M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est bientôt minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit trente, afin d’avancer dans l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Ce débat est absolument essentiel. Je rappelle qu’il y va de 10 milliards d’euros de recettes fiscales à terme, ce qui n’est pas rien pour le budget de l’État.
Le Sénat n’est pas contre l’augmentation de la contribution carbone énergie puisque, lors de la précédente législature, c’est lui qui l’avait décidée via l’adoption d’un amendement que j’avais déposé avec Chantal Jouanno et qui avait été soutenu, notamment, sur les travées du groupe Les Républicains.
En l’occurrence, elle est extrêmement massive, ce qui ne me choque pas, eu égard au fait que cette fiscalité est encore plus lourde dans les pays scandinaves, en Suède notamment.
Cela étant, notre collègue Jean-François Husson a exprimé une crainte que je partage tout à fait : il serait désastreux – c’est l’écolo de service qui le dit – que l’on fasse apparaître finalement la fiscalité écologique comme un moyen de rééquilibrer le budget de l’État. En d’autres termes, il ne faudrait pas que la tonne de carbone devienne la nouvelle vache à lait de l’État.
Si vous ne tenez pas un discours politique cohérent pour signifier qu’il n’en est pas ainsi, alors on assistera dans les mois, dans les années à venir à une levée de boucliers massive contre cette mesure, et au-delà contre les changements de comportements que doit favoriser la fiscalité écologique. Or, aujourd’hui, la cohérence des dispositifs ne nous apparaît pas.
Comme le rapporteur général, je pense qu’il faut se laisser un an pour se mettre tout à fait d’accord sur la densité carbone des différents carburants, y compris les carburants d’importation. Nous ne pourrons pas le faire ce soir. J’espère, monsieur le ministre, que vous n’allez pas remettre en cause l’amendement voté sur toutes les travées du Sénat lors de l’examen de la loi relative aux hydrocarbures, visant à demander aux importateurs de fournir la densité carbone de leurs importations d’hydrocarbures. En effet, c’est un élément nécessaire pour assurer la cohérence de l’ensemble. Si vous revenez sur cette disposition à l’Assemblée nationale, cela voudra dire que vous vous inscrivez bien dans la logique de la vache à lait.
Nous avons besoin de cohérence et il nous faut gagner l’appui des territoires, car ce sont ceux qui habitent dans les zones périurbaines qui subiront le plus l’augmentation de la fiscalité, parce que condamnés à la mobilité thermique aujourd’hui. Si vous ne les aidez pas, cela ne marchera pas !
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Le groupe La République En Marche votera contre tous ces amendements.
M. Jean-François Husson. Dommage !
M. Julien Bargeton. Nous partageons tous les objectifs de lutte contre la pollution, dont les pics, chacun le sait, sont chaque année à l’origine de problèmes respiratoires importants, notamment chez les plus jeunes et chez les personnes âgées. Trois chiffres sont connus : 50 000 morts anticipées en France, 500 000 morts en Europe, 5 millions de morts dans le monde.
S’il faut évidemment prendre des mesures, il est difficile de les mettre en œuvre, car on se heurte tout de suite au discours sur tel ou tel « comportement » ou sur la « fiscalité punitive ».
M. Jean-François Husson. Il faut appeler un chat un chat !
M. Julien Bargeton. Il n’en reste pas moins que nous devons bien sûr réagir et proposer un certain nombre de dispositions, non pas pour éliminer tel ou tel carburant, mais pour sortir du modèle des énergies fossiles en général.
À terme, la solution se situe au-delà des carburants, dans les énergies alternatives ; je pense, par exemple, à la voiture électrique, mais il y a bien d’autres pistes que je n’ai pas le temps de développer.
Dans ce cadre, il me paraît indispensable de définir une trajectoire, justement pour fixer un cap. Si l’on veut marquer l’engagement pour la transition énergétique, il faut bien annoncer quels sont nos objectifs sur plusieurs années, notamment en matière de coût du carbone. Toutefois, il est vrai – je souscris sur ce point aux propos de M. Dantec – qu’il faut le faire en lien avec les territoires. La Conférence nationale des territoires est le cadre adéquat pour poser les conditions dans lesquelles cet engagement peut être tenu, car il doit, à mon sens, être tenu.
