Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Claude Kern. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nos collègues du groupe communiste ont inscrite à l’ordre du jour nous donne l’occasion d’avoir un débat sur l’organisation des forces de sécurités dans notre pays. Je profite de cette occasion pour exprimer nos remerciements et nos félicitations à l’ensemble des forces de sécurité pour leur engagement au quotidien.
Comme l’a fort bien expliqué notre rapporteur, notre haute assemblée ne peut pas avoir un débat sur le texte de cette proposition de loi, puisque celui-ci est presque exclusivement de nature réglementaire… Cela ne nous empêche pas de débattre aujourd’hui sur les évolutions des missions de la police.
Pour mettre fin d’emblée au suspense, je commencerai par dire que le groupe Union Centriste n’est pas favorable au retour à la police de proximité telle qu’elle a été créée à la fin des années quatre-vingt-dix.
Malheureusement, cette réforme n’avait démontré ni sa pertinence ni son efficacité. Certains vont me répondre qu’il fallait lui laisser plus de temps, d’autres qu’elle a manqué de moyens, voire des deux ! Soyons honnêtes, ce n’est pas totalement faux. Pour autant, dans le contexte actuel, nous ne pouvons pas nous permettre de revenir à cette vision de la police de proximité.
Ce contexte est marqué par deux éléments fondamentaux : le niveau d’insécurité, notamment dans sa dimension relative au terrorisme, et la situation budgétaire de l’État.
Certes, le budget du ministère de l’intérieur est relativement préservé. Il n’en demeure pas moins extrêmement serré et présente des lacunes qui, chaque jour, rendent la mission des policiers plus délicate. Nous venons d’achever la discussion du projet de loi de finances pour 2018, et j’ai encore à l’esprit les interventions des différents rapporteurs de notre Haute Assemblée, qui alertaient le Gouvernement sur l’état des commissariats, la vétusté des matériels, notamment des véhicules, etc.
Cela ne signifie évidemment pas que les sénateurs centristes ne sont pas en faveur d’une police de proximité. Comme l’a justement indiqué notre rapporteur en commission, quel Français ne serait pas favorable à une police qui soit plus proche des citoyens, plus accessible ? Évidemment, tout le monde le souhaite !
Nous sommes donc tout à fait ouverts à une réflexion sur une redéfinition de certaines missions de la police et de la gendarmerie. Nous attendons d’ailleurs d’en savoir un peu plus après les annonces du Président de la République, qui souhaite l’émergence d’une police de la sécurité du quotidien.
Il me semble que le ministère de l’intérieur a adressé aux gendarmes et aux policiers un questionnaire en vue de cerner leurs attentes à l’égard de cette future police de sécurité du quotidien. Des échos dans la presse faisaient état de 50 000 policiers et gendarmes qui auraient d’ores et déjà répondu. Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les premières orientations qui émergent de cette large consultation ?
Pour reprendre les mots du Président de la République, « lutter contre les délits, les nuisances, les incivilités ressenties au quotidien », voilà quelles sont les principales orientations fixées pour cette PSQ.
Nous devrions donc être assez loin de l’esprit de la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui. Je rappelle qu’il est question, dans son exposé des motifs, de « l’organisation d’opérations culturelles et sportives » par les policiers.
Nous ne souhaitons pas aller dans cette direction. Nous partageons la vision exposée par notre rapporteur, que je remercie pour la qualité de son analyse.
Dans ces conditions, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera contre la proposition de loi qui nous est soumise. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner.
M. Patrick Kanner. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour commencer, un regard en arrière s’impose. Cela a été dit, la police de proximité n’est pas un objet désincarné, sans passé et, oserais-je dire, sans avenir.
Je veux aller dans le sens des auteurs de cette proposition de loi, qui soulignent que la police de proximité a été « abusivement présentée comme transformant les policiers en doublons des travailleurs sociaux » – les propos de Claude Kern indiquent que le mal continue à progresser – ; or ce n’était assurément pas le cas, tant la politique publique lancée par Lionel Jospin et Jean-Pierre Chevènement, lors du colloque de Villepinte de 1997,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. En péchant par excès de naïveté !
