M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche.

M. Julien Bargeton. « Caramba ! Encore raté ! », comme le dit le perroquet dans Tintin. (Sourires sur les travées du groupe La République En Marche.) Au lieu d’avoir un texte véritablement enrichi, nous avons un texte dénaturé par le Sénat. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, M. Bargeton, et lui seul, a la parole. Vous avez le droit de ne pas approuver ses propos, mais vous êtes priés de ne pas l’empêcher de s’exprimer !

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Julien Bargeton. Je vous remercie, monsieur le président.

Si l’équilibre est visuellement amélioré, c’est au prix de renoncements que le groupe La République En Marche ne cautionne pas. Notre groupe s’abstiendra : rejeter la première partie, c’est couper court à la discussion ; l’adopter, c’est accepter les bouleversements du texte. La suite est d’ores et déjà connue : nous ne voterons pas l’ensemble du projet de loi de finances.

Nous avons assisté à des manœuvres de report visant à toujours tout retarder alors que la France ne peut plus attendre les transformations.

M. Julien Bargeton. Combien de temps encore faudrait-il abuser de la patience des Français ? Combien de temps encore faudrait-il retarder l’application du projet du Président de la République ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Cécile Cukierman. Le plus longtemps possible !

M. Julien Bargeton. Je déplore avant tout la suppression pure et simple de l’article prévoyant l’exonération pour 80 % des foyers de leur taxe d’habitation. Il est étrange de dire que l’on souhaite soutenir les familles en favorisant les plus aisées avec le quotient familial et de refuser d’alléger leur charge fiscale le lendemain. En fait, ce que nous propose la majorité sénatoriale, c’est reculer, mais ne jamais sauter ! (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le Président de la République, dans son discours de clôture devant le congrès des maires, a pourtant indiqué que cet engagement était le premier pas d’une refonte plus globale de la fiscalité locale. Le groupe La République En Marche sera pleinement mobilisé sur ces chantiers, avec l’ensemble des autres groupes, car il n’est pas toujours bon d’ajouter de la division à la complexité.

Sur d’autres travées de l’hémicycle, certains nous ont invités à reporter les mesures concernant la fiscalité du patrimoine, affirmant que ce n’était pas le bon moment. Mais ce que nous voulons, c’est justement renforcer la meilleure santé économique de notre pays dès à présent. Et je passe sur ceux qui voulaient reporter la trajectoire de la tonne carbone ou diluer la fiscalité écologique sous de fallacieux prétextes.

Manœuvres dilatoires, propos contradictoires… À droite, nous avons vu une longue série d’orateurs venir faire amende honorable, comme en pénitence, s’excusant de n’avoir pas eu le courage de supprimer l’ISF. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Mais ça va pas !

M. Julien Bargeton. Comme disait Oscar Wilde : « Il ne faut jamais trop se critiquer soi-même, les autres ont tendance à vous croire. » En l’occurrence, on vous a crus !

Vous avez donc proposé de supprimer totalement l’IFI pour vous faire pardonner, mais sans compenser nettement la perte de recettes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) En effet, avec le projet de loi de finances rectificative, le déficit budgétaire est bien aggravé en 2017, cher rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mais non !

M. Julien Bargeton. Vous nous annoncez une chute de l’immobilier. Je vous le dis : faire peur ne console pas d’avoir fait peu ! (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

M. Julien Bargeton. Taxe d’habitation, ISF… Le projet est plus défiguré que le portrait de Dorian Gray. Le groupe LREM s’oppose totalement à cette version sénatoriale. Mais, voter contre la première partie, ce serait refuser la suite des débats. Or nous les attendons pour voir quelles sont les économies que vous proposez enfin !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous n’allez pas être déçus !

M. Julien Bargeton. Ceux qui nous proposent des baisses de fiscalité supplémentaires sont en général les mêmes que ceux qui refusent les économies en seconde partie. Nous en avons eu un avant-goût lors de l’examen de l’article 19 ; à chaque fois, vous avez refusé que l’on touche aux chambres de commerce et d’industrie, aux chambres de métiers et de l’artisanat, aux agences de l’eau, à France Télévisions, aux sports…

Mme Cécile Cukierman. On peut aussi tout casser !

M. Julien Bargeton. L’avant-goût que nous a laissé cet article 19 augure mal de la capacité à proposer des économies réelles. Ceux qui dénoncent la finance magique sont les premiers à revêtir les habits des prestidigitateurs.

