compte rendu intégral
Présidence de Mme Valérie Létard
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Catherine Deroche,
M. Daniel Dubois.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
Mme la présidente. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom de toutes mes collègues présentes dans cet hémicycle, en ce 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, je suis très heureuse de présider cette séance de questions d’actualité au Gouvernement. C’est un beau symbole, et je tiens à en remercier sincèrement notre président, Gérard Larcher. (Vifs applaudissements.)
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Mes chers collègues, au nom du bureau du Sénat, je vous appelle, au cours de vos échanges, au respect des uns et des autres, qui est l’une des valeurs essentielles du Sénat, ainsi qu’au respect des temps de parole, afin de permettre à chaque intervenant de bénéficier de la diffusion complète de sa question et de la réponse.
moyens humains et financiers mis en œuvre par le gouvernement pour lutter contre les violences faites aux femmes
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe Union Centriste.
En cette Journée internationale des droits des femmes, je tiens à saluer tout particulièrement notre collègue, qui préside la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat. (Applaudissements.)
Mme Annick Billon. Je vous remercie, madame la présidente.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes.
En cette Journée internationale des droits des femmes, je souhaite évoquer la question des moyens mis en œuvre pour lutter contre les violences faites aux femmes.
Dans son discours du 25 novembre 2017, le chef de l’État déclarait vouloir faire de l’égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de son quinquennat. Il s’engageait alors à donner la priorité à la lutte contre les violences faites aux femmes et annonçait une hausse de 13 % des crédits qui lui sont dédiés.
On peut s’en étonner, mais en fait de politique publique, celle-là repose essentiellement sur le travail des associations et sur le dévouement de leurs bénévoles.
Ces associations remplissent des missions de service public. Or force est de constater que les financements qui leur sont alloués sont non pérennes et souvent insuffisants au regard de l’ampleur des besoins.
La libération de la parole a suscité une forte attente, avec un nombre croissant de plaintes de victimes à traiter. Chaque femme est en droit d’attendre un traitement identique de sa plainte, qu’elle habite en ville, dans des territoires ruraux ou d’outre-mer.
Or comment mener une vraie politique publique en s’appuyant sur des subventions à la fois incertaines et à géométrie variable selon les territoires ?
Madame la secrétaire d’État, en cette journée du 8 mars, pouvez-vous détailler les clés des financements attribués aux violences faites aux femmes ?
N’oublions pas que derrière chaque femme victime de violence, il y a également des familles et des enfants victimes. Notre société doit être une société de respect, dans laquelle femmes et hommes progressent ensemble. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, vous l’avez rappelé, le Président de la République a décrété l’égalité entre les femmes et les hommes grande cause nationale du quinquennat.
Les moyens qui lui sont alloués ont connu une augmentation substantielle. Le programme 137, seul programme du budget de l’État presque exclusivement consacré au financement des associations, s’élève à près de 30 millions, auxquels s’ajoutent 420 millions d’euros de fonds interministériels.
Vous avez très bien décrit la situation, madame la sénatrice : s’agissant des droits des femmes, depuis des années, les associations, les élus locaux ou des membres de la société civile sont le moteur, et l’État suit, en subventionnant leur action ou en ne la subventionnant pas.
Notre politique, c’est de dire que l’État doit reprendre la main, que les droits des femmes relèvent de la compétence de l’État et qu’il doit être de nouveau moteur, locomotive, qu’il doit impulser les politiques publiques et reprendre ses responsabilités.
Permettez-moi d’en donner un exemple. Actuellement, ce sont les associations qui, très majoritairement, assurent l’accompagnement des femmes dans le dépôt de plainte. Le ministre d’État, ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a indiqué qu’une plateforme serait créée pour permettre à ces femmes de déposer plainte en ligne directement auprès de policières et de policiers. L’État pourra ainsi les accompagner dans le dépôt de plainte, puis dans la judiciarisation.
Par ailleurs, 5 000 places d’hébergement d’urgence vont être réservées au cours de l’année aux femmes victimes de violences.
Pour ce qui est des subventions, madame la présidente de la délégation, je ne peux pas vous laisser dire que les subventions sont incertaines. Comme vous le savez, il existe des contrats pluriannuels d’objectifs et des contrats de subvention qui peuvent durer jusqu’à trois ans : les subventions sont donc certaines.
Je rappelle également qu’il n’y a pas eu un seul euro de baisse des subventions de l’État pour les associations nationales de lutte pour les droits des femmes, et contre les violences sexistes et sexuelles en particulier.
