M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, la préoccupation sur laquelle vous avez mis l’accent est précisément la mienne. C’est également celle du Conseil d’orientation des infrastructures.
Soyons clairs : les politiques en matière d’infrastructures menées au cours des dernières années, en privilégiant les lignes à grande vitesse et la réalisation de nouvelles lignes à grande vitesse, accentuent la métropolisation de notre pays. Elles ont laissé de côté de vastes parties de notre territoire dans lesquelles les citoyens et les entreprises se sentent abandonnés.
Ce rapport, qui présente une vision globale, est très important. Il accorde la priorité à l’entretien et à la modernisation des réseaux existants, au maillage et au désenclavement routier du territoire, au maintien d’un réseau ferroviaire dit « classique » de qualité et, bien sûr, à la poursuite du développement des lignes à grande vitesse, mais selon un calendrier cohérent et compatible avec les ressources que l’on pourra ou que l’on voudra y consacrer.
Dans ce cadre du développement des lignes à grande vitesse, il n’est en aucun cas question de modifier le modèle du TGV.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, depuis le lancement de l’aventure qu’est le TGV, le modèle qui a été retenu dans notre pays est celui d’un TGV non seulement qui dessert les métropoles reliées par les lignes à grande vitesse, mais aussi qui poursuit son parcours pour assurer la desserte des villes moyennes.
Le maintien de ce modèle – un TGV qui assure la desserte de nos territoires, y compris les villes moyennes – sera au cœur de nos réflexions, notamment lorsque nous évoquerons l’ouverture à la concurrence du ferroviaire. Nous y reviendrons ultérieurement au cours de notre débat.
Mme Fabienne Keller. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les problèmes que rencontre la SNCF sont récurrents. Est-ce une question de technologie, de gestion de l’entreprise ou de pression des gouvernements successifs pour imposer le tout-TGV et négliger totalement, depuis des années, les TER et Intercités ?
Ces dernières années, en effet, la SNCF a investi en crédits d’études beaucoup de temps et d’argent sur des projets de LGV, dont certains ne sont pas financés – je pense à la ligne Limoges-Poitiers – et ne se réaliseront malheureusement jamais, au détriment des trains en activité. Je peux en témoigner à titre personnel comme d’autres qui, deux fois par semaine, utilisent la ligne Intercités POLT, Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, laquelle impacte directement 32 départements et 5 millions de Français. Elle était la ligne la plus rapide de France il y a quarante ans, reliant Limoges à Paris en 2 heures 50 ; elle est aujourd’hui l’une des plus lentes, sinon la plus lente, avec en moyenne 3 heures 30 de trajet. Je pourrais dire la même chose de la ligne Paris-Clermont, ou d’autres lignes.
Je veux surtout retenir de ce débat son aspect relatif à l’aménagement du territoire, qui demeure essentiel à mes yeux. Dans cette perspective, il faut sûrement optimiser le fonctionnement des LGV. Mais faut-il ouvrir de nouvelles lignes – à l’exception peut-être, dans un premier temps, de quelques-unes, comme celle de Nantes qui doit être aménagée en contrepartie de l’abandon de Notre-Dame-des-Landes, voire celle de Toulouse – ou privilégier la rénovation des TER et Intercités, indispensables au maintien de la vie et de l’activité de nos territoires ?
Élu de l’ancienne région Limousin, je préconise la seconde solution, plus empirique, plus pragmatique à mettre en œuvre. Pour assurer la continuité entre Paris et les territoires, je pense qu’il faut trouver un équilibre entre notion de service public et rentabilité, mais en tenant compte des nécessités de l’aménagement du territoire, et en procédant à une large concertation, non pas seulement entre l’État et la SNCF, mais aussi avec les collectivités territoriales.
C’est pourquoi, madame la ministre, je souhaite, au-delà de ce débat, que la réforme de la SNCF annoncée par le Gouvernement réussisse et permette de maintenir les TER et les Intercités. Ne laissons pas mourir ce patrimoine qui constitue le maillon fort du désenclavement, de l’aménagement du territoire, et revitalisons-le dans l’intérêt de la Nation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Votre question est pleine de sagesse, monsieur le sénateur.