J’entends parfois proposer ici ou là des augmentations de la TVA. Or, par définition, celles-ci portent aussi sur les carburants !
Une augmentation de deux points de la TVA pèse très lourdement sur le prix des carburants. De son côté, le Gouvernement propose un chèque énergie d’un montant de 600 millions d'euros pour les finances publiques ! Ce n’est pas rien, et c’est ce qui permet d’équilibrer la mesure.
M. Jean-François Husson. Non ! Le dispositif n’est pas équilibré.
M. Julien Bargeton. Pour répondre à Mme Taillé-Polian, l’objectif de la fiscalité écologique est non pas d’assurer la redistribution, mais de modifier les comportements. Pour redistribuer, il faut des mesures comme le chèque énergie. Si l’on demande autre chose à la fiscalité écologique, l’on finit par brouiller le message.
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai contre ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour explication de vote.
M. Pierre Cuypers. Je voudrais dire à M. le ministre que sa réponse a détourné les questions posées au travers des amendements que nous avons déposés. (M. le ministre s’exclame.)
Vous ne répondez pas à la question, monsieur le ministre. Vous parlez de gasoil et d’essence, alors que je vous parle de carburants renouvelables et vertueux. Ceux-ci apportent une réponse franche à notre vulnérabilité en matière d’approvisionnement énergétique et ils sont cohérents par rapport à nos ambitions climatiques de demain. De plus, quand je pense aux problèmes de santé publique, je n’accepte pas ce que je viens d’entendre !
Ces carburants vertueux dont nous avons besoin, vous allez les réclamer demain, car ils sont un avantage colossal pour notre pays. Ils méritent d’être soutenus. Si ces amendements n’étaient pas adoptés, il s’ensuivrait une grande fragilisation des filières qui les ont développés et qui représentent de 30 000 à 50 000 emplois – des emplois qui seront, si nous ne votons pas ces amendements, menacés dès le printemps prochain !
De plus, vous allez rajouter une crise à la crise agricole. Pensez à tout ce qui a été emblavé cet automne pour développer des énergies en 2018. Il sera impossible de mettre ces matières premières sur le marché. Prenez donc bien en compte tous ces éléments.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Je veux apporter quelques éléments factuels et financiers au débat.
Pour l’année 2018, la contribution climat-énergie et la fiscalité gasoil-essence rapporteront au budget de l’État plus de 3,7 milliards d'euros de recettes supplémentaires par rapport à 2017. Monsieur le ministre, vous nous dites que la nouvelle prime de conversion et le chèque énergie représentent plus de 180 millions d'euros, c'est-à-dire qu’il y a un écart de 20 en multiple. J’en suis désolé, mais je sais compter, tout comme vous ! Convenez donc que nous ne sommes pas au rendez-vous.
Vous vous expliquez, monsieur le ministre, sur l’essence et le diesel. En tant qu’ancien président de la commission d’enquête sénatoriale sur ce sujet, je suis bien placé pour évoquer notre rapport, adopté à l’unanimité, qui faisait état d’un coût annuel en France de la pollution de l’air évalué entre 60 milliards d'euros et 100 milliards d'euros.
Bien entendu, la pollution de l’air ne se limite pas aux microparticules liées à la circulation automobile ; il y a bien d’autres facteurs. Quant à l’essence, elle aussi est mauvaise pour le climat. Or la COP21 a fixé à 100 milliards de dollars la mobilisation annuelle des États pour le climat. Il y a donc, d’un côté, 100 milliards d'euros, et, de l’autre, 100 milliards de dollars. Là encore, je pense qu’il faut être attentif.
Je le répète, ici, nous essayons d’être constructifs et responsables. La contribution climat-énergie augmente aujourd'hui de 50 %. Vous nous appelez à la confiance. Et le Président de la République a proposé ici même, à la Conférence nationale des territoires, de signer un pacte de confiance. Toutefois, qu’il ne fasse pas comme le président Hollande : la confiance, cela ne se décrète pas, cela se construit !
