M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Bockel. Franchement, les arguments développés pour défendre le recours aux seuils ne sont pas convaincants – nous sommes nombreux à en avoir conscience –, même si le retrait de l’amendement de Mme la ministre sur les intercommunalités apporte tout de même un peu de cohérence dans la démarche.
Je vais reprendre l’expression de mon excellent collègue Dominique de Legge : oui, la boîte de Pandore va être ouverte et, au fond, pourquoi pas !
J’entends par là que nous avons tout de même le sentiment d’un franchissement d’étape, d’où les ralliements à la position de la commission – ce sera aussi notre cas. On crante une démarche, qui conduira, dans le respect des règles que vous avez tous rappelées sur la place des militaires dans la société, à une présence de ces militaires dans les conseils municipaux.
Dans l’esprit du soldat citoyen, ce n’est pas une mauvaise mesure. Je ne sais pas si le succès sera considérable ou si cette évolution permettra, ici ou là, à un certain nombre de citoyens militaires en activité de s’impliquer dans la vie locale. Nous verrons bien. Mais si cette étape peut amener un questionnement, à la fois, sur les délégations potentielles et sur la nécessité, un jour, de supprimer les seuils, alors nous examinerons ces problématiques le moment venu.
Il s’agit d’un point départ, et soyons concrets : mieux vaut la moitié de quelque chose que la totalité de rien du tout, c’est-à-dire un idéal que, visiblement, nous ne pourrons pas atteindre aujourd’hui !
C’est donc avec pragmatisme et sans réticence aucune que nous nous rallions à la position de la commission.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cambon, rapporteur. Je crois effectivement que, sur toutes les travées, nous doutons de l’efficacité de ces seuils, qui existent dans de nombreuses autres législations. On se demande toujours ce qui sépare un élu d’une commune de 14 999 habitants d’un élu d’une commune de 15 200 habitants.
J’ajoute que c’est la disposition votée à l’Assemblée nationale qui nous a obligés à prendre le problème en main – le précédent seuil de 3 500 habitants était effectivement très restrictif – et que c’est tout de même le Conseil constitutionnel qui a invité le législateur à fixer des seuils. Nous sommes obligés de nous en tenir à cette jurisprudence.
Enfin, pour parachever le sentiment de perplexité, je signalerai une petite curiosité : en l’état du droit européen, tout empêcherait un militaire français de se présenter dans une commune de 9 200 habitants, mais rien n’empêcherait un général allemand disposant d’une maison de campagne en France de se porter candidat dans une commune de 17 000 habitants, d’y être élu et, sans doute, d’en devenir le maire adjoint.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. M. le rapporteur vient d’apporter un peu d’eau à mon moulin, en soulignant l’incohérence résultant de l’application du droit européen, qui donne la faculté à des militaires étrangers d’être candidats, voire élus dans nos communes, indépendamment d’un quelconque seuil de population.
Par ailleurs, je suis heureux d’avoir déposé cet amendement, car la richesse du débat qui vient de s’ouvrir entre nous démontre l’existence d’un vrai sujet. Oui, c’est un vrai sujet ; ces questions de seuil ne se justifient pas en soi !
Avec tout le respect que je vous dois, madame la ministre, je tiens à signaler que vous m’avez un peu blessé, choqué, en avançant que nous savions ce que c’était que d’être élu local et que, à ce titre, nous ne devions pas nous arc-bouter sur l’idée d’une absence de seuil.
Pour la plupart d’entre nous, justement, nous sommes ou avons été des élus locaux. J’ai occupé la fonction de maire d’une ville de 26 000 habitants pendant vingt-deux ans. Je vous assure que la compétence d’une personne et son implication dans les affaires de la commune n’ont rien à voir avec la détention d’une carte de parti !
Nos élus locaux, je le répète, quel que soit le nombre d’habitants de la commune, ne sont pas forcément encartés ou engagés. Ils peuvent naturellement garder une parfaite neutralité, comme le veut le statut militaire.
Je suis prêt à retirer mon amendement. Nous sommes tous cohérents, évidemment, et souhaitons rester dans la ligne du Conseil constitutionnel, comme dans la logique – le rapporteur et le rapporteur pour avis l’ont rappelé – des débats en commission, qui nous ont conduits à retenir un certain nombre de propositions.
