Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l'article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet article 2 est important : il prévoit la fusion des instances représentatives du personnel. Ses auteurs y vont d’ailleurs à haute dose, et même à marche forcée : le Conseil d’État lui-même note que ce projet de loi d’habilitation « ne réserve pas la possibilité qu’un accord puisse maintenir plusieurs institutions représentatives au sein de l’entreprise ». On peut négocier sur tout, sauf sur l’obligation de regrouper les instances représentatives !
Or les dispositions que nous examinons sont extrêmement dangereuses, en particulier lorsqu’on met bout à bout, d’une part, le principe du référendum, lequel peut être à l’instigation du chef d’entreprise, et, d’autre part, la réduction du champ d’action des institutions représentatives du personnel : de fait, madame la ministre, vous réduisez la capacité d’intervention du monde syndical dans l’entreprise.
Contrairement à ce qui nous est raconté, nous n’assistons pas à un renforcement de la présence des syndicats dans l’entreprise, mais plutôt à une forme de leur contournement. Les syndicats connaissent une double pression : d’un côté, moins de représentants ; de l’autre, en cas de mécontentement affiché de leur part, la menace d’un référendum organisé dans l’entreprise.
La philosophie de votre proposition, madame la ministre, me semble donc extrêmement dangereuse ; il s’agit d’une véritable marche arrière : c’est seulement à partir de 1981 que la question de la négociation et de la présence syndicale dans l’entreprise a été inscrite dans la loi.
Mais votre proposition n’est pas seulement dangereuse dans sa philosophie, madame la ministre ; elle l’est tout autant dans son application. Toute une série de sujets, notamment ce qui touche aux compétences des CHSCT, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, cesseront de constituer des priorités.
Mes chers collègues, regardez dans la longue durée : à défaut d’instances s’occupant exclusivement des conditions de travail, de la sécurité et de l’hygiène, ces sujets sont progressivement négligés et les risques s’accroissent.
M. Roland Courteau. Parfaitement !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Un danger existe donc aussi s’agissant de l’efficacité du suivi de la négociation sociale sur les sujets relatifs aux conditions de travail. Ces sujets sont pourtant d’autant plus importants que – toutes les enquêtes le montrent – les Français souffrent d’un manque de reconnaissance dans leur travail, et considèrent que leurs conditions de travail sont pénibles. La fusion que vous proposez, madame la ministre, aurait donc des effets négatifs concernant à la fois le rapport au travail et l’efficacité des salariés dans leurs entreprises.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Yonnet, sur l’article.
Mme Évelyne Yonnet. Cet article souhaité par le Gouvernement, durci par les amendements de M. le rapporteur – ce dernier a notamment supprimé les alinéas 4 et 5, qui étaient importants en termes d’information et de représentation des salariés dans les conseils d’administration – ne me paraît pas renforcer le dialogue social. Tel est pourtant l’intitulé du projet de loi !
J’entends bien la volonté de simplification du Gouvernement, qui est peut-être de bonne foi, notamment pour les TPE et les PME, dont les patrons sont bien, eux, pour une majorité d’entre eux, de bonne foi. Lesdits patrons ont rarement pour ambition principale de s’enrichir au détriment des droits sociaux de leurs employés, qu’ils connaissent et respectent. Ils n’ont pas l’immoralité de certains grands patrons dont le seul objectif est parfois d’amasser des milliards au détriment des droits sociaux et de l’environnement. Songez à la Françafrique !
Madame la ministre, j’ai entendu vos intentions, beaucoup plus claires qu’elles ne l’étaient au départ, s’agissant notamment de la compétence d’ester en justice pour l’institution représentative du personnel unique. Vous m’en voyez quelque peu rassurée, même si ce ne sont là, pour le moment, que des intentions.
M’échappe cependant le lien entre le projet de loi que vous présentez et le constat qui est censé le motiver. En effet, la fusion des IRP, les instances représentatives du personnel, ou la mise en place de seuils concernant la possibilité de mettre en place une DUP, une délégation unique du personnel, auront certes pour effet de simplifier, mais reviendront surtout à atténuer le rôle des syndicats dans les négociations avec la direction.
