M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Bien entendu, nous ne pouvons que partager totalement les préoccupations exprimées par les auteurs de ces quatre amendements : compte tenu des risques avérés qu’il fait courir à la santé des travailleurs, le travail de nuit ne doit pas être banalisé. Il doit rester exceptionnel ; mais cela n’empêche pas d’apporter quelques modifications à ce titre, notamment pour assouplir à la marge la plage horaire du travail de nuit.
Nous pourrons ensuite modifier, si nécessaire, l’ordonnance lors de l’examen du projet de ratification.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 127 et 157.
J’en viens à l’amendement n° 46 rectifié.
L’article L. 3122-1 du code du travail, tel que modifié par l’article 8 de la loi Travail, pose comme principe d’ordre public que le travail de nuit est exceptionnel. Son recours doit prendre en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, et il doit être justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale, ces deux notions n’étant pas définies par la loi.
En même temps, l’article L. 3122-15 du code du travail renvoie à un accord d’entreprise ou d’établissement, ou, à défaut, à une convention ou à un accord collectif de branche, le soin de justifier le recours au travail de nuit.
Le cadre juridique actuel n’est donc pas satisfaisant, ce qui explique sans doute le manque de cohérence de la jurisprudence, qui a dû combler les lacunes de la loi.
Il est nécessaire de sécuriser juridiquement le travail de nuit sans perdre de vue la nécessité de protéger la santé des travailleurs.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 46 rectifié.
Enfin, l’amendement n° 66 rectifié vise à assouplir le recours au travail de nuit.
Monsieur Gabouty, je le répète, en vertu de l’article L. 3122-1 du code du travail, il convient de distinguer l’activité d’une entreprise, qui peut être normalement et habituellement effectuée la nuit, du travail des salariés la nuit, qui doit rester exceptionnel dans son principe.
La loi n’interdit pas le travail de nuit, mais elle l’encadre pour éviter sa banalisation. Cet équilibre a paru justifié à la commission des affaires sociales.
Je rappelle que les travailleurs de nuit bénéficient d’un « suivi individuel régulier de leur état de santé ». Aussi, la commission – et vous le savez d’autant mieux que vous en êtes membre –, demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle sera obligée d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Mesdames, messieurs les sénateurs, le présent texte ne prévoit en rien de remettre en cause le caractère exceptionnel du travail de nuit. Sur ce point, il devrait y avoir consensus sur les travées du Sénat.
De plus, il me semble que nous sommes tous très conscients des effets du travail de nuit sur la santé. C’est d’ailleurs pour cela que ce dernier fait partie des dix facteurs de pénibilité récemment confirmés par le Gouvernement.
Cela étant, le Gouvernement souhaite sécuriser les entreprises qui ont recours au travail de nuit tout en veillant à protéger la santé et la sécurité des salariés dans un cas de figure précis.
Tout d’abord, la plage horaire du travail de nuit couvre la période comprise entre 21 heures et 6 heures du matin. Or, sans un changement des règles du travail de nuit, les entreprises ne peuvent pas faire travailler de manière effective leurs salariés jusqu’à 21 heures ou avant 6 heures.
De quoi s’agit-il concrètement ? Certaines entreprises calent leurs horaires de travail sur l’horaire de fermeture à la clientèle, par exemple vingt et une heures. Or le salarié est souvent conduit à rester dans son entreprise quelques instants après 21 heures pour effectuer du rangement ou pour fermer les locaux. Le départ effectif des salariés a donc lieu après 21 heures, sans pour autant que l’employeur ni d’ailleurs les salariés perçoivent cette situation comme relevant intégralement du régime du travail de nuit.
Le Gouvernement entend prendre en compte cet effet de bord sans remettre en cause en quoi que ce soit l’encadrement juridique du travail de nuit. Je le répète, ce dispositif répond aux exigences en vigueur, qu’il s’agisse de protéger la santé ou la vie personnelle du salarié.
De plus, le Gouvernement souhaite sécuriser le recours au travail de nuit. À cette fin, il entend le présumer justifié, notamment au regard de son caractère exceptionnel, en le faisant reposer sur l’accord des partenaires sociaux.
Cette position est conforme à la celle qu’a prise la cour d’appel de Nîmes dans un arrêt rendu le 22 septembre 2016 à l’occasion d’un recours contre un accord d’établissement qui a adopté une interprétation laissant davantage de place à la négociation collective et à la présomption de justification sous réserve de cette négociation collective.
