M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il s’agisse des ressources de la protection sociale, de son organisation ou des défis à relever pour la moderniser dans la période qui s’ouvre, ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat est porteur de réformes significatives. Nous attendons avec intérêt, madame la ministre, les projets que vous avez évoqués concernant l’accès aux soins et, notamment, la réforme des retraites.
Face à l’allongement de l’espérance de vie, au vieillissement, à la dépendance, au développement des maladies chroniques, mais aussi des thérapies personnalisées et des prises en charge innovantes, nous ne pourrons plus injecter de nouvelles recettes sans mettre à mal le pouvoir d’achat des actifs et la compétitivité des entreprises.
C’est donc dans la pertinence des actes et des prises en charge, dans la maîtrise médicalisée des dépenses, dans la recherche du meilleur soin au meilleur coût et au bon moment pour le patient que nous trouverons les ressources nécessaires pour faire de la place à l’innovation et aux besoins sociaux de la population. Le dossier médical partagé, le DMP, tant attendu, pourra y contribuer.
Le Sénat tient ce discours, et le répète, depuis longtemps. Je suis heureux, madame la ministre, de le voir enfin entendu, lorsque vous reprenez à votre compte l’impératif de la lutte contre les actes inutiles. Enfin, la politique du rabot, qui nuit tant à nos hôpitaux, cède la place à la recherche de l’efficience ! Bien sûr, c’est plus difficile, cela bouscule un peu les positions acquises. Mais vous nous trouverez à vos côtés dans cet engagement, parce que c’est l’avenir de notre système de protection sociale, au cœur de l’identité de notre pays, qui est en jeu.
La stratégie de santé que vous proposez affiche une autre priorité, la prévention. Nous trouvons, notamment dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, des taxes comportementales sur le tabac et les boissons sucrées, qui répondent à cet objectif et que nous approuvons.
Pour ce qui concerne les ressources de la sécurité sociale, la CSG est réaffirmée comme l’impôt de la protection sociale, en substitut de cotisations salariales, avec, à la clé, pour les actifs, plusieurs milliards d’euros de gains de pouvoir d’achat. Notre commission partage le constat selon lequel il convient de diversifier les recettes de la sécurité sociale, afin que son coût ne repose pas uniquement sur le travail. Mais cette réforme a été mal expliquée et, par conséquent, mal comprise. Seule l’augmentation de la CSG a été retenue parmi les annonces, en raison, notamment, du sort fait à certaines catégories de retraités, qui ne bénéficient ni de l’exonération ni du taux réduit.
À titre personnel, je l’ai dit en commission des affaires sociales, je ne suis pas hostile à une convergence progressive de la CSG des retraités et des actifs, dans la mesure où les niveaux de vie sont aujourd’hui comparables. Mais cette hausse n’est pas une convergence ; elle est perçue comme injuste et punitive, notamment pour les tranches supérieures, lesquelles ne bénéficieront d’aucune compensation, par exemple par le biais de la suppression de la taxe d’habitation.
C’est pourquoi la commission des affaires sociales a marqué son opposition à cette mesure, et vous engage à explorer d’autres pistes, moins stigmatisantes.
Après les ménages, le texte s’adresse aussi aux entreprises, avec la baisse des cotisations pour les indépendants, l’année blanche pour les créations d’entreprises et la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en réduction de cotisations sociales.
Cette dernière s’opère par une réduction de 6 points du taux de cotisation maladie jusqu’à 2,5 SMIC. Le coût de cette mesure serait de 21,6 milliards d’euros. Elle se traduit également par un approfondissement des allégements généraux de cotisations au voisinage du SMIC, qui concernerait les contributions patronales d’assurance chômage et les cotisations aux régimes complémentaires de retraite. Au niveau du SMIC, les cotisations seraient donc résiduelles. Cet approfondissement des allégements généraux représente 3,3 milliards d’euros.
En 2019, les entreprises bénéficieront donc du versement du CICE dû au titre de 2018 et des réductions de cotisations, ce qui représente un effort plus que significatif.