Mais je voudrais tout de même insister sur l’incohérence de la mesure que nous allons prendre.
Imaginez, mes chers collègues, une fusion de toutes petites communes de quelques centaines d’habitants pour former, au bout du compte, une commune de 4 000 habitants. Avec la rédaction de l’Assemblée nationale, l’élu marqué du sceau de la fonction militaire aurait été démis d’office par le préfet. Croyez-vous que ses collègues élus auraient trouvé cela tout à fait logique et normal ?
Imaginez une commune qui dépassera le seuil de population, par exemple avec 9 200 habitants. La situation sera la même, même si la personne est compétente, qu’elle a montré son engagement et sa disponibilité – effectivement, on peut être militaire et disponible ; tous les militaires ne sont pas engagés dans des opérations extérieures, conduits à s’extraire et s’éloigner de leur milieu familial, voire à changer régulièrement de lieu de vie.
Là encore, il faut prendre les gens au sérieux : les militaires sont capables d’assumer pleinement leurs responsabilités.
Je retire mon amendement, tout en soulignant, à nouveau, l’utilité de ce débat. (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 79 rectifié est retiré.
L’amendement n° 147 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L.O. 286-2 du code électoral, il est inséré un article L. 286-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 286-3. – Les militaires en position d’activité ne peuvent ni être membres du collège électoral sénatorial, ni participer à l’élection à ce collège de délégués et de suppléants. »
Souhaitez-vous présenter conjointement l’amendement n° 154, madame la ministre ?
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 154, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
I. – Alinéa 14
Remplacer les mots :
et d’adjoint au maire
par les mots :
, de maire délégué, d’adjoint au maire et d’adjoint au maire délégué
II. – Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa du II de l’article L. 5211-7, les mots : « les articles L. 44 à L. 46, L. 228 à L. 237-1 et L. 239 du code électoral » sont remplacés par les mots : « les articles L. 44 à L. 45-1, L. 228 à L. 237-1 et L. 239 du code électoral, ainsi que celles prévues pour les élections au conseil communautaire par l’article L. 46 du code électoral » ;
La parole est à Mme la ministre, pour présenter les deux amendements.
Mme Florence Parly, ministre. Permettez-moi tout d’abord de remercier M. Joël Guerriau. Je lui donne volontiers acte du fait que la réalité locale est sans doute un peu plus complexe que les grandes catégories que j’ai pu décrire. Néanmoins, cela a été parfaitement rappelé par le rapporteur pour avis de la commission des lois, ainsi que par le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le Conseil constitutionnel, lui-même, nous invite à nous orienter vers les seuils.
Avant de présenter les deux amendements suivants, je veux rappeler de quoi nous parlons.
Il ne s’agit pas de savoir si les militaires sont capables ou pas, loyaux ou pas, si le franchissement d’un seuil change la nature de leur engagement. Non, le sujet, c’est la position administrative : au-delà d’un certain seuil, il n’est nullement interdit à un militaire de poursuivre l’engagement qu’il avait souscrit dans le cadre des seuils autorisés, mais il doit alors opter pour une autre position administrative et évoluer d’une position d’activité à une position de détachement, ce qui est parfaitement possible.
Il n’y a donc aucun ostracisme d’aucune sorte vis-à-vis des militaires et je suis la première convaincue que ces derniers peuvent apporter, en raison de leur engagement, une véritable plus-value à la vie locale.
J’insiste sur le cœur de cette discussion, car les amendements que je vais maintenant présenter concernent, eux aussi, la catégorie des militaires en activité et, une nouvelle fois, il n’est question à aucun moment d’interdire l’exercice du libre choix d’un militaire qui souhaiterait passer d’une position d’active à une position de détachement.
L’amendement n° 147 rectifié doit, à nouveau, être mis en lien avec l’objectif de garantir le devoir de réserve des militaires – militaires en activité, je le répète –, même lorsque ceux-ci sont titulaires d’un mandat local.
