Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers.
M. Pierre Cuypers. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, essayons de tirer certains enseignements de la discussion qui nous réunit aujourd’hui à propos du projet de loi relatif à la fin de la recherche des hydrocarbures, sur fond de COP21 et, plus près de nous, de COP23.
Chacun s’accorde à reconnaître que les énergies fossiles doivent être abandonnées et qu’elles doivent sortir autant que faire se peut de notre vie au quotidien.
Ce texte a pour ambition de donner une crédibilité à notre pays sur la scène internationale en matière de lutte contre le changement climatique, l’effet de serre et les conséquences dramatiques des particules en termes de santé publique.
L’objectif du Gouvernement, que nous partageons, est la neutralité carbone à l’horizon 2050. Si toutes les tendances politiques s’accordent sur cette ambition, les moyens sont contestés, comme viennent de le rappeler nos excellents collègues rapporteurs Élisabeth Lamure et Jean-Marc Boyer.
Ainsi, les positions du Sénat et de l’Assemblée nationale sont très divergentes, en particulier sur la possibilité d’accorder des permis pour la recherche d’hydrocarbures.
Je regrette vraiment l’échec malheureux de la commission mixte paritaire du 21 novembre, mais, dans le même temps, je me réjouis que l’Assemblée nationale et le Sénat aient conservé une disposition introduite par la Haute Assemblée, fruit d’un amendement que j’avais déposé avec plusieurs de mes collègues du groupe Les Républicains. Cette disposition a été adoptée conforme.
Le projet de loi aura au moins permis d’évoquer l’avenir des biocarburants.
Je salue la position du Gouvernement, qui a enfin suivi le Sénat dans sa sagesse en maintenant un amendement à l’article 6 concernant le contrôle de la qualité environnementale des biocarburants.
Le Sénat a en effet alerté sur la concurrence déloyale que représentent, pour les filières de production européennes, les biocarburants importés de certains pays comme l’Argentine ou l’Indonésie, dont les exigences sont moindres.
La disposition proposée ne modifie pas les règles applicables pour les biocarburants européens dans des installations mises en service sur le territoire de l’Union européenne : le relèvement du seuil de niveau minimum de réduction des gaz à effet de serre reste déterminé par une mise en service avant ou à compter du 5 octobre 2015.
En revanche, elle recule cette date d’effet au 1er janvier 2008 pour les installations situées dans des pays tiers. Il est prévu que cette différence, applicable dès l’adoption de la loi, disparaisse le 30 juin 2019, le temps que le recours déposé par les producteurs européens via une plainte antidumping auprès de l’Union européenne règle ce dossier.
Cette disposition antidumping protège les filières françaises et européennes contre l’afflux massif de biocarburants, qui seraient moins contrôlés et seraient, en outre, subventionnés par ces mêmes pays. Dont acte !
J’en viens maintenant aux dispositions que j’avais souhaité introduire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 et le projet de loi de finances rectificative pour 2017.
Elles concernent le superéthanol et visent à encourager les entreprises à remplacer leurs véhicules fonctionnant avec des énergies fossiles – du diesel à 90 % – par d’autres utilisant des énergies renouvelables.
L’amendement que j’ai présenté, avec plusieurs de mes collègues, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2017 propose d’octroyer l’exonération de la taxe sur les véhicules des sociétés, la TVS, pendant une période de douze trimestres aux véhicules roulant au superéthanol E85, dont les émissions après abattement de 40 % sont inférieures ou égales à 75 grammes de CO2 par kilomètre.
Monsieur le ministre d’État, il est grand temps, il est même urgent d’appliquer au superéthanol les mêmes avantages fiscaux que ceux accordés au gaz de pétrole liquéfié, le GPL, et au gaz naturel pour véhicules, le GNV, les trois carburants étant alternatifs.
Or, pour l’heure, le Gouvernement a décidé d’exonérer de TVS les seuls véhicules hybrides électriques et superéthanol, alors qu’il est urgent d’appliquer cette disposition à tous les véhicules hybrides dits flex fuel de la même manière que pour le GPL ou le GNV.
