M. Julien Bargeton. C’est déjà le cas !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non, aujourd’hui, aucune commune n’est dans un tel cas de figure ! Mais ce sera possible demain, parce que, avec le revenu fiscal de référence, dans plus de 3 000 communes, la taxe d’habitation sera payée par moins de cinq contribuables.
Je ne dis pas que la situation est aujourd’hui parfaite. Je ne dis pas qu’elle ne mérite pas qu’on ne s’y s’arrête pas, pas plus que je ne dis que les bases ne sont pas obsolètes. Sur tous ces points, nous pouvons nous rejoindre, monsieur le ministre, et c’est pour cette raison que certains maires ont pu applaudir à la fois le Président de la République lorsqu’il a affirmé que la réforme était nécessaire et ceux dont les discours plaidaient pour une réforme globale, faisant valoir que l’on ne pouvait pas faire cette réforme en trois ans, mais qu’il fallait d’ores et déjà se mettre autour de la table.
C’est la raison pour laquelle, dans sa sagesse, le Sénat ne s’oppose pas à une réforme, mais refuse de mettre la charrue devant les bœufs. Il veut prendre le temps nécessaire pour proposer un dispositif plus juste et plus cohérent. Une telle réforme ne peut s’élaborer en une semaine. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre : pendant trente ou quarante ans on n’a pas fait la réforme des bases locatives ; on ne peut pas en quinze jours accomplir ce qui n’a pu l’être en dix ou vingt ans.
Par conséquent, le Sénat propose en quelque sorte de repousser cette réforme, qui mérite mieux qu’un débat de cinq minutes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Procaccia. Favorable ! (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Je tiens à répondre avec le plus grand sérieux aux arguments du rapporteur général, que je ne sous-estime pas – ni le rapporteur général ni les arguments !
Qu’allons-nous faire ? Nous allons tenir une promesse présidentielle et législative, qui a été largement débattue, largement contestée et a fait l’objet d’un large débat. Il ne s’agit pas d’un débat de cinq minutes, monsieur le rapporteur général : cela fait six mois que je suis interpellé sur ce sujet au moins deux fois à chaque séance de questions d’actualité au Gouvernement, et je suis à chaque fois très heureux de répondre. Voilà des mois et des mois – cette question était sans doute un peu l’objet de la campagne sénatoriale que certains d’entre vous ont menée – que nous évoquons ce sujet. Pour ma part, je suis prêt pour le débat que vous souhaitez.
Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit – c’est la chronique annoncée – que 30 % seront retirés du montant de la taxe d’habitation que les contribuables recevront à l’automne prochain, puis 35 % les deux années suivantes. Ainsi, 80 % de ceux qui s’en acquittent aujourd’hui ne la paieront plus du tout demain.
Aujourd’hui, la taxe d’habitation s’élève en moyenne – par définition, les différences sont importantes – à 600 euros. L’année prochaine, elle coûtera 200 euros de moins. Le contribuable paiera donc à peu près 400 euros, puis 200 euros en 2019, puis zéro euro en 2020.
Le Gouvernement a fait le choix de ne pas augmenter les exonérations. Aujourd'hui, ceux dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 10 700 euros ne paient pas de taxe d’habitation.
Monsieur le rapporteur général, vous oubliez de dire que les iniquités territoriales que vous évoquez existent déjà ! À Tourcoing, 60 % de la population ne paient pas la taxe d’habitation, contre seulement 20 % à Marcq-en-Barœul. L’argument d’égalité, notamment devant le Conseil constitutionnel, ne tiendra pas, car l’iniquité est déjà constatée, et elle constitue une atteinte préjudiciable au principe même d’égalité.
Si l’on mettait en place aujourd’hui une taxe d’habitation avec les valeurs locatives des années soixante-dix, le Conseil constitutionnel censurerait certainement une telle disposition ! L’iniquité territoriale et l’inégalité constitutionnelle existent aujourd'hui ; elles n’apparaissent pas dans le texte du Gouvernement. Nous n’augmentons pas les exonérations. Il s’agit, comme vous l’avez compris, d’un dégrèvement.
