Mme Esther Benbassa. C’est vrai.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Or, en cinq ans, le visage des rebelles a évolué, hélas ! vers l’islamisme radical.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Tout à fait !
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Ainsi, quand on parle de ligne rouge, mieux vaut sanctionner, et vite, sinon, l’on risque fort de brandir des sabres de bois…
En outre, il fallait intervenir pour envoyer un message clair aux alliés de la Syrie, et particulièrement à la Russie.
Ce grand pays, auquel tant de liens nous unissent, doit comprendre que le rôle de grande puissance est incompatible avec le non-respect du droit international. (Marque d’approbation au banc des commissions.) Nous l’avons du reste rappelé à nos collègues russes dans le dialogue serein, mais sans concession, que nous avons eu la semaine passée avec les représentants du Conseil de la Fédération de Russie.
Les frappes étaient-elles fondées en droit international ?
Le respect du droit international s’applique bien sûr d’abord à nous. Or c’est idéalement sur la base d’une résolution votée par le Conseil de sécurité, sous le régime du chapitre VII de la Charte des Nations unies, autorisant le recours à la force, que ce genre d’opérations militaires trouve sa légitimité incontestable.
Toutefois, force est de constater qu’en utilisant son droit de veto à douze reprises sur le dossier syrien, dont six fois au sujet des armes chimiques, la Russie a paralysé l’action du Conseil de sécurité, y compris pour ce qui concerne le volet humanitaire.
Là encore, nous pouvons regretter que les membres permanents du Conseil de sécurité n’aient pas tous accepté la proposition française de s’abstenir d’utiliser ce droit de veto en cas de crime de masse.
Le Gouvernement se fonde sur la résolution 2118 de septembre 2013, relative au démantèlement du programme chimique syrien. Le paragraphe 21 de ce texte, que vous avez rappelé, monsieur le ministre, mentionne la possibilité de recourir à la force.
Bien sûr, en toute rigueur, une résolution ultérieure aurait été nécessaire. Mais, face au blocage sciemment organisé du Conseil de sécurité, il n’y avait pas d’autre solution pour agir. Nous le déplorons. À l’avenir, il faudra bien que les Nations unies trouvent le moyen de rompre la paralysie engendrée par certains membres du Conseil de sécurité.
Nos armées ont-elles bien accompli la mission que leur a confiée le Président de la République ?
Oui, certainement ! Dans ce contexte très tendu, où toute erreur d’exécution pouvait ouvrir la voie à une escalade d’une gravité exceptionnelle, nos forces armées ont accompli un sans-faute que nous devons saluer.
En moins d’une heure, tous les objectifs fixés ont été atteints et détruits, sans aucune perte de vie humaine. Conjuguant des heures de transit et la tension extrême de l’action, nos forces aériennes et navales ont démontré une fois de plus leur parfaite maîtrise et leur capacité de projection à des milliers de kilomètres, dont elles disposent grâce à l’appui des services de renseignement, qui avaient parfaitement préparé cette opération.
M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Les procédures de déconfliction, entendez « le téléphone rouge », ont parfaitement fonctionné, évitant tout contact avec les forces aériennes russes, dont près de vingt avions, à la même heure, étaient en vol d’observation dans ce secteur.
Au nom de notre commission, je souhaite rendre ici un hommage solennel au travail de nos militaires, de ces femmes et de ces hommes qui, par leur dévouement, par leur courage et par leur compétence, permettent à la France d’avoir l’une des meilleures armées du monde. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
Le Sénat, j’en suis sûr, aura à cœur, lors de l’examen du prochain projet de loi de programmation militaire, d’assurer à nos soldats les conditions de vie, d’entraînement et d’équipement dont ils ont besoin…
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. … pour accomplir leurs exigeantes missions.
Cette action militaire ouvre-t-elle une solution politique en Syrie ? Évidemment non !
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Si un coup décisif a été porté à la fabrication et au stockage d’armes chimiques en Syrie, rien n’indique que ces dernières ont été détruites à 100 %, bien au contraire : on peut même imaginer que l’on aura profité de cette étrange semaine de tweets pour transférer nombre d’entre elles dans d’autres sites…
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Nous le savons bien, aucune solution militaire ne viendra à bout de ce conflit.
Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé : notre ennemi, ce n’est pas la Syrie, c’est Daech, et ce sont, plus largement, tous les groupes liés à l’islamisme radical. (Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit.) Leur éradication doit donc être assurée à tout prix.
Malheureusement, cet objectif se mêle à des confrontations complexes internes à cette région du monde, dont certaines durent depuis des décennies.
Conflit israélo-palestinien, confrontation des sunnites et des chiites entre l’Arabie saoudite et l’Iran, revendications kurdes inlassablement réprimées par les Turcs – ces derniers emploient maintenant la force contre des alliés qui, face à Daech, ont pourtant fait preuve de leur courage–, persécutions des chrétiens d’Orient : tout concourt à des explosions en chaîne qui menacent le monde entier d’instabilité et de terrorisme.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, il vous reste à repartir au combat ; mais ce combat, c’est celui de la paix.
Bien sûr, nous éprouvons souvent le sentiment de l’impuissance, mais nous avons aussi la chance de pouvoir dialoguer avec le monde entier ; et, à cet effort, le Sénat prend résolument sa part. Notre commission va du reste assurer un suivi actif et vigilant de cette crise.
Il faut en effet maintenir le dialogue avec la Russie, naturellement – et nous le faisons –, avec l’Iran et avec la Turquie – même si ce n’est pas si facile. Ce sont les acteurs présents sur le terrain. Mais, bien au-delà, il faut dialoguer avec les organisations africaines, avec les partenaires régionaux, avec l’Arabie saoudite, avec Israël…
Certes, les difficultés sont grandes, et, une fois de plus, l’Europe aura montré son impuissance et ses divisions.
La Grande-Bretagne a assumé ses responsabilités. Mais nos grands voisins nous auront laissés bien seuls, sans même contribuer symboliquement à cette opération. Je pense notamment à nos amis allemands. Nous connaissons les règles d’engagement de leurs forces armées, lesquelles sont bien différentes des nôtres. Toutefois, un soutien plus appuyé, une déclaration nous auraient sans doute rassurés. (M. Bruno Sido est dubitatif.)
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Bien des interrogations auraient été dissipées quant à nos perspectives de coopération en matière de défense. (M. Alain Joyandet s’exclame.)
Avec les Britanniques, qui disposent de forces armées efficaces, il sera important pour nous, malgré le Brexit, de préserver une coopération de défense étroite, qui pourra prendre la forme d’un traité spécifique avec l’Union européenne.
M. Jean Bizet. Tout à fait !
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. La commission des affaires européennes, présidée par mon collègue Jean Bizet, ainsi que notre commission seront pleinement mobilisées à ce titre.
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le ministre, nous allons suivre et appuyer vos efforts pour une diplomatie de la paix, pour une diplomatie du dialogue.
Le projet de résolution que la France a fait circuler samedi est une première étape. Il montre les efforts inlassables de notre diplomatie pour replacer les Nations unies au centre du jeu diplomatique et appeler les autres nations à assumer leurs responsabilités.
La visite en Russie, en mai prochain, du Président Macron, laquelle semble être confirmée, sera très importante à cet égard. Elle devra permettre au chef de l’État de faire comprendre aux Russes qu’ils ne retrouveront leur rôle sur la scène internationale que s’ils respectent le droit international : cette visite devra servir la paix.
Mais il est un rôle particulier que la France doit assumer. Je pense à la dimension humanitaire de ce drame.
Derrière ce choc des grandes puissances, qui se mesurent à l’aune de ces violences, il y a des hommes, il y a des femmes, il y a des enfants qui ne demandaient qu’à vivre en paix, qui ne comprennent rien à des enjeux qui les dépassent et qui sont devenus, au fil de sept années de guerre, les victimes des pires atrocités.
Alors, monsieur le ministre, travaillez pour que la Syrie retrouve la concorde civile ; travaillez pour que la Syrie soit libérée de l’islamisme radical (M. le ministre s’exclame.) ; pour une Syrie où toutes les communautés, même les plus minoritaires, aient leur place ; pour une Syrie où les exilés reviennent. Œuvrez pour les couloirs humanitaires, œuvrez pour des zones de protection en faveur de ces malheureux qui ont déjà tout perdu. Faites en sorte que ces zones les protègent de ces armes inhumaines.