Le Gouvernement ne tient pas compte de ces arguments pourtant majeurs. La situation actuelle est parfaitement subjective et contraire aux engagements pris par la France en matière de réduction de CO2 et de particules.
Monsieur le ministre d’État, on peut légitimement s’interroger. Pourquoi le Gouvernement souhaite-t-il développer l’usage des carburants vertueux, sans s’en donner les moyens ? Est-ce un vœu pieux ? Dans les faits, les évolutions sont quasi inexistantes.
Vendredi dernier, le Gouvernement s’est prononcé contre une exonération des flottes de véhicules d’entreprise, alors que le coût de cette mesure au titre du budget pour 2018 aurait été faible par rapport au bénéfice et au retour attendus.
Monsieur le ministre d’État, est-ce trop cher payé pour le cheminement vers l’utilisation des biocarburants et l’indépendance énergétique dont nous avons tant besoin ? Est-ce trop cher payé pour les emplois créés et maintenus et, finalement, pour le développement économique de notre pays ? Nous attendons vos réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Madame la présidente, permettez-moi de répondre aux différents orateurs.
Certains estiment que la cohérence du Gouvernement n’est pas parfaite, j’en prends acte. Mon souci est justement de mettre de la cohérence dans toutes les politiques publiques, mais même si je suis déjà en poste depuis sept mois, les choses ne se font pas de manière aussi spontanée… En tout cas, cette cohérence est absolument indispensable.
Il est vrai qu’il existe des incohérences à l’échelle de nos propres politiques, mais c’est aussi le cas lorsque l’on continue, encore aujourd’hui, d’allouer l’équivalent de 320 milliards de dollars pour soutenir les énergies fossiles, qui par ailleurs représentent plusieurs milliers de milliards de dollars en externalités négatives.
J’essaie, à mon niveau, d’agir sur tous les fronts et, quand la Banque mondiale annonce, à Paris, qu’à compter de 2019, elle n’investira plus dans les énergies fossiles, c’est une avancée – je ne dis pas que nous pouvons nous l’attribuer, mais cette annonce fait tout de même partie des succès diplomatiques de la France.
De même, la décision de fonds souverains, ainsi que celle de nos propres opérateurs – la banque publique d’investissement Bpifrance, l’Agence française de développement et bien d’autres… –, de décarboner leurs portefeuilles et leurs investissements fait partie de cette cohérence.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Nous sommes d’accord !
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Vous le voyez, cette cohérence se met progressivement en place.
Je ne fais pas de procès d’intention, parce que je prends acte des diverses positions et je me réjouis de la volonté commune, volonté qui n’était pas nécessairement évidente il y a encore quelques années. Vous avez dit, madame la rapporteur, que nous avions une attitude dogmatique. Or, je suis persuadé que le dogmatisme ne conduit nulle part.
Il est vrai que j’aurais aimé une union sacrée sur ce texte, mais j’ai compris que nos points de vue n’étaient pas conciliables sur ses modalités : encore une fois, je ne fais aucun procès d’intention, mais nos convictions divergent sur le chemin à prendre.
Certes, ce projet de loi n’est pas l’alpha et l’oméga de la transition climatique et énergétique, il va falloir lui greffer beaucoup d’autres instruments – certains sont déjà présents, d’autres vont venir –, mais il n’est pas uniquement symbolique, car il donne un signal de cohérence. Il faut bien reconnaître que, pour la programmation de la fin des énergies fossiles, nous ne pouvons légalement intervenir que sur notre propre territoire.
Il nous faut donc donner ce signal, mais il va falloir, dans le même temps, réduire nos importations et notre consommation, développer les énergies renouvelables et lever tous les verrous qui freinent leur développement.
Est-il honnêtement possible d’affirmer qu’en 2040, nous nous passerons complètement des énergies fossiles ? Je suis évidemment beaucoup plus prudent. Peut-être irons-nous plus vite grâce à un saut technologique ? Ce sera peut-être un peu après, mais l’important est de se mettre en marche – n’y voyez aucune allusion particulière… (Sourires sur différentes travées.) – d’une manière totalement irréversible.