Nous sommes d’accord pour faire un effort déjà significatif pour 2018, mais mettons ensemble nos capacités à travailler pour associer tous les territoires. Par exemple, en ce qui concerne les plans climat-énergie territoriaux, vous n’allez pas donner aux collectivités les moyens nécessaires et vous continuez d’accepter que certaines d’entre elles soient exonérées des efforts ou de l’envie de participer parce qu’elles ont moins de 20 000 habitants.
Relevons ensemble ce défi. Nous y sommes prêts, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Les sénateurs Dantec et Husson soulèvent une vraie question : la fiscalité écologique doit-elle servir directement à la transformation écologique ou abonder le budget de l’État ?
Il ne me semble pas que l’État dispose de vaches à lait. Si tel était le cas, nous n’aurions plus ni dette ni déficit, les dépenses publiques seraient raisonnables et notre pays n’aurait pas connu le changement politique que l’on sait… Mais laissons cette question de côté.
Même si les gestionnaires n’aiment pas les taxes et la fiscalité affectées… (Exclamations.)
M. Ronan Dantec. Personne n’a parlé de taxes affectées, monsieur le ministre !
M. Jean-François Husson. Personne n’a dit cela !
M. Gérald Darmanin, ministre. Mais si tout est affecté, vous mettez en cause le dispositif ! (Nouvelles exclamations.)
M. Jean-François Husson. Non, je n’ai pas dit cela !
M. le président. Mes chers collègues, seul M. le ministre a la parole.
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous aurons l’occasion d’échanger sur ce point si vous le souhaitez. Je m’y prêterai avec grand plaisir !
Je vous ai entendu faire des calculs. J’ai entendu des mots plus ou moins choisis, plus ou moins polis. Vous dites que, en matière de fiscalité sur le diesel et l’essence, dans le cadre de la transformation écologique, vous ne retrouvez pas vos petits.
Puisque vous faites des additions – c’est bien ce que vous avez fait l’un et l’autre, monsieur Dantec, monsieur Husson –, j’en conclus que vous souhaitez une certaine forme d’affectation. Chacun respecte profondément la liberté du Parlement de voter des recettes et des dépenses. Force est toutefois de constater que l’unité budgétaire ne serait pas au rendez-vous !
Imaginons que nous nous accordions et que la recette d’une fiscalité non punitive, augmentant de façon très importante, soit affectée à la transformation écologique du territoire. Vous semblez oublier que le ministre d’État Nicolas Hulot a aussi sous sa responsabilité la question des transports. Il y a des chiffres autour de la transition écologique, mais il y a aussi les impasses budgétaires du gouvernement précédent et peut-être de Mme Royal – il manque quelque chose comme 400 millions d'euros pour payer les anciens contrats ; il a fallu un décret d’avance de 75 millions d'euros.
Avant d’imaginer d’autres contrats, peut-être serait-il bon de commencer à payer les factures ! En effet, vous parlez de confiance, monsieur le sénateur, mais j’ai fait partie des nombreux élus de ce pays qui ont reçu de belles lettres leur annonçant que leur projet de crèche « zéro dépense », parfois même à économie positive, serait financé. Puis, nous avons reçu une seconde lettre et nous avons compris que c’était une blague et qu’il n’y avait pas de budget !
On peut croire en la finance magique et considérer que c’est quelque chose de formidable, mais à la fin, les territoires n’ont toujours pas d’argent. Avant d’imaginer des dispositifs tout à fait inédits et de voter de nouveaux amendements, commençons par payer ce que l’on doit aux collectivités locales ! Cela me paraît la moindre des choses quand on respecte l’État et quand on veut établir un lien de confiance.
Toutefois, la trajectoire du budget du ministre d’État enregistre une augmentation très importante. Il y a le chèque énergie qu’a évoqué M. Bargeton – je le remercie d’avoir pris la parole –, mais il y a surtout des équipements de transport que nous ne savons pas comment financer.