Il tend à rétablir l’interdiction, introduite à l’Assemblée nationale, qui serait faite aux militaires en position d’activité, titulaires d’un mandat de conseiller municipal, de voter pour l’élection sénatoriale – j’ai déjà entendu des prises de position, par anticipation, sur cette question.
Le Gouvernement, avec cet amendement n° 147 rectifié, entend les priver de la possibilité de se présenter à l’élection des délégués des conseils municipaux en vue de l’élection sénatoriale, et de voter à cette élection.
Pourquoi cette restriction ? Elle apparaît nécessaire pour préserver le devoir de réserve et l’obligation de neutralité qui, en vertu de leur statut, s’imposent aux militaires en activité.
Ces principes font effectivement obstacle à ce que les militaires en activité sollicitent le suffrage des autres conseillers municipaux, en s’inscrivant sur des listes de grands électeurs. Cette démarche suppose un engagement partisan avéré, d’autant plus marqué qu’il s’agit d’un collège électoral restreint.
Pour garantir cet exercice impartial de leur mandat comme de leurs fonctions de militaires en position d’activité, il est également nécessaire de leur interdire de prendre part à la désignation du collège des délégués.
J’en viens à l’amendement n° 154, qui tend à compléter le dispositif adopté par votre commission.
Tout d’abord, il vise à étendre, aux fonctions de maire délégué et d’adjoint au maire délégué, l’incompatibilité prévue avec les fonctions de maire et d’adjoint au maire.
Sauf accord de l’ensemble des communes regroupées, la création de communes déléguées reprenant les noms et limites territoriales des anciennes communes intervient automatiquement en cas de création d’une commune nouvelle. Le nombre de ces communes a donc crû au cours des dernières années, et devrait continuer d’augmenter. La plupart des communes concernées sont d’une taille réduite.
Or les maires délégués disposent de pouvoirs étendus : ils sont officiers d’état civil, officiers de police judiciaire ; ils peuvent être chargés de l’exécution des lois et règlements de police, recevoir des délégations du maire ; ils exercent également des fonctions d’adjoint au maire de la commune nouvelle.
Ces différentes missions peuvent être lourdes. Dans cette mesure, elles sont, tout comme les missions de maire ou d’adjoint au maire, incompatibles avec l’exigence constitutionnelle de disponibilité qui pèse, à nouveau, sur les militaires en activité.
En outre, cet amendement tend à harmoniser les dispositions relatives à la participation des militaires en position d’activité aux structures intercommunales, précisant que les incompatibilités applicables pour l’élection des délégués des syndicats de communes sont, notamment, celles qui sont prévues pour les élections au conseil communautaire par l’article L. 46 du code électoral.
À défaut, en effet, s’appliqueraient pour les syndicats de communes les seules règles d’incompatibilité applicables aux communes, soit un seuil démographique de 9 000 habitants apprécié à l’échelle de la commune, et non, comme pour les EPCI, le seuil démographique de 30 000 habitants qui vient d’être confirmé. Rien ne justifierait une telle différence de régime !
Il serait donc incohérent de permettre à un militaire en position d’activité de siéger dans l’organe délibérant d’un EPCI d’une certaine taille, dès lors qu’il réside dans une commune membre de moins de 9 000 habitants et, à l’inverse, de lui interdire de siéger dans l’organe délibérant d’un EPCI de taille plus réduite, dès lors qu’il réside dans une commune de plus de 9 000 habitants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Christian Cambon, rapporteur. L’amendement n° 147 rectifié vise à interdire aux militaires en position d’activité d’être membres du collège électoral sénatorial, ou de participer à l’élection de ce collège. Bien évidemment, présenter ce genre de dispositions devant le Sénat peut revêtir un caractère inopportun, pour ne pas dire choquant aux yeux de certains. Au sein de la commission, cette mesure a, en tout cas, posé un certain nombre de difficultés.
J’ajoute qu’elle est douteuse sur le plan constitutionnel. En effet, on peut y voir une rupture d’égalité entre conseillers municipaux, certains n’ayant pas les mêmes droits que leurs homologues.
Je vous rappelle qu’il n’existe qu’une exception en la matière, visant, je l’évoquais tout à l’heure, les ressortissants européens, mais celle-ci est encadrée par l’article 88-3 de la Constitution.