Cette question, politique, est au cœur de mes préoccupations. Il s’agit de savoir quelle France nous voulons dessiner aujourd’hui pour les générations futures. Pour y répondre, il faut faire en sorte que les transports ferroviaires demeurent une chance dans tous les territoires.
C’est tout le sens des deux lois que je propose parallèlement, car pour moi elles forment un tout cohérent. La réforme ferroviaire est partie intégrante de la stratégie de mobilité pour notre pays, au même titre que la loi d’orientation des mobilités, avec une priorité : la qualité du service rendu aux usagers et aux territoires.
Oui, il faut le dire, nous avons délaissé des pans entiers de notre réseau ferroviaire classique, parfois dans l’espoir de voir arriver une ligne à grande vitesse, nécessairement à long terme. Je vous le confirme, nous souhaitons inverser cette tendance. Par exemple, la ligne POLT, qui vous est chère, bénéficiera dans les décennies à venir de très lourds investissements pour régénérer l’infrastructure, renouveler le matériel roulant, ce qui permettra de proposer à l’ensemble des voyageurs de l’axe une desserte de qualité en termes de régularité et de temps de parcours.
Il est essentiel que de telles lignes puissent renouer avec la noblesse qui était la leur à une époque où le Capitole était le train le plus rapide de France.
Il faut absolument sortir d’un schéma dans lequel les lignes se dégradent ; sinon, on ne fera que rêver de lignes à grande vitesse, lesquelles ne pourront voir le jour qu’à très long terme.
Je puis vous assurer que, dans le cadre de la loi de programmation des infrastructures que je présenterai dans quelques semaines, comme dans celui de la réforme ferroviaire, ma priorité est bien que notre système ferroviaire réponde d’abord aux besoins de transports du quotidien de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai deux minutes pour vous dire l’incompréhension, la surprise, voire la colère, de notre population devant les conclusions du rapport Duron, aux termes desquelles il n’est pas nécessaire de tenir les engagements qui ont été signés.
Je rappelle qu’en septembre 2016, l’État, la SNCF, la région Île-de-France, la région Grand Est, le département de l’Aube et les villes de ce département qui sont traversées par une ligne ferroviaire ont signé un protocole et commencé à financer les travaux.
Madame la ministre, si vous deviez suivre ce rapport, alors même que vous n’y êtes pas tenue, on pourrait se demander ce que vaut la signature de l’État. Si les travaux devaient s’arrêter à Nogent, alors le Grand Est et le département de l’Aube auraient financé des aménagements situés en Île-de-France qui ne les concerneraient pas ? Est-ce possible ? Qu’en découlerait-il ? Un rapport a-t-il vocation à donner un avis sur un engagement qui a été signé, acté et dont la mise en œuvre a commencé ?
Pour conclure, quelle est la nature de l’engagement du Président de la République en faveur d’un aménagement du territoire équilibré ? La ville de Troyes est la seule agglomération qui n’est pas raccordée par un train électrifié !
Pour tenir compte de cette situation, des crédits ont été engagés par le ministre de l’aménagement du territoire. Que signifie cette contradiction ?
Pour en revenir au sujet, que vaudrait demain la parole de l’État si l’on peut se permettre de remettre en cause ce qui a été commencé, engagé, financé et signé dans le cadre de chaque procédure passée avec l’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, c’est bien pour sortir de cette situation que la démarche du COI m’est apparue indispensable. Je rappelle que les engagements pris dépassent de 10 milliards d’euros les ressources disponibles sur ce quinquennat et que 36 milliards d’euros représentant de nouvelles lignes ferroviaires ont été promis, naturellement sans les financements correspondants.
Pour sortir de l’incompréhension et de la colère suscitées par cette situation, nous avons donc souhaité mener ce travail de sincérité. Je souhaite de nouveau remercier tous ceux qui ont contribué à l’élaboration de ce rapport, qui ne fait que chiffrer les engagements et demander, en cohérence, que ceux-ci soient confirmés à la hauteur des ressources que nous pourrons dégager.
Pour ce qui concerne les électrifications, vous aurez noté que, de façon générale, le COI s’est interrogé sur l’intérêt de les poursuivre, en notant que de nouvelles technologies allaient se développer. Notre grand constructeur ferroviaire national propose ainsi des locomotives à hydrogène. Il existe par ailleurs des automoteurs bimodes qui peuvent assurer, sans rupture de charge, des trajets sur des lignes électrifiées et non électrifiées.