M. Patrick Kanner. … visait à mettre en place une police chargée de garantir « des villes sûres pour des citoyens libres ».
Malheureusement, le travail du gouvernement de l’époque a été balayé par la logique du tout-sécuritaire qui a prévalu lorsque Nicolas Sarkozy est devenu ministre de l’intérieur du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, puis, plus tard, Président de la République.
Pourtant, les premiers jalons de cette politique publique avaient été posés par un gouvernement de droite. C’est Charles Pasqua qui a conféré pour la première fois une valeur normative à la police de proximité, en précisant que « la police doit redevenir une police de proximité présente sur la voie publique, plus qu’une police d’ordre ». Or il n’est pas allé jusqu’au bout de cette logique. Aucune transformation d’ampleur de l’organisation de la police et des modes de travail n’était présente dans la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité.
Il a donc fallu attendre le gouvernement Jospin pour que cette transformation entre pleinement dans les faits, avec une doctrine qui reposait sur les cinq principes suivants, dont j’espère qu’ils nous rassembleront : une action ordonnée autour de territoires bien identifiés ; un contact permanent avec la population ; une polyvalence accrue qui conduisait à demander au policier de proximité d’exercer, sur son territoire, la plénitude de ses missions, y compris en matière de police judiciaire ; une clarification des rôles qui reposait sur la désignation, pour chaque secteur ou quartier, d’un responsable identifié poursuivant des objectifs précis ; enfin, un service efficace et de qualité rendu à la population sur des plages horaires adaptées, avec un accueil et une aide aux victimes améliorés.
Cette démarche a constitué un modèle pour la réforme de l’État en général. Les conditions de sa mise en œuvre ont en effet révélé un souci d’expérimentation, d’évaluation et de généralisation progressive. Lancée au printemps 1999 dans cinq sites pilotes, la police de proximité a été étendue à partir du mois d’octobre de la même année à 62 circonscriptions sensibles. À la fin mars 2000, date des Assises de la police de proximité, la réforme était en phase de généralisation.
Pendant cette période, l’image de la police s’est améliorée. Hélas ! on n’a pas laissé le temps à cette politique de se développer correctement sur l’ensemble du territoire. La culture du résultat mise en place par la suite a balayé les effets bénéfiques que pouvait porter cette réforme.
Je le répète, la police de proximité a toujours veillé à maintenir un équilibre entre les fonctions préventives et répressives de la police. Elle n’a jamais entendu opposer prévention et répression.
En commission, M. le rapporteur a fait référence au quatrième rapport d’évaluation de la police de proximité, qui date du 20 avril 2001. Je profite de mon intervention pour le remercier de me l’avoir transmis. Sa consultation m’a permis de constater que, malheureusement, l’usage qui a été fait de ce document ne permet pas vraiment d’apporter des éléments objectifs au débat.
Je regrette, effectivement, que le rapporteur ait appuyé sa dénonciation d’une politique, pourtant analysée comme positive par de nombreux spécialistes, sur un rapport peu complet qui est intervenu seulement deux ans après la mise en place de la police de proximité et n’a pas permis d’évaluer celle-ci sur la durée. Permettez-moi de citer Sebastian Roché, sociologue et expert des questions de police, auditionné voilà quelques jours par le groupe socialiste et républicain : « S’appuyer sur un rapport qui n’a qu’un temps d’observation réduit relève plus de la poésie que de l’évaluation scientifique. »
En allant au-delà du rapport cité, lequel comporte par ailleurs des préconisations intéressantes qui ne vont pas toutes dans le sens souhaité par M. le rapporteur, les enquêtes montrent qu’une grande partie de l’accroissement de la délinquance à cette période est due à son augmentation importante dans les zones de gendarmerie, et non dans les zones de police.
Or les zones de gendarmerie ne sont pas concernées par la mise en place de la police de proximité. L’augmentation que vous avez évoquée, monsieur le rapporteur, ne peut donc être imputée de manière automatique à la mise en place de la police de proximité.