Vous proposez de différer cette réforme, c’est-à-dire de différer la baisse d’impôts pour nos concitoyens. En d’autres termes, vous nous demandez de répondre à votre interrogation institutionnelle, qui n’est pas à sous-estimer et pour laquelle nous pouvons avancer très vite, en nous demandant de ne pas baisser les impôts de nos concitoyens l’année prochaine.
M. Gérard Longuet. Pour les compenser !
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le rapporteur général, vous proposez même – cela m’étonne, au regard de votre rigueur budgétaire et de la grande cohérence de vos propos – de supprimer la taxe d’habitation en une fois pour 100 % des foyers fiscaux, ce qui représente 18 milliards d’euros de fiscalité dans le budget de l’État l’année prochaine ou l’année d’après.
M. Philippe Dallier. Il y aura un impôt de remplacement !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui !
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est bien ce qui nous oppose : vous voulez un impôt de remplacement, nous n’en voulons pas. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Non !
M. Gérard Longuet. La finance magique, cela n’existe pas !
M. Philippe Dallier. Pas cette année, mais à terme !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je comprends bien que vous pensiez tous à 2028, 2033, voire 2157 ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Philippe Dallier. En 2020, cela suffira !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il est prévu l’année prochaine une baisse d’impôts pour les Français, qui correspond en moyenne à 200 ou 250 euros.
Mme Sophie Primas. Le Magicien d’Oz !
Mme Sophie Primas. Mais si !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous, vous souhaitez que ce soit remplacé par un autre impôt, c’est votre choix. Ne nous trompons pas de débat. Vous êtes favorables à ce que l’on ne baisse pas les impôts des classes moyennes et des classes modestes cette année. Ce n’est pas le projet du Gouvernement. (Mêmes mouvements.)
M. Gérard Longuet. C’est de la provocation grossière !
Mme Sophie Primas. Ils sont déjà exonérés de la taxe d’habitation !
M. le président. Je vous prie de bien vouloir laisser M. le ministre s’exprimer !
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame la sénatrice, les classes modestes la payent. Vous le savez très bien, vous qui êtes une élue de terrain, il y a des employés municipaux, des secrétaires médicales, des personnes au chômage qui habitent dans des quartiers difficiles qui paient aujourd’hui 1 200 euros de taxe d’habitation ; cela existe. Les classes modestes, ce ne sont pas des gens qui gagnent 600 euros par mois, ce sont aussi des gens qui gagnent 1 200, 1 300 ou 1 400 euros par mois…
M. Julien Bargeton. Exactement !
M. Gérald Darmanin, ministre. D’un côté, les retraités les moins modestes sont ceux qui gagnent moins de 2 500 euros par mois. C’est contre-intuitif avec votre discours. Quand on parle de la taxe d’habitation, vous dites que les classes modestes ne sont pas concernées. Voilà un discours politique qui n’est pas très cohérent. Mais ce n’est pas très grave, c’est sans doute la loi du genre…
Monsieur le rapporteur général – c’est important, car le juge constitutionnel lira sans doute le compte rendu de nos travaux –, l’unique contribuable d’une commune – imaginons, et s’il n’y en a plus qu’un seul à Tourcoing, je serais peut-être celui-là, pour reprendre la chanson. (Sourires.) – devra payer le balayeur. Mais enfin, monsieur le rapporteur général, vous ne croyez pas vous-même à cette fable ! Ce sont, en très grande partie, les 70 % de dotations de l’État qui permettent de payer le balayeur à Tourcoing. Dans ma commune, les recettes fiscales représentent un tiers des ressources.
M. Didier Guillaume. La DGF !
M. Gérard Longuet. Les contribuables !
M. Gérald Darmanin, ministre. Heureusement qu’il y a l’État ! Heureusement qu’il y a la DGF et la DSU – et je comprends que les élus se battent pour son maintien ! Le fait que la solidarité nationale intervienne dans le fonctionnement des services n’a rien de nouveau, vous voyez bien ce que je veux dire, même si, bien sûr, les recettes fiscales peuvent bien évidemment y contribuer.