Au sein de l’usine à gaz que deviendrait une telle IRP, quid des formations des représentants des salariés, alors que ces derniers sont aujourd’hui formés et spécialisés selon qu’ils siègent au CHSCT, au CE, le comité d’entreprise, au CCE, le comité central d’entreprise, ou comme DP, délégués du personnel ? Quid de l’expertise concernant les conditions de travail, celles qui sont liées notamment à la santé, alors que la médecine du travail n’a pas les moyens de suivre tous les salariés, dans un contexte où les maladies professionnelles reconnues sont de plus en plus nombreuses ? Je pense en particulier au burn-out, dont personne aujourd’hui ne connaît l’origine.
Si nous déplorons tous, syndicats eux-mêmes y compris, le manque d’engagement et d’investissement des salariés et des Français dans les organisations syndicales, ce n’est pas en réduisant leur poids dans le dialogue social, donc leur intérêt, que vous les rendrez attractives, madame la ministre. Comme l’a dit notre président de groupe, oui à la flexibilité, mais oui à la sécurité ! De la sécurité, je n’en vois pas ; des dangers, j’en vois.
Pour ces raisons et pour d’autres, nous défendrons différents amendements dont l’ambition commune consistera à ouvrir le dialogue social…
Mme la présidente. Merci, madame Yonnet !
Mme Évelyne Yonnet. Merci, madame la présidente !...
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous invite à respecter votre temps de parole. Vous êtes très nombreux à intervenir.
Mme Annie David. Bienvenue en démocratie ! C’est ainsi que fonctionne le Parlement !
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. La fusion prévue par cet article des délégués du personnel, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et du comité d’entreprise aura pour effet de relativiser les questions de santé au travail.
J’ajoute que chacune de ces instances a une histoire et surtout une raison d’exister, permettant aux salariés d’une entreprise d’intervenir et de s’exprimer.
Par exemple, les CHSCT ont un rôle irremplaçable pour vérifier que les lois et règlements qui ont un rapport avec la sécurité au travail et la santé sont bien respectés. Ils sont également, grâce à la loi de 2013, des lanceurs d’alerte dans le domaine de l’environnement. Leur droit d’enquêter en cas de risque grave avéré ou d’atteinte à la santé est aussi d’importance. Enfin, ils analysent les propositions de l’employeur en matière d’aménagement important concernant par exemple les grilles horaires, dès lors qu’elles ont une incidence sur la santé et la sécurité des salariés.
Comme l’écrivait Louis-Marie Barnier, sociologue du travail, « Les élus du CHSCT constituent d’une certaine manière la mauvaise conscience de l’employeur, lui rappelant sans cesse les conséquences de ses décisions sur les salariés. »
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Roland Courteau. Les lois Auroux de 1982 mettaient en avant le projet d’un salarié-citoyen. Quant au droit européen, il impose à l’employeur, par la directive de 1989, de prendre toute mesure pour préserver la santé physique et mentale des salariés.
Et pourtant, je constate que certaines organisations patronales considèrent bon nombre de ces prérogatives comme exorbitantes. Ce contre-pouvoir que constituent les CHSCT dans le domaine de la santé, de la sécurité, de l’organisation du travail semble en effet les gêner. Comme le dit le sociologue que je viens de citer, « Cachons ces conditions de travail que nous ne saurions voir ! »
Bref, madame la ministre, monsieur le rapporteur, il n’est pas bon de fusionner toutes ces instances en une seule. Le faire, c’est enlever à chacune d’elles, à commencer par le CHSCT, de la force et de l’efficacité, et cela sans en analyser toutes les conséquences. Je m’opposerai à cette fusion, et donc à cet article tel que rédigé. (Bravo ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, sur l'article.
M. Olivier Cadic. L’article 2 que nous allons examiner vise à instaurer la mise en place d’une instance unique dans les entreprises dotées de délégués syndicaux, de comités d’entreprise et de CHSCT.
Une telle réforme serait une excellente avancée, qu’il ne faut pas dénaturer en prévoyant des exceptions ou expérimentations. À l’évidence, madame la ministre, si vous n’imposez pas cette création, elle ne se fera pas. Les débats en commission l’ont bien montré au sujet du CHSCT, et je ne doute pas que nos discussions en séance le confirmeront, comme nous venons d’en avoir un aperçu.
L’enjeu est de relancer le dialogue social ; il n’est pas utile de multiplier les instances ou d’en faire vivre de nouvelles telles que les CPRI, les commissions paritaires régionales interprofessionnelles. Il faut simplifier pour que les interlocuteurs soient moins nombreux, mais dotés de compétences élargies et renforcées.