Tel est le sens, je pense, des interrogations formulées par le COI. Pour autant, comme vous l’avez souligné, un engagement a bien été pris dans le cadre du protocole entre l’État et les collectivités en septembre 2016, et une première phase a été engagée dans le cadre du contrat de plan État-région.
Je peux vous confirmer que ces engagements seront tenus. Nous les aurons bien en tête lorsque seront examinées les propositions du COI relatives aux futurs contrats de plan.
Nous ferons cet exercice pour l’ensemble des engagements qui ont été pris sans que des financements permettent de les crédibiliser.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, il me reste 17 secondes de temps de parole !
M. le président. Pas du tout ! Je tiens le chronomètre, mon cher collègue : il ne vous restait que 2 secondes ; or, en deçà de 5 secondes, je ne peux pas vous donner la parole.
M. Philippe Adnot. Madame la ministre, il faut savoir tenir sa parole quand on la donne !
M. le président. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Monsieur le président, madame la ministre, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a déjà pu entendre M. Duron sur les scénarios du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures.
En termes d’aménagement, de maillage et de desserte du territoire, je voudrais juste partir d’un cas particulier pour mieux montrer l’attente de certains départements en matière d’équité territoriale et de désenclavement.
Certaines agglomérations bénéficient d’un statut de métropole de premier plan avec un TGV qui dessert la capitale. Pour d’autres, la réalité des temps de trajet ne cesse de se dégrader.
Si je prends l’exemple de la zone du grand Massif central, et plus particulièrement de Clermont-Ferrand, le parcours en train aujourd’hui dure entre 3 heures 30 et 4 heures quand tout va bien. Mais les différents aléas que vivent les usagers montrent que ça ne va pas toujours bien…
Sur une carte isochrone, Clermont se retrouve au sud de Marseille, ce qui en fait la métropole la plus éloignée de la capitale !
Sur la ligne Paris-Clermont, les derniers travaux d’entretien importants datent de 1990, avec l’électrification de la ligne. On en mesure aujourd’hui les carences et les conséquences, que ce soit en matière de temps de parcours, de régularité ou de confort à l’intérieur du train. Ce mode de transport souffre d’une absence de communication quant aux programmes et calendriers de travaux en cours et à venir sur ces lignes d’équilibre du territoire. On nous parle depuis longtemps déjà d’un changement possible de matériel ou de temps de parcours améliorés, mais nous avons toujours l’impression de décisions repoussées.
Par ailleurs, la mobilisation pour un TGV Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon, dit POCL, destiné avant tout à anticiper l’éventuelle saturation de la ligne Paris-Lyon, a pendant un certain temps capté l’attention et les efforts, et a mis de côté les nécessaires entretiens ou améliorations des lignes structurantes.
Ma question est donc double. Quelles sont les améliorations qui peuvent être envisagées rapidement sur cette ligne d’équilibre du territoire, en termes de fiabilité et de temps de parcours ?
Le projet de TGV POCL a-t-il encore un avenir aux yeux l’État, de façon à ce que le Massif central, notamment, ne soit pas l’éternel oublié en matière de transport ?
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je veux réaffirmer l’importance que j’accorde, à la fois, à la desserte de l’axe Paris-Orléans-Limoges-Toulouse et à celle de l’axe Paris-Clermont-Ferrand.
Vous l’avez souligné, la perspective de réalisation de la ligne POCL a pu conduire à différer les travaux ou, en tout cas, les études nécessaires à l’amélioration de la ligne classique.
Les dernières études qui ont été menées sur la ligne POCL montrent que la saturation de l’axe Paris-Lyon, qui contribue fortement à l’intérêt socio-économique de cette nouvelle ligne, interviendra beaucoup plus tard que ce qui était envisagé grâce aux performances permises par les nouveaux systèmes de signalisation – je pense au système européen de gestion du trafic ferroviaire, l’ERTMS – et à l’utilisation de rames à deux niveaux sur la ligne Paris-Lyon.