J’admets éprouver une certaine tristesse devant l’absence d’accord entre nous ; la volonté était là, mais, visiblement, l’interprétation et la perception des événements n’étaient pas les mêmes. J’espère que nous pourrons, malgré cela, continuer à travailler ensemble sur tous ces objectifs.
Il peut y avoir des incohérences, mais rien ne doit nous empêcher de travailler d’arrache-pied en faveur d’une directive européenne permettant de différencier les carburants importés selon leur qualité. Le CETA n’est pas encore ratifié et nous disposons de quelques mois pour avancer sur ce sujet.
En tout cas, ce projet de loi est, à mon sens, un premier pas extrêmement important.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mme Lamure, au nom de la commission, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement (n° 124).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme le rapporteur, pour la motion.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Madame la présidente, je me suis exprimée, lors de la discussion générale, sur les raisons pour lesquelles nous avons déposé cette motion. Je ne vois guère d’intérêt à la redondance, j’en reste aux arguments que j’ai exprimés il y a un instant.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, contre la motion.
M. Roland Courteau. Dommage ! Il est vraiment dommage que le Sénat n’apporte pas plus de choses sur ce texte et qu’un sujet d’une telle importance soit évacué par le biais d’une motion tendant à opposer la question préalable.
C’est d’autant plus regrettable que la France, au lendemain du sommet de Paris sur le climat, a le devoir de se montrer exemplaire.
Bien évidemment, le groupe socialiste et républicain votera contre cette motion, mais, une fois de plus, je regrette qu’en dépit de toutes les argumentations possibles sur les dangers de notre modèle actuel, la commission des affaires économiques ait pu persister dans la remise en cause des points essentiels du texte, alors que les sirènes de l’urgence climatique se font de plus en plus stridentes et que les phénomènes climatiques sèment, partout dans le monde, inquiétude et désolation.
Pourtant, j’imagine que chacun, ici, sent bien que le temps joue contre nous, que l’urgence d’agir se fait de plus en plus pressante et que nous ne pouvons plus indéfiniment reporter sur les générations futures les difficiles décisions à prendre.
Le groupe socialiste et républicain regrette l’échec de la commission mixte paritaire. Depuis le début, ce projet de loi aurait mérité davantage de volonté, de part et d’autre, d’aboutir à un consensus, c’est-à-dire aussi bien du côté des députés que de celui des sénateurs.
Nous aurions souhaité davantage de volonté pour coconstruire le texte et rapprocher les positions entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Encore une fois, c’est dommage !
J’ai reconnu, lors de la discussion générale, que le Sénat, en première lecture, avait apporté un certain nombre de compléments utiles sur des dispositions techniques importantes.
Mais j’ai également déploré un certain détricotage du texte de la part de la majorité sénatoriale avec la multiplication de dérogations et exceptions vidant de leur sens des dispositions majeures et dénaturant donc l’essentiel du projet de loi.
Je l’ai déjà dit, le signal envoyé par la majorité sénatoriale n’est pas bon du tout pour la crédibilité internationale de la France.
Mes chers collègues, c’est un mauvais signal pour les acteurs économiques, qui ont besoin de clarté et de visibilité pour innover, et pour la société tout entière.
Très franchement, je pense, en ce qui concerne notre séance d’aujourd’hui, que le Sénat, plutôt que de tenter d’évacuer ce texte par le biais d’une motion, aurait pu faire œuvre utile, en essayant de rapprocher les points de vue, d’améliorer certaines dispositions et d’en corriger d’autres. Le Sénat aurait donc dû retravailler le texte et imprimer sa marque par une ligne claire et dépourvue d’ambiguïté. Était-ce vraiment impossible à faire ?
Mme Sophie Primas. Oui !
M. Roland Courteau. Cela nous semblait pourtant valoir la peine d’essayer !
Quant à nous, notre position est claire et nous sommes quelques-uns, ici même, à la partager : nous voulons que la France s’engage clairement dans la sortie des énergies fossiles et dans un développement économique post-pétrole, réellement durable, conformément à l’objectif de l’accord de Paris sur le climat.
