M. le président. L’amendement n° 147, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Remplacer les mots :
ensemble de garanties se rapportant à la même matière
par les mots :
catégorie d’avantages ayant la même cause et le même objet
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 25, qui a pour objet de rétablir le principe de la hiérarchie des normes, nous avons déjà rejeté aujourd’hui un amendement n° 19, déposé par les mêmes auteurs, et dont l’objet est similaire. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Pour ce qui est de l’amendement n° 146, la table ronde que la commission a organisée en décembre dernier avec les syndicats de salariés a soulevé des interrogations autour de la notion que vous avez développée, madame la sénatrice. Cette terminologie mériterait sans doute d’être précisée.
Je pense toutefois que la notion de « même cause » retenue dans l’amendement est source de complexité, tandis que celle de « même objet » a déjà été rejetée par l’Assemblée nationale en raison du risque de confusion avec celle de « matière » figurant aux articles L. 2253-1 et L. 2253-2 du code du travail.
En conséquence, la commission demande à son auteur de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi elle y serait défavorable.
De même, elle souhaite le retrait de l’amendement n° 147, qui a le même objet que l’amendement n° 146, mais qui vise un alinéa différent ; à défaut, elle émettrait également un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. En ce qui concerne l’amendement n° 25, employer la formule d’« inversion de la hiérarchie des normes » n’est pas juridiquement exact. En outre, c’est abusif. Cela a déjà été dit lors de l’examen de la loi d’habilitation, mais je ne compte pas recommencer une démonstration qui a déjà été faite tout à l’heure. Il convient d’être rigoureux quand on utilise un tel terme.
Je voudrais simplement revenir sur l’exemple qui a été donné à l’instant à propos du SMIC. Rien n’a évidemment changé de ce point de vue : si le SMIC augmente au point que le niveau d’un minimum conventionnel se retrouve au-dessous du sien, ce minimum doit être réévalué pour rattraper l’écart constaté. Sinon, le SMIC ne serait pas un salaire minimum !
Enfin, je suis défavorable aux amendements nos 146 et 147, parce que la notion de « garanties au moins équivalentes », figurant dans le code est à la fois assez large pour permettre une négociation et assez précise pour éviter toute confusion. Cette formulation n’empêche pas la mise en place d’un espace de discussion, tout en apportant la garantie que, en définitive, le résultat soit équilibré, ce qui était le but du Gouvernement.
Au total, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Madame Taillé-Polian, les amendements nos 146 et 147 sont-ils maintenus ?
Mme Sophie Taillé-Polian. Oui, je les maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 26, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 17 à 25
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
4° Le VI de l’article L. 2254-2 est ainsi rédigé :
« VI. – Si l’employeur engage une procédure de licenciement à l’encontre du salarié ayant refusé l’application de l’accord mentionné au I, ce licenciement repose sur un motif économique. » ;
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Le Gouvernement souhaite unifier les procédures de licenciement en vigueur dans le cadre des différents accords, qu’il s’agisse des accords de compétitivité, des accords de maintien de l’emploi ou des accords de préservation et de développement de l’emploi. Nous partageons bien sûr cet objectif.
Avant les ordonnances, alors que le licenciement pour motif économique constituait la règle dans la plupart des cas, madame la ministre, vous choisissez de faire peser sur le salarié la responsabilité de la rupture, alors qu’il n’a rien demandé. En effet, vous refusez de reconnaître que le refus individuel d’un accord est susceptible de caractériser un licenciement économique et d’ouvrir les droits qui s’y rapportent.
Selon vous, dans la mesure où le licenciement n’est pas contraint et rendu inévitable par les difficultés économiques de l’entreprise, comme dans le cas d’un licenciement économique, le salarié n’est pas tenu de bénéficier de l’accompagnement et de l’indemnisation prévus en cas de licenciement pour motif économique. En l’absence de cause économique, ces accords de compétitivité peuvent toutefois conduire à modifier les contrats de travail, donc à réviser les conditions d’engagement des salariés.