Certes, la police de proximité n’a pas permis de faire baisser significativement la délinquance, il faut le reconnaître. Néanmoins, son application durant un temps si court et son évaluation avec des outils parcellaires ne nous permettent pas de tirer des conclusions hâtives et, surtout, définitives.
Cela pose également la question de la faible qualité des outils permettant au ministère de l’intérieur d’évaluer ses politiques. Mais n’ouvrons pas ce débat, même s’il ne manque pas d’intérêt. Je le résumerai en citant le titre 2.4 de ce rapport : Des résultats statistiques encore peu significatifs.
Mais il y a d’autres chiffres qui, eux, sont incontestables. Il convient de rappeler que, par la suite, notre appareil sécuritaire a été considérablement affaibli, au nom d’une conception purement comptable de la protection des Français. Plus de 13 000 postes ont été supprimés dans les deux forces, entre 2007 et 2012.
M. François Bonhomme. C’est original ! Quelle rengaine…
M. Joël Bigot. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est la vérité !
M. Patrick Kanner. Cette casse sécuritaire a été accolée à une ligne politique selon laquelle la meilleure prévention était la répression. L’effet global a été désastreux. Il a donc fallu reconstruire, même si vous le contestez.
Dans un premier temps, il était urgent de mettre un terme à l’hémorragie dans les effectifs de police et de gendarmerie, et de remédier à cette situation. Ainsi, au terme du quinquennat précédent, plus de 9 000 postes ont été créés, conformément aux engagements pris. (Mme Marie-Françoise Perol-Dumont acquiesce.)
Par la suite, les zones de sécurité prioritaires, créées en juillet 2012, ont également été mises en place avec une contractualisation plus forte sur un espace donné entre tous les acteurs, notamment les élus locaux : 80 zones ont ainsi été créées, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, là où les besoins dans ce domaine sont les plus importants.
Il a également fallu prendre en compte les menaces terroristes, qui ont tant mobilisé nos forces de l’ordre ces dernières années. Le gouvernement précédent a su s’adapter à ces circonstances qui, malheureusement, ne peuvent plus être qualifiées d’exceptionnelles.
Si l’urgence a suscité des réponses de nature plus quantitative que qualitative, des mesures ont néanmoins été prises pour améliorer le lien entre la police et la population. Je pense, notamment, à la mise en œuvre du dispositif caméras-piétons et à l’expérimentation de l’enregistrement systématique des contrôles d’identité dans certaines zones pour les policiers équipés de caméras – expérimentation qu’il faudra certainement élargir, madame la ministre.
Il faudra tirer les enseignements de ces expérimentations et aller plus loin. Je citerai également l’entrée en vigueur du nouveau code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie, l’obligation de porter de manière apparente un numéro d’identification sur les uniformes et les brassards, ou la création, dès 2013, de référents police-population au sein de chaque direction centrale de la sécurité publique.
En cela, je ne partage pas certains points de l’exposé des motifs de la présente proposition de loi. Le tout-sécuritaire n’a pas prévalu durant le précédent quinquennat et il convient de rendre hommage à nos forces de police, qui réalisent un travail remarquable malgré les difficultés inhérentes à cette fonction. Je ne souhaite pas minorer certains comportements condamnables, qui doivent être traités avec la plus grande sévérité, mais ceux-ci ne peuvent justifier que l’on jette l’opprobre sur toute une profession.
Je résumerai ainsi ma pensée. Maintenant que le socle est posé et assaini, il faut construire – certains diront même « reconstruire ».
Le groupe socialiste et républicain porte donc un regard bienveillant sur cette proposition de loi.
Les trois articles de ce texte permettent de restaurer dans la durée le lien de confiance entre la population et les forces de l’ordre, et font bien évidemment écho à la réflexion engagée par le Gouvernement pour la mise en place d’une police de sécurité du quotidien.
On peut s’interroger sur la rédaction de cette proposition de loi et sa portée peu normative, même si l’on peut relever qu’il est fréquent que le législateur définisse le champ et les objectifs des politiques publiques, comme c’est le cas ici. Elle a le mérite d’enclencher une réflexion de la chambre haute, parallèlement à celle du Gouvernement.