Pour les entités bénéficiaires du crédit d’impôt de taxe sur les salaires, le CITS, – je pense notamment à l’aide à domicile –, le gain est de 800 millions d’euros.
Le positionnement des allégements sur les bas salaires a paradoxalement donné lieu à peu de débats, alors que les effets sectoriels de ces choix ne sont pas négligeables : les allégements généraux sur les bas salaires bénéficient prioritairement à des entreprises de petite taille, dans des secteurs peu exposés à la concurrence internationale. Ils ne profitent que faiblement à l’industrie.
Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’est exprimé sur la nécessité de réfléchir aux prélèvements sociaux sur les salaires plus élevés, et notre commission souhaite que ce débat soit ouvert.
La transformation du CICE nous offre l’occasion de revisiter toute une série de dispositifs sectoriels de réductions de cotisations. La réduction des fameuses « niches sociales » est un serpent de mer, et les tentatives, anciennes ou récentes, se sont soldées par des échecs : le cadre général étant désormais très incitatif sur les bas salaires, il serait souhaitable qu’elle aboutisse enfin.
S’agissant de la protection sociale des travailleurs indépendants, la commission des affaires sociales a pris acte du principe de l’intégration du RSI au régime général, tout en mettant en garde le Gouvernement. Sur ce sujet sensible, nous n’avons plus le droit à l’erreur, madame la ministre. Il faut apprendre de celles du passé ! Cette réforme exige un portage politique sans relâche, des systèmes d’information efficaces et, surtout, une attention constante aux acteurs de cette protection sociale, qu’il s’agisse des salariés du régime ou des indépendants, aux attentes légitimes. Pour reprendre les mots de nos collègues Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy, il faut restaurer la confiance. Vous trouverez notre commission vigilante sur ce dossier. Elle a adopté plusieurs amendements, qui soulèvent autant de questions sur lesquelles nous souhaitons que vous puissiez vous engager : l’accueil des travailleurs indépendants dans le nouveau schéma, le pilotage de la réforme, les systèmes d’information ou encore l’assiette des cotisations et leur paiement.
S’il est une population pour laquelle le prélèvement à la source a du sens, ce sont bien les travailleurs indépendants, dont les revenus se caractérisent par une forte volatilité.
Il faut traiter ces questions, faute de quoi la réforme passera à côté des sujets de préoccupation des indépendants et risque de décevoir. Plus encore, elle est le test de la capacité de ce gouvernement à réformer notre protection sociale. Nous n’oublions pas que se profile ensuite la réforme des retraites.
Ces différentes réformes et la perspective d’un retour à l’équilibre des comptes sociaux ne doivent pas faire oublier les déficits passés, qui représenteront 21,3 milliards d’euros, portés par l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, à la fin de l’année 2018.
S’agissant de la dette sociale n’ayant pas été transférée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, faute de contreparties suffisantes pour l’amortir, notre commission est particulièrement mobilisée. Les montants en jeu sont importants, alors que l’équilibre n’est pas acquis. Ils sont portés en trésorerie et potentiellement exposés à l’augmentation des taux d’intérêt à court terme.
Pour ce qui concerne cette dette, les intentions du Gouvernement sont à clarifier. Il a été indiqué devant notre commission que les excédents futurs des différentes branches viendraient la résorber à partir de 2019. Dans le même temps, le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit le plafonnement de l’excédent des comptes sociaux à partir de 2019, légèrement au-dessus du niveau de l’amortissement opéré par la CADES, dont le montant s’élève encore à 131 milliards d’euros. Ainsi n’y aura-t-il pas de marge de manœuvre pour résorber la dette supplémentaire de l’ACOSS.
Notre commission s’interroge très fortement sur l’opportunité d’une telle démarche, et même sur sa rationalité économique. La dette sociale est une anomalie qu’il convient de faire disparaître au plus vite. Si notre commission est tout à fait prête à un débat sur les relations financières entre l’État et la sécurité sociale, le maintien de la dette sociale à court terme, en raison du transfert à l’État des excédents sociaux, ne lui paraît pas de bonne politique.
