Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 371 rectifié.
M. Guillaume Arnell. L’amendement porté par notre collègue Franck Menonville est identique aux amendements précédents.
Je souhaite ajouter que l’agriculture, tant en France hexagonale que dans les outre-mer, pose aujourd'hui problème. On entend partout les cris des agriculteurs, et il ne me semble pas que ce soit le moment d’ajouter encore de la détresse à une détresse déjà largement exprimée.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 410.
M. Didier Marie. Je veux simplement rappeler que le gouvernement précédent, face aux difficultés rencontrées par les agriculteurs, avait pris la décision de baisser de sept points la cotisation d’assurance maladie et maternité, dès 2016, pour redonner des marges de compétitivité et pour rapprocher les taux de prélèvements sociaux de ceux de nos voisins européens.
Le Gouvernement décide de changer la donne et de passer d’un taux de cotisation maladie et maternité de 3,04 % à un taux progressif de 1,5 % à 6,9 %. Au premier abord, cela pourrait paraître séduisant, puisque les plus faibles revenus en seront les principaux bénéficiaires. Cela étant, quand on examine de près les montants des gains en cause, on s’aperçoit que, pour un revenu annuel de 5 000 euros, le gain serait de 48 euros, que, pour un revenu annuel de 10 000 euros, il ne serait que de 134 euros, que l’opération serait neutre à 13 500 euros et qu’elle deviendrait négative au-delà de cette barre.
On demande donc tout simplement que le taux de 3,04 % soit maintenu et que l’ensemble de la profession agricole puisse en bénéficier.
Rappelons au passage qu’un revenu annuel de 13 500 euros correspond à 75 % du SMIC.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel, pour présenter l’amendement n° 428.
M. Michel Amiel. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n°428 est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour présenter l’amendement n° 436.
M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement étant identique aux précédents, je ne présenterai pas une nouvelle fois son objet.
Je rappelle simplement qu’il tend à rétablir le taux en vigueur de la cotisation d’assurance maladie et maternité des exploitants agricoles ; naturellement le groupe Les Indépendants – République et Territoires – le votera.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 516 rectifié bis.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement étant identique aux précédents, j’ajouterai simplement deux points.
Premièrement, cela fait pratiquement six ans que la profession agricole – les pouvoirs publics le reconnaissent d’ailleurs au fil des années – souffre d’une situation de distorsion de concurrence à l’égard de différents pays de l’Union européenne. Depuis la fixation, le 1er janvier 2016, du taux actuel de cotisation, on a retrouvé un niveau quasiment identique à la moyenne européenne.
Deuxièmement, je suis surpris, monsieur le ministre, que l’on puisse prendre une telle décision, qui fragilise encore un peu plus l’agriculture, quand on sait la place de celle-ci, des agriculteurs de nos territoires et de l’agroalimentaire dans la balance commerciale. En effet, on peut le constater, depuis un certain temps, le niveau des exportations agroalimentaires françaises n’est pas au beau fixe ; il est plutôt en baisse. Ces formes de distorsion de concurrence faisaient partie du débat, eu égard au niveau de revenu des agriculteurs français.
Revenir sur cette décision, présentée comme durable et de nature à redonner de la compétitivité ainsi qu’un peu d’espoir aux agriculteurs, reviendrait à porter un coup vraiment terrible à notre agriculture, à la balance commerciale de notre pays et, surtout, à la force de l’agroalimentaire français.
Voilà ce que je voulais ajouter aux propos de mes collègues, parce que, derrière cela, il y a des femmes et des hommes et il y a toute la puissance de notre agriculture. C’est un signe de reconnaissance du travail quotidien de celle-ci. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Jean-Pierre Decool applaudit également.)