Le rapport de la Cour des comptes annonce une impasse de 5 milliards d'euros pour 2019 dans le cadre de la politique des transports. Nous ne savons même pas comment payer les trains d’équilibre du territoire négociés par l’ancien gouvernement, qui sont du ressort de AFITF. L’Agence de financement des infrastructures de transport de France était censée payer les réseaux, et voilà qu’elle paie les trains qui roulent dessus ! Cela n’a aucun sens.
M. Ronan Dantec. Et l’écotaxe ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Dantec, je veux bien que vous parliez des nouveaux bonnets rouges et de la nouvelle jacquerie qui serait en train de naître, mais la vérité, c’est que la majorité précédente s’est trouvée confrontée à un problème. On a continué à vouloir dépenser pour financer des infrastructures de transport toutes intéressantes et passionnantes, que nous poussons tous sur nos territoires respectifs ; c’est le cas du canal Nord Europe, du Lyon-Turin, de la LGV Bordeaux-Toulouse – le maire de Saint-Étienne parlait quant à lui de l’A45. On pourrait multiplier les exemples.
Toutefois, on a supprimé la recette ! Il n’y a plus d’écotaxe. Et malgré tout, on continue les dépenses, on persiste à croire en la finance magique.
Si l’on est sérieux un instant, l’on s’apercevra que le montant de l’intégralité des factures à payer pour les projets imaginés auparavant, que chacun d’entre vous souhaiterait pousser et dont les territoires ont sans doute extrêmement besoin, n’est pas très éloigné – peut-être même en est-il l’équivalent – de la recette que l’on pourrait tirer de l’augmentation du prix du diesel.
On peut ne pas être d’accord sur un certain nombre de sujets. J’entends votre sensibilité aux territoires, j’entends la question évoquée par M. Husson. Cependant, ce serait manquer d’honnêteté intellectuelle, me semble-t-il, que de feindre de s’étonner de la modestie des crédits budgétaires dont est doté le ministère de l’écologie, en faisant semblant d’oublier qu’il faut payer pour le report modal, les lignes TGV, les péniches, notamment parce qu’il n’y a plus de recettes, ni d’écotaxe !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-24 rectifié bis, I-337 rectifié et I-414 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements identiques nos I-482 et I-529, les amendements nos I-383, I-484, I-483, I-384, I-20 rectifié, I-339 rectifié, les amendements identiques nos I-21 rectifié et I-338 rectifié, l’amendement n° I-480 et les amendements identiques nos I-146 et I-361 rectifié n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l'amendement n° I-385.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° I-481 rectifié, présenté par MM. Bizet, del Picchia, de Legge et Gremillet, Mme de Cidrac, MM. Bonhomme, Chaize, Grand, Paul, Husson, Milon, Morisset, Bonne et Vaspart, Mme Gruny, MM. Lefèvre, Longuet et B. Fournier, Mmes Deromedi et Bories, MM. Revet, Cuypers, Mandelli et Priou, Mme Lamure et M. Rapin, est ainsi libellé :
Alinéa 3, tableau
Compléter ce tableau par deux lignes ainsi rédigées :
Ex 3826 00 10 |
|
|
|
Carburant constitué à 100 % d’esters méthyliques d’acides gras (B100) |
57 |
Hectolitre |
11,15 |
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Cet amendement vise, d'une part, à introduire le B100 dans la nomenclature de l’article 265 du code des douanes en créant un nouvel indice 57, et, d'autre part, à lui appliquer un taux de TICPE limité à sa seule composante correspondant à la contribution climat-énergie, sur le même modèle que celui qui a été prévu pour l’ED95.
Une telle mesure contribuera également à réaliser, d’ici à 2020, les objectifs européens de 10 % d’utilisation d’énergies renouvelables dans le secteur des transports et de 20 % d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique total, conformément à la directive 2009-28-EC.