Les réflexions menées dans la perspective de l’ouverture de la ligne POCL ne doivent pas être abandonnées, comme je l’ai dit aux élus que j’ai rencontrés. Je leur ai confirmé que nous allions mener à son terme la contre-expertise tierce sur les deux scénarios, « ouest » et « médian », qui avaient été proposés pour la réalisation de cette ligne.
Il est très important que, sans attendre – or c’est bien l’exemple d’une ligne où l’on a trop attendu les TGV –, des améliorations substantielles puissent être apportées sur la ligne classique. Des programmes de régénération considérables seront engagés par SNCF Réseau, à hauteur de 750 millions d’euros d’ici à 2025. Les matériels doivent être renouvelés. Les offres pour ces nouveaux matériels nous ont été remises le 15 mars dernier, dans le cadre de l’appel d’offres lancé par l’État, et nous allons étudier les propositions qui nous ont été adressées. La couverture numérique de la ligne doit également être améliorée dans les meilleurs délais, donc au cours de l’année 2018.
Je peux donc vous assurer que ces travaux d’amélioration rapide de la ligne existante seront bien pris en compte et programmés en donnant de la lisibilité et de la visibilité à l’ensemble des élus et des citoyens intéressés par sa modernisation.
M. le président. Pourriez-vous essayer, vous aussi, madame la ministre, de ne pas dépasser votre temps de parole de deux minutes, d’autant que vous disposez de vingt et une fois deux minutes ? (Sourires.)
La parole est à M. Philippe Paul.
M. Philippe Paul. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, confirmée lors du comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire du 18 décembre 2003, voici donc bientôt quinze ans, l’impérieuse nécessité de placer Brest et Quimper à 3 heures de Paris par liaison ferroviaire constitue un enjeu majeur d’un aménagement équilibré du territoire.
Ce que demandent les Finistériens, c’est de disposer de conditions de transport qui les rapprochent des principaux centres de décision nationaux et européens, et qui permettent à la pointe bretonne de se développer.
Contrairement à ce que semblent penser les membres du Conseil d’orientation des infrastructures, la Bretagne ne se résume pas à un axe Rennes-Nantes. Alors, après avoir rapproché Rennes de Paris grâce à la nouvelle ligne à grande vitesse, il faut maintenant rapprocher Brest et Quimper de Rennes.
Pour apaiser la légitime colère des Finistériens après la publication de ce rapport qui les oublie, et à la suite de l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dames-des-Landes, le Gouvernement a confié une mission – encore une ! – à M. Rol-Tanguy, cette fois sur les mobilités du Grand Ouest.
Je forme le vœu, madame la ministre, que cette mission ne soit pas une nouvelle manœuvre dilatoire, mais qu’elle permette au contraire au Gouvernement de concrétiser enfin cet objectif crucial des 3 heures en train entre Brest et Quimper, d’une part, et Paris, d’autre part, objectif encore rappelé par les collectivités territoriales bretonnes dans le pacte d’accessibilité de la Bretagne qu’elles proposent à l’État.
Mme Maryvonne Blondin. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je rappelle que la mise en service de la ligne Le Mans-Rennes a certes rapproché Rennes de Paris, mais qu’elle a également fait gagner 45 minutes entre Paris et Brest, d’une part, et Paris et Quimper, d’autre part. C’est tout de même une avancée, et elle date de l’été dernier. (Maryvonne Blondin acquiesce.)
Je rappelle, également, que la réalisation complète de la ligne Liaisons nouvelles Ouest Bretagne-Pays de la Loire, dite LNO-BPL, permet une amélioration supplémentaire d’une dizaine de minutes. Pour autant, le rapport du COI a été rendu avant que n’intervienne la décision sur Notre-Dame-des-Landes, et le Président de la République a eu l’occasion de souligner que cette nouvelle situation devait être prise en compte.
Je me suis rendue à Brest le 4 janvier dernier et j’ai rencontré les élus bretons, à Rennes, le 27 janvier. Vous l’avez rappelé, une mission a été confiée à M. Rol-Tanguy pour soutenir les collectivités locales dans la préparation d’une stratégie de desserte du Grand Ouest, en tenant notamment compte des enjeux de desserte au sein de la Bretagne.