De nouveaux appels à projets seront lancés à partir du mois d’avril. J’ai installé un groupe d’experts chargé d’examiner les subventions allouées aux associations. Ces dernières, qui devront leur remettre un dossier, pourront voir leurs subventions augmenter si besoin est. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
centres éducatifs fermés pour les jeunes filles mineures
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et social Européen. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Josiane Costes. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la garde des sceaux, nous savons tous que la Protection judiciaire de la jeunesse exerce une mission essentielle, dans des conditions difficiles, pour prendre en charge les mineurs délinquants et les aider à se reconstruire et à s’insérer dans la société.
Il revient parfois aussi à la société de donner un accompagnement plus personnalisé à ces jeunes, y compris en les plaçant dans des centres éducatifs fermés afin de mieux prévenir la récidive et de les intégrer dans un parcours éducatif.
En la matière, des progrès restent à faire pour mieux prendre en compte les spécificités de la délinquance des jeunes filles mineures.
Il n’existe en France qu’un seul centre éducatif fermé réservé aux adolescentes, or la mixité peut être véritablement problématique, alors que cette période de la vie est déterminante pour la construction du futur adulte.
Ainsi, trop souvent, ces jeunes filles sont placées dans des établissements pénitentiaires pour femmes qui ne répondent pas à leurs besoins spécifiques, malgré le dévouement et le travail remarquable des personnels.
Madame la garde des sceaux, les besoins sont réels, vous le savez, mais il nous faut une volonté politique. Ma question est donc simple : envisagez-vous d’orienter, de développer la création de centres éducatifs fermés adaptés aux jeunes filles mineures ?
Sachez que, dans tous les cas, en tant qu’élue du Cantal, je suis prête à travailler avec vous pour accueillir une telle implantation sur mon territoire et donner une nouvelle chance à ces jeunes femmes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Josiane Costes, les centres éducatifs fermés, qui ont été créés en 2002, sont aujourd’hui au nombre de cinquante-deux sur le territoire national.
Ils constituent, vous le savez, une alternative à l’incarcération. Ils permettent d’apporter une réponse « contenante » pour les mineurs qui sont les plus ancrés dans la délinquance ou qui commettent les actes les plus graves. Ils répondent ainsi à la fois à une forte demande sociale de contrôle et de sécurité, et leur pertinence en matière de prévention de la récidive, appréciée par les magistrats, a également été soulignée dans de très nombreux rapports.
Ces établissements sont donc bien identifiés par les juridictions, qui en expriment régulièrement le besoin.
Le Président de la République a fait part, lors de la campagne électorale présidentielle, de sa volonté de mettre davantage de centres éducatifs fermés à disposition des magistrats et des jeunes, et de répartir leur implantation sur l’ensemble du territoire.
J’ai donc pour perspective de créer vingt nouveaux centres éducatifs fermés, et il est actuellement envisagé que l’un d’entre eux soit dédié à la prise en charge des jeunes filles. Il n’existe en effet aujourd’hui qu’un seul centre éducatif fermé dédié à des jeunes filles ; il se situe à Doudeville, dans le département de la Seine-Maritime.
En 2016, les centres éducatifs fermés, il faut le souligner, n’accueillaient que 6 % de filles, contre donc 94 % de garçons. La perspective dans laquelle nous nous situons répondra au moins pour partie à cette problématique.
À ce jour, je rappelle toutefois que la mixité n’est pas un handicap et que, si elle est bien régulée, elle peut être une solution tout à fait satisfaisante.
Nous ne savons pas, au moment où je vous parle, quelles seront exactement les localisations choisies pour implanter ces nouveaux centres éducatifs fermés, car les directions interrégionales de la Protection judiciaire de la jeunesse doivent nous adresser leurs propositions en ce sens, mais j’ai bien compris que le Cantal était peut-être candidat à cette localisation… (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour la réplique.
Mme Josiane Costes. Il est indispensable de réfléchir à un maillage du territoire par ces centres éducatifs fermés. Le seul centre pour jeunes délinquantes étant situé à Doudeville, en Normandie, les mineures délinquantes du sud de la France sont coupées de leurs liens affectifs.
violences faites aux femmes dans le milieu professionnel
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Michelle Gréaume. Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, la Journée internationale des droits des femmes rappelle chaque année l’actualité de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Ce 8 mars 2018 restera marqué par la mise au grand jour, salutaire, des violences faites aux femmes dans les sphères privée ou publique. La parole enfin libérée montre que nous ne sommes pas, hélas !, dans le domaine de l’exception.