M. André Gattolin. Bravo ! (M. André Gattolin applaudit avec force. – Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Julien Bargeton. Ne vous moquez pas, mes chers collègues, il y a la quantité, et il y a la qualité ! (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Cécile Cukierman. Apparemment, il n’y a pas la modestie !

M. Julien Bargeton. Nous avons également interrogé notre procédure budgétaire : à l’occasion des nombreux amendements sur les carburants, la question de la portée juridique de nos débats a été clairement posée. Nos méthodes de travail doivent évoluer dans le sens d’une plus grande évaluation ; cela a été souligné.

Nous avons également amélioré la fiscalité sur l’économie collaborative et l’économie numérique.

Nous avons encore beaucoup à faire pour simplifier notre système fiscal, qui s’éloigne de l’épure du jardin à la française, comme en attestent les nombreuses dépenses fiscales. C’est dans ce sens qu’il faut travailler, celui d’une évaluation raisonnée, d’un travail méthodique et d’une amélioration de la lisibilité de notre système fiscal. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.) Dans cette voie raisonnable, vous pourrez compter sur nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. À cette heure, je pense que tout ou presque a été dit. Pour ma part, je considère que nos travaux ont permis d’améliorer significativement le texte présenté initialement par le Gouvernement. Je salue tous les collègues qui se sont mobilisés, y compris samedi, pour que nos débats se déroulent dans les meilleures conditions.

J’invite le Sénat à émettre un vote positif sur la première partie du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. À quelques minutes du vote sur la première partie du projet de loi de finances – je suppose, à en juger par les interventions des différents orateurs des groupes, qu’il devrait être positif –, je souhaite remercier et féliciter tous les acteurs de nos travaux budgétaires. Je pense évidemment à l’ensemble des sénatrices et sénateurs qui y ont apporté leur concours. Mais je voudrais également saluer nos collaborateurs, ainsi que les services des ministères compétents.

J’informe nos collègues que la commission des finances se réunira tout de suite après le résultat du vote sur la première partie pour examiner le décret d’avance inscrit à notre ordre du jour.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, modifié, l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2018.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 33 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 287
Pour l’adoption 195
Contre 92

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

En conséquence, le Sénat examinera la seconde partie du projet de loi de finances pour 2018, à partir du mercredi 29 novembre 2017.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2018
Discussion générale

4

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres, ainsi que celui du temps de parole.

formation universitaire de prévention de la radicalisation

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur, depuis les attentats de 2015 en France, la prévention de la radicalisation est devenue une priorité. Pour assurer la sécurité des Français, le Gouvernement a complété l’arsenal juridique et mis en place un renforcement des moyens et des effectifs dans la police, la justice, l’armée et les services de renseignement.

Dans ce cadre, un diplôme universitaire de prévention devait être lancé en janvier dernier à l’Institut de droit et d’économie Paris-II Assas de Melun, en Seine-et-Marne. D’abord reporté en septembre dernier, le décret que devait prendre Bernard Cazeneuve, alors Premier ministre, n’est toujours pas paru.

Les enseignements organisés pour l’obtention de ce diplôme intitulé « Faits religieux, droit et société » visent à donner des clefs de compréhension sur des thèmes tels que la laïcité, le fait religieux en France, le droit des cultes et les institutions. Ils visent plus particulièrement la professionnalisation des aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires de toutes confessions, mais ils sont également ouverts à d’autres publics tels que les DRH d’entreprises, les cadres de la fonction publique hospitalière, les personnels de l’éducation nationale, les élus locaux, tous confrontés au phénomène de radicalisation. D’ores et déjà, cinquante candidatures parmi les centaines reçues ont été retenues, pour vingt-cinq places prévues pour la première session.

Monsieur le ministre d’État, il est évident que notre pays ne peut se permettre de se passer d’une initiative qui renforcerait un dispositif destiné à prévenir et détecter la radicalisation sur le territoire. Je vous demande donc de bien vouloir nous exposer votre position sur cette formation, très attendue par le directeur de l’Institut universitaire, mais également par les aumôniers et les candidats déjà inscrits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Colette Mélot, le diplôme auquel vous faites allusion s’inscrit dans le cadre de la politique que nous menons avec Mme Vidal, ministre de l’enseignement supérieur. Il vise à améliorer la formation de tous ceux qui, ministres du culte, aumôniers, agents publics, acteurs locaux, sont confrontés à des problèmes liés au fait religieux, à la laïcité ou à la radicalisation.