Il faut donc faire confiance aux partenaires sociaux, qui connaissent mieux que quiconque la nécessité de recourir ou non au travail de nuit, qui – j’insiste sur ce point – conservera son caractère exceptionnel.
D’après les chiffres établis par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, pour l’année 2014, en France, 15,4 % des salariés des secteurs public et privé confondus travaillent la nuit. Le secteur public en représente une proportion importante, tout le secteur hospitalier étant concerné.
Il ne s’agit en rien d’augmenter considérablement le nombre de salariés concernés. Il s’agit simplement de sécuriser à la marge les entreprises lorsqu’elles recourent au travail de nuit.
Pour ces raisons, je suis défavorable aux amendements nos 127, 157 et 46 rectifié.
Quant à l’amendement n° 66 rectifié, il vise à étendre le champ de l’habilitation afin que la négociation collective s’étende non seulement au travail de nuit, mais aussi à son caractère exceptionnel.
Ces dispositions se heurtent au principe que j’ai précédemment indiqué : conserver le caractère exceptionnel du travail de nuit. Toute ouverture en dehors de ce champ nous paraît inappropriée.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la ministre, j’ai du mal à comprendre ce que vous avez dit. Il faudrait permettre des dérogations entre 21 heures et 21 heures 30 pour fermer le magasin ou ranger du matériel ? La boutique ne peut donc pas fermer à 20 heures 45 ?
M. Dominique Watrin. Voilà !
M. Jean Desessard. Vous êtes en train de déréguler tout le marché du travail pour quelqu’un qui va ranger les placards à 21 heures 15 ! Vous nous diriez que, grâce à ça, il va y avoir une expansion économique formidable, que les Chinois, on les connaît, viennent consommer entre 21 heures et 23 heures, que c’est un gros secteur d’activité et, donc, qu’il faut ouvrir, nous pourrions comprendre et, de notre côté, nous aurions alors défendu le social contre l’économie. Mais non, là, l’enjeu, c’est de ranger les balais ! On dérégule pour ranger les balais ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Évelyne Yonnet et M. Dominique Watrin rient.)
C’est tout de même un argument formidable ! Pendant un siècle, on a fait des lois sociales, et, en dix minutes, pour ranger les placards, on dérégule tout ! Cette histoire est de moins en moins sérieuse… Il va être temps que cela s’arrête ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 127 et 157.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Gabouty, l’amendement n° 66 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Marc Gabouty. En la matière, notre droit suit une approche un peu hypocrite : si le travail de nuit est bien exceptionnel dans son principe, il ne l’est pas dans la réalité, lorsqu’il n’a pas de caractère temporaire ou lorsqu’il n’existe pas de solution de substitution.
On se donne bonne conscience par un effet de langage, en classant le travail de nuit comme « exceptionnel », alors que, pour un certain nombre d’activités, il ne l’est pas.
M. Gérard Dériot, vice-président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Jean-Marc Gabouty. Cela étant, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 66 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 128, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Le présent alinéa pourrait avoir toutes les apparences du bon sens et du bien-fondé. La question posée semble la suivante : comment faire en sorte que, de manière ponctuelle, les compétences de certains salariés soient utilisées dans d’autres entreprises afin d’en assurer le fonctionnement pour telle ou telle problématique ?
Comme chacun le sait, le prêt de main-d’œuvre est une procédure autorisée, mais assez précisément définie par le code du travail.
Par ailleurs, il est évident que l’entreprise utilisatrice doit, dans un premier temps, s’être tournée vers d’autres modes de recrutement de personnels extérieurs, notamment au réseau des agences d’intérim.
Que signifie donc « favoriser et sécuriser », pour reprendre les termes de cet alinéa ? S’agit-il, comme nous sommes tentés de le croire, de favoriser le nomadisme professionnel plus ou moins organisé par les directions d’entreprise et de groupe en revenant, autant que faire se peut, sur l’abondante jurisprudence qui a souvent établi son caractère illicite ?
S’il s’agit de cela, pourquoi offrir cette nouvelle « souplesse » aux entreprises ? Encore un effort, et l’existence de voies de recours contre les abus de droit sera inutile, puisque tous les outils de l’ancienne fraude seront inscrits dans la loi !
Nous ne pouvons soutenir des mesures si négatives pour les salariés. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 222, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Compléter cet alinéa par les mots :
ou une petite ou moyenne entreprise
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Avec cet amendement, le Gouvernement souhaite assurer la montée en compétence au sein des PME et des TPE. À cette fin, il veut leur faire bénéficier des conseils d’entreprises de plus grande taille.
