M. le président. L'amendement n° 198, présenté par MM. Vanlerenberghe et Cadic, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

salariés de droit privé

par les mots :

employeurs et aux salariés mentionnés à l’article L. 2211-1 du code du travail

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. À mon tour, monsieur le président, je tiens à vous faire part du regret qui est le mien de vous voir partir, même si ce pas très loin, heureusement. Votre accent, votre voix si chaleureuse, si humaine, vont nous manquer. Marseille a bien de la chance de vous avoir.

Que la Bonne Mère vous garde, surtout !

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L’amendement n° 198 est rédactionnel. Il vise, à l’alinéa 2, à remplacer les mots : « salariés de droit privé » par les mots : « employeurs et aux salariés mentionnés à l’article L.2211-1 du code du travail ».

M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

professionnelle,

insérer les mots :

dans le respect des règles de concurrence loyale et non faussée,

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement vise à limiter les effets prévisibles du dumping économique et social entre les entreprises d’un même secteur d’activité.

En effet, de nombreuses TPE et PME travaillent en tant que sous-traitantes. Par conséquent, elles pourraient être tentées pour obtenir des marchés de diminuer leurs prix et, pour cela, de minimiser le coût du travail. Le risque est donc grand que les négociations ne se fassent au détriment des travailleurs, car, à partir d’une seule entreprise, le phénomène gagnerait inévitablement l’ensemble de la branche.

L’objet de cet amendement est d’éviter ce genre de dérives.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 68 rectifié est présenté par M. Antiste et Mmes Jourda et Monier.

L'amendement n° 89 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 68 rectifié.

M. Maurice Antiste. L’alinéa 3 tend à renforcer considérablement la place des accords d’entreprise dans le droit social.

En effet, il vise à définir de manière limitative les domaines dans lesquels les dérogations par des accords d’entreprise ne seront pas permises. Ainsi, tout domaine n’entrant pas dans cette définition pourra faire l’objet d’un accord ou d’une convention d’entreprise primant sur l’accord interprofessionnel.

Un droit des salariés « à la carte » risque de voir le jour, alimentant le moins-disant social, en contradiction avec les principes qui ont forgé notre code du travail.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de cet alinéa.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 89.

Mme Annie David. Cet amendement vise également à supprimer l’alinéa 3, qui prolonge les mesures de la loi portée par Myriam El Khomri il y a à peine un an.

Sous prétexte de simplifier le code du travail et de renforcer les droits des travailleurs, cet alinéa revient en réalité sur le principe de faveur. Or il est déjà possible de négocier des accords au niveau de l’entreprise ou de l’établissement, à condition qu’ils soient plus favorables aux salariés. Votre but, madame la ministre, est donc non pas de renforcer la négociation, laquelle est déjà possible, ou de la simplifier, mais bien de revenir sur les droits des salariés.

Par ailleurs, une telle mesure ne ferait finalement que complexifier le droit du travail. En effet, c’est un peu comme si l’on envisageait un code de la route par type de routes : un code pour les routes nationales, un pour les routes départementales, un autre pour les autoroutes. Aussi, c’est la loi du plus fort qui s’applique ; en droit du travail, vous le savez, le salarié est lié à son employeur par un lien de subordination.

Mis à part quelques domaines qui demeurent du ressort de l’ordre public, voire de la branche, tout pourra se faire à la carte dans les entreprises. Et dans le cas où la branche continuerait à prédominer sur l’entreprise, cette dernière pourra encore déroger à la loi. Vous allez même jusqu’à considérer que les conditions de sécurité pourraient dépendre de l’entreprise, alors que, chaque année, plus de 600 000 accidents du travail sont déclarés, dont certains sont mortels. Madame la ministre, votre course au dumping social est inquiétante !

Vous proposez en fait de priver les salariés de leurs droits, au risque de leur vie, pour libérer les entreprises de toute contrainte, comme je l’ai entendu dire en commission des affaires sociales. Pour ma part, je ne pense pas que de telles dispositions permettront de créer les emplois que réclament fortement nos concitoyens, en tout cas les millions de chômeurs que compte notre pays.

M. le président. L'amendement n° 90, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après la première occurrence du mot :

interprofessionnels,

insérer les mots :

parmi lesquels les classifications, les salaires minima, les garanties collectives complémentaires, la mutualisation des fonds de formation professionnelle, la prévention de la pénibilité et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. L’alinéa 3, qui constitue l’un des éléments majeurs de votre projet de loi, madame la ministre, est selon nous dangereux.