Pour nous, une telle situation pose problème en tant que telle : ce n’est pas au salarié qui refuse de voir ses conditions de travail modifiées par rapport à celles qui sont initialement prévues lors de son embauche de porter la responsabilité de son licenciement. Il nous paraît légitime d’accorder au salarié contraint les conditions dont bénéficient les salariés en cas de licenciement économique.
En cas de refus d’un salarié de se voir appliquer un accord de compétitivité, nous proposons au contraire que s’applique la procédure de licenciement pour motif économique.
M. le président. L’amendement n° 83, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. La nouvelle dénomination des accords de préservation et de développement de l’emploi, devenus « accords de performance » sur la proposition de notre rapporteur, marque l’élargissement des possibilités offertes à l’employeur d’utiliser l’emploi à tout moment et en toutes circonstances comme un instrument d’ajustement.
Il ne s’agit pas d’une simple discussion sémantique. Nous relevons simplement que le mot « performance » s’applique à la seule entreprise concernée, tandis que le mot « compétitivité » implique l’existence de compétiteurs et la nécessité pour le salarié d’être à la hauteur pour maintenir l’existence de l’entreprise. Cette notion de « performance » exigée de chacun et de chacune d’entre nous, à tout propos et à tout moment, outre qu’elle démontre la pression exercée sur le monde du travail, ouvre pour l’avenir un champ élargi aux exigences des employeurs et aux menaces en matière de précarité et de licenciements.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cette dénomination.
M. le président. L’amendement n° 150, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 23 et 24
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
c) Le V est ainsi rédigé :
« V. – L’employeur dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement. Ce licenciement repose sur un motif spécifique. Ce licenciement est soumis aux seules modalités et conditions définies aux articles L. 1232-2 à L. 1232-14 ainsi qu’aux articles L. 1234-1 à L. 1234-11, L. 1234-14, L. 1234-18, L. 1234-19 et L. 1234-20.
« Lorsqu’au moins dix salariés ont refusé la modification de leur contrat de travail résultant de l’application de l’accord d’entreprise et que leur licenciement est envisagé, celui-ci est soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique. » ;
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. L’amendement vise tout d’abord à faire en sorte que le motif spécifique sur lequel le licenciement repose ne puisse plus constituer une cause réelle et sérieuse. Il s’agit là de se conformer à la directive européenne de 1998, qui prévoit l’obligation pour l’employeur d’informer et de consulter le personnel en cas de licenciement pour motif non inhérent à la personne du salarié.
Or, en l’occurrence, le motif spécifique du licenciement visé par ce dispositif est bien non inhérent à la personne, puisqu’il n’est ni disciplinaire, ni pour inaptitude, ni pour faute. Il découle simplement du fait que le salarié ne souhaite pas se conformer à l’accord d’entreprise.
Notre amendement vise également à faire en sorte qu’un accord d’entreprise soit soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique, lorsqu’au moins dix salariés ont refusé une modification de leur contrat de travail, qui résulterait de l’application dudit accord d’entreprise.
Comme le soulignait notre collègue Guillaume Gontard, il y a effectivement beaucoup plus d’avantages à être licencié pour motif économique que pour cause réelle et sérieuse.
Pour le salarié, c’est d’ailleurs plus facile à accepter humainement même si, de toute façon, la manière dont les ordonnances sont rédigées fait désormais peser le risque de l’entreprise sur les salariés et non plus sur les investisseurs. Un célèbre juriste en droit social a du reste récemment déclaré que, avec ces ordonnances, le droit du travail constituait aujourd’hui un outil de protection non plus des salariés, mais des investisseurs.
M. le président. L’amendement n° 89, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 24
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le V est complété par une phrase ainsi rédigée : « Si l’employeur engage une procédure de licenciement à l’encontre de dix salariés ou plus ayant refusé l’application de l’accord mentionné au premier alinéa, ce licenciement est soumis aux modalités et conditions définies aux articles L. 1233-28 à L. 1233-33. » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Le code du travail prévoit que l’employeur qui envisage de procéder au licenciement collectif pour motif économique d’au moins dix salariés dans une même période de trente jours doit réunir et consulter les représentants du personnel.