Enfin, vous évoquez les taux. Où avez-vous vu qu’il n’y avait pas de liberté de taux dans ce que nous proposons ? La liberté des taux est complète pour les élus. Le principe de libre administration des collectivités – c’est l’article 72 de la Constitution – est totalement respecté. Nous proposons un dégrèvement sur la base de l’année 2017, prenant en compte la revalorisation des bases, les nouveaux habitants, les nouvelles constructions…
M. Gérard Longuet. Et vous réintroduisez la taxe d’habitation dans trois ans ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Certains élus n’augmentent pas les impôts, monsieur le sénateur ! Vous-même, vous avez été l’un de ceux qui ne les ont pas augmentés, ce qui est très vertueux.
Je le répète, il n’y a pas de limitation du pouvoir pour ce qui concerne les taux. Une telle limitation aurait en effet été contraire à la Constitution.
Enfin, la révolution fiscale que nous souhaitons tous mettre en œuvre et à laquelle la Haute Assemblée, je l’entends, souhaite participer – nous écouterons évidemment avec beaucoup de respect ce que proposeront les sénateurs –, traduit notre volonté d’instaurer un impôt clair pour nos concitoyens. Permettez-moi de vous retourner votre argument, monsieur le sénateur. Objectivement, aujourd'hui, il faut être beaucoup plus intelligent que votre serviteur – ce n’est pas difficile, j’en conviens (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) – pour expliquer clairement et en quelques mots la taxe d’habitation à nos concitoyens. Quand vous prenez des décisions politiques, y compris budgétaires, il faut les expliquer aux contribuables.
Chaque année, j’ai baissé de deux points la taxe d’habitation dans ma commune en réalisant environ 500 000 euros d’économies au titre des dépenses de fonctionnement. C’est difficile, certes, mais d’autres ont fait mieux que moi. Baisser de deux points la taxe d’habitation, c’est se condamner à ne pas pouvoir l’expliquer à ses administrés, la taxe d’habitation pouvant être revalorisée par le Parlement, ce qui est bien normal, et par d’autres intervenants, pas uniquement les communes. En tant que maire, vous pouvez gérer de manière très vertueuse les finances publiques sans pour autant en récolter les fruits. Les communes ont le choix d’augmenter, de stabiliser ou de baisser les impôts, en fonction de leurs projets. Après tout, je ne vois pas d’inconvénient particulier à augmenter les impôts pour financer un projet.
Aujourd’hui, plusieurs d’entre vous l’ont souligné, cet impôt empêche l’instauration d’un lien direct entre le contribuable et le citoyen. Sachant que, dans une majorité de communes, une majorité de gens ne paient pas cet impôt en raison d’exonérations et de dégrèvements déjà décidés par le Parlement et par l’État et que, par ailleurs, le lien entre le contribuable et la décision politique n’est pas clair, il est temps de prendre la décision courageuse de supprimer cet impôt. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le Gouvernement aurait pu imaginer un autre dispositif, tels que ceux qui ont été proposés dans certains amendements. Concrètement, il était possible de mettre en œuvre l’engagement du Président de la République, que l’on comprend très bien – on sait ce qu’est la politique ! –, de redonner du pouvoir d’achat. Le Gouvernement aurait ainsi pu imaginer un mécanisme de crédit d’impôt, certes un peu complexe, équivalant au montant de la taxe d’habitation, sans toucher à la taxe d’habitation. Mais vous mettez le doigt dans un engrenage.
Comme l’a avancé Philippe Dallier, pensez-vous sérieusement qu’il sera possible d’imposer une forme d’impôt rénovée aux 80 % de personnes qui, en moyenne, auront été définitivement exonérées de taxe d’habitation ? Cela sera extrêmement difficile. Par définition, avec cette réforme, qui préempte l’avenir, nous nous condamnons, nous nous limitons nous-mêmes. C’est extrêmement dangereux. Voilà ce que je reproche fondamentalement à cette réforme.
Permettez-moi maintenant de m’arrêter un instant sur ce que vient de dire le ministre, car c’est très important.
Je reconnais, notre approche étant extrêmement pragmatique, que le Gouvernement, en choisissant le dégrèvement plutôt que l’exonération, a heureusement retenu la solution la plus honnête à l’instant t. L’État se substitue au contribuable. En l’espèce, je le concède bien volontiers, le Gouvernement n’a pas de mauvaises intentions, la perte de recettes pour les collectivités sera intégralement compensée.