La deuxième partie de l’article 2 prévoit la mise en œuvre du chèque syndical et la valorisation des carrières des représentants du personnel. Pourquoi pas ? Mais cela me semble bien modeste pour qu’il soit possible de parler de « mesures renforçant le dialogue social ».
Il faut revoir en profondeur le rôle et le fonctionnement des organisations syndicales. Il faut notamment revoir leur financement pour le clarifier. Il faut réévaluer l’opportunité de la contribution patronale au dialogue social : prélever une cotisation obligatoire pour financer les syndicats est perçu par certains comme un véritable racket. (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.) Un tel prélèvement n’incite pas les syndicats à faire des efforts pour trouver de nouveaux adhérents. La cotisation doit être volontaire : si, comme on le voit dans d’autres pays, les syndicats développent de vrais services aux salariés, ces derniers seront incités à y adhérer et les syndicats gagneront en représentativité.
M. Michel Canevet. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. Madame la ministre, vous semblez regretter le faible taux de syndicalisation, et par conséquent le faible nombre de délégués syndicaux dans les TPE et PME. Votre texte s’intitule « Renforcement du dialogue social » ; il soulève donc, nous semble-t-il, une question importante : pour quelle raison le nombre de salariés syndiqués ou exerçant un mandat électif est-il si faible ?
La réalité est qu’en 2017 être syndiqué est encore mal vu par certains patrons ; le risque de répression syndicale, s’agissant de l’avancement de carrière, est bien réel. Le 13 juillet dernier, le Conseil économique, social et environnemental a rendu un rapport intitulé « Repérer, prévenir, lutter contre les discriminations syndicales ». Y sont recensés les tentatives de licenciement abusif, les sanctions disciplinaires injustifiées, les chantages à l’emploi, les harcèlements ou encore les humiliations que subissent certains salariés syndiqués au sein de leur entreprise.
Selon le baromètre du Défenseur des droits et de l’Organisation internationale du travail cité dans ce même rapport, 11 % des salariés du privé et 11 % des agents du secteur public estiment en avoir été victimes ; 14 % d’entre eux pensent avoir été les témoins de discriminations syndicales. Cela est grave : ces actes discriminatoires ont également « valeur d’avertissement pour les autres salariés que l’on cherche à dissuader de s’engager syndicalement », précise le rapport.
De son côté, la CGT a recensé en 2015, en son sein, 165 cas de médiations et actions en justice liées à la discrimination et à la répression syndicales.
Madame la ministre, ce n’est pas en autorisant les employeurs à passer outre les délégués syndicaux que vous renforcerez la protection des syndicalistes, mais en vous attaquant aux racines du mal.
MM. Roland Courteau et Alain Néri. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Comme je le disais précédemment, madame la ministre, vous êtes venue devant la commission des affaires sociales, il y a déjà quelque temps, pour nous présenter votre rapport sur le bien-être au travail.
Vous écriviez, dans ce rapport, que « le sujet de la santé au travail réconcilie le social et l’économique. Investir dans la santé au travail est d’abord une obligation sur le plan humain ; de plus, ce n’est pas une charge, c’est un atout pour la performance. » Vous écriviez également qu’il s’agissait d’un rapport de « praticiens » et non pas d’un rapport d’experts.
Vous aviez alors ciblé de grandes causes de stress : la peur du chômage ; la financiarisation accrue de l’économie, retenant pour seule valeur la performance financière ; l’utilisation à mauvais escient des nouvelles technologies ; les difficultés dans les relations de travail, notamment avec le supérieur hiérarchique, lorsque l’isolement réduit les temps d’échange aux seules consignes. Votre conclusion était alors sans appel sur le rôle fondamental des CHSCT et la nécessité de leur renforcement.
Aujourd’hui encore, quant à moi, je partage votre vision d’alors : le premier des droits des salariés est l’obligation faite à l’employeur d’assurer la sécurité au travail des personnels de son entreprise. Et la fusion des instances représentatives ne peut conduire à autre chose qu’à l’affaiblissement des missions des CHSCT.
M. Roland Courteau. Absolument !
Mme Annie David. Aussi, sauf à décider sciemment de mettre en danger la vie des salariés et de les priver ensuite de leur droit à réparation, cette fusion n’est-elle pas acceptable. Où donc est passée la praticienne de 2010, madame la ministre ? Je conçois qu’il soit pénible, pour les employeurs, d’être déclarés responsables par les tribunaux pour n’avoir pas pris en compte la santé et la sécurité des salariés. Mais quand pensez-vous aux salariés blessés ou malades ?