C’est particulièrement vrai sur les lieux de travail. Une femme sur cinq y est victime de violences sexistes ou sexuelles. S’il y a bien obligation pour l’employeur d’agir, de prévenir et de sanctionner, la réalité, froide et cruelle, est tout autre.
Nous savons aussi qu’il ne peut y avoir de recul du harcèlement sans recul des inégalités économiques et sociales. Les femmes les plus menacées sont parmi les plus précaires, les plus isolées.
Questions sociales et émancipation féminine sont totalement liées. La très grande majorité des femmes font partie des minima sociaux. Elles sont aussi les premières victimes des temps partiels imposés. Et que dire des insupportables inégalités salariales ?
Une étude réalisée à la demande de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi des Hauts-de-France, indique que cela représente un grand écart de près de 300 000 euros sur toute une vie de travail ! Plus grave encore, ces inégalités salariales entraîneraient un manque à gagner estimé à 246 milliards d’euros de pertes en revenus et cotisations de toutes sortes.
De quoi remettre en cause très fortement les vieilles croyances, inspirant les vieilles politiques selon lesquelles le progrès social serait néfaste au progrès économique. C’est tout l’inverse !
L’égalité entre les hommes et les femmes est la grande cause nationale du quinquennat ? Très bien ! Mais, au-delà des effets d’annonce, quels moyens humains et financiers allez-vous mettre en œuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, vous avez évoqué deux sujets essentiels en matière de droits des femmes : les violences sexuelles et sexuées au travail et l’égalité salariale.
En ce qui concerne les violences sexistes et sexuées au travail, nous avons recueilli les propositions des partenaires sociaux du secteur privé. Le Premier ministre, la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et moi-même avons convenu de travailler sur plusieurs pistes dans les six à sept semaines qui viennent, afin d’aboutir à des propositions.
Ces dernières porteront notamment sur l’information, la formation, la création de référent et les sanctions.
Pourquoi la formation ? Parce qu’il est très important que les élus du personnel, les responsables des ressources humaines, les médecins du travail ainsi que l’ensemble des acteurs de la vie de l’entreprise sachent comment accueillir des femmes qui aujourd’hui n’osent pas parler, ou le font peu. C’est aussi pour cela que nous mettrons en place des référents.
Il faut également sensibiliser l’encadrement, l’ensemble des élus du personnel et, de façon générale, tous les salariés, car le sexisme ordinaire est le terreau de violences plus graves qui peuvent avoir lieu dans l’entreprise.
Dans le secteur public, la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et le secrétaire d’État chargé de la fonction publique ont annoncé il y a quelques jours un plan ambitieux car, comme vous le savez, le secteur public est lui aussi concerné.
L’inégalité salariale, dont vous avez raison de dire qu’elle est inacceptable, pose évidemment d’abord un problème d’équité, de justice sociale, mais elle découle aussi d’un aveuglement économique. Le Président de la République et moi-même visitions ce matin une entreprise dont les résultats démontrent que lorsque l’on s’attaque au sujet et que l’on progresse en matière de mixité, l’entreprise est plus performante.
Il faut donc régler ce problème, d’abord pour des raisons sociales, mais aussi pour des raisons économiques. Avec les partenaires sociaux, nous allons travailler très étroitement sur ce sujet dans les semaines qui viennent. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour la réplique,… en dix secondes !
Mme Michelle Gréaume. Madame la ministre, le compte n’y est pas ! J’insiste sur le lien entre question sociale et lutte contre le harcèlement et les violences.
Permettez-moi d’en donner un exemple concret : avec la casse du droit du travail que votre gouvernement a organisée, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, instruments nécessaires de la lutte contre les violences au travail, ont été supprimés, ce qui précarise encore plus les femmes. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
droits des femmes (i)
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Hélène Conway-Mouret. Mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre du travail.
Madame la ministre, l’égalité est un droit, et c’est bien ce droit que des milliers de Françaises réclament encore aujourd’hui en cette Journée internationale pour le droit des femmes.
Lundi, vous annonciez aux Françaises et aux Français un big bang de la formation professionnelle. Trois jours plus tard, vous présentez un plan ambitieux pour lutter contre les inégalités salariales et professionnelles, tandis que, dans le même temps, le Président de la République fait de l’égalité entre les femmes et les hommes la grande cause nationale du quinquennat.
Depuis neuf mois, et en toutes matières, les réformes succèdent aux annonces et les projets aux déclarations, avec l’idée affirmée que tout serait à faire et que rien n’a été fait.