J’ai noté la volonté du Gouvernement de ne pas présenter la PSQ comme l’héritière de la police de proximité. Je m’en étonne, tant les buts poursuivis semblent être les mêmes et tant les philosophies qui la sous-tendent sont proches.
Il semble que l’approche qui prévaut pour la PSQ soit très décentralisatrice. C’est une bonne chose. Pour autant, il conviendra d’être particulièrement attentif.
Sur sa mise en place, d’abord, je tiens à me faire l’écho ici d’alertes qui ont été émises récemment. Il est indispensable que le plus grand soin soit apporté à la concertation avec les élus locaux, qui seront les fers de lance de cette réforme.
Les témoignages, notamment ceux relayés par l’association France Urbaine, issus des concertations en cours, soulèvent de grandes inquiétudes. Il semble que le Gouvernement prévoie pour ces concertations un format différent selon les territoires, ce qui laisse craindre une prise en compte inégale des préoccupations des élus locaux.
La PSQ doit être mise en œuvre de façon régalienne et harmonieuse dans tous les territoires.
Son lancement, prévu pour janvier 2018, semble être, de fait, compromis. Je souhaite que vous puissiez nous dire, madame la ministre, ce qu’il en est.
Sur le fond du dispositif, la question des moyens sera bien sûr l’un des enjeux majeurs. L’absence de mention dans le projet de loi de finances est donc un autre motif d’inquiétude.
Par ailleurs, quid de la relation avec les polices municipales et les sociétés de sécurité privées ? Cela sera également un des points saillants de la future réforme.
Parce que cette proposition de loi ouvre des perspectives que nous soutenons, le groupe socialiste et républicain votera ce texte en responsabilité, et examinera avec vigilance le projet que nous présentera le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, depuis plusieurs décennies, la lutte contre l’insécurité et la délinquance de masse qui contaminent certains territoires est au cœur des politiques de sécurité intérieure.
La police de proximité, surnommée la « polprox », fut lancée en octobre 1997 lors du colloque de Villepinte. Cette mission confiée à la police nationale avait pour objectif principal un maintien de l’ordre basé sur la prévention, notamment dans les quartiers difficiles où elle était chargée d’apaiser les tensions avec la population.
Un an plus tard, elle fut enterrée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur. Le même, devenu Président de la République, décida en 2008 de créer un nouveau dispositif qui ressemblait à la police de proximité : les unités territoriales de quartier, instaurées par Michèle Alliot-Marie, dont l’objectif premier était d’« entretenir le contact avec la population ».
Ces dernières furent remplacées en 2010 par les brigades spécialisées de terrain, sous l’impulsion de Brice Hortefeux, qui en a fait des unités d’intervention dans des zones sensibles, avec pour mot d’ordre la patrouille de terrain.
Enfin, à l’automne 2012, furent lancées les zones de sécurité prioritaires, qui sont aujourd’hui au nombre de 80 et dont l’objectif est d’assurer une sécurité de proximité dans les zones les plus sensibles.
Qu’il s’agisse de la mise en place d’une police de proximité, de la création des unités territoriales de quartier ou encore des brigades spécialisées de terrain, toutes répondaient en effet au même objectif : mieux répondre aux besoins du terrain.
Toutefois, force est de constater que la multiplication des dispositifs policiers n’a pas permis d’enrayer le cercle de la délinquance, qui se maintient à un niveau hélas ! élevé.
Ainsi, l’évaluation qui peut être faite de ces divers dispositifs mis en place à grand renfort de publicité, au gré des ministres de l’intérieur, devenus, pour certains, Premier ministre, voire Président de la République, nous laisse dubitatifs, perplexes, vu les résultats peu probants. Cela doit nous inviter à beaucoup d’humilité, mais aussi à une volonté farouche de juguler cette délinquance.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, qui a été déposée en septembre dernier, vise à réhabiliter la police de proximité. Elle entend étendre à l’ensemble du territoire une police de proximité formée spécifiquement, et engager une réflexion sur la réorganisation administrative de la police nationale, dans l’objectif de créer une direction générale de la police de proximité au sein du ministère de l’intérieur, un décret en Conseil d’État devant en préciser les missions et l’organisation.