Depuis des années, beaucoup d’observateurs disent qu’en France les grandes entreprises n’aident pas assez les TPE et PME à monter en gamme. Au contraire, dans d’autres pays, il existe une véritable solidarité entre les grands groupes et les petites entreprises.
Un certain nombre d’entreprises comme L’Oréal, Carrefour et d’autres ont décidé de s’engager sur cette voie. Sur la base du volontariat, elles proposent à leurs salariés disposant d’une compétence forte qui n’est pas nécessairement disponible au sein d’une TPE, en général des cadres ou des techniciens, de venir, pendant un certain temps, aider et conseiller une petite entreprise.
Cette expérience entrepreneuriale est très demandée par les salariés concernés, car elle leur permet d’enrichir leur parcours et les rend prioritaires à leur retour dans leur entreprise d’origine.
Cette procédure est très demandée aussi par les TPE : ces dernières bénéficient ainsi de compétences de haut niveau qu’elles ne pourraient obtenir seules faute de disposer des moyens financiers nécessaires, compétences dont elles n’ont d’ailleurs pas forcément besoin très longtemps. Je pense par exemple à la mise en place d’un système marketing ou d’une nouvelle technologie.
Or il n’y a pas réellement de définition du prêt de main-d’œuvre à but non lucratif aujourd'hui. Si une grande entreprise prête un salarié volontaire à une TPE, cette dernière doit compenser intégralement à l’entreprise prêteuse les salaires, les charges et les frais professionnels, ce qui lui est impossible.
Cette situation correspond, par exemple, à l’accueil temporaire dans une start-up, afin d’assurer son développement, d’un cadre expérimenté, d’un conseiller juridique ou d’un comptable.
Nous avions prévu de limiter cette faculté aux jeunes entreprises innovantes, mais les TPE et les PME nous ont fait remarquer à juste titre que même les entreprises plus anciennes pouvaient avoir besoin du « coup de main » provisoire d’une compétence de très haut niveau, notamment sur les plans financiers, juridiques et comptables, ainsi que dans les domaines des ressources humaines, du marketing ou de la stratégie commerciale.
Le prêt de main-d’œuvre repose évidemment sur le volontariat des deux entreprises et de la personne concernée.
Cette pratique, qui, grâce à l’habilitation, sera encadrée, sécurisée sur le plan juridique et favorisée, me semble pouvoir contribuer au développement de nos TPE et de nos PME, tout en offrant une expérience professionnelle complémentaire intéressante pour le salarié prêté, qui, bien évidemment, garde tout son salaire, tous ses avantages et les mêmes conditions de travail que dans l’entreprise prêteuse.
Nous vous proposons donc d’en élargir le bénéfice aux TPE et PME, en réponse d’ailleurs à une demande du secteur et des partenaires sociaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’alinéa 23 a pour objet de favoriser le prêt de main-d’œuvre à de jeunes entreprises ainsi – sous réserve de l’adoption de l’amendement du Gouvernement – qu’à des TPE et PME ; il ne vise pas le prêt de main-d’œuvre intragroupe.
La commission partageant l’objectif du Gouvernement, elle est défavorable à la suppression de cet alinéa et donc à l’amendement n° 128.
L’amendement n° 222 complète le texte que nous avons adopté en commission et répond à un souhait que nous avions exprimé, mais que nous n’avions pas mis en forme d’amendement : l’avis est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 128 ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Alors que nous voulons élargir, avec la bienveillance de la commission, la pratique des prêts de main-d’œuvre aux TPE et aux PME, nous ne souhaitons bien évidemment pas la suppression de cette possibilité qui va les aider.
M. le président. L’amendement n° 200 rectifié, présenté par MM. Nougein, Allizard, G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault, Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Estrosi Sassone, MM. Fontaine, B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Joyandet, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Perrin, Pierre, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Retailleau, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Permettant à une convention ou un accord d’entreprise ou, à défaut à un accord de branche, de fixer la durée minimale de travail à temps partiel ;
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Cet amendement vise à confier à la négociation collective d’entreprise ou, à défaut, de branche, le soin de fixer, de manière facultative, une durée minimale de travail à temps partiel, concept que nous avons découvert en 2003.
Le seuil de vingt-quatre heures retenu en 2013 ne correspond ni à la réalité des besoins de nombreux secteurs ni même aux demandes des travailleurs à temps partiel. Il a complexifié la vie des entreprises et des salariés. Je pense par exemple aux étudiants qui voudraient un temps partiel inférieur à vingt-quatre heures, mais sont bloqués par cette disposition.
