de l’État.
J’estime qu’il faut prendre quelques précautions, parce que l’Europe et la France sont en train de louper, après la révolution industrielle, la révolution numérique. On ne sait manifestement pas comment aborder le sujet. Le sentiment dominant, c’est que l’économie numérique est une pépite que l’on peut taxer, contraindre et freiner à tout prix, ce qui ne manquera pas d’en détourner les consommateurs français.
Il y a là un risque pour les sociétés françaises, dans la mesure où les sociétés étrangères risquent de bénéficier de l’absence de contrainte réglementaire dans leur pays d’origine pour prendre des parts de marché.
À travers cet amendement, il s’agit de simplifier, pour faire en sorte que la France ne surréglemente pas par rapport à ses voisins européens. Ainsi, la double inscription concernant les déclarations et ces obligations n’est pas nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement du Gouvernement. Aussi, elle demande le retrait de l’amendement défendu par M. Dominati.
J’ai compris que notre collègue souhaitait, à juste titre, qu’on n’impose pas des obligations nouvelles aux entreprises. En l’occurrence, il propose une obligation nouvelle !
En effet, la transmission automatique par l’administration n’engendrera pas de nouvelles obligations pour les entreprises. Par conséquent, l’adoption de l’amendement présenté par le ministre permettra de satisfaire l’amendement n° 108 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 108 rectifié bis ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. J’étais l’auteur du premier amendement que la commission a bien voulu introduire dans le texte. Il prévoyait une double transmission. Mais je me range bien volontiers aux arguments de simplification que M. le rapporteur général vient de rappeler et que M. le ministre a invoqués en déposant cet amendement.
Celui-ci est bien évidemment en totale contradiction avec l’amendement déposé par notre collègue Philippe Dominati. J’en suis désolé pour lui !
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 108 rectifié bis n’a plus d’objet.
L’amendement n° 71, présenté par MM. Canevet et Delcros et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Les I, II et IV ne s’appliquent pas aux revenus perçus de la vente d’objets personnels et usagés tels que définis au dernier alinéa de l’article L. 110-1 du code de commerce.
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Je l’ai dit il y a quelques instants, l’économie collaborative, c’est le développement d’un grand nombre de transactions. Or une partie de ces transactions sont réalisées, en France et à l’étranger, par des opérateurs qui ne sont pas imposables. Il s’agit de toutes les opérations de biens meubles usagés répertoriées à l’article 150 UA du code général des impôts, à savoir les meubles meublants, les appareils ménagers et les voitures automobiles – hormis les objets d’art, de collection ou d’antiquité –, ainsi que les biens meubles autres que les métaux précieux dont le prix de cession est inférieur ou égal à 5 000 euros.
Cela représente un très grand nombre de transactions ! La somme des informations concernées est donc considérable. Quel est l’intérêt de demander aux personnes qui vendent des biens d’occasion par internet leur numéro fiscal ? Surtout, quel est l’intérêt de transmettre ces informations à l’administration fiscale ?
Selon moi, on engorge ainsi l’administration fiscale de données qui n’ont pas lieu d’être, puisqu’il n’y a pas d’imposition. Il vaudrait mieux demander aux plateformes collaboratives d’effectuer le tri entre les opérations correspondant aux critères énoncés par le code et celles qui ne leur correspondent pas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Je partage totalement les propos de Michel Canevet. Un certain nombre d’opérations sont par nature exonérées, notamment la vente de biens d’occasion. Je pense plus particulièrement à la vente d’une voiture d’occasion par un particulier. Dès lors, on peut effectivement s’interroger sur la nécessité de transmettre les revenus.
La difficulté, c’est que, sur une plateforme, les opérations sont mélangées. Des professionnels font très régulièrement des ventes, qui ne relèvent pas des ventes d’occasions. À mon sens, ce n’est pas à la plateforme d’aller faire le tri entre les opérations exonérées et celles qui ne le sont pas. C’est à l’administration fiscale de considérer que, en application des textes généraux du code général des impôts, l’activité est par nature exonérée. Tel est le cas pour les ventes d’occasions, nous ne le remettons pas en cause.