Cette politique s’est mise en place à partir du décret du 3 mai 2017 relatif aux aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires et à leur formation civile et civique, qui permet de consolider leur formation. Ce texte rend obligatoire, pour les aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires rémunérés et nouvellement recrutés, l’obtention d’un diplôme après le suivi d’une formation civile et civique agréée, comprenant un enseignement sur les grandes valeurs de la République.

Un arrêté du 5 mai 2017 prévoit une liste de diplômes agréés. Aujourd’hui, une vingtaine de formations sont disponibles partout sur le territoire, y compris en formation à distance : 350 personnes y sont inscrites cette année, dont un tiers sont des ministres du culte.

Le dispositif fonctionne donc bien. Le diplôme « Faits religieux, droit et société » de l’Institut de droit et d’économie de Paris-II Assas ne fait pas, à ce jour, partie de ce dispositif, car il n’a pas été demandé d’agrément. Évidemment, si cette demande avait lieu, nous l’étudierons volontiers, Frédérique Vidal et moi-même. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

immigration

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François-Noël Buffet. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur. Elle a trait aux affaires migratoires.

Je viens de remettre un rapport pour avis au nom de la commission des lois du Sénat sur les crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2018 à la mission « Immigration, asile et intégration ». Si j’ai pu constater une augmentation du budget pour les politiques d’intégration, elle reste insuffisante. Le budget consacré à la lutte contre l’immigration irrégulière, en revanche, est en baisse de 7,18 %.

Les demandes d’asile continuent d’augmenter. On dénombre pour 2016 un peu plus de 53 000 personnes déboutées, et la situation ne s’arrange pas en matière d’éloignement des personnes en situation irrégulière.

Le Président de la République et le Gouvernement ont affirmé à plusieurs reprises leur ferme volonté de lutter contre l’immigration irrégulière. Aujourd’hui, le Président de la République est en déplacement en Afrique. Je ne sais pas s’il évoquera ce sujet avec ses partenaires, mais le Sénat, singulièrement votre serviteur, a demandé que soient mis en place des hotspots dans les pays voisins des pays d’origine et des pays source, de façon à ce que la demande d’asile soit traitée sur place. Cela afin d’éviter de revivre sur notre territoire, comme sur le territoire européen, des situations telles que celles de Calais, de Paris ou ailleurs.

Nous sommes inquiets, monsieur le ministre d’État, car ce budget ne semble pas en mesure d’atteindre ses objectifs. Au-delà des mots et des déclarations, que nous pouvons partager, quelles sont les mesures concrètes qui seront mises en place pour lutter contre l’immigration irrégulière ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Buffet, j’ai lu avec attention votre rapport.

Je partage vos sentiments sur l’effort à faire en matière de politique d’immigration. Nous devons à la fois être fermes, c'est-à-dire éloigner un certain nombre de personnes du territoire lorsqu’elles ont été déboutées, et bien accueillir celles que nous accueillons. Dans les prochaines années, nous accroîtrons donc encore nos efforts en matière d’intégration, dont vous avez souligné que le budget était en hausse. C’est tout à fait nécessaire.

J’en viens à vos propos sur le financement de l’éloignement. Permettez-moi de vous dire que vous faites une erreur de lecture. Vous indiquez que ce budget est en baisse. Or, l’année dernière, 10 millions d’euros étaient affectés au financement des « jungles » de Calais et de Grande-Synthe. Depuis leur démantèlement, cette somme n’a plus à être employée. Le budget dédié à ces politiques connaît donc, en réalité, une augmentation de 4,5 millions d’euros.

Oui, nous nous soucions de l’éloignement. Nous allons créer, d’ici à la fin de l’année, 400 places supplémentaires de centres de rétention administrative.

Pour vous donner quelques chiffres, je vous indique que le nombre d’éloignements est en hausse de 8 % depuis le début de l’année. Cette hausse est même de 123 % pour les migrants « dublinés », sujet que nous aborderons sans doute bientôt.

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.

M. François-Noël Buffet. J’espère que, dans le projet de loi que vous annoncez, monsieur le ministre d’État, vous reprendrez des idées déjà défendues et adoptées par le Sénat en 2015 et 2016. Elles sont utiles à la lutte contre l’immigration irrégulière.

Pour ce qui est du budget, il est dommage de ne pas l’avoir conservé au niveau de l’année dernière. Cela aurait permis de renvoyer dans leur pays encore plus de personnes en situation irrégulière sur notre territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

glyphosate

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Daniel Dubois. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture.