Mme la présidente. L’amendement n° 397 rectifié bis, présenté par Mmes Guidez, Doineau et Dindar, MM. Henno et Mizzon, Mme Billon, MM. Bonnecarrère et Canevet, Mme de la Provôté, MM. Delcros et Détraigne, Mme Gatel, MM. L. Hervé et Janssens, Mme Joissains, MM. Kern, Lafon et Laugier, Mmes Létard et Loisier, MM. Longeot, Louault, Marseille et Maurey et Mme Sollogoub, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 32
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Pour les personnes mentionnées aux 1°, 2° et 5° de l’article L. 722-10, le taux de la cotisation d’assurance maladie et maternité assise sur les revenus professionnels du chef d’exploitation ou d’entreprise agricole ou sur l’assiette forfaitaire définis aux articles L. 731-14 à L. 731-21 est plafonné à 3,04 %.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Le Gouvernement a engagé une transformation du régime social des indépendants. Confier la protection sociale des indépendants au régime général suppose d’harmoniser les cotisations et les prestations y afférent. En alignant la protection sociale des agriculteurs sur le régime général, la rédaction actuelle de l’article 7 aurait pour effet de baisser le taux des cotisations jusqu’à 1,5 % pour les exploitations agricoles les plus modestes.
En revanche, pour les agriculteurs dont les revenus professionnels sont supérieurs à 20 000 euros, cette harmonisation se traduirait par l’annulation d’une partie de la baisse de charges du taux de la cotisation d’assurance maladie et maternité de sept points, décidée en 2015.
Aussi, pour ces exploitations agricoles, le taux de cotisations pourrait passer de 3,04 % à 6,5 %, selon le montant des revenus professionnels.
Il est, par conséquent, proposé de plafonner le taux de la cotisation d’assurance maladie et maternité des agriculteurs à 3,04 %, afin que la réforme envisagée par le Gouvernement permette une harmonisation par le haut pour notre agriculture, dont la compétitivité est essentielle, je le rappelle, pour notre pays.
Mme la présidente. L’amendement n° 215 rectifié, présenté par MM. Botrel, Daudigny et Guillaume, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, MM. Fichet, Cabanel et Kerrouche, Mme Cartron et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le a du 2° du II du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2019.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Le présent amendement prévoit le report de la modification du dispositif de cotisations sociales agricoles, le temps qu’une évaluation réelle des conséquences puisse avoir lieu, afin de mieux calibrer un dispositif qui pénaliserait en l’état, d’après les premières estimations, 30 % à 40 % des agriculteurs, ceux qui gagnent plus de 1 300 euros nets par mois.
L’instauration d’un système plus progressif n’est pas mise en cause, mais il conviendrait indubitablement de mieux calibrer le dispositif, pour éviter de précariser des personnes qui se trouvent déjà dans une situation difficile.
Il s’agit non pas d’un amendement de suppression, mais d’une proposition de report d’un an de la mesure.
Au surplus, la tenue des états généraux de l’alimentation pourrait permettre de disposer d’une traduction législative plus adéquate au traitement de ce sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Tout le monde l’aura compris, cet amendement vise à supprimer le principe de la réduction dégressive de la cotisation maladie des exploitants agricoles.
Le taux de la réduction est fixé par voie réglementaire. En mars 2016, dans le cadre d’un plan d’urgence pour l’agriculture, le Gouvernement avait baissé uniformément de sept points, sans considération du revenu, le taux de cotisation des exploitants agricoles, qui a ainsi été fixé à 3,04 % pour les années 2016 et 2017.
Cette mesure a été financée par le ministère de l’agriculture, pour un montant de 520 millions d’euros. D’après l’étude d’impact, la moitié de cette somme, j’y insiste, a bénéficié aux 15 % des exploitants agricoles dont les revenus sont les plus élevés.
M. Michel Raison. C’est normal, c’était sans condition de ressources !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je le précise, mon cher collègue. Ce sont les chiffres ; j’essaie d’être clair.
Dans le cadre de l’article 7, dont nous discutons, il est prévu d’harmoniser le taux de cotisation maladie des exploitants agricoles avec celui des autres travailleurs indépendants, avec une réduction dégressive allant de 1,5 % à 6,5 %, selon le revenu. Le coût est de 400 millions d’euros pour la sécurité sociale, sans compensation. D’où la différence de 120 millions d’euros, que vous avez évoquée, qui n’iront pas à l’agriculture.
Le dispositif proposé est néanmoins plus ciblé sur les agriculteurs à bas revenus, pour lesquels la cotisation maladie est divisée par deux. Au total, selon les chiffres fournis – peut-être M. le ministre pourra-t-il les confirmer ou les infirmer –, 57 % des exploitants agricoles seraient gagnants avec la mesure proposée.