Peut-être, et même sûrement, n’aurez-vous pas gain de cause auprès des États. Mais vous aurez fait porter la voix de la France auprès de ces victimes qui méritent qu’on les sauve de l’enfer et de la barbarie des hommes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’abord de m’incliner devant la qualité du débat que nous venons d’avoir. Il y a eu des nuances, il y a quelques oppositions, parfois intempestives, mais l’importance de l’enjeu n’a échappé à personne, pas plus que l’importance de ce débat – c’est un bon point, je crois, pour la démocratie et notre fonctionnement démocratique.
J’ai déjà répondu en partie, me semble-t-il, à certaines observations lors de mon propos initial, mais j’ajouterai quelques éléments d’information ou des explications complémentaires.
Pour que les choses soient très claires, je le redis : nous n’avons pas déclaré la guerre ; nous n’avons pas ajouté la guerre à la guerre. Nous avons mené une opération armée destinée à réprimer l’usage des armes chimiques, à prévenir sa répétition, sa banalisation, une opération armée pour enrayer la prolifération chimique. Je serais tenté de dire au président Retailleau que c’est Bachar al-Assad qui a ajouté la barbarie à la guerre. Notre rôle est d’éviter cette barbarie, et la voix de la France, puisque vous l’invoquiez, est précisément d’être celle qui refuse la barbarie, la généralisation et l’impunité de l’usage de l’arme chimique.
Si vous suivez bien l’évolution des forces armées syriennes, après Douma, Deraa, puis Idlib auraient pu être les prochaines cibles, car la reconquête du territoire par ces forces n’est pas achevée ? Et nous resterions là, à constater l’usage répété impuni de l’arme chimique sans que personne se lève et dise que c’est contraire aux règles historiques de la communauté internationale depuis la fin de la guerre de 14-18 ?
Il fallait agir, mais en se fondant sur les trois critères que j’ai indiqués dans mon propos liminaire : une attaque chimique avérée, une attaque chimique létale et une attaque chimique identifiée dans ses responsabilités, un point sur lequel je reviendrai.
L’argument juridique majeur est la référence à la résolution 2118 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui a été actée après les événements d’août 2013.
Certes, il n’y a pas de résolution engageant la force au titre du chapitre VII de la Charte par une décision du Conseil de sécurité. Mais, depuis 2013, a été constatée une série de violations de la résolution 2118 par le régime de Bachar al-Assad, violation des engagements qu’il devait normalement tenir. C’est d’autant plus vrai que, je vous le rappelle – on a tendance à l’oublier ! –, a été institué en 2015 un mécanisme d’enquête réunissant des experts à la fois de l’OIAC et de l’ONU.
Ce groupe d’experts, mandaté par les deux instances et validé par le Conseil de sécurité, le JIM – Joint Investigative Mechanism –, un mécanisme conjoint d’investigation, est allé sur place non seulement pour constater l’usage de l’arme chimique, mais aussi pour identifier les auteurs, ce qu’il a fait à plusieurs reprises – au moins à quatre reprises –, désignant à chaque fois le régime de Bachar al-Assad. Cette situation a conduit le Conseil de sécurité à prendre des résolutions, qui, malgré ses observations, se sont vu opposer le veto russe, à six reprises, la dernière en date fut – Mme Assassi devrait s’y attacher – mardi dernier, avant l’intervention. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
Dans cette résolution, nous avons souhaité que ce mécanisme d’enquête soit réinstauré parce qu’il avait été supprimé en raison d’un nouveau veto russe, afin que l’on puisse immédiatement constater qu’une attaque chimique a eu lieu et en identifier le responsable. Mais la résolution de mardi dernier n’a pas non plus été mise en œuvre en raison d’un nouveau veto russe.
Dès lors, on peut considérer que l’ensemble du dispositif multilatéral relatif à l’usage des armes chimiques était bloqué depuis plusieurs années par la succession de veto russes. Aussi serais-je tenté de dire que le veto est certes un droit, mais qu’il ne fait pas le droit international. Telle est la réalité à laquelle il fallait répondre et c’est la raison pour laquelle nous sommes intervenus.