En revanche, si on prévoit d’emblée que la plateforme fait le tri entre ce qui est exonéré, notamment la vente de biens d’occasion, et ce qui ne l’est pas, à savoir la vente de professionnels, une fraude massive est à redouter. Vous aurez alors des sites sur lesquels tout le monde se déclarera comme vendeur d’occasions, et toutes les activités seront exonérées.
Aujourd’hui, on le sait très bien, sur les grandes plateformes de mise en relation – vous avez un certain nombre de noms en tête, je ne leur ferai pas une publicité particulière –, se glissent des professionnels qui vendent parfois cinquante objets par semaine. Ce n’est plus vraiment de la vente de biens d’occasion ! Cela relève de la fiscalisation, et c’est la raison pour laquelle on a besoin que les informations soient transmises à l’administration fiscale.
Nous sommes favorables à l’exonération de la vente occasionnelle par un particulier. Simplement, ce n’est pas à la plateforme d’aller faire le tri, c’est à l’administration fiscale. C’est le seul moyen de détecter les opérations récurrentes ne relevant pas d’une exonération.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je me range à l’excellente argumentation de M. le rapporteur général. Il faudrait, dans un monde parfait – peut-être arrivera-t-il un jour ! –, que les plateformes puissent informer les usagers de ce qui relève d’une taxation et de ce qui n’en relève pas.
Il n’y a pas de changement de réglementation avec ce que nous mettons en place. En revanche, monsieur le sénateur, votre amendement tend à introduire une sorte de différenciation. Bien sûr, son objet ne va pas en ce sens. Je comparais précédemment, sur un autre sujet, avec le sénateur Bascher, la nouvelle et l’ancienne économie, même si je n’aime pas utiliser ces mots.
M. le sénateur Dominati nous a alertés sur le fait que la France prend des dispositions, notamment fiscales, qui l’empêchent d’être celle qui accompagne les nouvelles start-up, les Google de demain. Il a raison ! C’est pourquoi le Gouvernement, sans doute insuffisamment aidé par la majorité sénatoriale, a baissé fortement les impôts, y compris ceux qui pesaient sur les sociétés de capital-risque. Cela ne signifie pas qu’il faut distinguer entre la nouvelle et l’ancienne économie pour un même bien ou un même service. Or, il faut l’avouer, nous n’aurons pas les possibilités de le faire tant que l’administration ne disposera pas des éléments nécessaires.
Il ne s’agit donc pas de changer la fiscalité des objets qui ne sont pas taxables, par exemple une poussette d’occasion. En revanche, s’il y a une plus-value, il ne serait pas normal que, dans le monde physique, les gens payent une taxation – à moins que vous ne la remettiez en cause, ce qui remettrait en cause du même coup de nombreuses recettes de l’État ! –, et que, sur une plateforme numérique, on « oublierait » de le faire. En tout cas, on utiliserait le fait que l’administration fiscale n’est pas informée de cette transaction pour ne pas être taxé.
Aussi, je vous demande de retirer cet amendement, monsieur le sénateur Canevet ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Il convient en effet d’encourager les plateformes, conformément à la position de sagesse de M. le rapporteur, à distinguer ce qui relève de la taxation et ce qui n’en relève pas.
C’est dans le droit fil du travail sénatorial ! Je me réfère ainsi aux nombreux rapports et interpellations concernant les plateformes collaboratives dans le système de l’hôtellerie, évoquées longuement dans le cadre du projet de loi de finances. Il n’était alors pas question de remettre en cause les choix des consommateurs en limitant le champ de ces plateformes. Toutefois, les collectivités locales doivent percevoir des taxes de séjour. Parallèlement, ceux qui louent leur appartement ou leur maison doivent payer un impôt comparable à celui qui s’applique, dans le monde physique, à ceux qui font la même chose qu’eux. Il n’y a rien de scandaleux à cela !