Cela étant dit, en réponse à Philippe Dallier, le ministre a indiqué qu’il n’y aurait pas de limitation du pouvoir de taux. Or, dans l’étude préalable, à la page 19, le Gouvernement écrit : « Un mécanisme de limitation des hausses de taux décidées ultérieurement par les collectivités et de prise en charge de leurs conséquences […] sera discuté dans le cadre de la Conférence nationale des territoires. »
M. Philippe Dallier. Et voilà !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour ma part, je suis un peu inquiet. D’un côté, on nous assure qu’il n’y aura pas de limitation du pouvoir de taux, mais, de l’autre, il est écrit noir sur blanc dans l’étude préalable qu’un « mécanisme de limitation des hausses de taux » est prévu. Monsieur le ministre, oui ou non, un mécanisme de limitation des hausses de taux sera-t-il instauré ? Vous nous dites que non, mais il est écrit le contraire dans l’évaluation préalable.
Jusqu’à preuve du contraire, le pouvoir fiscal appartient au Parlement, non à la Conférence nationale des territoires !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Le débat est passionnant, mais je vais essayer d’être raisonnable dans mon temps de parole, monsieur le président.
Monsieur le rapporteur général, j’entends ce que vous dites sur la difficulté à imposer une nouvelle taxe à ceux qui auront été exonérés de la taxe d’habitation et qu’il ne restera que 20 % de contribuables. Mais vous raisonnez à impôts constants. L’idée du Gouvernement, sur laquelle les élus auront à travailler de façon approfondie cette année, c’est de spécialiser les impôts par collectivité, par exemple la TVA pour la région. Peut-être pourrait-on trouver un impôt national – je dis bien : peut-être – pour les départements, afin de régler leurs problèmes, notamment en reprenant en direct un certain nombre de domaines. Le Président de la République s’est ainsi exprimé sur la situation des mineurs isolés, par exemple. Peut-être pourrait-on affecter une taxe locale, notamment sur le foncier, aux communes et aux EPCI ? Ce sont là des hypothèses sur lesquelles nous pourrions travailler, mais je le répète, ne raisonnons pas à impôts constants.
Enfin, monsieur le rapporteur général, j’ai beaucoup de respect pour le Parlement. Je rappelle que l’étude préalable n’est pas le projet de loi de finances, lequel ne prévoit pas d’encadrement des taux. Vous aurez constaté que, dans l’étude préalable, il est écrit que nous « pourrions » proposer un mécanisme de limitation des hausses de taux dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il est écrit qu’un tel mécanisme « sera » discuté, non pas qu’il le « serait » !
M. Gérald Darmanin, ministre. Le projet de loi de finances, je vous le répète – j’espère que vous croyez en ma parole et au texte qui vous est présenté –, nous pouvons tous en convenir, ne prévoit aucun mécanisme d’encadrement des taux.
C’est une proposition intelligente qui éviterait nombre de propos démagogiques de quelques élus. Cela étant dit, si jamais la Conférence nationale des territoires ne le souhaitait pas… (M. le rapporteur général s’exclame.)
Monsieur le rapporteur général, je vous le dis avec grand plaisir : ce n’est pas proposé dans le projet de loi de finances et vous aurez remarqué qu’aucun amendement en ce sens n’a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale à la suite d’un avis favorable du Gouvernement !
M. le président. Mes chers collègues, les prises de parole sur l’article ayant été nombreuses, je vous propose de passer au vote.
M. Victorin Lurel. Je demande la parole, pour une explication de vote, monsieur le président ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Monsieur le ministre, j’avoue que j’approuve le dispositif, même si j’émets quelques réserves sur ce que vous venez de dire.
Si je comprends bien, un maire pourra librement fixer ses taux lorsqu’il préparera son budget primitif. Ceux qui seront exonérés de la taxe d’habitation subiront cette augmentation des taux et les 20 % de contribuables qui n’en seront pas exonérés seront bien obligés de payer.
M. Gérard Longuet. Exactement !
M. Victorin Lurel. Or, d’ici à 2020, vous souhaitez supprimer totalement, et non plus simplement dégrever, la taxe d’habitation. J’avoue que cela me paraît un peu difficile. Il sera compliqué d’imposer ensuite ceux qui auront pris l’habitude d’être totalement exonérés. Entre-temps, les maires – en tant que maire, je pense que j’aurais été tenté de le faire pendant trois ans ! – auront tendance à augmenter les impôts en attendant la compensation par l’État.