On m’a objecté qu’il aurait fallu attendre l’arrivée des inspecteurs de l’OIAC. Or la mission de cette dernière consiste non pas à identifier le responsable de l’action chimique, mais à prouver au moyen de différentes analyses, y compris en se rendant sur place, qu’il y a bien eu attaques chimiques. Des enquêteurs de l’OIAC sont aujourd’hui, il est vrai, à Damas, mais, à l’heure où je vous parle, ceux-ci n’ont toujours pas eu l’autorisation par le régime d’aller à Douma. Pourquoi les inspecteurs viennent-ils si tard ? Pourquoi d’ailleurs ne pas avoir validé dès mardi dernier une résolution du Conseil de sécurité qui pouvait mandater immédiatement des experts ? Voilà la réalité.
C’est pourquoi notre action s’inscrit en pleine conformité avec les objectifs et les valeurs proclamés dès ses premières lignes par la Charte des Nations unies.
Notre intervention est justifiée, car il n’était pas tolérable de voir un régime syrien continuer impunément à tuer sa population. Elle est nécessaire, car nous ne pouvions continuer à assister impuissants à la succession des blocages opérés par la Russie, avec la répétition de son droit de veto. Et, tout le monde l’a reconnu, elle est proportionnée, car n’avons visé que les sites chimiques clandestins syriens, sans victime collatérale, comme je l’ai déjà indiqué précédemment.
Il fallait envoyer un message clair au régime syrien et à ceux qui le couvrent : il fallait leur dire très clairement que, en matière de prolifération chimique, il n’y aura ni banalisation ni impunité.
Permettez-moi de revenir sur deux autres points qui ont été abordés, de manière plus ou moins importante, par les uns et par les autres.
Concernant les preuves, les sources – certains s’en sont émus ou sont interrogatifs –, je voudrais vous rappeler que, dès la nuit du 7 au 8 avril, nous avons disposé d’une masse de plus en plus importante – quand je dis « nous », je parle de la France – de témoignages, de photos, de vidéos qui, toutes, ont été analysées et jugées authentiques par nos propres spécialistes.
Dans le même temps, les organisations médicales non gouvernementales, qui sont actives depuis plusieurs années dans la Ghouta orientale et disposent de personnels médicaux, ont porté à notre connaissance un nombre massif de patients ou de corps présentant des symptômes d’exposition à un agent chimique. Nous avons aussi pu constater à partir de l’analyse des photos et des vidéos qui nous sont parvenues l’ampleur du drame : les symptômes, qui étaient bien identifiés, correspondaient à l’action de gaz.
Par ailleurs, l’Organisation mondiale de la santé, elle-même, a estimé que, « au cours du bombardement de Douma samedi, 500 patients se sont présentés dans les établissements de santé avec des signes et symptômes correspondant à une exposition à des produits chimiques toxiques ».
L’ensemble de ces informations a été analysé par nos propres services – nous avons l’autonomie de décision – et nos laboratoires : ceux-ci ont tous confirmé que tous les symptômes et tous les éléments constitutifs d’une attaque chimique avec des agents destinés à tuer étaient réunis. Il s’agit donc bien d’une attaque chimique.
Quant à la responsabilité de cette attaque, elle ne fait pas davantage de doute.
Nous disposons d’abord de renseignements confirmant que ce sont des officiers des forces syriennes qui coordonnaient l’emploi de ces armes. L’attaque a eu lieu pendant l’offensive généralisée pour reprendre le dernier bastion tenu par Jaych al-Islam dans la Ghouta orientale. C’était une manière d’accélérer la prise de contrôle de ce secteur. Ce n’est malheureusement pas la première fois : lors de chaque opération de ce type, les forces armées syriennes ont utilisé les mêmes méthodes, qui ont permis d’accélérer leur progression par le gazage des poches de résistance, pour soumettre par la terreur des populations civiles. Rappelez-vous Alep ! Rappelez-vous l’attaque d’août 2013 ! Rappelez-vous Khan Cheikhoun ! Rappelez-vous les quatre attaques confirmées par le JIM, dont je parlais voilà quelques instants, qui ont eu lieu en vue de la reprise de territoires.