Telles sont les principales observations que je souhaitais faire, au nom de la commission des affaires sociales, sur ce PLFSS.
Dans la crise de défiance que nous vivons, il faut faire la démonstration de notre capacité à retrouver et à conserver l’équilibre des comptes sociaux, à assurer la pérennité du système de retraite, grâce à la réforme systémique que le Sénat appelle de ses vœux, et à garantir la transparence et l’équité du système de soins. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale trace quelques pistes, forcément insuffisantes, parfois risquées, encore à consolider, mais que notre commission souhaite encourager.
C’est pourquoi, sous réserve de l’adoption des amendements qui vous seront présentés par les rapporteurs, la commission des affaires sociales vous propose, mes chers collègues, d’adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Deroche, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’assurance maladie représente près de 200 milliards d’euros de dépenses, dont la croissance naturelle demeure dynamique et le restera. Elle porte également une part prépondérante du déficit des comptes sociaux.
Dans ce contexte, la trajectoire de retour à l’équilibre de la branche est un objectif que, bien entendu, nous partageons, bien qu’il s’agisse, nous le savons, d’un objectif exigeant. Il implique, dans la durée, des changements plus profonds que de simples ajustements, vécus chaque année dans la tension par les acteurs du système de santé. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale laisse, à cet égard, nombre d’observateurs interrogatifs, tant les attentes sont fortes.
Sans que le texte traduise encore des choix stratégiques, la commission des affaires sociales a estimé qu’il présentait, s’agissant de la branche maladie, des inflexions positives. Elle a ainsi salué l’accent porté sur la prévention, l’innovation et la pertinence des soins. Elle a apporté son soutien à l’extension de la vaccination obligatoire des jeunes enfants, comme au renforcement de la fiscalité du tabac. Elle a également approuvé le cadre expérimental pour l’innovation et le déploiement tant attendu de la télémédecine, qui apportera une réponse – ce ne sera pas la seule – aux enjeux de l’accès aux soins.
Notre système de santé ne se transformera pas sans la confiance de ses acteurs de terrain et, en premier lieu, des professionnels de santé. Les expérimentations devront offrir un cadre souple, associer l’ensemble des acteurs, soutenir les initiatives locales, pour déboucher, nous le souhaitons, sur des évolutions pérennes. Tel est le sens de plusieurs amendements que je présenterai.
Dans le même objectif d’accompagnement de l’innovation, la commission a souhaité rétablir la procédure accélérée d’inscription des actes à la nomenclature, tout en préservant le rôle dévolu aux professionnels de santé.
Elle a aussi regretté que les enjeux de l’accès précoce des malades aux traitements innovants soient absents du texte. Des adaptations du dispositif des autorisations temporaires d’utilisation, les ATU, sont souhaitées par les professionnels médicaux, en particulier pour faciliter les extensions d’indications. Les règles de recevabilité financière ne me permettent pas de proposer une telle évolution. Toutefois, je présenterai un ajustement plus technique sur cette question. Madame la ministre, pourrez-vous nous préciser vos intentions sur ce sujet, qui mériterait, me semble-t-il, une remise à plat globale ?
En ce qui concerne la maîtrise des dépenses de santé, la commission apprécie et soutient l’approche fondée sur la pertinence des soins. Cependant, sa traduction dans le texte demeure encore trop partielle et, parfois, discutable.
S’agissant ainsi de la régulation du dispositif médical, la commission a jugé nécessaire d’adapter les mesures proposées à la réalité de ce secteur économique, car il est important de ne pas fragiliser le tissu des petites entreprises. Ce sont des acteurs essentiels en matière de prise en charge en ambulatoire que vous souhaitez, à raison, consolider.
Pour terminer, je formulerai trois remarques.