En légiférant par ordonnances, vous attendez de nous que nous vous signions un chèque en blanc et que nous vous permettions de décider des domaines dans lesquels les accords d’entreprise pourront déroger aux accords de branche ou à la loi.

C’est d’autant plus grave que l’inversion de la hiérarchie des normes qui est mise en place et la suppression du principe de faveur produiront des effets négatifs. Jusqu’à présent, sauf exception dûment prévue, les salariés, par la négociation collective à l’échelle de leur entreprise, ne pouvaient obtenir que des améliorations, des plus-values par rapport à la loi. Tel ne sera plus le cas.

Aussi nous paraît-il utile, par souci de transparence et d’information de nos concitoyens, que soit très explicitement mentionnés dans l’article 1er les domaines dans lesquels il sera impossible de déroger aux accords de branche par un accord d’entreprise ou par une convention.

Certes, les intentions du Gouvernement sont précisées, notamment dans le rapport de l’Assemblée nationale, mais la rédaction actuelle de l’alinéa 3 est encore beaucoup trop floue et laconique. Cette liste nous pose plusieurs problèmes.

La gestion et la qualité de l’emploi, soit la durée minimale du temps partiel et les compléments d’heures, les contrats courts, les CDD, les contrats de travail temporaire et les conditions de recours au CDI de chantier relevaient jusqu’à présent de la loi. Vous souhaitez qu’ils relèvent des branches, avec toutes les inégalités que cela créerait pour les salariés d’une entreprise à l’autre.

Par ailleurs, des domaines essentiels sont manquants dans la liste des domaines sanctuarisés par les accords de branche. Cela signifie que, dans ces domaines, ce sont les accords d’entreprises qui primeront. C’est la raison pour laquelle notre amendement vise à ajouter dans cette liste un domaine aussi important que la prévention de la pénibilité.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que la nouvelle articulation des normes soit dans tous les cas la plus explicite possible et qu’elle protège au maximum les salariés.

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié ter, présenté par Mme Lienemann, MM. Godefroy, Tourenne et Duran, Mme Jourda, M. Labazée, Mme Yonnet, M. Mazuir, Mme Monier et M. Courteau, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après les mots :

ou accord d’entreprise, ou le cas échéant d’établissement,

insérer les mots :

tels que la prévention des risques et les règles et conditions d’hygiène et de sécurité,

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je serai brève, car nos collègues communistes ont déjà pour une large part expliqué notre ligne stratégique.

Mon amendement est très modeste. Il vise simplement à prévoir que la prévention des risques et les règles et conditions d’hygiène et de sécurité relèvent impérativement de la branche. Il y va tout de même de la vie des gens, de leur sécurité ; c’est essentiel.

Ces domaines, j’y insiste, doivent relever a minima de la branche.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 69 rectifié est présenté par M. Antiste et Mme Jourda.

L'amendement n° 91 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 69 rectifié.

M. Maurice Antiste. L’alinéa 4 prévoit que les petites et moyennes entreprises pourront être exonérées de certaines règles prévues par les accords de branche.

Une telle disposition fragilisera les droits des salariés de ces entreprises alors même qu’ils bénéficient bien souvent déjà de protections moins importantes que ceux des grands groupes : absence de délégués du personnel, élaboration d’un règlement intérieur …

Pour ces raisons, nous proposons la suppression de cet alinéa.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l'amendement n° 91.

M. Pierre Laurent. Cet amendement, identique à celui de notre collègue Maurice Antiste, vise à supprimer le quatrième alinéa de l’article 1er. S’il était conservé, cet alinéa fragiliserait grandement les petites entreprises, car il leur ouvrirait la possibilité de déroger aux accords de branche.

Le risque est qu’un nombre croissant d’entreprises s’engagent sur la voie du dumping social. La majorité sénatoriale s’est d’ailleurs engouffrée dans la brèche, en exigeant que l’on se penche tout particulièrement sur le cas des petites entreprises dépourvues de représentants du personnel.

Nous nous opposons à cet alinéa particulièrement révélateur de la philosophie générale du texte, lequel ne définit pas d’ailleurs ce qu’est une « petite entreprise ». À cet égard, le projet de loi d’habilitation qui nous est soumis est flou. S’agit-il d’entreprises de 5, de 10, de 30 ou de 50 salariés ? On le voit bien, la logique est de créer un droit du travail à la carte, comme cela a déjà été dit.

Les salariés ne sont pas les seuls à s’opposer à la généralisation de ces dérogations. Beaucoup de petits patrons et d’artisans s’inquiètent eux aussi de cette logique, car les accords de branche sont protecteurs pour nombre de PME, elles aussi menacées par la logique du dumping social.