Les représentants des pays membres de l’Union européenne ont trouvé ce lundi un accord concernant le renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour cinq ans. Votée à la majorité qualifiée, cette décision n’est pas conforme à ce qu’avait défendu la France.

Le Président de la République a fait savoir qu’il a demandé au Gouvernement de prendre « les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France […] au plus tard dans trois ans ». Je pense, monsieur le ministre, que l’ensemble des parlementaires ici présents est favorable à ce que l’on recherche des alternatives au glyphosate. La profession agricole elle-même soutient le lancement d’un contrat de solution pour remédier à cette utilisation.

Est-il concevable qu’on fasse subir, pendant deux ans au moins, une nouvelle distorsion de concurrence à nos agriculteurs, alors même, je le rappelle, qu’ils traversent une crise sans précédent, qu’un sur trois gagne moins de 350 euros par mois, et que le Président de la République avait pris l’engagement, durant sa campagne électorale, de stopper toute forme de surtransposition européenne en matière agricole ?

M. Daniel Dubois. Par ailleurs, quelle est la cohérence du Gouvernement quand, dans le même temps, il soutient l’accord de libre-échange avec le Canada, le CETA, qui permettra d’importer en France des produits contenant des dizaines de substances pourtant prohibées dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Daniel Dubois, vous posez une question sur un sujet extrêmement sensible.

Vous l’avez dit, hier, dix-huit États membres de l’Union européenne ont voté pour le renouvellement pour cinq ans de l’autorisation d’utilisation du glyphosate. La France a voté contre. Le soir même, le Président de la République a précisé le cap pour la France : sortir du glyphosate dès que les alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans les trois ans.

Il y aurait surtransposition si nous restions inactifs pendant trois ans, en attendant que tombe le couperet de l’échéance. Ce n’est évidemment pas ce que souhaitent le Président de la République et le Gouvernement.

Ce qui est attendu du Gouvernement, c’est qu’il mobilise tous les acteurs, ensemble, vers la sortie du glyphosate : les chercheurs, pour trouver des alternatives – l’INRA y travaille déjà – ; les services de l’État, pour réfléchir à des restrictions d’usage efficaces et rapidement opérationnelles ; les producteurs, sans lesquels rien ne sera possible et dont les contraintes doivent être pleinement prises en compte dans la construction de solutions nouvelles ; les experts sanitaires, car il est indispensable de sortir des divergences entre l’OMS et les agences européennes sur la dangerosité réelle du glyphosate.

C’est au vu de tout cela, ainsi que du chemin qui aura été parcouru d’ici à trois ans, que l’on saura s’il y a surtransposition ou non.

Prenons deux hypothèses.

Si tous les experts convergent pour reconnaître une dangerosité extrême, l’Union européenne sera sans doute sensible aux enjeux de santé publique.

Si les utilisateurs réussissent à réduire drastiquement leur consommation de glyphosate, mais butent sur un usage donné, la situation d’ensemble, en France, méritera d’être réévaluée.

Il est donc trop tôt pour savoir où nous en serons dans trois ans. Pour l’heure, nous devons faire tous les efforts pour mobiliser la recherche et les instituts techniques, mais aussi pour accompagner nos agriculteurs dans la transformation de leurs pratiques agronomiques. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. Jackie Pierre. Vive l’Europe !

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour la réplique.

M. Daniel Dubois. Cela reste un très mauvais signal pour nos agriculteurs, monsieur le ministre.

Vous le savez, les agriculteurs français sont responsables. Ils sont prêts à travailler en confiance à des solutions alternatives à l’utilisation des pesticides. Je pense qu’il est urgent d’arrêter de les montrer du doigt.

Comme vous l’avez proposé, travaillons en confiance, ensemble, pour trouver des solutions alternatives. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

position de la france en europe sur le glyphosate

M. le président. La parole est à Mme Noëlle Rauscent, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mme Noëlle Rauscent. Ma question concerne également le glyphosate, mais aborde le problème sous un angle différent.

L’Union européenne vient d’autoriser pour cinq ans supplémentaires l’utilisation du glyphosate, créé par Monsanto et dont on s’interroge sur les effets cancérogènes probables.

Les consommateurs sont inquiets et s’expriment de plus en plus vivement sur la qualité des produits alimentaires et leur impact sur la santé. Les agriculteurs, eux, contestent la décision de la France d’interdire l’utilisation du glyphosate sur son sol dans trois ans au plus tard, comme cela a été annoncé hier par le Président de la République.