La commission salue, madame la ministre, votre décision pragmatique sur le tiers payant. Sachez que nous restons opposés à toute obligation au-delà des publics prioritaires.
La confiance des professionnels de santé est aussi en jeu dans les discussions en cours avec les chirurgiens-dentistes. Vous savez notre attachement à la négociation conventionnelle. La commission a validé le report du règlement arbitral, à laquelle elle s’était toujours opposée, mais elle sera attentive à ce que les engagements pris soient tenus. Pourrez-vous nous donner, madame la ministre, au cours des débats, des assurances à ce sujet ?
Enfin, le plan que vous avez annoncé en faveur de l’accès aux soins est très attendu dans nos territoires. Je souhaite à cet égard attirer votre attention sur les complémentarités nécessaires entre les établissements publics et privés de santé. La possibilité, pour ces derniers, de se voir confier des missions de service public serait une reconnaissance fortement attendue de leur rôle dans l’offre de soins. Pourrez-vous nous faire part de vos orientations sur cette question ?
Telles sont les observations que je souhaitais formuler concernant l’assurance maladie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Bonne, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec honneur et gravité que je rapporte pour la première fois devant vous les crédits consacrés par l’assurance maladie au financement du secteur médico-social.
Les chiffres peuvent a priori paraître satisfaisants. Un ONDAM médico-social à 20,5 milliards d’euros, en progression de 2 % par rapport à 2017, confirme l’effort entrepris en faveur des publics handicapés et en perte d’autonomie. Les autres produits affectés au financement des dépenses de soins en établissement, essentiellement de nature fiscale, ne peuvent faire l’objet de la même prévision, mais on anticipe pour l’ensemble de ces dépenses un montant global de 22 milliards d’euros en 2018.
Le Sénat maintiendra sa vigilance quant au suivi de ces dotations. Trop de mesures nouvelles ont été annoncées sans connaître de réalisation effective au cours des exercices précédents pour que nous placions une confiance aveugle dans les 515 millions d’euros supplémentaires promis par le Gouvernement.
Nous serons attentifs à ce que les plans de création de places voient le jour et que leur lancement subisse moins d’entraves administratives. Certes, le Gouvernement y veille en partie par l’introduction de la caducité partielle, mais nous devrons pousser plus loin la réflexion en questionnant en profondeur le modèle des appels à projets et l’extension de leur champ d’exonération.
La restructuration de l’offre médico-sociale est l’un des plus grands défis de ces prochaines années. C’est un chantier engagé depuis quelques années par des gouvernements qui ont rénové par retouches successives les modes de tarification des établissements, soumettant certains d’entre eux, ainsi que leur régime contractuel, à de brusques déséquilibres budgétaires.
Ces réformes, qui approfondissent la responsabilisation des gestionnaires, vont dans le bon sens ; nous les accueillons favorablement. Mais nous aurions préféré qu’elles fassent l’objet d’une concertation préalable de grande ampleur, en associant étroitement les acteurs des secteurs du grand âge et du handicap, plutôt que d’être glissées par fragments, de PLFSS en PLFSS, sans qu’aucun discours pédagogique vienne rassurer les gestionnaires ou les familles. L’attention très récemment portée par les médias à ces questions ne vous a-t-elle pas convaincue, madame la ministre, de l’impérieuse nécessité de parler, de partager, de communiquer sur ces réformes, au lieu de les concevoir dans l’ombre des cabinets et des administrations ?
Aujourd’hui, ce sont les EHPAD, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, qui sont dans l’inquiétude. Nombre d’entre eux, particulièrement au sein du secteur public, s’estiment lésés par la réforme de la dotation à l’autonomie, conduite dans une opacité regrettable s’agissant de mesures en apparence paramétriques, mais aux incidences bien réelles.