J’ai bien entendu les demandes et les propositions du rapporteur général sur ce point. Toutefois, j’aurais souhaité une trajectoire beaucoup plus longue. Ce que je voudrais souligner – cela a été dit pertinemment tout à l’heure par notre collègue Cuypers –, c’est que cette filière est le fruit d’un engagement de l’ensemble de la profession agricole, de ceux qui ont créé cette filière oléoprotagineuse qui nous est enviée par beaucoup de pays membres de l’Union européenne et de pays tiers.
Or les entreprises, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, mais surtout dans celui-là, ont besoin de lisibilité. La lisibilité, c’est la stabilité et la durabilité législatives. Je voudrais vous rappeler, au travers des externalités positives, que c’est un subtil équilibre entre du biocarburant, de la protéine végétale et un secteur émergent extrêmement porteur, celui de la chimie verte.
Là encore, comme plusieurs milliers d’emplois – de 20 000 à 40 000 – risquent d’être fragilisés, je tiens vraiment à attirer l’attention du Gouvernement sur ce point précis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement est le bienvenu.
En effet, l’arrêté d’autorisation a été notifié à la Commission européenne le 7 juillet dernier, de sorte que ce carburant B100, composé à 100 % d’éther méthylique et d’acides gras, devrait entrer prochainement sur le marché. Il faut donc lui fixer un tarif. Tel est justement l’objet de l’amendement n° I-481 rectifié de M. Bizet, en prévoyant un tarif pour la seule année 2018.
J’émets donc, au nom de la commission, un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Tout en comprenant la défense de l’amendement par M. Bizet, je voudrais soulever deux points.
Tout d’abord, je voudrais attirer l’attention sur la jurisprudence européenne. Ce carburant est considéré comme un substitut au gasoil et il doit donc être taxé comme ce dernier. En tout cas, tel est le sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Je ne vois pas comment on pourrait faire autrement, notamment en continuant à regarder les articles 3, 6 et 16 de la directive 2003-96-ECE.
Ensuite, indépendamment du fait que ce premier point, relatif à la non-conformité aux réglementations européennes, est extrêmement important pour nous, je voudrais répondre une nouvelle fois – il me semble en effet lui avoir déjà répondu – à la question de M. Bizet : la TICPE n’est pas le bon outil pour cela. Le bon instrument, c’est la TGAP, laquelle permet d’atteindre l’objectif que vous visez, monsieur Bizet, avec un rendement différent de la TICPE.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° I-48 rectifié, présenté par MM. Adnot et Decool n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-296 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Calvet, Lefèvre et Magras, Mmes Gruny et Di Folco et MM. Laménie, Bazin, Paul, Longuet, Charon et Darnaud, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le 3° du 5. de l’article 266 quinquies B est rétabli dans la rédaction suivante :
« 3° Pour la consommation des particuliers, y compris sous forme collective ; »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Antoine Lefèvre. Il y a eu des pressions ! (Sourires.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° I-116 rectifié, présenté par M. Détraigne, Mme Férat, MM. Bonnecarrère, Médevielle et Kern, Mme Vullien, M. Vanlerenberghe, Mme Goy-Chavent et MM. L. Hervé et Cigolotti, n’est pas soutenu.
L’amendement n° I-8 rectifié, présenté par M. Capus, Mme Mélot et MM. Malhuret, Decool, Wattebled, Fouché, Bignon, Lagourgue, A. Marc, Guerriau et Chasseing, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au a du C du 8 de l’article 266 quinquies C, après le mot : « électro-intensives », sont insérés les mots : « et les installations électro-intensives des coopératives ».
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. J’espère avoir plus de chance pour cet amendement que pour l’amendement n° I-361. Celui-ci, que j’ai défendu tout à l’heure, visait à introduire le carburant B 100 dans la nomenclature, tout comme l’amendement n° I-481 rectifié. Or ce dernier a été adopté, mais le mien a été rejeté, alors qu’ils étaient très proches… Je ne comprends pas pourquoi l’autre amendement a reçu de la commission un avis favorable et non pas le mien, alors qu’ils avaient, selon moi, absolument le même objet.