Cette stratégie qui sera présentée avant l’été, comme s’y est engagé le Premier ministre, prendra en compte les différentes échelles – interrégionale, régionale et métropolitaine – et visera à répondre aux attentes de l’ensemble des territoires bretons.
M. le président. La parole est à M. Philippe Paul, pour la réplique.
M. Philippe Paul. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, même si je ne suis pas complètement tranquillisé.
J’ai évoqué l’abandon de Notre-Dame-des-Landes qui est, plus qu’on ne le croit, une punition pour les Bretons et la Bretagne. Je veux aussi rappeler que les lignes d’avion les plus chères de France sont celles qui relient Paris à Quimper et à Brest. C’est une autre punition. Enfin, 3 heures 40 pour rejoindre Paris en TGV, c’est beaucoup trop long ; 3 heures, ce serait mieux.
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Madame la ministre, les réponses de court et moyen termes proposées par ce rapport sont précieuses, nul ne peut le contester. Toutefois, elles suscitent certaines interrogations, voire l’incompréhension des élus locaux, notamment dans mon département, l’Isère, au sein de la métropole grenobloise.
Cette incompréhension, je ne suis pas loin de la partager, surtout après les engagements pris lors des Assises nationales de la mobilité, de prioriser les mobilités du quotidien et, notamment, de doter les aires métropolitaines « d’un réseau ferroviaire capable d’apporter une réponse à la saturation et à la congestion routière ».
Or ce rapport témoigne, je dois le dire, d’une absence totale de prise en considération des enjeux s’attachant, en particulier, à la desserte ferroviaire de l’aire métropolitaine grenobloise.
Les enjeux de cette aire sont pourtant multiples. Tout d’abord, il faut répondre aux objectifs d’attractivité et de rayonnement d’un territoire qui est le deuxième pôle de recherche scientifique à l’échelle nationale. Par ailleurs, ce sont 750 000 habitants et 320 000 emplois qui souffrent d’une réelle insuffisance de l’offre ferroviaire et d’une qualité de service dégradée, caractérisée notamment par un manque de fiabilité qui pèse sur le quotidien des usagers, tout particulièrement sur la ligne Grenoble-Lyon, première liaison ferroviaire de la région en termes de nombre de voyageurs et qualifiée de « malade » dès 2011 par Guillaume Pepy.
Le développement de la desserte ferroviaire de l’aire métropolitaine grenobloise s’inscrit donc aujourd’hui comme une nécessité impérieuse à un double titre : premièrement, l’amélioration de la liaison ferroviaire Grenoble-Lyon et, par là même, de la ligne Grenoble-Paris, cette liaison ayant vocation à s’inscrire dans le cadre des « grands projets de liaisons entre métropoles », un des objectifs stratégiques identifiés par le rapport ; deuxièmement, l’identification de l’étoile ferroviaire grenobloise comme territoire prioritaire et volontaire de développement d’un « RER » métropolitain.
Aussi, madame la ministre, nous souhaiterions être éclairés sur la manière dont le Gouvernement entend répondre à ces enjeux dont j’espère avoir suffisamment souligné l’importance capitale pour la métropole grenobloise, le département de l’Isère et, au-delà, la région Auvergne-Rhône-Alpes.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. S’il est vrai que rapport ne mentionne pas l’étoile ferroviaire, je vous confirme que j’y attache une grande importance. Sa situation est tout à fait au cœur des priorités affirmées dans le rapport du COI, c’est-à-dire l’amélioration, la modernisation, une meilleure robustesse et le traitement des nœuds ferroviaires.
Je suis bien consciente que la ligne Grenoble-Lyon, l’une des plus fréquentées de notre réseau en région, est aussi l’une des plus malades. Cette situation s’explique notamment par la saturation des nœuds ferroviaires lyonnais et grenoblois, par le nombre et la diversité des circulations – TER, TGV, trains de fret –, et par les caractéristiques techniques de la ligne, avec un temps de parcours qui ne peut clairement pas être considéré comme satisfaisant.
Une première enveloppe de 20 millions d’euros est prévue dans le contrat de plan 2015-2020 entre l’État et la région Auvergne-Rhône-Alpes pour réaménager le plan de voies à Saint-André-le-Gaz, qui constitue un point névralgique du réseau. Cela permettra d’améliorer, à la fois, les liaisons Lyon-Grenoble et Lyon-Chambéry.