En vérité, on nous fait une présentation en trompe-l’œil. Ainsi Mme la ministre a déclaré tout à l’heure qu’il y aurait trois blocs. Si elle a indiqué pour deux d’entre eux les domaines qui seraient concernés, elle ne l’a pas fait pour le troisième, celui qui relèvera des accords d’entreprise. Et pour cause ! Si elle donnait une liste, elle serait de loin la plus longue de toutes !

En vérité, tout ce qui ne sera pas préservé par les accords de branche sera ouvert aux accords d’entreprise. C’est cette logique qui prévaudra. Elle entraînera plus de dumping social et la dégradation de la protection des salariés.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

(Mme Isabelle Debré remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 162 rectifié, présenté par Jean Desessard, car il vise à revenir sur ses travaux, en particulier sur l’alinéa 4.

L’amendement n° 198 de Jean-Marie Vanlerenberghe et d’Olivier Cadic n’est pas uniquement de nature rédactionnelle. Il vise tout d’abord à mentionner les employeurs, en plus des salariés. Il tend ensuite à faire référence à l’article L. 2211-1 du code du travail, qui prévoit que les dispositions relatives à la négociation collective s’appliquent aux employeurs de droit privé ainsi qu’à leurs salariés, aux établissements publics à caractère industriel et commercial ; aux établissements publics à caractère administratif lorsqu’ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé.

Je ne suis pas opposé à une telle précision juridique. La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Je souscris évidemment à la philosophie de l’amendement n° 23 rectifié, mais je me pose des questions sur le caractère opérationnel d’une telle précision.

Il revient à la loi de fixer l’ordre public et le cadre juridique dans lequel les partenaires sociaux de la branche pourront négocier. À quel moment une stipulation d’un accord d’entreprise se transforme-t-elle en distorsion de concurrence ? Qui sera chargé de vérifier que le principe de concurrence est respecté ? Je pense qu’une telle précision juridique serait un nid à contentieux et qu’elle pourrait bloquer le processus de promotion des accords d’entreprise.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Nous sommes évidemment opposés à la suppression de l’alinéa 4, que tendent à prévoir les amendements identiques nos 68 rectifié et 89, présentés respectivement par M. Antiste et par M. Watrin. Les règles actuelles régissant les relations entre les accords de branche et les accords d’entreprise sont complexes et méconnues des employeurs comme des salariés. Il faut achever la dynamique portée par la loi Travail, qui vise à donner plus de place aux accords d’entreprise dans le code du travail.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

La commission n’est pas favorable non plus à l’amendement n° 90, car le bilan de la concertation avec les partenaires sociaux, publié le 28 juin dernier, pourrait aboutir à ce que la question de la pénibilité fasse partie non plus des thèmes relevant du premier bloc, celui du monopole légal des accords de branche, mais du deuxième bloc, celui des clauses verrouillées sur décision de la branche.

En outre, la rédaction proposée alourdirait le texte, alors même qu’au moins cinq des six thèmes actuels devraient être repris par l’ordonnance.

La commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 2 rectifié ter présenté par Marie-Noëlle Lienemann.

Enfin, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 69 rectifié et 91. Il est nécessaire que les accords de branche tiennent compte des spécificités des petites entreprises.

Contrairement à ce qu’affirment les auteurs de ces amendements, il s’agit non pas d’interdire aux partenaires sociaux de la branche de traiter le cas des petites entreprises, mais de les obliger à prévoir les règles qui ne leur sont pas applicables et à adapter d’autres stipulations pour tenir compte de leurs spécificités.

Selon la commission, il n’y a pas de risque de dumping social, car c’est justement les partenaires sociaux de la branche qui devront fixer les règles du jeu pour les petites entreprises.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement émet, comme la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 162 rectifié.

Il est en revanche favorable à l’amendement n° 198, sur lequel la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat. La précision rédactionnelle que tend à introduire cet amendement nous paraît utile, car elle évite toute ambiguïté en confirmant que la réforme a bien évidemment vocation à s’appliquer à l’ensemble des salariés du secteur privé, quel que soit le statut de leur employeur. Ce n’est pas un changement par rapport au droit actuel.

Enfin, à l’instar de M. le rapporteur, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 23 rectifié, sur les amendements identiques nos 68 rectifié et 89, sur les amendements nos 90 et 2 rectifié ter, ainsi que sur les amendements identiques nos 69 rectifié et 91

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l'amendement n° 162 rectifié.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mon explication de vote vaudra en fait pour l’ensemble de ces amendements en discussion commune. J’indique que je voterai notamment ceux de mes collègues du groupe CRC et de notre collègue Maurice Antiste.