La commission s’est déterminée en essayant de savoir quelle était la mesure la plus juste pour les exploitants agricoles. Peut-être pourrait-on trouver une voie encore plus juste, me direz-vous. Certes, mais je pense, pour ma part, que la proposition va dans le sens de ce que nous entendons depuis deux, voire trois ans, à savoir qu’il faut aider les agriculteurs les plus en difficulté.
C’est la raison pour laquelle, compte tenu des éléments à sa disposition, la commission a émis un avis défavorable sur ces différents amendements, même si j’émets des réserves ; j’attends l’avis du Gouvernement.
Cela dit, nous ne sommes évidemment pas contre les exploitants agricoles ; nous essayons simplement d’être objectifs.
M. Laurent Duplomb. Ce n’est pas leur envoyer un signal positif !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. S’il y a un différentiel de 120 millions d’euros, je propose que celui-ci reste dans les caisses agricoles, sous une forme ou sous une autre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est une question importante. Vous avez raison, un revenu annuel de 13 000 euros ne constitue pas un revenu important.
Mme Françoise Férat. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Gérald Darmanin, ministre. J’y reviendrai, mais personne ne prétend cela.
Je veux remercier le rapporteur général de l’honnêteté de sa présentation, car il a parlé d’or : ses mots sont justes et ses chiffres ne sont pas contestables.
En revanche, il y a des choix politiques et budgétaires. Quel est le fond de cette affaire ?
Un certain nombre d’entre vous l’ont rappelé, sans jamais préciser qu’il s’agissait d’une mesure pérenne, en 2015 – l’année qui précédait l’élection présidentielle, vous l’aurez remarqué –, au moment de la crise du lait, le ministre de l’agriculture avait expliqué qu’il fallait procéder à une baisse de cotisation très importante, mais temporaire. Ainsi, aujourd’hui, dans le cadre de la réforme de la CSG et de l’alignement sur les indépendants, nous devons rediscuter de ce dispositif pour le pérenniser.
En effet, si l’on considère, en miroir, le projet de loi de finances, les conséquences de nos décisions, passées ou actuelles, se traduisent aussi par des crédits budgétaires. Il ne s’agit pas que de cotisations que l’on baisserait ou que l’on augmenterait. La mesure que vous propose aujourd’hui le Gouvernement est largement supérieure, pour toutes les catégories d’agriculteurs, les plus aisés comme les moins aisés – on sait qu’ils sont majoritairement peu aisés. Tous les agriculteurs seront bénéficiaires par rapport au régime de 2015, qui était en vigueur avant la mesure gouvernementale exceptionnelle de 2016 ; aucun agriculteur ne connaîtra une situation stagnante ou défavorable par rapport à l’année 2016.
C’est le premier point, et je vous prie de m’en excuser, car je ne veux pas alourdir nos débats par des déclarations qui pourraient passer pour de la provocation. Il n’y a là nulle provocation, connaissant les difficultés très fortes vécues par ces personnes extrêmement courageuses – je le sais pour en connaître dans mon territoire. Néanmoins, si le gouvernement de l’époque avait tenu ce genre d’argumentation, on ne serait pas en train d’en discuter maintenant, on parlerait d’un système pérenne.
Deuxième point, je ne peux pas accepter que l’on dise que le ministère de l’agriculture ne sait pas ce que l’on fera des 300 millions d’euros. Monsieur le sénateur, soyons raisonnables ! Le rapport de la Cour des comptes a démontré que la dérive budgétaire du ministère de l’agriculture au cours du quinquennat précédent représentait 7 milliards d’euros, et la France est incapable, depuis des années, de se mettre en accord avec la politique européenne. D’où des apurements communautaires qui nous coûtent une fortune.
Ainsi, demain, je vais de nouveau devoir présenter au conseil des ministres un projet de loi de finances rectificatives ouvrant 1 milliard d’euros de crédits pour le ministère de l’agriculture, ce que nous ferons, évidemment.