Ce n’est que cet été que les acteurs de la prise en charge du grand âge ont pris conscience des retombées fâcheuses qu’un décret de décembre 2016 pouvait avoir sur leur budget. Entre-temps, les enquêtes menées par vos services ont apporté quelques éléments susceptibles de les rassurer ; quelques défauts méthodologiques ont néanmoins été soulevés et la représentation nationale ne s’estime pas totalement apaisée sur ce point.
Pouvez-vous réaffirmer aujourd’hui devant nous, madame la ministre, que les pertes subies par les EHPAD publics seront intégralement couvertes par les financements d’appui de 28 millions d’euros que vous annoncez ? Pouvez-vous garantir que cette réforme ne nous fera pas à terme courir le risque d’une déshabilitation massive à l’aide sociale ?
La commission des affaires sociales du Sénat a souhaité, pour sa part, contribuer à la lisibilité de la réforme de l’offre médico-sociale, en accompagnant le mouvement de contractualisation pluriannuelle et en sécurisant le régime de la caducité partielle. Elle a également apporté quelques modifications substantielles à la participation des conseils départementaux au secteur médico-social, en favorisant la fongibilité entre les deux tranches de l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, et en permettant un rapprochement des CLIC, les centres locaux d’information et de coordination, et des MAIA, les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales se félicite tout d’abord de la bonne santé financière de la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Cette dernière est en effet bénéficiaire, ce qui est toujours encourageant. Il est vrai que les entreprises sont à l’origine, par leurs cotisations, de la totalité des recettes. Ainsi, malgré de nouvelles dépenses mises à sa charge, le solde prévisionnel de la branche s’élèverait à 500 millions d’euros en 2018. Ce résultat est d’autant plus remarquable que son financement repose intégralement, je le répète, sur les employeurs, qui ont consenti des efforts répétés ces dernières années pour apurer la dette. Car celle-ci, je le rappelle, ne fait pas l’objet de reprises par la CADES, contrairement à ce qui s’est passé pour les autres branches.
Compte tenu de cette situation, nous regrettons que les mesures nouvelles pour la branche AT-MP demeurent finalement assez timides, même s’il s’agit d’avancées auxquelles nous ne pouvons qu’être favorables et même si les résultats obtenus en matière de sinistralité sont très encourageants. Je le rappelle, on dénombre 33,8 accidents pour 1 000 salariés et le nombre d’accidents du travail est dix fois moins élevé qu’il y a cinquante ans. Des efforts importants ont donc été réalisés par l’ensemble des employeurs et des employés.
Une partie grandissante des ressources de la branche AT-MP est en fait consacrée à des transferts vers d’autres branches ou vers des fonds. Elle est en particulier le principal financeur des dispositifs mis en place pour les victimes de l’amiante, l’État s’étant de son côté clairement désengagé, ce que nous déplorons. En effet, je le rappelle, l’État a sa propre responsabilité, non seulement en tant qu’employeur, mais aussi pour son rôle dans le domaine régalien, l’interdiction de l’utilisation de l’amiante ayant été très tardive.
À lui seul, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, a été doté de 5,6 milliards d’euros depuis sa création, dont 5,1 milliards d’euros en provenance de la branche AT-MP. Pour la première fois, les dépenses d’indemnisation ont connu en 2016 une baisse, que l’exercice 2017 semble confirmer. Vingt ans après le début de l’interdiction de l’usage de l’amiante, une telle inflexion pourrait indiquer le passage d’un cap : compte tenu du délai de latence des maladies liées à l’amiante, les études épidémiologiques prévoyaient un pic des demandes en 2020. Avec une légère avance par rapport aux prévisions, ce pic pourrait donc être aujourd’hui dépassé, ce qui est encourageant.
La situation du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, n’appelle pas de remarques particulières. Je souligne simplement que le nombre de ses allocataires diminue également.
Notre commission vous proposera néanmoins un amendement visant à renforcer l’information des personnes ayant demandé l’inscription d’un établissement sur la liste des employeurs ouvrant droit à l’ACAATA, l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante - et non « la cata » !... Il s’agit d’une mesure adoptée par le Sénat l’année dernière, mais qui avait été supprimée par l’Assemblée nationale malgré l’avis contraire de nos collègues de la commission des affaires sociales.