Le présent amendement vise quant à lui à étendre le taux réduit de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité aux installations électro-intensives exploitées par des coopératives agricoles. On mettrait ainsi fin à une discrimination. En effet, des installations du même type ne sont pas soumises à la même imposition selon qu’elles sont dans une entreprise industrielle ou dans une coopérative agricole.
Afin de supprimer cette discrimination, je vous propose donc d’appliquer le taux réduit dont bénéficient les installations électro-intensives industrielles à celles qui sont exploitées par des coopératives agricoles. Il me semble qu’une telle mesure est assez consensuelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce sujet est assez technique. Il me faut demander l’avis du Gouvernement sur cet amendement, car nous n’avons pas eu le temps, hier soir, de l’expertiser. Nous penchons vers un avis favorable, puisqu’une telle mesure ne paraît pas dépourvue de pertinence – je vous ferai grâce d’un commentaire détaillé, au vu de l’heure tardive –, mais il reste à savoir si le dispositif proposé fonctionne.
Je sollicite donc l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement attendait d’être éclairé par M. le rapporteur général (Sourires.), mais, puisqu’il lui faut prendre ses responsabilités, il ne peut qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
En effet, le taux réduit de la contribution au service public de l’électricité s’applique à toutes les installations industrielles électro-intensives, indépendamment de la nature de leur exploitant ou propriétaire. Les installations possédées ou exploitées par des coopératives ou des exploitants agricoles bénéficient donc déjà du taux réduit.
« Voilà pourquoi votre fille est muette », comme disait Molière. Je veux croire que M. le rapporteur général, ayant écouté attentivement tous les arguments du Gouvernement, dont il a sollicité l’avis, sera de la même opinion.
En tout cas, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° I-563, présenté par MM. Tissot, Lurel, Raynal, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly et Lalande, Mme Taillé-Polian, M. Guillaume, Mmes Meunier et Tocqueville, MM. Sueur, Vaugrenard, Daudigny, Durain, Kerrouche, Roger, Daunis, Cabanel, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 15 octobre de chaque année, un rapport évaluant les conséquences du présent article sur le pouvoir d’achat des Français.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Le groupe socialiste et républicain est assez favorable à la nouvelle trajectoire de la valeur de la tonne carbone jusqu’en 2022 qui est introduite à cet article. Nous souscrivons à la nécessité de lutter farouchement contre la pollution de l’air, donc de faire converger les tarifs du gazole et de l’essence.
Pour autant, nous nous inquiétons de constater que la progression de la fiscalité écologique ne correspond pas à celle du revenu des Français les plus modestes. En effet, si le Gouvernement nous a présenté, dans un certain nombre de tableaux d’équilibre, les gains de pouvoir d’achat découlant des mesures proposées, il a parfois, et même souvent, oublié de prendre en compte ces évolutions de la fiscalité écologique sur le budget des ménages.
Or l’impact de ces mesures sera plus important pour les ménages aux revenus les plus faibles, dont la consommation en énergie est souvent contrainte. En outre, comme l’Observatoire français des conjonctures économiques le rappelle, la localisation des ménages est une autre source d’inégalité face à la taxe carbone, en raison de l’usage plus important de l’automobile en milieu rural ou dans les communes de moins de 30 000 habitants.
À l’évidence, ces impacts ont été quelque peu ignorés, afin d’accentuer les bénéfices que devraient représenter, pour les ménages modestes, certaines baisses de taxes et d’éviter des comparaisons désagréables avec les baisses d’imposition dont bénéficieront les ménages les plus aisés. Pour autant, il ne faut pas à mes yeux ignorer cet écueil, en particulier si l’on garde à l’esprit que le rendement net de ces deux mesures pour l’État est évalué à 14,2 milliards d’euros en 2022 et, pour la seule année 2018, à 3,7 milliards d’euros.
Par cet amendement, nous demandons donc au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 15 octobre de chaque année, un rapport évaluant l’impact de ces évolutions sur le pouvoir d’achat des Français.