Je me demande donc dans quelle mesure – et je me tourne, pour cela, vers les éminents membres de la commission des lois – il n’y aurait pas nécessité de recourir à un support constitutionnel pour garantir ce droit.
De surcroît, s’agissant du fait d’empêcher un militaire d’être désigné délégué, au titre des citoyens désignés par le conseil municipal dans les communes de plus de 30 000 habitants, le Conseil constitutionnel contrôle toute dérogation entre la qualité d’électeur et la possibilité d’être éligible.
Nous attirons l’attention du Gouvernement sur ce contrôle du Conseil constitutionnel, qui nous a conduits, en commission, à émettre un avis défavorable sur cet amendement n° 147 rectifié.
L’amendement n° 154, relatif aux incompatibilités avec diverses fonctions exécutives, n’a pas pu être examiné par la commission, car il a été déposé de manière particulièrement tardive. Je note toutefois que ses dispositions présentent un rapport logique avec celles qui ont été examinées précédemment.
En effet, il est plus raisonnable, pour la liberté de parole, la liberté d’expression et le respect de la neutralité, de ne pas rendre possible l’élection d’un militaire conseiller municipal aux fonctions de maire adjoint ou d’adjoint au maire délégué dans une commune nouvelle. Cette interdiction peut être étendue aux syndicats de communes, pour éviter qu’un élu d’une très petite commune n’exerce des responsabilités au sein d’une communauté d’agglomération ou d’un syndicat intercommunal, à vocation unique – SIVU – ou multiple – SIVOM –, très important.
N’ayant pu réunir la commission pour examiner cet amendement, je m’en remets à la sagesse du Sénat, mais, à titre personnel, je pense qu’il mérite un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Sur l’amendement n° 154, que nous avons récupéré au vol, je me range naturellement à l’avis émis, dans sa sagesse, par M. le rapporteur.
Par l’amendement n° 147 rectifié, le Gouvernement souhaite réintroduire un alinéa voté par l’Assemblée nationale, visant à interdire aux militaires élus de voter à l’élection sénatoriale et même de participer à l’élection de délégués au collège électoral sénatorial.
Permettez-moi une remarque, madame la ministre : la plupart des députés qui siègent à l’Assemblée nationale aujourd’hui ne savent pas ce que c’est qu’une mairie. Ils ne savent pas ce que c’est qu’un conseil municipal. Au reste, ils ne le sauront probablement jamais ! (Sourires. – MM. Joël Guerriau et Emmanuel Capus applaudissent.) Autrement dit, leur sensibilité est forcément différente de la nôtre.
Que représentent cinq cents militaires inscrits sur les listes électorales ? Un grand électeur ou deux. Il faut remettre les choses à leur place.
Vous invoquez, madame la ministre, le devoir de réserve des militaires et le supposé engagement partisan avéré de la démarche qui consiste à solliciter le suffrage des autres conseillers municipaux. Cette disposition revient à autoriser les militaires à participer au scrutin pour l’élection des députés et, dans le même temps, à leur refuser ce droit pour l’élection de sénateurs. Cela me paraît très discriminant.
Dans ma commune, les 250 militaires de la caserne ont été ajoutés sur les listes électorales. Nul besoin d’être un politologue de renom pour connaître l’orientation politique de ces nouveaux électeurs ! Peut-on nier l’incidence du vote des militaires sur l’élection législative dans une circonscription où sont regroupés des casernements, des logements et autres lieux de vie militaire ?
Cette discrimination est une atteinte à la démocratie. Or, madame la ministre, je trouve qu’il y a aujourd’hui, dans notre pays, beaucoup d’atteintes à l’équilibre démocratique.
Par conséquent, je me félicite que la commission des affaires étrangères ait adopté mon amendement supprimant ces interdictions. Elle a très justement considéré que les militaires devront pouvoir exercer la plénitude des fonctions liées au statut d’élu, et ne pas être de sous-conseillers municipaux.
Je voterai donc contre cet amendement.