M. Jean-Marc Boyer. Nous aussi !
M. Roland Courteau. Pour cela, il faut que cette sortie soit irréversible et sans dérogation ou exception.
Pour nous, il s’agit – et nous vous soutenons bien volontiers, monsieur le ministre d’État, dans votre action – d’atteindre le plus rapidement possible la neutralité carbone, en bornant ainsi le réchauffement climatique en dessous de 2°C.
Nous persistons donc à dire que ce projet de loi doit être un texte de rupture, qui en finisse avec un certain laisser-faire consistant à reporter les décisions difficiles à plus tard, de préférence sur les générations futures !
Il n’est tout de même pas si difficile de reconnaître que notre modèle actuel n’est plus durable et que la trajectoire qui en résulte n’est plus soutenable, dès lors qu’elle conduit chaque jour un peu plus à l’échec – cela est désormais bien connu !
Non seulement nous voulons que ce projet de loi conserve toute son ambition, mais nous persistons à dire qu’il doit aussi être responsable, non seulement en donnant – comme c’est le cas – de la visibilité aux entreprises et territoires impactés, mais également en les accompagnant fermement dans les mutations des filières en transition. Sachez que, sur ce point, il faudra, monsieur le ministre d’État, être très réactif et entreprenant !
Bref, nous sommes convaincus que, face à l’urgence climatique, écologique et sociale, nous devons, ici et maintenant, nous engager en faveur d’une économie fondée sur un autre modèle, plus durable, plus juste et porteur de croissance et d’emplois. Cela passe notamment par l’adoption de ce projet de loi, auquel d’autres instruments devront être greffés, et par les quatre corollaires que j’ai cités tout à l’heure.
Le choix est clair et doit se faire sans délai : soit nous continuons de subir, soit nous anticipons. Ce choix, nous l’avons fait : nous voulons anticiper.
À chacun de prendre ses responsabilités ! Nous prenons les nôtres en repoussant cette motion, dont la signification réelle est de contester ce projet de loi d’avant-garde dans ses objectifs essentiels. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe La République En Marche. – MM. Ronan Dantec et Joël Labbé applaudissent également.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Madame la rapporteur, la motion que vous avez déposée et qui tend à opposer la question préalable résume bien les différences d’état d’esprit. Vous l’évoquez d’ailleurs vous-même, puisque vous soulignez que la commission des affaires économiques, comme la Haute Assemblée, ne semble pas adhérer aux objectifs du Gouvernement.
En fait, je crois que vous adhérez à ces objectifs, mais pas aux moyens choisis par le Gouvernement dans ce projet de loi pour y parvenir. Je ne peux évidemment que le regretter.
J’ai la conviction profonde que la lutte contre le changement climatique doit nous rassembler au-delà de ces divergences.
Les modalités de mise en œuvre des mesures décidées dans ce texte sont progressives et il faut avoir confiance dans le fait que, la contrainte étant dorénavant pleinement identifiée, des solutions et alternatives qui ne sont pas encore dans notre logiciel vont apparaître.
La menace universelle que nous encourons doit ignorer les clivages habituels et les choses commencent à bouger de ce point de vue. Vous le savez, je le dis souvent, nous gagnerons cette bataille ensemble ou nous la perdrons ensemble ; personne ne pourra tirer son épingle du jeu et je sais que je n’ai pas besoin de vous convaincre à ce sujet.
Je ne vais pas revenir sur l’ensemble des arguments que j’ai opposés à nombre d’amendements débattus et parfois adoptés au Sénat. Franchement, ces amendements vidaient le texte d’une grande partie de sa force.
Dans le même temps, certains estiment que ce texte ne va pas encore assez loin ; il est vrai que nous avons voulu rester dans un cadre constitutionnel et ne pas revenir sur les droits acquis, mais le débat perdure.
Je souhaite être le plus objectif possible et je veux saluer les efforts du Sénat pour améliorer le texte, notamment sur un sujet important : le stockage du gaz.
Cependant, sur l’objet même du texte, nos positions sont trop éloignées, je le dis avec respect, car j’aurais aimé vous convaincre que ce texte ne vise en aucun cas à pénaliser notre économie, mais plutôt à la libérer de son addiction aux énergies fossiles.