Il s’agit certes de remédier à des difficultés climatiques ; à cela, on ne peut pas faire grand-chose, si ce n’est prévoir des provisions pour risques, ce que nous allons faire, car c’est de bonne gestion – même s’il est bien difficile de prévoir ce qui se produira pour telle ou telle crise sanitaire, il faut tout de même provisionner. Mais il s’agit aussi de prévoir 700 millions d’euros – rien que pour cette année ! – d’apurements communautaires. Comme c’est forfaitaire, on ne peut pas réclamer aux agriculteurs, c’est bien logique, des aides qu’ils ont touchées indûment des années plus tôt – connaissant leurs difficultés, il serait à la fois difficile et inhumain de les réclamer. Et tout cela, parce que nous sommes incapables de nous mettre en ligne avec la politique communautaire !
Cela nous conduit à payer des centaines de millions d’euros – la Cour des comptes évoque jusqu’à 7 milliards d’euros sous le quinquennat précédent –, alors que tout cet argent pourrait utilement être utilisé pour l’agriculture française.
Il n’est donc pas juste et, surtout, il n’est pas raisonnable d’affirmer, dans votre démonstration, que le Gouvernement mettrait 300 millions d’euros de côté sans savoir à quoi servira cette somme.
Ne vous inquiétez pas ! La première chose que nous avons faite en arrivant aux responsabilités, comme M. le rapporteur général de la commission des finances a bien voulu le souligner, c’est de nous atteler à la sincérisation du budget, notamment du budget du ministère de l’agriculture, qui, objectivement, ne permettait ni un bon contrôle du Parlement ni une bonne relation de confiance avec les agriculteurs, avec des chiffres qui dépassent l’entendement.
Troisième point, comme M. le rapporteur général l’a dit avec justesse, vous nous proposez à peu près 300 millions d’euros de dépenses supplémentaires, j’y reviendrai ultérieurement, soit un gain de pouvoir d’achat important, si j’ose dire, pour les 15 % d’agriculteurs les plus aisés, alors que la position du Gouvernement vise à proposer une augmentation – et non une stagnation – du pouvoir d’achat pour quasiment les deux tiers d’entre eux – 60 % selon mes chiffres, à quelques chiffres près, monsieur le rapporteur général.
Je suis tout à fait d’accord avec vous, madame la sénatrice, un revenu annuel de 13 000 euros, c’est un problème !
Mme Françoise Férat. C’est pire que cela !
M. Gérald Darmanin, ministre. Toutefois, et c’est mon quatrième point, la difficulté profonde du système agricole français est un problème non pas de cotisations, mais de prix.
On peut s’écharper pendant des jours et des nuits – vous aurez raison et, sans doute, moi aussi ! –, la difficulté des agriculteurs français, qui a alimenté la réflexion des états généraux de l’alimentation et mobilisé les différents gouvernements, tient au fait qu’ils ne vivent pas du fruit de leur travail. C’est un vrai sujet.
On peut toujours jouer sur les cotisations, mais la difficulté structurelle, au-delà du débat sur la baisse des cotisations, qui, certes, pourrait aider les agriculteurs, est un problème profond de prix. Ce n’est pas qu’un problème de cotisations, on est bien d’accord.
M. Pierre Ouzoulias. Quelle est la solution ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Enfin, je veux rappeler à votre assemblée que le ministère de l’agriculture travaille en ce moment – de nombreux sénateurs, de toutes les sensibilités politiques participent à ce travail – à une transformation profonde du monde agricole dans ses relations aux lieux de consommation et à la grande distribution, de manière que les agriculteurs puissent vivre du fruit de leur travail et payer des cotisations comme tous les indépendants. Intervenir nuitamment pour proposer une dépense fiscale supplémentaire ne suffira pas à régler le problème, même si l’on supprimait les cotisations, vu le bas niveau de revenu des agriculteurs. Vous le savez mieux que moi, ces derniers veulent vivre du fruit de leur travail, ce qui n’est pas possible aujourd'hui, loin s’en faut.
M. Jean Sol. Et en attendant ?
M. Gérald Darmanin, ministre. En attendant, nous proposons une augmentation de 60 % du pouvoir d’achat pour ceux qui sont le plus en difficulté et dont les revenus sont très bas.
La semaine dernière, il m’a semblé entendre, dans cet hémicycle, avec des mots extrêmement durs, que nous ne faisions pas assez d’efforts sur la sécurité sociale – je ne sais pas si vous étiez tous présents ; M. Vanlerenberghe, qui était là, peut en témoigner. J’ai entendu qu’il fallait faire beaucoup plus sur le budget du PLFSS – certains réclamaient même deux fois plus d’économies.