Enfin, permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que nos soldats de l’opération Barkhane sont peut-être en train de suivre nos débats, à la télévision, depuis le Niger, le Tchad et ailleurs. Vous êtes en train de leur envoyer le message qu’ils sont des sous-citoyens, qu’ils ne méritent pas qu’on leur donne la pleine citoyenneté, alors qu’ils vont peut-être risquer leur vie demain matin ou peut-être même cette nuit…
M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Grand. Voilà pourquoi, aujourd’hui, je défends les militaires avec passion. (M. Jean-Pierre Corbisez applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Faut-il que les militaires puissent être élus conseillers municipaux ? Je ne reviendrai pas sur le débat de fond.
À vrai dire, moi qui connais un peu le statut militaire, je ne connais pas beaucoup de militaires qui restent plus de trois ou quatre ans au même endroit. Pourront-ils assumer leurs responsabilités s’ils sont élus ? C’est une vraie question.
L’objet de mon intervention est autre : je veux revenir sur les deux amendements du Gouvernement.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 154, vous affirmez, madame la ministre, qu’un maire délégué, dans les communes relevant de la loi Marcellin ou dans les communes nouvelles, a des pouvoirs. Pour bien connaître le sujet, je peux vous dire que vous vous trompez ! Il n’a aucun pouvoir. Seul le maire a le pouvoir.
L’amendement n° 147 rectifié est plus important. Pour le défendre, vous évoquez un engagement partisan avéré, d’autant plus marqué que le collège électoral est restreint. Le Gouvernement devrait se souvenir que les sénateurs sont actuellement élus au suffrage indirect, au scrutin majoritaire à deux tours dans seulement 30 % des départements – les autres le sont à la proportionnelle. Dans ces départements, l’engagement politique n’est pas avéré. Affirmer le contraire, c’est vraiment méconnaître la réalité des élections sénatoriales. Dans ces départements, que je représente ici – je ne parle évidemment pas de moi –, ce sont les meilleurs, les plus compétents qui sont élus, quelle que soit leur étiquette politique. Cela sera encore plus vrai quand le nombre de sénateurs aura diminué et quand le nombre de départements qui éliront leurs sénateurs au scrutin uninominal passera peut-être à 50 %. Par conséquent, c’est une question importante.
Je ne peux pas accepter que le Gouvernement dise que les élections sénatoriales donnent matière à un engagement partisan avéré. C’est peut-être vrai dans les grands départements, mais, chez nous, dans les départements ruraux, l’engagement se fonde sur la compétence.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.
M. Gilbert Roger. Compte tenu du débat qui vient d’avoir lieu, des explications de Mme la ministre et des avis émis par M. le rapporteur, je pense qu’il serait raisonnable de voter ces deux amendements.
J’invite mes collègues à le faire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Bockel. Je soutiens la position de la commission, qui a fort bien été rappelée à l’instant.
Dans la pratique, les cas de figure seront très limités, mais, sur le symbole, quand on entend les arguments qui sont développés ici avec beaucoup de civilité et de sérieux, on imagine la manière dont cette question pourrait être exploitée dans le débat public, et les arguments populistes susceptibles de sous-tendre ce débat.
C’est dommage. Il aurait été tellement simple d’accorder aux militaires la possibilité d’être grands électeurs ! Franchement, cela ne mangeait pas de pain. (M. Bruno Sido approuve.)
Sur ce sujet, l’ampleur des débats risque de dépasser de loin la réalité du phénomène.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Le débat est assez complexe. Il nous amène à envisager des situations assez ubuesques.
Dans le département de Maine-et-Loire, une capitaine de cavalerie a été élue députée en juin dernier. Cela faisait longtemps qu’un capitaine d’active n’avait pas été élu à l’Assemblée nationale ! Quoi qu’il en soit, cette députée fera partie du collège électoral sénatorial.
M. Ladislas Poniatowski. Absolument !
M. Emmanuel Capus. Effectivement, madame la ministre, cette députée a été placée en position de détachement – elle n’est peut-être pas la seule à être dans ce cas. Elle retrouvera malgré tout son poste à l’issue de son mandat, si elle ne se représente pas ou si elle est battue.