M. Jean-François Husson. Bien sûr !
M. Philippe Dallier. C’est l’État qui paiera !
M. Victorin Lurel. Il s’agirait en quelque sorte d’augmenter le produit fiscal sachant, à terme, que vous le prendrez en compte. J’approuve la mesure, monsieur le ministre, mais je crains, je tiens à le dire, quelques dérives.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, je n’aurais pas fait comme vous. Mais chacun ses tendances…
J’entends ce que vous dites. C’est pour cette raison que j’indique à la Haute Assemblée que le montant de la taxe d’habitation des Français sera celui de l’année 2017 au taux normal, diminué des 30 % décidés par la représentation nationale et le Gouvernement – cela sera très clairement mentionné sur l’avis d’imposition. Nous ferons également figurer sur une petite ligne l’augmentation décidée par le maire. Si un maire décide d’augmenter la taxe d’habitation parce qu’il considère que c’est nécessaire pour financer sa vie locale, cela relève de sa responsabilité, et c’est tout à fait juste. Quelle belle démocratie quand les gens voient qui décide d’augmenter les impôts !
Cela étant dit, je ne suis pas certain que tous les élus locaux opteront pour une augmentation. Ils l’auraient fait si nous avions fait le choix d’une exonération. J’avoue que c’est ce qui nous a largement poussés à choisir le dégrèvement. Sans cela, le comportement municipal ou local que vous évoquez aurait été assez justifié, par nature, mais le dégrèvement donne lieu à la même recette fiscale dynamique.
Je précise que l’exonération se faisant par tiers – j’ai expliqué la chronique –, personne ne se retrouvera dans la situation de ne pas payer d’impôt pendant une période avant de devoir en payer de nouveau ensuite du fait de l’augmentation des taux décidée par le maire.
La question qui se pose est celle de savoir ce que l’on fera au bout de trois ans s’agissant de la redevance, qui est attachée à la taxe d’habitation. Peut-être pourrions-nous tous travailler collectivement à cette autre réforme ?
Lorsque nous aurons trouvé, l’année prochaine je l’espère, la forme concrète que prendra le nouvel impôt local et que nous l’aurons voté, en 2019, je l’espère aussi, nous aurons réglé les problèmes que vous soulevez. Cela étant dit, je ne pense pas qu’il soit politiquement intéressant pour les élus d’augmenter les taux.
M. le président. Mes chers collègues, sur ce sujet d’importance, nous allons poursuivre les explications de vote pour permettre à ceux d’entre vous qui ne sont pas exprimés sur l’article de pouvoir le faire. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Procaccia. Ah non !
M. le président. L’explication de vote est de droit, mais je vous demande d’être très concis.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous avons tout de même bien le droit d’expliquer notre vote, surtout que nous allons, comme vous, voter l’amendement de la commission. Ce n’est tout de même pas si fréquent ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. C’est vrai ! (Sourires.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Alors, prenez votre temps ! (Nouveaux sourires.)
M. Pascal Savoldelli. Cela étant dit, ce n’est pas parce que nous allons voter comme vous que nous sommes dans le fusionnel…
M. Philippe Dallier. On n’en demande pas tant ! (Mêmes mouvements.)
M. Pascal Savoldelli. … ou la confusion.
M. Roger Karoutchi. Oh, ça…
M. Pascal Savoldelli. Je pose la question à d’autres collègues : quelle nouvelle justice fiscale nous apportera l’exonération ?
M. Didier Guillaume. C’est un dégrèvement !
M. Pascal Savoldelli. C’est ce que l’on me répond ! J’ai un petit problème, et ce n’est pas pour polémiquer. Le Gouvernement s’est engagé à réaliser 60 milliards d’euros d’économies au cours du quinquennat. C’est son choix.
J’ai suivi le débat à droite, entre la vraie droite et la droite qui est au gouvernement, et j’ai bien vu qu’il y avait un problème : vous vous renvoyez la question de savoir qui va proposer un nouvel impôt. Pourquoi dis-je cela ?