Or, en l’espace de quinze minutes, vous avez adopté un amendement qui fait perdre 4,5 milliards d’euros de recettes fiscales, et vous allez – sans doute – maintenant voter une dépense supplémentaire de 300 millions d’euros. Autrement dit, en un quart d’heure, la chambre haute a dégradé la copie gouvernementale de 5 milliards d’euros ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Nous tenons un discours raisonnable. Il est vrai que je m’adressais plutôt à la partie droite de l’hémicycle, puisque ce n’est pas de ce côté-ci, j’en conviens, que l’on me demande de faire plus d’économies… (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Si vous considérez qu’une dette de 2 200 milliards d’euros ne pose pas problème, on peut continuer ainsi, mais le prochain ministre des comptes publics viendra sans doute vous annoncer que la dette s’élèvera alors à 3 000 milliards d’euros.
Ayons un débat – je ne dis pas que le débat est médiocre –, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, sur les économies que vous proposez par ailleurs, si vous pensez que c’est une solution importante. Mais vous gagez vos propositions sur le tabac.
M. Laurent Duplomb. Les agriculteurs font des économies tous les jours !
M. Gérald Darmanin, ministre. Les agriculteurs en font tous les jours, l’école en fait tous les jours, les collectivités locales en font tous les jours, la santé en fait tous les jours, les quartiers en font tous les jours, la ruralité en fait tous les jours… (M. Laurent Duplomb s’exclame.) C’est un débat de responsabilités. Je suis tout à fait preneur d’un tel débat, mais nous sommes dans une discussion budgétaire.
Vous avez gagé votre proposition sur le tabac. Il s’agirait d’augmenter le paquet de cigarettes de 1,50 euro, qui s’ajoutera au prix de dix euros prévus, si je comprends bien. Le Gouvernement peut toujours lever le gage, mais il faut trouver des économies par ailleurs.
Pour toutes ces raisons, et j’en profite pour remercier une nouvelle fois le rapporteur général de son honnêteté et de sa démarche, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Arrêtons un seul instant de nous intéresser aux seules cotisations. Attachons-nous à la difficulté profonde du monde de l’agriculture, que vous connaissez bien, à savoir les prix. Les agriculteurs veulent vivre du fruit de leur travail et, comme tous les indépendants, payer leurs cotisations, à condition évidemment qu’il leur reste quelque chose à la fin du mois.
Telle est la vision d’ensemble du Gouvernement.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, pouvez-vous me confirmer que vos avis défavorables valent pour tous les amendements en discussion commune ? (M. le rapporteur général et M. le ministre le confirment.)
La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, permettez-moi de faire quelques remarques.
Monsieur le ministre, je ne veux pas me bagarrer sur les chiffres, mais nous n’avons jamais demandé ici la suppression de la taxe d’habitation, qui va coûter 10 milliards d’euros au pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annie Guillemot applaudit également.) Par rapport à ces 10 milliards, notre amendement à quelques millions d’euros ne pèse pas lourd.
M. Michel Raison. Deuxième remarque, contrairement à d’autres problèmes, notamment les relations avec la grande distribution, la vente des denrées agricoles est en effet très spécifique, mais ce problème ne concerne pas que la France. C’est un problème agricole mondial, parce que le cours des denrées agricoles est généralement européen et mondial. Vous le savez ?…
Vous ne pouvez donc pas nous raconter, à nous, ce soir que, après les assises de l’alimentation, parce qu’il y a du renouveau dans la politique, les agriculteurs seront payés en fonction de leur prix de revient. Nous savons que ce ne sera pas possible. Même si l’on peut introduire une notion de prix de revient dans le contrat agricole entre le producteur et le transformateur, le premier acheteur, aucun acheteur ne signera de contrat si celui-ci est établi sur un prix de revient fixé pour cinq ans, sans connaître le cours de sa marchandise, qu’il subira quand il aura à vendre ses produits transformés. C’est une spécificité de l’agriculture, et c’est la raison pour laquelle, comme l’a dit mon collègue Daniel Gremillet, il faudrait aussi trouver des solutions pour se rapprocher du niveau de la compétitivité des autres pays.