La directive 98-59 du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs oblige l’employeur à consulter les instances représentatives du personnel sur les mesures de reclassement prévues. La directive est claire : peu importe la nature économique ou non du licenciement ; dès lors que celui-ci est collectif, les procédures d’information et de consultation des salariés sont obligatoires.
C’est pourquoi nous proposons de rétablir cette obligation dans le cas où dix salariés ou davantage refuseraient de se voir appliquer l’accord de compétitivité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 26, le Sénat a œuvré en juillet dernier lors de l’examen de la loi d’habilitation pour que le licenciement d’un salarié qui refuse d’appliquer un accord de flexisécurité repose sur un motif qui ne soit ni personnel ni économique, mais spécifique et défini par la loi. La commission souhaite conserver cet acquis.
En outre, l’amendement tend à écraser plusieurs apports importants obtenus par l’Assemblée nationale sur les délais de réflexion accordés aux salariés et à l’employeur et à revenir sur certains travaux de la commission. Cette dernière émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 26.
J’en viens à l’amendement n° 83. La commission a appelé « accord de performance sociale et économique » le nouvel accord de flexisécurité défini à l’article 3 de la première ordonnance. L’expression « accord de compétitivité », parfois utilisée pour le désigner, est en effet apparue impropre, non seulement parce que le nouvel accord peut avoir uniquement une visée défensive en cas de difficultés conjoncturelles ou structurelles, mais aussi parce qu’elle peut être source d’incompréhension chez certains de nos concitoyens.
Je souhaite en outre rappeler à notre collègue Jean-Louis Tourenne que la commission n’a pas élargi le champ d’application de cet accord et que l’employeur ne peut pas unilatéralement l’imposer : il faut un accord avec les syndicats majoritaires. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 83.
Le dispositif de l’amendement n° 150 me semble contradictoire : on ne peut pas, d’un côté, maintenir le motif spécifique du licenciement d’un salarié qui refuse d’appliquer l’accord de performance, et, de l’autre, appliquer les règles du licenciement économique quand plus de dix salariés sont licenciés. La commission demande donc à son auteur de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Enfin, pour les mêmes raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 89.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 26. En effet, il ne faut pas confondre deux procédures. Il existe une procédure de licenciement pour motif économique, qui est particulièrement encadrée par la loi et qui n’existe que lorsqu’un motif économique précisément défini, compte tenu de difficultés économiques clairement identifiées, existe au préalable.
Ici, nous nous trouvons dans un cadre différent, celui des quatre catégories d’accords qui, demain, n’en feront plus qu’une : il s’agit d’accords collectifs sur des sujets comme la mobilité, le temps de travail, les salaires ou l’organisation du travail. L’accord s’impose au salarié, sauf s’il le refuse.
Comme je le disais précédemment, cette disposition en vigueur depuis 2000 n’a été utilisée qu’à quatre reprises dans le cadre des accords en cours de fusion. On ne peut pas parler de licenciement économique, dans la mesure où le licenciement découle du refus individuel de se voir appliquer un accord signé, accord qui – je le rappelle – sera demain un accord majoritaire, ce qui n’était pas le cas précédemment. La protection des salariés en sera encore renforcée.
La proposition de M. Gontard ne nous semble donc pas adaptée. Le régime juridique propre au licenciement pour motif économique n’est pas transposable à ce dispositif.
En ce qui concerne l’amendement n° 83, j’ai bien compris que la commission souhaitait changer la dénomination des accords et non élargir leur champ d’application. Il me semble que tout le monde est bien d’accord sur ce point.