Au total, les dépenses de la branche AT-MP au titre des fonds Amiante ont désormais plutôt tendance à diminuer. Tel n’est pas le cas des dépenses durablement générées pour la branche par la réforme du compte pénibilité, le 1er octobre dernier. La montée en charge de ce dispositif, dont la gestion et le financement seront tous deux dorénavant assurés par la branche AT-MP de la CNAMTS, la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, fait encore l’objet de nombreuses incertitudes.
Il semble d’ailleurs que la CNAMTS ait pris connaissance assez tardivement du transfert envisagé par le Gouvernement ; l’évaluation de l’impact financier de la mesure demeure peu approfondie. La branche sera probablement confrontée à une hausse importante des demandes de reconnaissance de maladies professionnelles.
En outre, si la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, avait mis en place un dispositif d’ouverture et de gestion des droits, elle n’avait pas développé l’activité de prévention en entreprise. Tout l’enjeu sera d’y affecter les moyens nécessaires et d’éviter de rester dans une simple logique de réparation. Dans ce domaine, madame la ministre, veillons à ce que les efforts d’économies demandés à la branche AT-MP de la CNAMTS n’obèrent pas sa capacité d’action.
Enfin, notre commission s’interroge une nouvelle fois sur l’avenir du versement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP. Ce transfert, qui s’élève à 1 milliard d’euros, ce qui n’est pas rien, est entièrement financé par des ressources mutualisées entre les employeurs. Les limites de l’exercice d’évaluation, qui débouche sur un mécanisme par nature inflationniste, sont connues. En outre, au regard de la progression continue du transfert, il est permis de s’interroger sur la réalité des efforts engagés pour lutter contre la sous-déclaration.
Au-delà de 2018, le PLFSS prévoit la poursuite de la croissance des excédents de la branche AT-MP. Il paraît légitime d’en tirer les conséquences pour les employeurs, en engageant une décroissance des taux de cotisation.
Il nous faudra cependant être vigilants concernant l’avenir des dépenses mutualisées, afin d’éviter qu’elles ne fragilisent les fondements assurantiels de ce système centenaire, qui a su s’adapter aux évolutions de la société et auquel notre commission des affaires sociales a toujours été très attachée.
En vous remerciant de votre attention, mes chers collègues, je vous engage à voter les objectifs de dépenses de la branche AT-MP pour 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s’agissant de la branche vieillesse, mon propos se bornera, dans le temps qui m’est imparti, à poser trois questions à Mme la ministre, au nom de la commission des affaires sociales.
La première concerne la dégradation des perspectives financières du système de retraites. À l’horizon de 2021, le solde des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, se dégrade spectaculairement, alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 prévoyait un retour à l’équilibre en 2020.
Le déficit passera de 2,1 milliards d’euros en 2018 à 4,7 milliards d’euros en 2021. Après la présentation abusivement optimiste des comptes l’an dernier, ce PLFSS remet les pendules à l’heure. Il dévoile un besoin de financement qui, sans être catastrophique, n’en demeure pas moins, me semble-t-il, inacceptable pour les générations futures, d’autant que les dernières projections du Conseil d’orientation des retraites, le COR, montrent qu’à réglementation inchangée, le système de retraites demeurerait déficitaire d’environ 0,5 point de PIB – ça fait quand même un peu de sous ! – jusqu’en 2040 au moins.
Enfin, le comité de suivi des retraites a, pour la première fois depuis sa création, recommandé au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour ramener le système de retraites sur une trajectoire d’équilibre.
Aucune mesure de ce PLFSS ne répond à l’enjeu financier, excepté le nouveau décalage de la revalorisation des pensions, qui ferait économiser environ 340 millions d’euros en 2018.