Par cet amendement, nous proposons de laisser aux entreprises et aux salariés la possibilité de fixer une nouvelle durée minimale dans le cadre des accords de branche ou des accords collectifs l’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. On peut partager le souhait des auteurs de l’amendement d’assouplir les règles encadrant le recours au temps partiel, que nous dénonçons d’ailleurs ici depuis plusieurs années, mais cet amendement tend à ajouter un nouveau sujet à la liste déjà longue des points sur lesquels le Gouvernement nous demande de l’habiliter à prendre des mesures par ordonnances.
Son adoption constituerait, selon la commission, un élargissement du champ de l’habilitation et serait ainsi contraire à l’article 38 de la Constitution.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
En matière de temps partiel, il importe de préserver l’équilibre issu de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, transposé dans la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.
L’instauration du principe d’une durée minimale constitue une réforme structurelle de l’organisation du travail à temps partiel. Celle-ci, à travers l’accord interprofessionnel et la loi qui a suivi, avait pour but de mieux lutter contre le temps partiel subi, qui touche en majorité les femmes et les salariés les moins qualifiés.
Le dispositif, un peu rigide, a été considérablement assoupli depuis lors, notamment parce qu’il est clair qu’une durée inférieure à vingt-quatre heures pouvait également intéresser les salariés.
Il peut déjà être adapté par accord de branche ou en fonction des besoins des salariés qui demanderaient à bénéficier d’une durée de travail inférieure afin de cumuler plusieurs activités ou de faire face à des contraintes personnelles.
Les étudiants salariés de moins de vingt-cinq ans, dont il avait beaucoup été question dans les débats à l’époque, bénéficient ainsi d’une dérogation de plein droit à la durée minimale applicable dans l’entreprise.
C’est également le cas pour les contrats de moins de sept jours ou pour les contrats de remplacement, qui sont exclus du champ.
Le rôle conféré à la branche dans la définition de la durée minimale ne nous apparaît pas comme une source de rigidité, puisque près de quatre-vingts nouveaux accords de branche ont été conclus depuis 2013 et couvrent déjà plus de 80 % des salariés à temps partiel.
Des solutions ont donc été trouvées presque partout et la quasi-totalité des branches qui sont parvenues à un accord se sont emparées de la possibilité de fixer une durée minimale inférieure à vingt-quatre heures, les conditions étant définies en fonction des spécificités des métiers.
Au regard des dispositions de l’article 1er relative au rôle des branches et des entreprises, et de notre intention, comme je vous l’ai dit, de prévoir par ordonnances, à la suite de la demande des partenaires sociaux, un item sur la gestion et la qualité de l’emploi, dont la durée du temps partiel relève intégralement, les branches seront donc amenées à se saisir pour les 20 % du champ qu’il reste à couvrir.
Puisque la dynamique est bonne, il nous semble prudent d’en rester à une approche de branche et de ne pas aller jusqu’à l’accord d’entreprise, sauf tous les cas de dérogation, mais il s’agit de dérogations de droit qui existent déjà.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Mme la ministre a rappelé que les étudiants, dont l’objectif n’est normalement pas de faire plus qu’un mi-temps, pouvaient disposer de dérogations. Et, vingt-quatre heures, c’est en effet la moitié de quarante-huit heures, alors que la durée légale du travail est de trente-cinq heures. La durée minimale était donc dès l’origine bien élevée par rapport à la durée légale.
Or, dans certaines entreprises, et je peux citer par exemple le Sénat, le temps de travail minimal pour les étudiants est fixé à dix-sept heures trente, durée déjà importante qui me semble en contradiction avec les dérogations existantes.
C’est ce qui m’avait amenée à poser une question à la ministre précédente, question que je me permets de reposer à la nouvelle ministre : quelle est la base légale de ce seuil minimal de dix-sept heures trente ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame Primas, je vais vous surprendre : je ne suis pas loin d’être d’accord avec vous ! (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous avons voté la durée minimale de vingt-quatre heures dans cet hémicycle. Je n’avais alors rien dit, mais je n’étais pas d’accord. Je considérais que, s’il fallait fixer une durée pour le temps partiel, ce devait être la moitié du temps complet, ce qui convient à beaucoup d’activités, voire moins.