J’ai entendu, comme vous, des manipulations lourdes. On nous a d’abord dit qu’il n’y avait pas eu d’attaques chimiques. Ensuite, ce sont les mêmes qui ont empêché mardi dernier une enquête indépendante, comme je l’ai expliqué précédemment. Le mercredi, ce sont toujours les mêmes qui ont expliqué – je l’ai même entendu, me semble-t-il, dans cet hémicycle ! –…
M. François Grosdidier. Oui, ce sont leurs agents !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … que ce sont les habitants de Douma qui se seraient gazés eux-mêmes ! Les groupes armés auraient organisé en interne leur propre sacrifice pour mettre en difficulté le régime. J’ai même entendu par les mêmes manipulateurs que ce sont les services secrets occidentaux qui ont tout organisé. À force de manipuler, on finit par être victime soi-même de ces manipulations. Il faut donc être très vigilant sur ces cycles de manipulation, qui ne répondent qu’à un seul objectif : instiller le doute et diviser nos concitoyens.
Je terminerai mon propos en évoquant la question centrale du moment parce que beaucoup l’ont abordée : et maintenant que faire ?
Je crois l’avoir dit dans mon propos initial, nous avons un socle d’actions possibles puisque trois résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ont toutes été adoptées à l’unanimité : une concerne l’utilisation des armes chimiques, une autre, l’humanitaire et la troisième, plus ancienne, la résolution 2254, le règlement politique.
Sur les armes chimiques, la résolution 2118 comprend tous les éléments pour mettre en œuvre le démantèlement définitif de la présence d’outils chimiques sur le territoire de la Syrie. Il convient de mettre en œuvre ce dispositif, et l’outil capable de le faire, c’est l’OIAC : mandatons-la pour cela !
Concernant l’humanitaire, il y a un peu plus d’un mois, une résolution a été adoptée à l’unanimité pour réclamer le cessez-le-feu immédiat et pour permettre l’accès de l’aide humanitaire à l’ensemble des populations, quelle que soit leur origine. Elle a été adoptée, mais elle n’a pas été mise en œuvre par ceux-là mêmes qui l’avaient adoptée : il faut la mettre en œuvre !
Enfin, la résolution 2254 concerne la manière de régler le problème politique, en prévoyant un agenda possible, une feuille de route qui permettrait à la fois une transition ainsi qu’un retour à la paix et à la sérénité dans un pays qui a tant souffert.
Il est aujourd’hui possible de mettre en œuvre cette résolution en réactivant le processus de Genève. Certains ont tenté – plusieurs d’entre vous l’ont relevé – de trouver une autre solution, avec le processus d’Astana, puis le processus de Sotchi. Mais même ce dernier processus, engagé par le président Poutine avec le président Rohani et le président Erdogan, n’a pas abouti parce que le comité constitutionnel qu’ils voulaient instaurer pour faire en sorte qu’il y ait une sortie politique sur le territoire syrien a même été refusé par Bachar al-Assad.
Il nous faut maintenant regrouper les trois résolutions qui constituent le socle de ce qui peut être demain la sortie digne, humaine d’une situation dramatique. C’est pourquoi la France a déposé hier devant le Conseil de sécurité une nouvelle résolution qui regroupe l’ensemble de ces résolutions antérieures, faisant constater aux uns et aux autres que ces dernières avaient été adoptées à l’unanimité et proposant que ce soit le point de départ d’une nouvelle étape, qui permettrait d’aboutir à un règlement pacifique de la situation.
La France assume donc ses responsabilités : elle intervient en refusant l’impunité de l’utilisation des armes chimiques et en faisant en sorte que l’aide humanitaire puisse reprendre, afin que le cessez-le-feu soit un fait et que le processus politique puisse se mettre en œuvre. C’est l’honneur de la France, la voix de la France, monsieur le président Retailleau, que de dire cela et de le dire au Sénat et à l’Assemblée nationale, dans nos assemblées démocratiques. Nous avons voulu mettre un terme à l’horreur chimique qui frappe depuis trop longtemps la population syrienne. Nous avons en mémoire les massacres chimiques intervenus sur des champs de bataille antérieurs, ce qui renforce encore notre responsabilité.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons fait notre devoir pour que le droit international cesse d’être bafoué et pour ne plus revoir les images insoutenables de Douma le 7 avril dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l’intervention des forces armées françaises en Syrie, consécutif à une déclaration du Gouvernement.