Ce texte appelle un certain nombre de remarques, tout d’abord sur le calendrier dans lequel son examen s’inscrit, ensuite sur l’exposé des motifs, et, enfin, sur le dispositif lui-même.
En premier lieu, l’examen de ce texte intervient avant même l’achèvement du processus de consultation lancé par le Gouvernement sur le projet de la PSQ. En octobre dernier, Emmanuel Macron a confirmé la prochaine mise en place d’une « police de sécurité du quotidien », l’une de ses principales promesses de campagne dans le domaine de la sécurité. Il veut que la réforme de la PSQ soit « concomitante avec celle de la procédure pénale et de la justice », pour la doter d’« instruments adaptés à la réalité du terrain ».
Pour l’heure, si les contours de cette réforme restent très flous, Emmanuel Macron a indiqué qu’il s’agissait de « retisser avec les associations [et] les élus locaux […] des formes d’action rénovées », après une année marquée par des accusations de violences policières, notamment, en février dernier, l’affaire d’Aulnay-sous-Bois, et d’attaques de membres des forces de l’ordre.
La police de sécurité du quotidien vise, selon lui, à replacer « le service du citoyen au cœur du métier de gendarme et de policier », notamment pour « lutter contre les délits, les nuisances, les incivilités ressenties au quotidien ». L’objectif serait – j’emploie toujours le conditionnel, pour respecter l’obligation d’humilité que j’évoquais au début de mon propos – de « lutter contre tout ce qui fait naître […] les sentiments d’insécurité » et « qui [donne] l’image de l’impuissance publique ».
La PSQ doit être expérimentée dans une quinzaine de sites au début de 2018. En réponse à ce que disait Mme la ministre, j’ajoute que la police de proximité que représente la gendarmerie nationale est installée sur l’ensemble du territoire rural, même si, dans ces zones, on ne connaît pas la même délinquance. La gendarmerie est très proche des citoyens et, désormais, des élus, grâce aux dernières recommandations du directeur général de la gendarmerie nationale, même si, je le répète, j’ai conscience que la problématique de la délinquance n’est pas la même dans ces zones que celle qui prévaut dans les grands ensembles.
En second lieu, en ce qui concerne l’exposé des motifs, il paraît choquant que celui-ci insiste autant sur les bavures policières, qui demeurent très exceptionnelles – nous l’avions constaté, voilà quelques mois, lors de l’examen d’une proposition de loi –, alors que les forces de sécurité intérieure font l’objet, au quotidien et depuis plusieurs années, d’une recrudescence d’outrages et d’actes de violence, qui contribuent au mal-être de leurs agents et nuisent à l’efficacité de leur action. Je souhaitais le souligner.
En dernier lieu, le rapporteur l’a indiqué, cette proposition de loi soulève des difficultés juridiques certaines. D’une part, la majorité des dispositions du texte relèvent non pas du domaine de la loi, mais du domaine réglementaire ; d’autre part, certaines dispositions de la proposition de loi paraissent susceptibles, en raison de leur faible normativité, d’être jugées contraires à la Constitution.
Aussi, pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne votera pas en faveur de cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, de remercier nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et plus particulièrement Mme la sénatrice Éliane Assassi, de son initiative. Celle-ci permet d’ouvrir utilement le débat sur l’évolution de notre politique de sécurité.
Avant même de s’interroger sur l’opportunité de rétablir la police de proximité, car c’est ce que vous nous proposez, ma chère collègue, le rapporteur a indiqué qu’une grande partie des dispositions que vous cherchez à introduire relèvent du domaine réglementaire. On peut le regretter, mais l’organisation interne des ministères et, en particulier, la création de directions générales appartient encore au domaine réservé des ministres.
Sur la forme, également, il me semble que des propos quelque peu provocants de l’exposé des motifs auraient pu être évités. Sans nier l’existence d’un malaise, lié à la grande médiatisation de ce qui pourrait s’avérer être des manquements graves aux règles déontologiques, il me paraît nécessaire de ne pas surexploiter les ressorts de l’émotion.