Plus généralement, la situation de Grenoble doit être prise en compte dans les priorités transversales du rapport. Je peux vous confirmer mon engagement en faveur du développement du ferroviaire, et de l’équipement de nos métropoles avec de véritables RER, à l’instar de ceux qui existent en région parisienne, avec des trains cadencés à la hauteur des besoins de nos territoires.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapport du COI a élaboré trois scenarii concernant l’effort de financement des infrastructures, et dresse toute une série de constats et de propositions.
Parmi les constats figure celui du sous-investissement des pouvoirs publics qui, depuis trop longtemps, a conduit à l’obsolescence d’une partie du réseau et à des ralentissements portant atteinte à la performance même du service public. La concurrence voulue par les ordonnances n’est, à ce titre, aucunement une réponse, puisque la qualité du service proposé dépend principalement, aujourd’hui, de l’état des infrastructures.
Si le rapport reconnaît que les sources de financement se sont raréfiées, il ne promet comme solutions nouvelles que celle qui consiste à faire payer davantage les usagers, ainsi qu’une reventilation de l’affectation des taxes, notamment la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques, la TICPE.
La troisième priorité d’action définie par ce rapport est l’aménagement du territoire et la lutte contre les inégalités.
À ce propos, la LGV Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon est un véritable enjeu pour l’ouverture des territoires du Centre, du Massif central, du Roannais. Elle permettrait aussi de rapprocher Saint-Étienne de Paris avec une régularité améliorée et un allégement du trafic sur la ligne, actuellement saturée, reliant Lyon et Paris.
Vous le savez, plus ce projet sera repoussé, plus les travaux le seront aussi. Ce n’est pas acceptable, car les femmes, les hommes et les entreprises n’ont pas besoin d’une chimère, mais d’une véritable ligne structurante pour leur territoire.
Ce rapport se borne à proposer des trajectoires financières peu ambitieuses dans un contexte budgétaire particulièrement contraint. S’il faut en finir avec le tout-TGV, certains projets demeurent néanmoins utiles et nécessaires au désenclavement et à l’ouverture des territoires de l’ensemble du Massif central.
Enfin, dans un rapport qui s’intitule pourtant Mobilités du quotidien : répondre aux urgences et préparer l’avenir, aucun objectif ne va en ce sens, ce qui conforte l’idée d’une France à deux vitesses.
Madame la ministre, pouvez-vous prendre un engagement quant à la réalisation de cette ligne, un projet utile pour les habitants et nécessaire à l’ouverture de nos territoires ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je ne partage pas votre lecture du rapport, dont je veux souligner combien il est ambitieux. Il prévoit, y compris dans son scénario le plus bas, de consacrer davantage de ressources à nos infrastructures que ce qui était fait dans le passé.
Mme Cécile Cukierman. Dans vingt ans !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je souligne, à cet égard, que les ressources de l’AFITF ont d’ores et déjà augmenté cette année. Le rapport évoque 40 milliards, 60 milliards ou 80 milliards d’euros. Je ne pense pas que l’on puisse dire que cette approche est étriquée ou prend mal en compte les besoins des territoires !
Mme Cécile Cukierman. Cela dépend des territoires !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Ce rapport affirme une priorité à l’entretien et à la modernisation de nos réseaux, c’est-à-dire aux transports de la vie quotidienne de nos concitoyens. Nous devrions tous pouvoir nous retrouver autour de cette priorité. C’est en tout cas ce que nos concitoyens attendent de nous…
Mme Cécile Cukierman. Oui, sur l’affichage !
Mme Élisabeth Borne, ministre. … et c’est ce qu’ils m’ont dit lors des Assises nationales de la mobilité.
Contrairement à ce que l’on a pu faire par le passé, vous aurez noté qu’il s’agit de préparer une loi de programmation des infrastructures qui prévoit des ressources et des engagements sur plusieurs années. Précisément, ce n’est pas de l’affichage !
Vous dites qu’il s’agit de faire payer davantage les usagers. Quant à moi, je connais deux sources de financement : les usagers ou le contribuable. Le rapport identifie les deux pistes ; ce sera au Parlement de décider.