Les salariés ont des devoirs et des obligations ; les employeurs aussi ! Nous rejoignons ainsi le débat que nous avons eu il y a quelques instants sur le fait que les employeurs doivent eux aussi contribuer à la santé financière de leur entreprise.
Je connais bien ce sujet : en Isère, dans la vallée de la chimie, les salariés des plateformes classées Seveso se battent avec de trop maigres moyens pour prévenir et faire reconnaître le danger auquel ils et elles ont été exposés, leurs maladies professionnelles, les conséquences pour leurs familles. Je pense également, dans le secteur de l’énergie,…
Mme la présidente. Merci, ma chère collègue.
Mme Annie David. … aux agents d’EDF qui interviennent sur la haute tension ou les barrages hydroélectriques.
Pouvez-vous vraiment imaginer, madame la ministre, restreindre plus encore les effectifs et les moyens des CHSCT dans de telles entreprises ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, à lire votre projet de loi, on constate que le dialogue social que vous appelez de vos vœux est totalement asymétrique. Comment justifier que court-circuiter les syndicats, réduire le nombre d’instances et, de fait, le nombre d’élus, vivifierait la démocratie ?
Au lieu de proposer des mesures contradictoires avec les objectifs annoncés, il conviendrait plutôt de s’interroger sur les raisons de la faible syndicalisation. Si les organisations syndicales doivent s’interroger sur leur modèle d’organisation, il faut aussi explorer d’autres pistes. D’une part – je ne ferai qu’évoquer ce point –, madame la ministre, vous vous doutez bien qu’il est plus difficile de s’engager lorsque la précarité et le risque de déclassement sont forts.
D’autre part – j’insiste sur ce point –, la peur du chômage et le comportement trop souvent impuni d’employeurs peu amènes avec leurs salariés syndiqués ne peuvent que freiner l’engouement pour le syndicalisme.
Poursuites judiciaires répétées jusqu’au dernier recours pour épuiser les salariés concernés, avancements freinés, brimades, délégitimation devant les collègues : tous les moyens sont bons, aux yeux de certains employeurs, pour affaiblir les contre-pouvoirs dans l’entreprise.
On pourrait citer la SNCF, condamnée quatorze fois en 2015 après plusieurs années de procédures ; Ford, qui poursuit et fait condamner pour « dégradation en réunion » quatre syndicalistes qui avaient jeté… des confettis ; la SEPUR, qui tente de licencier pour faute grave un salarié protégé et qui, face à l’opposition de la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, décide de poursuivre les fonctionnaires en charge du dossier ; Ikea, qui baisse d’année en année l’évaluation et donc les primes d’un salarié devenu représentant du personnel alors que sa productivité augmente, puis qui, une fois condamnée pour discrimination, épuise tous les recours sans succès.
Et ces exemples ne constituent pas un microphénomène, comme le note le Défenseur des droits, Jacques Toubon, et comme le montre l’avis assorti de vingt-trois recommandations du CESE du 13 juillet dernier. Dans plus du tiers des entreprises interrogées par le ministère du travail, 45 % des représentants du personnel syndiqués déclarent que leur mandat a été un frein pour leur carrière, contre 4 % des représentants non syndiqués, alors même que le salaire de ces travailleurs est plus faible. Ces pratiques répressives et discriminatoires ont forcément des conséquences sur l’engagement des salariés : entre 36 % et 40 % des salariés déclarent que le premier frein à la syndicalisation est la peur des représailles émanant de la direction de l’entreprise.
Si le Gouvernement veut inciter à la syndicalisation, qu’il renforce la législation, qu’il fasse appliquer les lois existantes et qu’il lutte contre ces pratiques d’un autre temps ! À ce titre, le soutien quasiment sans faille des DIRECCTE à des licenciements bien souvent condamnés par la justice ne peut qu’interroger ! Entre 2010 et 2014, l’administration a accepté plus des trois quarts, près de 77 %, des demandes de licenciement, et la quasi-totalité, 95 %, des demandes de rupture conventionnelle de salariés protégés.
Madame la ministre, il y a en effet matière à modifier la loi !
Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, je vous propose de prolonger notre séance au-delà de minuit et jusqu’à zéro heure trente afin de poursuivre l’examen de ce texte, et surtout de pouvoir discuter des amendements de suppression qui se situent dans la continuité des prises de parole qui viennent d’avoir lieu.
M. Martial Bourquin. Je suis pour.
M. Alain Néri. Le Parlement, c’est un lieu où l’on parle la nuit !
Mme la présidente. Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
La parole est à Mme Dominique Gillot, sur l’article.
Mme Dominique Gillot. Les personnes en situation de handicap ont trois fois moins de chances d’occuper un emploi et deux fois plus de risques de connaître le chômage.
Seulement 43 % des personnes reconnues en situation de handicap sont actives, et 35 % sont en emploi. Le taux de chômage des personnes handicapées est deux fois supérieur à celui de la population générale.
Les personnes en situation de handicap sont souvent moins qualifiées, moins formées et plus âgées que la population générale.
Le nombre de personnes en situation de handicap qui travaillent augmente. Aujourd’hui, près de 1 million de personnes handicapées travaillent, dont 80 % en milieu ordinaire de travail.
Quand elles travaillent, les personnes en situation de handicap occupent plus souvent un emploi peu ou pas qualifié, plus souvent que d’autres à temps partiel ou en situation de sous-emploi.
Le handicap est la deuxième cause de discrimination recensée par le Défenseur des droits, et ce principalement dans l’emploi.
Les personnes en situation de handicap ont des qualités, des capacités et des compétences qui doivent pouvoir s’exprimer sur le marché du travail.
Dans le soutien à la politique inclusive des personnes handicapées voulue par le Président de la République, au regard de cette situation, la commission travail-emploi-formation du Conseil national consultatif des personnes handicapées, que j’ai l’honneur de présider, recommande, d’une part, de ne pas dissocier les questions relatives à l’emploi des personnes en situation de handicap de celles qui sont liées à la rénovation de notre modèle social et, d’autre part, d’assurer une sécurisation des parcours vers et dans l’emploi pour tous.
Par conséquent, je demande que le Gouvernement mène systématiquement des études d’impact des réformes envisagées sur l’emploi des personnes en situation de handicap et des proches aidants en matière tant d’accès, d’évolution professionnelle que de maintien dans l’emploi, afin de généraliser et de rendre habituelle l’obligation de recrutement de 6 % de personnes handicapées dans les effectifs salariés des entreprises, qu’elles soient publiques ou privées. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Pour ma part, je suis prêt à accepter l’idée que la fusion des instances d’information et de consultation ne doit pas être écartée dans l’optique du renforcement du dialogue social. (M. Martial Bourquin s’exclame.)
Le sujet n’est d’ailleurs pas nouveau, puisque la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, ou loi Rebsamen, offre une telle faculté aux entreprises de moins de 300 salariés.
La fusion doit permettre de simplifier le dialogue social, mais aussi d’en renforcer le contenu stratégique.
La représentation des salariés est aujourd’hui morcelée en quatre instances différentes au sein de l’entreprise : délégués du personnel, comité d’entreprise, comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et délégués syndicaux. Les témoignages des effets négatifs, tant pour l’employeur que pour les salariés, d’une telle situation abondent. Le système est chronophage, complexe et, en partie, inefficace. Il aboutit à un dialogue social éclaté et à des complications du travail supplémentaires. La quasi-totalité des pays qui entretiennent un dialogue social très développé ont moins d’instances que nous.
Cependant, dans le cadre d’une telle fusion, le champ des responsabilités et des attributions ne doit à l’évidence pas être diminué ou réduit. L’ensemble des compétences du comité d’entreprise, des délégués du personnel et du CHSCT doivent être transférées au nouveau comité. Il ne doit surtout pas être question de baisser la garde sur la santé et la sécurité au travail. À cet égard, je suis favorable à la constitution d’une commission spécifique. La présence d’une instance bénéficiant de la vision stratégique globale ne fait pas obstacle à la création d’une commission spécialisée travaillant sur les métiers dangereux. Un amendement a été déposé en ce sens.
Enfin, et c’est essentiel, la compétence d’ester en justice doit être transférée à cette nouvelle instance.
J’insiste sur un dernier point de vigilance. Puisqu’il est également prévu de limiter le nombre de mandats des représentants du personnel, il est important d’envisager un encadrement du retour à l’emploi des salariés protégés, afin d’éviter la chasse aux sorcières qui a parfois lieu et est source d’un nombre non négligeable de contentieux prud’homaux.