Il est vrai que le Gouvernement n’avait pas arrêté de dénomination spécifique dans le cadre du projet de loi d’habilitation. Il avait simplement énuméré un certain nombre de cas de figure. La commission propose la formulation « accord de performance économique et sociale ». Il faut trouver la dénomination qui soit la plus parlante et qui ne crée aucune ambiguïté sur ce que sont ces accords ou ce qu’ils ne sont pas. En tout cas, il s’agit bien d’accords majoritaires, puisque l’enjeu est de s’entendre sur un certain nombre de modifications défensives ou offensives dans l’entreprise.
S’agissant de savoir quelle est la meilleure formulation à retenir, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat. Après tout, c’est tout de même au Sénat que l’on sait le mieux faire ce genre de choses ! (Sourires.)
M. Alain Milon, rapporteur. Merci !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Pour finir, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 150 et 89, qui sont très proches dans leur contenu.
Je reviens au point précédent : si un accord de performance économique et sociale a été signé et que des salariés refusent individuellement de se le voir appliqué, on ne se trouve pas du tout dans le cadre d’un licenciement collectif.
D’ailleurs, si un licenciement collectif était décidé a posteriori, sans motif préalable, ce serait toute la législation sur le licenciement économique qui serait inadaptée. Les amendements nos 150 et 89 sont donc quelque peu hors sujet, tant sur le plan juridique que par rapport à l’esprit qui prévaut à ce type d’accord ou compte tenu de la différence qui existe entre un accord et un contrat.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 85, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer deux alinéas suivants :
…) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’accord ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié. » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement vise à garantir le respect de la rémunération et du pouvoir d’achat des salariés.
Il s’agit d’un amendement de précaution, dans la mesure où l’accord peut porter atteinte aux primes et accessoires de salaire en augmentant parallèlement le temps de travail et en le flexibilisant.
M. le président. L’amendement n° 170 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’employeur envisage d’aménager la rémunération en application du troisième alinéa du présent I, il transmet aux organisations syndicales de salariés toutes les informations nécessaires à l’établissement d’un diagnostic partagé entre l’employeur et les organisations syndicales de salariés. » ;
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Cet amendement vise à rétablir le diagnostic partagé qui existait dans les accords offensifs, lorsque des baisses de salaires étaient envisagées.
En effet l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective a fusionné les accords de préservation et de développement de l’emploi et les accords de maintien de l’emploi en une seule catégorie, les accords dits « de compétitivité ». Ces anciens accords obligeaient l’employeur à transmettre les informations nécessaires à l’établissement d’un diagnostic partagé, dès lors que la négociation portait sur l’aménagement de la rémunération.
Or cette disposition ne figure plus au nombre des obligations de l’employeur dans le cadre des nouveaux accords de compétitivité. Si nous partageons cette idée que les accords de compétitivité doivent laisser toute sa place à la négociation collective, il nous semble toutefois opportun de rétablir le diagnostic partagé lorsque des baisses de salaires sont envisagées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 85 vise à réintroduire l’une des dispositions qui étaient obligatoires quand un accord de préservation et de développement de l’emploi était signé. Cet accord, créé par la loi Travail, n’a existé que pendant une année et l’on ignore aujourd’hui combien d’accords de ce type ont été conclus.
Ce qui est certain, en revanche, c’est que les multiples contraintes juridiques prévues dans le cadre des accords de maintien de l’emploi, créés en 2013, expliquent leur échec : seule une douzaine d’accords ont été signés en cinq ans. Ne réitérons pas les mêmes erreurs aujourd’hui !
J’ajoute que rien n’interdit aux négociateurs de maintenir la rémunération mensuelle des salariés lors de la négociation d’un accord de performance. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 85.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 170 rectifié, les accords de préservation et de développement de l’emploi, créés par la loi Travail, rendaient obligatoire le diagnostic partagé. Les syndicats pouvaient en outre recourir à un expert-comptable pour analyser le diagnostic de l’entreprise avec l’employeur avant d’établir un accord de maintien de l’emploi.