Comment allez-vous trouver l’argent, monsieur le ministre ? Au travers de la CSG ? Pour l’instant, c’est le cas. Puisque vous êtes allé jusqu’au coude, vous pouvez maintenant monter jusqu’à l’épaule et augmenter la CSG ! Le gain de pouvoir d’achat va vite se réduire comme peau de chagrin, car l’exonération de la taxe d’habitation sera compensée par une hausse de la CSG. C’est déjà le cas dans le projet de loi de finances. Qui me garantit que ce n’est pas là que vous irez chercher l’argent ? Mais peut-être allez-vous me dire que c’est là une affabulation…
Irez-vous chercher l’argent dans la TVA ? Non plus, me dites-vous ! Je vous écoute. Dans la CRDS alors, la contribution au remboursement de la dette sociale ? En tout cas, on le sait, ce ne sera pas dans l’impôt de solidarité sur la fortune. On a compris que cela ne risquait pas d’arriver avec vous au cours du quinquennat !
Telles sont les questions que nous nous posons.
Par ailleurs, on entend tout dire. On est obligé de lire la presse pour savoir ce qui pourrait éventuellement se passer. On a ainsi lu qu’on allait demander au département de partager les droits de mutation avec les communes. Peut-être allez-vous démentir cette information, monsieur le ministre ?… Ai-je de mauvaises lectures ?…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Pascal Savoldelli. Cela signifie que l’on va opposer les collectivités entre elles pour financer un dégrèvement !
Enfin, accorder aux maires de France la grande liberté de décider du taux de l’impôt sur une assiette très faible, pour 20 % de la population, ne me paraît pas être exemplaire en termes de liberté et de confiance, mais peut-être que je me trompe… (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, notre groupe n’est pas favorable à l’ensemble de la politique fiscale du Gouvernement. La suppression de l’ISF et la mise en place de l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, ne sont pas, selon nous, des mesures de justice fiscale ou sociale. Or ce sont précisément ces mesures que nous soutenons.
En revanche, lorsque des mesures nous semblent bonnes, lorsqu’elles vont dans le sens de la justice, nous les votons, sans dogmatisme. À cet égard, Claude Raynal, notre chef de file, s’est exprimé et s’exprimera ultérieurement au nom de notre groupe.
Pour ma part, lorsque je rentrerai ce week-end dans le département de la Drôme, je ne me vois pas dire à un retraité de l’enseignement, qui perçoit 1 600 euros et paie 950 euros de taxe d’habitation, que je n’ai pas voté la suppression de la taxe d’habitation, car je ne suis pas sûr de ce que fera le Gouvernement dans trois ans, et qu’il continuera donc à payer cette somme. Je ne me vois pas non plus dire à de jeunes salariés, mes enfants ou d’autres, que, ne sachant pas ce qui va se passer, je préfère qu’ils continuent de payer une taxe d’habitation injuste et qu’ils ne gagnent pas de pouvoir d’achat !
M. Philippe Dallier. Moi, je le ferai, je l’expliquerai !
M. Didier Guillaume. Avec pragmatisme, parce que cette mesure est bonne – je parle de cette mesure-là – et qu’elle va dans le bon sens, notre groupe votera contre l’amendement présenté par le rapporteur général.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour une explication de vote synthétique !
M. Claude Raynal. Réglementaire tout simplement, monsieur le président !
Je profiterai de l’arrivée de Gérald Darmanin pour lui faire préciser certaines choses. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
En cas d’augmentation de taux, M. le ministre vient de nous dire qu’une nouvelle ligne sur les formulaires fiscaux précisera que cette hausse a été décidée par le maire. C’est une bonne nouvelle !
J’ai interrogé tout à l’heure votre collègue sur le mécanisme de limitation des hausses de taux, mais il n’a pas osé me répondre. Pour l’instant, il est écrit dans le PLF qu’un mécanisme de limitation des hausses de taux décidées ultérieurement par les collectivités sera discuté dans le cadre de la Conférence nationale des territoires. Cela signifie qu’il n’est pas garanti dans le texte que nous examinons aujourd'hui que les collectivités seront autorisées à procéder à une hausse des taux. Or vous venez de dire l’inverse, monsieur le ministre : les taux resteront donc libres pour les collectivités durant ces trois ans. Pouvez-vous confirmer cette position ?