Vous avez quasiment opposé les 50 % d’agriculteurs qui gagnent le moins, qui sont en difficulté, à ceux qui, peut-être parce qu’ils ont des méthodes de gestion un peu plus modernes, arrivent à équilibrer leurs comptes. Mais savez-vous pourquoi ces derniers parviennent à les équilibrer ? Parce qu’un agriculteur qui gagne 20 000 euros – j’ai eu des débats, il y a fort longtemps, avec un certain nombre de directeurs de chambres d’agriculture, qui ne l’avaient eux-mêmes pas très bien compris, voyez-vous ! – et se verserait un salaire de 20 000 euros coulerait sa ferme dans les deux ans ! Il paie des charges sociales sur un revenu dont il ne dispose pas comme salaire. (En effet ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
C’est l’un des rares métiers à être dans cette situation. Un peintre a des pots de peinture, des pinceaux et une camionnette. Qu’il soit producteur de lait, de vaches allaitantes ou de porcs ou céréalier, le paysan a des stocks : des stocks en animaux dans des bâtiments, des stocks en terre s’il est céréalier… Ces stocks doivent être financés. S’il contracte chaque année un prêt à court terme à la banque pour financer ces stocks, l’agriculteur se retrouve en cessation de paiement au bout de deux ans.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé ces types d’amendements, monsieur le ministre. Nous connaissons tout de même un peu la manière dont se fabrique un prix agricole et la rotation très longue des capitaux et des stocks très importants en terre, en élevage et en autres denrées dans une exploitation agricole. Si vous le voulez, nous vous invitons à venir visiter quelques exploitations agricoles. Vous pourrez y voir un certain nombre de choses et y entendre des propos un peu plus détaillés sur ces questions.
L’agriculture est très spécifique.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Michel Raison. Elle ne fonctionne pas comme les autres secteurs économiques.
Je vous remercie de votre patience, madame la présidente ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Tout d’abord, je veux préciser que nous voterons l’ensemble des amendements en discussion commune, à l’exception du dernier.
Comme cela a été largement rappelé, leur vote est une nécessité pour l’ensemble de la profession agricole.
Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos arguments, mais, quel que soit le nom qu’on lui donne, la paysannerie française ne peut plus attendre. J’entends ce que vous dites sur les états généraux de l’alimentation pour l’avenir de l’agriculture, mais nous ne pouvons pas attendre encore et reporter les décisions qui en sortiront et les textes de loi qui en découleront à l’année suivante, voire à celle d’après. Agissons année après année ! Pour l’heure, nous discutons du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
Nous verrons ce qui sortira réellement des états généraux et votre capacité alors à vous attaquer vraiment à la question des prix et à la manière dont les paysannes et paysans de notre pays peuvent aujourd'hui vivre de leur travail.
Nous verrons la volonté réelle du Gouvernement de s’attaquer à la grande distribution, qui accroît d’année en année la pression sur l’ensemble des prix agricoles dans notre pays.
Nous verrons, monsieur le ministre, la volonté qui est la vôtre, dont je ne doute pas, mais qui sera certainement très différente de celle que vous avez manifestée ces dernières années, quand vous étiez beaucoup plus proche de la majorité sénatoriale, la seule que vous daignez écouter pour ce qui concerne les explications de vote…
J’ai bien entendu vos arguments et vos commentaires. Je peux moi aussi beaucoup dire sur le précédent gouvernement, mais je crois qu’aujourd’hui les Françaises et les Français attendent autre chose de votre gouvernement. Vous nous avez d'ailleurs expliqué, pendant toute une campagne électorale, que vous alliez faire de la politique différemment, de manière moderne. Finalement, vous ne nous dites rien de neuf, si ce n’est que vous êtes obligé d’agir comme vous le faites, parce que cela n’a pas été bien fait auparavant.
Pour ma part, monsieur le ministre, je pense que, ce soir, au Sénat, en votant un certain d’amendements, nous avons la possibilité de prendre des décisions et de nous inscrire dans une logique qui répondra, demain, aux attentes des femmes et des hommes des professions agricoles de notre pays. Eh oui, vous aurez alors à en tirer les conséquences budgétaires en travaillant sur les recettes, parce que, vous le savez bien mieux que moi, un budget peut être équilibré par une augmentation des recettes ou par une réduction des dépenses. L’un ne va pas sans l’autre. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Annie Guillemot applaudit également.)