Malgré de nombreuses études, il est quasi impossible de savoir, à ce jour, si le glyphosate et ses additifs sont toxiques pour l’homme ou pas. Le Centre international de recherche sur le cancer, agence de l’OMS, a annoncé des effets cancérogènes probables, alors que l’Agence européenne de sécurité des aliments est arrivée à une conclusion inverse. Différentes études individuelles aboutissent, elles aussi, à des évaluations contradictoires. Au regard de ces diverses conclusions, il semble indispensable de revoir le processus d’évaluation de ces substances.

Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir m’indiquer si les trois ans annoncés seront suffisants pour mener à bien des études fiables et si nous avons la capacité de trouver prochainement des alternatives à l’utilisation de ce produit. En outre, comment la France envisage-t-elle d’agir auprès de la Commission européenne afin d’élaborer une stratégie de sortie rapide de l’utilisation du glyphosate ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice Rauscent, le vote intervenu hier en faveur du renouvellement pour cinq ans de l’autorisation du glyphosate est pour nous une déception. Nous avions voté contre. Notre mobilisation a toutefois été utile, puisque nous partions d’une première demande de la Commission en faveur d’un renouvellement pour dix ans.

Vous avez raison de le dire, le fait que les analyses européennes ne classent pas le glyphosate comme cancérogène probable pour l’homme, alors que le Centre international de recherche sur le cancer, qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé, le fait, pose la question de la confiance de l’évaluation européenne. Aujourd’hui, cette confiance est entamée. Il faut donc agir. C’est pour cela que Nicolas Hulot a demandé au Conseil des ministres de l’environnement, dès le 13 octobre, de revoir en profondeur l’évaluation européenne des substances chimiques, afin d’aller vers plus de transparence et d’indépendance. La Commission présentera une communication sur ce sujet ; nous en discuterons avec les États membres et le Parlement européen.

Nous restons déterminés. Sur le plan national, le Président de la République a demandé au Gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France, dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans. Certaines alternatives existent déjà et devront être généralisées. D’autres restent encore à développer.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé et conscient de la nécessité d’accompagner les agriculteurs dans cette transition. Les ministres de l’agriculture et de l’alimentation et de la transition écologique et solidaire feront prochainement des propositions à cette fin. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

énergies positives et croissance verte

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Jean-Pierre Corbisez. Ma question fait suite à celle de mon collègue Raymond Vall, publiée le 27 octobre, et à la réponse du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Ayant quitté récemment mes fonctions de président d’une agglomération qui a pu bénéficier des crédits TEPCV, je peux attester de l’effet de levier considérable de ce dispositif. Un dispositif d’autant plus déterminant pour mon territoire qu’il est en reconversion post-industrielle minière et confronté à une triple nécessité : remédier à des pollutions multiples des sols, reconquérir des friches industrielles et développer des modes alternatifs de production et de consommation des énergies.

Je salue l’annonce de l’inscription de crédits supplémentaires, à hauteur de 75 millions d’euros, qu’une loi de finances rectificative devra toutefois confirmer, et je remercie M. le ministre des propos rassurants qu’il a tenus lors de son audition par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Ces propos ont d’ailleurs été traduits dans une note récente adressée aux préfets le 20 novembre dernier.

Néanmoins, la note du 26 septembre continue d’inquiéter les porteurs de projets et interroge sur les suites du dispositif TEPCV. Je souhaiterais donc connaître les intentions et positions du ministre sur plusieurs points.

Tout d’abord, la circulaire du 26 septembre induit un traitement purement administratif et mécanique, qui risque de mettre fin à des projets qui seraient pourtant extrêmement bénéfiques pour les territoires concernés. Le ministre entend-il laisser à certains projets la possibilité d’être financés sur la base d’une évaluation de leur intérêt pour le développement local, et ce au-delà même d’irrégularités de la procédure, et dès lors que les collectivités sont engagées dans le cofinancement des projets ?

Ensuite, quelle est la position du ministre sur la proposition de l’association AMORCE, soutenue par ailleurs par la grande majorité des associations de collectivités, d’instituer une dotation territoriale climat pérenne ?

Enfin, quel est le calendrier gouvernemental concernant la mise en place des futurs contrats de transition écologique et quel serait a priori le niveau de financement dont pourraient bénéficier les collectivités au titre de ces contrats ? S’agira-t-il de « l’autre cadre de financement » mentionné dans la note du 20 novembre ? Auquel cas, la fixation du calendrier n’en serait que plus urgente. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)