Ce passé, quel est-il ? Celui d’un ministère de plein exercice, animé avec ferveur et passion il y a encore quelques mois encore par ma collègue Laurence Rossignol, devenu un modeste secrétariat d’État doté du plus petit budget qui soit, 0,006 % du budget de l’État.
Quel progrès pour l’égalité des femmes !
Cette égalité, vous le savez, madame la ministre, existe encore moins qu’ailleurs lorsque l’on s’intéresse à la rémunération du travail salarié.
Selon votre propre ministère, l’écart moyen entre les salaires des femmes et les hommes s’élève en France à 25,7 % tous temps de travail confondus, et à 9 % à poste et expérience équivalents.
Alors que les filles réussissent mieux que les garçons à l’école, elles occupent ensuite des postes à moindre responsabilité. En raison des inégalités de carrière, les femmes partent à la retraite un an plus tard que les hommes, avec des droits moins importants.
Cette situation est pourtant illégale, parce qu’elle procède d’une discrimination liée au sexe interdite depuis 1982, et parce qu’elle contrevient au principe « à travail égal, salaire égal » prévu par le code du travail depuis quarante-six ans.
Quelles mesures entendez-vous prendre pour assurer réellement l’égalité salariale entre les femmes et les hommes ?
Pourquoi attendre 2022 pour les mettre en place ? En Islande, la contrainte législative a été immédiate.
Quels financements allez-vous pouvoir consacrer aux mesures nécessaires à la réalité de cette égalité ?
J’ajoute, madame la ministre, qu’il est bientôt quinze heures quarante, heure à laquelle les femmes cessent d’être payées chaque jour sur la base d’une journée standard. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Hélène Conway-Mouret. Je conclus, madame la présidente.
J’invite donc toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à manifester notre solidarité avec nos sœurs espagnoles, aujourd’hui en grève, et les associations féministes mobilisées dans tous les pays. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Merci, chère collègue !
Mme Hélène Conway-Mouret. L’égalité entre les hommes et les femmes, c’est maintenant ! L’égalité des salaires, c’est maintenant ! Les femmes aux responsabilités, c’est maintenant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Conway-Mouret, j’ai avec vous un point d’accord et un point de désaccord.
J’ai un point de désaccord, majeur. Je pense que le secrétariat d’État de Marlène Schiappa, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et rattachée directement au Premier ministre, n’a rien de « modeste ». Ma collègue, outre qu’elle est elle-même extrêmement mobilisée, a comme talent particulier de savoir tous nous mobiliser autour du Premier ministre, comme en témoigne le comité interministériel sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes de ce matin, qui a réuni seize ministres, et cela, c’est exceptionnel ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Le point d’accord, c’est que, en matière d’égalité salariale, nous sommes dans un échec collectif. La loi qui oblige à l’égalité salariale, « à travail égal, salaire égal », a quarante-cinq ans. La faute à qui ? Je ne souhaite pas polémiquer, car c’est la faute de tout le monde, mais du coup, ce n’est la faute de personne. Or, pour résoudre ce problème, il faut qu’il devienne celui de tout le monde. C’est pour cela que, en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes, nous avons deux combats à mener.
Le premier est un combat de long terme. Il implique de s’attaquer aux stéréotypes, aux raisons qui poussent les femmes vers des métiers moins rémunérés, moins valorisés, au plafond de verre dans l’entreprise et au plafond de verre intérieur qui fait qu’elles n’osent pas postuler, à la gestion des ressources humaines, à l’implication des dirigeants. Tout cela représente un travail de long terme avec les partenaires sociaux, et nous nous y attelons.
Mais, au-delà, il est une tâche que nous voulons vraiment mener à son terme, dans le cadre de la grande cause du quinquennat : oui, nous voulons mettre fin à l’inégalité salariale entre les hommes et les femmes d’ici à la fin du quinquennat. Cette inégalité salariale, pour l’instant irréductible, de 9 % pour le même travail, est un scandale de la République, et je sais que le Sénat tout entier est d’accord pour reconnaître avec moi que cette situation est inadmissible. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mais comment faire ? C’est toute la question, parce que tout le monde a déjà essayé. Après une longue concertation, nous avons proposé aux partenaires sociaux d’activer quatre leviers dont nous rediscuterons dans les semaines à venir : premièrement, un outil de mesure, un logiciel facile d’utilisation et gratuit ; deuxièmement, des enveloppes dédiées dans la négociation annuelle des salaires pour le rattrapage salarial afin que, d’ici trois ans, le problème soit réglé ; troisièmement, l’implication des dirigeants au niveau des conseils d’administration pour favoriser une prise de conscience ; quatrièmement, un renforcement des contrôles, avec le passage de 1 700 à 7 000 contrôles annuels de l’Inspection du travail.