Madame la ministre, comment comptez-vous répondre au comité de suivi des retraites ? Vous êtes bien sûr consciente qu’une réforme, même systémique, ne nous dispensera pas de prendre des mesures pour combler ce besoin de financement. Il y a deux ans, le Sénat avait proposé de porter à 63 ans l’âge légal de départ, et d’accompagner ainsi l’accord courageux des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO signé en 2015. Nous prêchions à l’époque dans le désert. Qu’en sera-t-il sous ce quinquennat ?
Notre deuxième source d’inquiétude, madame la ministre, concerne le Fonds de solidarité vieillesse, dont le Sénat a suivi de près les évolutions grâce à ses rapporteurs de renom, Gérard Roche et Catherine Génisson. Les gouvernements successifs se sont accommodés du déficit de ce fonds, modifiant d’année en année ses recettes ou ses charges, à la faveur d’un jeu de tuyauterie habituel en matière de sécurité sociale.
En 2018, il affichera encore un déficit de 3,4 milliards d’euros, proche de ceux de 2016 et de 2017, alors même que la dernière loi de financement de la sécurité sociale, en lui retirant progressivement le financement du minimum contributif, le MICO, allégeait ses charges de 1 milliard d’euros pour 2017 et de près de 800 millions d’euros supplémentaires pour 2018.
Deux dispositions nous laissent craindre que votre gouvernement, madame la ministre, n’utilise lui aussi le FSV comme un agent de trésorerie des régimes de retraite.
L’article 18 le prive de 500 millions d’euros de recettes en lui retirant le prélèvement de solidarité sur les revenus du capital et en ne compensant que partiellement cette perte par une part de la hausse de la CSG. En outre, la revalorisation du minimum vieillesse sur trois ans, sans affectation de recettes supplémentaires – vous en êtes bien d’accord, madame la ministre –, creusera son déficit d’environ 115 millions d’euros en 2018 – vous le dites vous-même ! – et de 525 millions d’euros en 2020. Ainsi, l’une des mesures phares du Président de la République à destination des retraités les plus modestes n’est tout simplement pas financée, ou l’est par la dette !
Quant à la dette du FSV, portée par l’ACOSS, elle se creuse : 11 milliards d’euros en 2018, plus de 15 milliards en 2021. Il faudra profiter de la réforme à venir pour remettre à plat le circuit de financement des prestations de solidarité, en redonnant du sens au FSV. À défaut, nous pourrions aussi bien réfléchir à sa suppression !
Notre troisième et dernière inquiétude concerne la situation des retraités. Entre la hausse du taux de la CSG sans compensation directe – seuls les actifs bénéficient d’une telle compensation – et l’« année blanche » pour la revalorisation des pensions en 2018, l’effort actuellement demandé aux retraités est substantiel.
Mettre les retraités à contribution constitue l’un des trois leviers classiques pour équilibrer les retraites, avec la hausse des cotisations et l’allongement de l’activité. L’orientation prise dans ce PLFSS augure-t-elle des choix à venir au titre de la réforme des retraites ?
Le débat qui s’annonce s’agissant de cette réforme sera passionnant, mais difficile. Le Sénat est prêt à y participer pleinement.
Nous avons déjà rencontré le haut-commissaire aux retraites, et nous voulons vous rappeler, madame la ministre, notre adhésion à un certain nombre de convictions que semble partager le Gouvernement : nous sommes attachés au régime par répartition, qui est l’une des principales composantes de notre modèle de solidarité intergénérationnelle, et persuadés de l’intérêt d’un système par comptes notionnels ou par points.
Ce dernier reste à définir, mais il permettrait de simplifier un paysage morcelé – régime universel ne veut pas dire régime unique, rappelons-le. Nous devons réussir à réfléchir à cette question de façon apaisée, en ayant bien à l’esprit que la transition entre les deux modèles sera longue et délicate, raison pour laquelle l’intégration du RSI au régime général ne nous paraissait pas si urgente.
Telles sont, madame la ministre, les quelques réserves que je souhaitais formuler au nom de la commission, s’agissant de la branche vieillesse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)