Je crois au contraire que la réintroduction de proximité dans notre stratégie de sécurité, ce que certains appellent la « territorialisation » et d’autres la « coproduction de sécurité » – cette polylexicalité est d’ailleurs le nœud du problème – devrait être abordée de manière moins idéologique, à l’aune des retours d’expérience dont nous disposons.
On peut éventuellement être d’accord avec vous lorsque vous constatez que la répression a été privilégiée à la prévention depuis 2003, mais il est important d’affirmer concomitamment et avec force qu’il nous faut faire les deux. Il n’y a point d’État sans répression. Nous refusons d’entrer dans une logique de décrédibilisation de la police dans son ensemble. On ne peut pas, par exemple, vous laisser insinuer que l’élargissement du régime d’usage des armes à feu par les policiers ferait craindre une recrudescence des violences policières. La police est respectable, elle est et doit être respectée ! Elle a d’ailleurs l’appui des Français, qui ont spontanément exprimé leur soutien à l’ensemble des forces de l’ordre, à la suite des attentats.
Vous ne l’ignorez pas, la police a pour mission de garantir l’expression sereine de nos libertés publiques. J’ajouterai qu’elle est le visage même du modèle républicain. C’est d’ailleurs ce qui peut expliquer l’échec de la police de proximité telle qu’elle avait pu être mise en place, en son temps, par le gouvernement Jospin.
Il y a en effet un obstacle culturel à ne pas sous-estimer, ce qu’exprime très clairement le criminologue Alain Bauer (Murmures sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) : « En France, la police est au cœur du pouvoir régalien et unitaire du pays. L’importation brute du concept de “police communautaire” à partir de pratiques majoritairement anglo-saxonnes relèverait d’un prévisible échec, culturel et sans doute technique. » Malheureusement, vous ne tirez pas les leçons de cet échec. Vous semblez occulter la principale cause de l’insuccès des brigades de proximité ayant poussé le gouvernement Raffarin à les supprimer.
Les tâtonnements des gouvernements suivants ne sont pas plus satisfaisants : unités territoriales de quartier, les fameuses UTEQ, en 2008, puis les brigades spécialisées de terrain, les BST, en 2010, aujourd’hui décriées. Cette instabilité nuit au travail des forces de l’ordre sur le terrain : nous devons à présent chercher à nous accorder sur un format stable de brigades capables d’intervenir sur l’ensemble du territoire, sans craindre de déclencher des heurts disproportionnés. Leur maillage ne doit comporter aucune zone d’ombre.
À ces remarques s’ajoute l’ordre du jour des réformes annoncées par le Gouvernement. Alors que le Président de la République vient de proclamer la création d’une nouvelle police de sécurité du quotidien, dont les contours restent à définir, nous soutenons la volonté du chef de l’État de sortir de l’opposition stérile entre police de proximité et police d’intervention. Nous considérons que, pour réussir, cette réforme devra consacrer une part importante des crédits à la formation des agents affectés à cette mission, en complément de ceux qui sont déjà fléchés vers les écoles de police traditionnelles.
Dans ce dossier, je voudrais d’ailleurs accorder un satisfecit au ministre de l’intérieur pour l’approche coopérative qu’il adopte, et qui se manifeste par son souci d’associer les agents de la police nationale à la réforme, au travers de larges consultations. Cela devrait lui permettre de limiter les effets de résistance au changement, qui condamnent parfois définitivement la mise en œuvre de réformes.
Sa décision de transmettre au rapporteur et au président de la commission, M. Bas, l’étude conduite par l’Inspection générale de l’administration et l’Inspection générale de la police nationale à la veille de la suppression de la police de proximité est également extrêmement prometteuse pour nos discussions futures. Il est souvent très difficile pour les parlementaires d’accéder à de tels travaux réalisés par l’administration, pourtant utiles pour nourrir notre réflexion. Cela nous permet d’aborder la question du rétablissement de cette police avec une vision exhaustive et moins caricaturale.
Vous comprendrez donc aisément les raisons qui poussent le groupe RDSE à rejeter votre proposition, ma chère collègue, dans l’attente de la discussion du projet du Gouvernement. (Applaudissements au banc des commissions.)