Toutefois, nous avons tous pu constater depuis cinq ans que la multiplication des garde-fous juridiques était le meilleur moyen de tuer dans l’œuf les accords de flexisécurité. Je souhaite conserver un dispositif simple : faisons confiance aux partenaires sociaux dans l’entreprise, puis tirons un bilan des ordonnances, plutôt que de prévoir des contraintes a priori.
La commission demande donc le retrait de l’amendement n° 170 rectifié ; à défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements, et ce pour les mêmes raisons que celles qu’a évoquées le rapporteur.
À un moment donné, il faut choisir une approche. La nôtre, c’est le dialogue social dans les domaines fixés par la loi. On définit le cadre qui peut être discuté dans l’entreprise et celui qui peut l’être dans la branche. Pour le dialogue social dans l’entreprise, on va favoriser la pratique de l’accord majoritaire, ce qui n’était pas le cas auparavant. On donne ainsi davantage de puissance à l’accord social.
Toutefois, en même temps, on ne peut pas fournir aux salariés tout le détail de ce qu’ils peuvent faire ou ne pas faire. En effet, cela va exactement à l’encontre du renforcement du contrat social dans l’entreprise. Si l’on crée des obligations complémentaires, il faut vraiment que celles-ci soient incontournables, quel que soit le cas de figure. Il faudrait être sûr que, en l’absence de telles précisions, il y aurait un très grand risque de voir les partenaires sociaux ne pas signer l’accord. Honnêtement, je ne le crois pas.
En l’occurrence, je préfère donner la chance au dialogue social. Comme l’a dit le rapporteur, dans le passé, certaines dispositions légales n’ont pas pu entrer en vigueur, tout simplement parce que l’on avait ajouté tellement de conditions, apporté tellement de précisions et créé tellement d’exceptions que les partenaires sociaux ne se sont jamais saisis de ces dispositions, estimant que celles-ci étaient trop compliquées et qu’ils n’y arriveraient jamais.
Il faut au contraire responsabiliser les acteurs : c’est pourquoi on leur donne plus de moyens, notamment de négociation. On va également aider les organisations syndicales à monter en puissance et en compétence. Grâce à l’accord majoritaire, on va renforcer l’équilibre de la discussion entre l’employeur et les organisations syndicales. On peut leur faire confiance. De toute façon, le Gouvernement va suivre de près cette réforme : ce sera l’occasion d’en faire le bilan ensemble.
Personnellement, je ne suis pas inquiète à ce sujet. Des obligations trop détaillées peuvent in fine produire l’effet inverse de celui qui est recherché, à savoir responsabiliser les acteurs pour qu’ils négocient des mesures qui vont dans le sens du progrès économique et social.
M. le président. Monsieur Gold, l’amendement n° 170 rectifié est-il maintenu ?
M. Éric Gold. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 86, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au second alinéa de l’article L. 2222-3-3, l’absence de préambule entraîne la nullité de l’accord. » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Les garanties autour des modalités de préparation de cet accord apparaissent trop faibles. Ainsi, la nullité de l’accord qu’entraînerait l’absence de préambule a disparu.
Or le préambule présente de manière succincte les objectifs visés. Il s’agit d’une sorte de note de synthèse, lisible par tous, qui permet d’améliorer la visibilité et la bonne compréhension des accords. L’intérêt pour les salariés et l’entreprise est évident : ils bénéficient ainsi d’une meilleure connaissance de la norme conventionnelle applicable.
Si la loi de 2016 a prévu de ne pas sanctionner l’absence de préambule par la nullité des accords et conventions conclus, sauf si l’accord en décidait autrement, c’est pour éviter de faire peser une nouvelle obligation sur les organisations syndicales. La nullité des accords offensifs et défensifs était prévue, parce que les accords offensifs, plus particulièrement, réclament un diagnostic partagé. Ceux-ci participent d’une démarche prospective et ne peuvent donc pas s’appuyer sur l’analyse d’un seul diagnostic.
Il est indispensable de doter les partenaires sociaux de tous les outils permettant ce diagnostic partagé et d’améliorer la visibilité de tous les salariés.