J’aurais aimé vous convaincre que le Gouvernement n’est en rien opposé à la recherche et à la connaissance de notre sous-sol – nous aurons d’ailleurs l’occasion d’en reparler, lorsque nous débattrons, en principe l’an prochain, du code minier. Pour autant, il ne faut pas poursuivre des chimères et faire croire que les entreprises qui feraient de la recherche ne souhaiteraient pas, ensuite, exploiter.
J’aurais aimé vous convaincre que la cohérence et l’exemplarité produisent des résultats et nous donnent une crédibilité et une capacité d’entraînement.
Je n’ai pas réussi à vous convaincre et je regrette le choix de déposer cette motion – je le dis franchement –, d’autant que le Sénat est souvent une source bienvenue d’intelligence et de sagesse. Il connaît parfaitement les questions minières et, plus largement, d’environnement, comme vous l’avez vous-même démontré, madame la rapporteur.
L’Assemblée nationale s’est d’ailleurs appuyée sur les rapports du Sénat, qu’il s’agisse du stockage du gaz, de la qualité des biocarburants ou encore des stations de gaz ou d’hydrogène.
La transition écologique et solidaire que je défends, avec d’autres, a besoin de mutualiser toutes ces intelligences. C’est pourquoi je regrette franchement le dépôt de cette motion, qui cache, vous le dites vous-même, une vraie divergence de fond.
Je ne rejette pas, bien au contraire, votre appel au dialogue, car il est indispensable pour construire les prochaines étapes. Nous sommes au début d’un très long processus : si nous construisons ensemble cette grande mutation, vous verrez qu’elle apportera beaucoup plus de bénéfices que de contrariétés ; a contrario, elle nous apportera de lourdes contrariétés, si à un moment ou à un autre, nous ne nous retrouvons pas sur l’essentiel.
En tout cas, j’espère que, malgré votre opposition, nous pourrons continuer à travailler ensemble pour que notre pays prenne la main dans une Europe qui doute un peu, vacille parfois, mais que nous devons emmener dans la transition écologique d’une manière déterminée, progressive, irréversible, car c’est elle qui permettra, en développant les technologies existantes et celles en gestation, de créer de nombreux emplois dans les filières renouvelables et de moderniser en profondeur notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. - M. Joël Labbé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Le groupe du RDSE votera naturellement contre cette motion, à la fois pour une raison de principe – une telle motion revient à ne pas participer à l’écriture du projet de loi –, mais aussi de fond.
Le débat que nous avons eu en première lecture – je le dis sincèrement – a souvent été malheureux. Au-delà des aspects techniques qui ont été abordés, certains propos – peu il est vrai – relevaient du climatoscepticisme, d’autres – malheureusement nombreux – étaient teintés de « climatofatalisme » ou de « climatoégoïsme ».
Je crois que, sur ce texte, le Sénat n’a pas joué son rôle, alors même qu’il existe une tradition française d’universalisme et une volonté de notre pays, depuis une vingtaine d’années, d’être leader sur la scène internationale en matière environnementale. Je pense bien sûr aux positions des présidents qui se sont succédé : Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande – avec la COP21 – et, aujourd’hui, Emmanuel Macron – avec le sommet qui a eu lieu la semaine dernière.
Au lieu de soutenir cette volonté affichée de la France à l’échelle internationale, le Sénat en vient à disparaître des radars, à tel point que le président Macron, qui a évoqué le présent projet de loi à Bonn lors de la réunion de la COP23, n’a mentionné que l’Assemblée nationale, faisant ainsi passer le Sénat par pertes et profits…
Mme Catherine Procaccia. Il nous oublie toujours, quoi qu’on fasse !
M. Ronan Dantec. Il est vrai que le Sénat avait détricoté le texte.
De fait, la question du signal donné par la France à la communauté internationale n’a pas été comprise, alors même que, dans un monde secoué par les crises, la première réaction est de se concentrer sur son seul territoire. Or aucun de ces territoires ne tiendra seul sans réponse internationale commune.
Le Sénat a donc adopté une position déséquilibrée à tout point de vue.