Je compte sur vous pour nous aider ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)
prostitution des adolescentes
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, la libération de la parole des femmes que nous vivons actuellement et les nouvelles mesures que vous allez mettre en place pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes donnent à cette journée du 8 mars un retentissement tout particulier dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Mais il est un phénomène qui reste peu connu, mal combattu et particulièrement choquant, je veux parler de la prostitution des adolescentes.
Mon intervention repose sur un constat inquiétant, réalisé récemment en Seine-et-Marne : la recrudescence de cas signalés par les forces de police, dont j’imagine qu’il s’agit non pas de cas isolés mais d’une réalité nationale.
Des milliers d’adolescentes se prostituent en France dès le collège selon l’association Agir contre la prostitution des enfants, l’ACPE. Les profils sont multiples : la réponse à un besoin vital de se nourrir, de payer ses études, le fait de jeunes qui s’y adonnent « parce que ça se fait ». Ce sont principalement des jeunes filles de treize à dix-sept ans, fragiles et souvent déscolarisées.
Naïves car très jeunes, elles ne se considèrent pas forcément comme des victimes : elles ne voient pas le mal de ces actes sexuels tarifés. Or ce sont des victimes manipulées et exploitées, et les répercussions psychologiques dans leur vie future seront dramatiques.
Ne nous y trompons pas, c’est bien de protection des mineures et de dignité humaine qu’il s’agit.
Il n’est pas acceptable que, dans notre pays, des jeunes n’aient pas été mieux protégées, mieux orientées, mieux identifiées.
Certes, le législateur a fortement investi le domaine de la lutte contre la prostitution des mineurs en instaurant un véritable arsenal répressif, mais la répression ne suffit pas.
Aussi, madame la secrétaire d’État, je vous demande de lancer une étude d’envergure pour connaître plus précisément l’ampleur du phénomène, préalable indispensable à la mise en place de mesures de sensibilisation, de prévention, de formation tant des travailleurs sociaux,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Colette Mélot. … que des enseignants et des policiers, sans oublier la création de lieux d’accueil spécifiques et d’accompagnement, autant de mesures d’une urgence absolue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, nous avons connaissance du problème que vous soulevez.
La lutte contre la traite des êtres humains en général, et contre la prostitution des mineurs en particulier, fait pleinement partie de l’action que je mène avec la MIPROF, dont le nom développé est « mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et de lutte contre la traite des êtres humains ». Je me suis entretenue il y a quelques jours avec sa secrétaire générale, Élisabeth Moiron-Braud, avec qui je suis pleinement mobilisée pour mettre fin à ce système de prostitution des mineures.
Je crois qu’il y a au moins deux sujets : premièrement, l’augmentation du phénomène de la traite des jeunes filles dans certains quartiers, sujet qui est dans notre viseur dans le cadre du deuxième plan national de lutte contre la traite ; deuxièmement, le proxénétisme en ligne, sujet sur lequel je travaille en étroite collaboration avec le secrétaire d’État chargé du numérique, Mounir Mahjoubi.
Ce matin, lors de notre comité interministériel, cette question a été abordée sous l’impulsion de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Frédérique Vidal. Nous sommes donc pleinement mobilisés à l’échelon interministériel.
Par ailleurs, je rappelle que toute personne victime d’exploitation sexuelle peut bénéficier du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle. Quelque 2,4 millions d’euros sont mobilisés pour six cents personnes visées en 2018, contre seulement 25 parcours sur les 1 000 prévus en 2017. L’action du Gouvernement à cet égard a donc été considérablement renforcée.
La loi prévoit aussi la remise au Parlement d’un rapport sur sa mise en œuvre après deux ans d’application. Nous en profiterons donc pour nous assurer de l’effectivité et de l’efficacité de ces dispositifs légaux.
Enfin, je voudrais ajouter que ces sujets, et particulièrement celui de la prostitution des mineurs que vous évoquez, s’inscrivent pleinement dans le plan de protection de l’enfance qui sera présenté dans le courant de 2019 par ma collègue ministre des solidarités et de la santé.
Vous le voyez donc, tout le Gouvernement est mobilisé sur cette question cruciale. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
droits des femmes (ii)