Ces différentes conditions réunies, la fusion pourrait alors peut-être se révéler bénéfique pour tous, c’est-à-dire pour les salariés, les représentants du personnel et les employeurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, sur l'article.
Mme Catherine Génisson. À l’instar de plusieurs de mes collègues, je centrerai mon propos sur l’alinéa 2 de l’article 2. Je ne reviens pas sur les arguments qui ont été avancés, notamment par mon collègue Yves Daudigny, sur la fusion.
En revanche, j’insiste sur la nécessité de réserver un statut particulier au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Le rapport que Mme la ministre a remis en 2010 a été largement évoqué. Je ferai pour ma part référence à celui que Gérard Dériot avait rédigé dans le cadre de la mission d’information présidée par Jean-Pierre Godefroy sur le mal-être au travail. Notre collègue insistait sur la nécessité d’approfondir très largement la formation sur les sujets de santé, en particulier de santé psychologique, et de donner une nouvelle légitimité au CHSCT en clarifiant la répartition de ses compétences avec les autres institutions représentatives du personnel. Il proposait également que le regroupement à moyens constants des compétences du comité d’entreprise et du CHSCT au sein d’une instance unique puisse dans certains cas, en fonction des secteurs d’activité ou des effectifs, être envisagé, sous réserve de l’accord des partenaires sociaux.
Cela rejoint ce que vous indiquiez dans votre rapport, madame la ministre : « […] l’articulation entre le comité d’entreprise et le CHSCT demeure insuffisante, alors même que les sujets économiques et les conditions de travail sont fortement connectés. Une redéfinition des modes d’articulation entre ses instances devrait être recherchée […]. Dans certains cas, en fonction des secteurs d’activité ou des effectifs, il pourrait être envisagé de regrouper à moyens constants les compétences du comité d’entreprise et du CHSCT dans une instance unique, sous réserve de l’accord des partenaires sociaux. »
J’espère que nous aurons une discussion approfondie sur le sujet et qu’elle sera positive. Je me doute bien que la majorité sénatoriale ne votera probablement pas les amendements de suppression de l’alinéa 2 et que la fusion sera donc actée. Mais j’insiste sur la nécessité d’avoir une commission ad hoc ou une instance spécifique permettant de reconnaître les compétences particulières du CHSCT ; nous avons déposé un amendement en ce sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. Madame la ministre, si vous connaissez la réponse à la question posée – comment peut-on simplifier la santé ? –, il faut la communiquer tout de suite aux médecins, qui nous prescrivent de multiples examens ou nous renvoient vers les spécialistes. Nous savons combien il est aujourd'hui difficile de détecter toutes les causes, qui sont multiples, des problèmes liés à la santé.
Mais le travail et l’environnement professionnel en font partie. Comme cela a été évoqué tout à l’heure, il y a deux conceptions de l’entreprise : d’un côté, l’entreprise citoyenne ; de l’autre, l’entreprise où l’on veut avant tout que ça « marche ».
Dans ce dernier cas, il faut aller le plus vite possible. Et la santé doit alors relever de la compétence du conseil d’administration ou de gestion, car, s’il y a trop de malades, l’entreprise n’est plus rentable.
À l’inverse, l’entreprise citoyenne a un rôle à jouer dans la protection des salariés en général. Et, comme les maladies ne se déclarent pas tout de suite – parfois, cela peut prendre plusieurs années –, l’action du comité doit être centrée sur la prévention, l’alerte.
L’alternative est donc entre la gestion du risque et la prévention. Or la prévention, cela implique de déterminer quelles sont les conditions de travail porteuses de maladies, de stress, voire quelles sont les causes de suicides.
Aujourd'hui, on fait comme s’il n’y avait pas aggravation des conditions de travail dans l’entreprise… Pourtant, c’est le cas, qu’il s’agisse du burn-out, des relations avec la hiérarchie, voire de maladies que l’on a du mal à détecter aujourd'hui et que l’on détectera plus tard.
Le CHSCT doit être le garant de l’ensemble de la santé des travailleurs de l’entreprise, de la branche et même de l’ensemble des entreprises. Les gens doivent s’y intéresser particulièrement. Cela ne doit pas être vécu comme un aléa de gestion.