Néanmoins, je retiens un cri d’alerte, monsieur le ministre d’État : la place des territoires. Malheureusement, l’Assemblée nationale a refusé une nouvelle fois la dotation additionnelle destinée à accompagner tous les territoires sur les questions climatiques, et pas uniquement quelques territoires qualifiés d’excellence. Le Sénat avait pourtant approuvé cette dotation à la quasi-unanimité.
Au vu du débat que nous avons eu ici et des craintes, légitimes, qui se sont exprimées sur quelques territoires, je pense que nous devrons nous interroger à nouveau sur ce sujet. Il nous faut être, tout à la fois, ambitieux sur la scène internationale et solidaires avec l’ensemble des territoires français. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Joël Labbé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.
M. Jérôme Bignon. Je suis certain que nous sommes tous parfaitement sincères – c’est l’une des qualités de ceux qui s’expriment dans cette enceinte…
Pourtant, devant l’enjeu, notre incompréhension sur l’essentiel et notre incapacité à la dépasser me plongent, comme M. le ministre d’État, dans une forme de tristesse.
Je ne parviens pas à comprendre que nous puissions croire qu’il existe une « planète B », pour reprendre une expression utilisée récemment par le Premier ministre.
C’est pourquoi le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera contre la motion tendant à opposer la question préalable, en formant le vœu que le temps de nous retrouver advienne le plus rapidement possible. Tel est le sens de notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche. – MM. Ronan Dantec et Joëlle Labbé applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Le climat est une affaire tellement sérieuse qu’il faudrait moins de grandiloquence et plus d’efficacité. Je le dis davantage pour mes collègues que pour vous, monsieur le ministre d’État, car chacun connaît votre engagement sur les questions qui nous occupent.
Je voterai la question préalable, mais je veux dire que la discussion au Sénat a permis à ce texte d’être plus opérationnel.
Bien sûr, nous n’avons pas trouvé de position commune sur la recherche et l’exploitation des hydrocarbures, mais nous avons introduit de nouvelles dispositions, souvent pragmatiques et techniques, qui sont efficaces dès maintenant pour les territoires.
En cela, le Sénat a amélioré le texte, preuve en est que nous ne goûtons que très peu les effets de communication, mais que nous partageons avec vous, monsieur le ministre d’État, l’objectif ultime, celui de la protection de notre planète et de l’engagement pour le climat.
Je passe sur certains propos, parfois blessants, mais je veux surtout dire à Joël Labbé que nous avons effectivement trouvé 1 000 milliards pour sauver les banques et que c’était une bonne nouvelle pour le climat, car nous avons besoin d’investir très lourdement, de payer nos chercheurs, de développer de nouvelles technologies et énergies et d’être plus performants et imaginatifs. Pour cela, nous avons besoin d’argent !
La Banque mondiale vient d’annoncer, il y a quelques jours, qu’elle n’allait plus investir dans les hydrocarbures. C’est une victoire, une bonne nouvelle pour tout le monde. Nous n’avions donc sûrement pas besoin de ce projet de loi symbolique, puisque les banques et les milieux de la finance ont anticipé sur son adoption…
Moi aussi, je regrette de ne pas avoir trouvé de position commune, mais je ne comprends pas, monsieur le ministre d’État, l’urgence de ce texte. Peut-être aurions-nous pu trouver un accord lors d’une deuxième lecture ?
Je regrette aussi le mur auquel nous nous sommes heurtés. Nous avons travaillé ensemble et essayé, cher Roland Courteau, de faire œuvre commune. Je dois dire ma tristesse de ne jamais avoir vu nos arguments considérés ou simplement écoutés.
Je regrette que ce texte ait été présenté sans vision d’ensemble. Dans le cadre d’une politique plus globale, qui arrivera peut-être ensuite, monsieur le ministre d’État, vous auriez certainement recueilli davantage d’approbation.
En conclusion, je veux vous dire, monsieur le ministre d’État, que nous serons à vos côtés. Certains collègues – je pense à Mme Férat ou à M. Cuypers – ont présenté des propositions et nous serons présents pour vous aider dans votre lutte pour le climat, qui constitue un bien commun et dont dépend notre avenir. Ces questions ne sont ni de droite ni de gauche, elles se posent de la même manière sur toutes les travées de cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)