Je comprends la raison pour laquelle le seuil a été fixé à vingt-quatre heures. Pour la gauche traditionnelle, il s’agissait justement d’éviter le mi-temps.
Le mi-temps correspond pourtant à une réalité, me semble-t-il.
Au Sénat, nous sommes nombreux à employer deux assistants et demi. Évidemment, ils signent un papier dans lequel ils donnent leur accord pour faire un mi-temps, mais ont-ils le choix ? Je ne sais pas… Certainement souhaitaient-ils vraiment travailler à mi-temps, mais, de toute façon, ils n’avaient pas eu le choix puisqu’on ne leur proposait pas de plein-temps ! (Sourires.)
En tout état de cause, je considère que la limite de vingt-quatre heures n’est pas adaptée.
Pour autant, au risque de vous décevoir, madame Primas, je ne voterai pas votre amendement. Vous proposez en effet de descendre au niveau de l’accord d’entreprise et vous connaissez mes réticences envers les négociations à ce niveau.
Par contre, je trouverais intéressant que l’option d’une durée minimale correspondant à un vrai mi-temps au lieu de vingt-quatre heures soit examinée au niveau des branches.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Vous voulez apporter de la souplesse avec vos projets d’ordonnances, madame la ministre : nous vous fournissons là un terrain pour le faire !
En effet, beaucoup de gens voudraient cumuler deux mi-temps. Or, deux fois vingt-quatre heures par semaine, cela fait trop d’heures.
Vingt-quatre heures, cela peut aussi être trop pour un employeur qui voudrait recourir à un salarié à temps partiel et qui préférera alors ne pas embaucher.
Par ailleurs, il existe beaucoup d’exceptions qui autorisent à demander au salarié son accord pour travailler moins de vingt-quatre heures.
On a là un taquet qui a finalement pour effet soit de maintenir les gens dans la précarité, soit de bloquer le développement de l’emploi.
Vous voulez favoriser l’emploi, madame la ministre. Voilà une occasion ou jamais de revenir, en supprimant ce taquet, sur une mesure plus limitative qu’ambitieuse.
M. le président. Madame Primas, l’amendement n° 200 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sophie Primas. Je ne ferai pas, monsieur le président, l’affront à la commission des affaires sociales de le maintenir. (Sourires.)
Je veux seulement ajouter que nous sommes là dans un processus de dérogation, comme Mme la ministre l’a exposé assez longuement. Tous, dans cet hémicycle, nous essayons de trouver des processus de simplification de la vie des entreprises et des salariés. Or il me semble qu’il est plus simple de s’en remettre à un accord d’entreprise ou de branche prenant en compte la spécificité des activités que d’avoir à demander des dérogations.
Compte tenu de l’avis de la commission, je retire néanmoins mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 200 rectifié est retiré.
L’amendement n° 202 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault, Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. Fontaine, B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Permettant, à défaut d’accord collectif dans les entreprises de moins de cinquante salariés, la conclusion de conventions individuelles de forfaits en jours et en heures sur l’année, sous réserve que l’employeur fixe les règles et respecte les garanties prévues aux articles L. 3121-62 et L. 3121-63 du code du travail ;
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Cet amendement a pour objet de faciliter le recours aux conventions de forfait dans les entreprises de moins de cinquante salariés, sans pour autant diminuer les garanties et les protections offertes aux salariés concernés.
Cette disposition, qui figurait dans l’avant-projet de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, exonère les entreprises de l’obligation de conclure un accord collectif pour mettre en place cette forme d’organisation du travail.
Toutefois, ces entreprises devront se soumettre aux conditions introduites par la loi Travail pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés en forfait, c'est-à-dire un suivi renforcé de l’activité et un contrôle, sous la responsabilité de l’entreprise, de l’adéquation de la charge de travail avec les temps de repos.
Une telle mesure est particulièrement intéressante pour les entreprises innovantes en phase de croissance, dont les jeunes cadres ont depuis longtemps abandonné les horaires fixes et le travail au bureau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. J’en suis désolé, madame Primas, mais cet amendement tend manifestement à élargir le champ de l’habilitation et est donc, comme le précédent, contraire à l’article 38 de la Constitution.
L’une des pistes pour encourager le développement des conventions de forfait est l’élargissement des accords de branche, qui lui est prévu à l’article 4 du projet de loi. Mme la ministre pourra peut-être nous éclairer sur ce point.
S’agissant directement de votre amendement, madame Primas, ce sera donc une fois de plus une demande de retrait ; à défaut, l’avis ne pourrait qu’être défavorable.