Vous nous dites que tout militaire élu peut se placer en position de détachement. Dans les faits, c’est quasi impossible. Qu’un capitaine élu député puisse être placé en détachement est financièrement possible, puisque, pour ce grade, l’Assemblée nationale est plus généreuse que l’armée – on le sait, puisque les salaires ont été publiés. En revanche, aucun conseil municipal ne peut permettre à un officier d’active de se placer dans une situation de détachement durant un mandat.
Soyons raisonnables, madame la ministre. Votre argument ne tient pas. Dans la réalité, aucun adjoint au maire d’une commune de moins de 9 000 habitants ne peut renoncer à son salaire et la plupart des élus locaux, qu’ils soient conseillers municipaux ou adjoints au maire, sont quasi bénévoles. C’est d’ailleurs ce qui fait la force de l’engagement des élus locaux.
La complexité de ces deux situations témoigne des conséquences étonnantes, bizarres, que peut avoir cette ouverture, indépendamment de votre responsabilité.
Pour ce qui concerne l’amendement, je me rangerai à l’avis sage de la commission. (M. Joël Guerriau applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.
M. Pascal Allizard. Tout d’abord, j’estime que ce débat est sain et qu’il était tout à fait nécessaire. Il est très positif que nous puissions avoir ces échanges.
Je trouve choquant que l’on interdise à des citoyens élus conseillers municipaux d’élire leurs sénateurs, alors qu’ils peuvent élire leurs députés en tant que simples citoyens. Il y a là quelque chose que j’ai du mal à comprendre, d’autant plus que, en vertu de leur statut, les militaires gardent leur devoir de réserve. C’est une question de confiance et de bon sens.
Par conséquent, à titre personnel, je voterai contre l’amendement n° 147 rectifié, madame la ministre.
L’amendement n° 154 a quant à lui tout à fait vocation à être adopté, puisqu’il vise à procéder à une mise en cohérence concernant les fonctions exécutives locales, notamment au sein des syndicats intercommunaux.
Je me range donc à la position de notre rapporteur et voterai cet amendement, que nous n’avons pu étudier en commission.
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.
M. Cédric Perrin. Je partage l’avis de mes collègues. Les arguments avancés me semblent marqués par une certaine hypocrisie.
L’élection n’est pas forcément moins politisée dans les communes de 500 habitants que dans celles de 8 000 ou de 9 000 habitants.
M. Christian Cambon, rapporteur. C’est vrai !
M. Cédric Perrin. Tout dépend du contexte et de la composition des listes. Il n’y a pas de règle absolue en la matière.
Je rappelle que le vote est secret. Par définition, celui qui sera élu grand électeur n’aura pas nécessairement donné son avis au préalable. Je trouve donc cet argument assez hypocrite.
Comme le disait Pascal Allizard, il faut soit accorder aux militaires un statut d’élu complet, soit leur interdire d’être élus, mais il ne saurait y avoir de sous-statuts, ou d’élus qui pourraient exercer un certain nombre de droits quand d’autres ne le pourraient pas.
En la matière, je pense qu’il faut être extrêmement prudent. Quoi qu’il en soit, je me félicite que nous ayons abordé cette question, qui est importante.
Je veux également revenir sur la question de la mise en disponibilité des militaires. Je sais bien que le bénévolat des élus, quel que soit le mandat, est une idée dans l’air du temps. Un certain nombre de nos concitoyens l’appellent de leurs vœux.
Cependant, comme mon collègue l’a fort justement dit, pour se mettre en disponibilité de son travail, il faut avoir de quoi vivre, donc être rentier ou disposer d’un certain nombre de revenus parallèles… Cet argument ne me semble donc pas non plus très pertinent.
Je me rangerai donc évidemment à l’avis de la commission.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. On sait que les militaires sont soumis à l’obligation de réserve. Cette obligation est respectable.
Cependant, par leur expérience, leur culture, leur dévouement, les militaires sont tout à fait légitimes à s’engager, notamment dans les plus petites communes, où l’engagement est bénévole.
Il serait quand même très dommage qu’ils ne puissent pas, par exemple, voter pour désigner les délégués au collège électoral sénatorial.
Par exemple, dans mon petit département des Ardennes, où s’applique le scrutin uninominal pour l’élection des sénateurs, l’engagement des militaires me paraît tout à fait légitime.
À cet égard, je partage l’avis de M. le rapporteur.