On nous oppose souvent que nous ne serions pas assez attentifs aux PME et aux TPE. La réalité, c’est qu’un très grand nombre de ces entreprises sont des sous-traitantes et sont, de ce fait, soumises aux pressions de leurs donneurs d’ordres. Ainsi, on l’a vu, il est arrivé que des donneurs d’ordres exigent de leurs sous-traitants qu’ils diminuent leurs prix à proportion de ce qui leur était versé au titre du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Ces sous-traitants ont eu beaucoup de mal à résister à ces pressions, craignant de perdre leurs contrats.

Si l’on ouvre les vannes pour les PME, si les règles qui leur sont applicables peuvent différer de celles de la branche, ces entreprises risquent de subir les pressions de leurs donneurs d’ordres, à qui bénéficiera ce recul social.

Nous ne sommes pas contre les patrons de PME, nous voulons simplement que le droit du travail soit équitable et égal pour toutes les entreprises, qu’elles soient grandes ou petites.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 162 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 198.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 68 rectifié et 89.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 69 rectifié et 91.

M. Dominique Watrin. Je ne voudrais pas laisser penser que nous ne serions pas aux côtés des TPE et des PME, qui connaissent effectivement beaucoup de difficultés ; ce sujet est important.

Ce qui pose problème ici, c’est qu’aucun critère de dérogation n’est énoncé. L’exécutif aura donc toute latitude et pourra rendre optionnelle l’application des accords de branche. Mon collègue a montré que cela pouvait conduire au dumping social. Comme il l’a dit, il n’est pas donné dans le texte de définition des « petites entreprises », une expression qui est particulièrement floue.

Nous sommes, nous, aux côtés des petites et moyennes entreprises et nous pensons qu’il y a d’autres manières de les aider. Cela a été rappelé, ce sont surtout les grandes entreprises qui ont bénéficié de la manne du CICE. Même si nous ne sommes pas convaincus par ce dispositif, il nous semble qu’il serait beaucoup plus utile s’il était recentré sur les petites entreprises.

Par ailleurs, vous le savez, l’impôt sur les sociétés pèse trois fois moins sur les entreprises du CAC 40 que sur les moyennes entreprises. C’est inacceptable ! Voilà un domaine dans lequel le Gouvernement devrait intervenir.

Enfin, je rappelle que, dans son rapport de mars 2017, le Conseil économique, social et environnemental a proposé de véritables pistes pour aider les petites et moyennes entreprises. Il propose ainsi d’orienter le crédit bancaire vers ces entreprises, sur le fondement de critères précis, favorables à l’emploi, de faciliter la transformation numérique et l’investissement immatériel par des prêts à moyen terme, d’améliorer les relations entre les banques, les très petites entreprises et les PME, ces relations étant un problème récurrent, de développer les relations interentreprises, de faire du développement des TPE et PME les priorités des conventions de revitalisation.

Il vaudrait mieux agir concrètement dans ce sens, plutôt que de réduire les protections des salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Je voterai bien évidemment contre ces amendements.

Je suis un peu étonné d’entendre ces personnes…

Mme Annie David. Ces « personnes » ?

Mme Nicole Bricq. Ces collègues !

M. Olivier Cadic. … dire qu’elles veulent défendre les TPE et les PME.

Ces entreprises savent bien que le droit actuel est trop contraignant pour elles. Leurs clients traversent sans problème les frontières pour contracter avec des entreprises plus flexibles.

Offrir une meilleure protection aux TPE-PME, c’est précisément assouplir le droit du travail et prendre en compte leurs besoins au niveau de l’entreprise.

Sincèrement, la logique que vous défendez ne correspond pas aux attentes des TPE-PME. Il est important de le rappeler ici. Pour ma part, je ne vous connais pas d’expérience dans le management des TPE-PME. (Protestations sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Annie David. Qu’est-ce que vous en savez ?

M. Olivier Cadic. Moi, cela fait trente-cinq ans que je crée et que je dirige des entreprises ! (Mêmes mouvements.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous avez surtout l’expérience de la défiscalisation !

Mme Annie David. Retournez donc en Grande-Bretagne gagner de l’argent sur le dos des salariés !

M. Olivier Cadic. Ce que demandent les entreprises en France, madame la ministre, c’est qu’on leur fasse confiance. Vous avez raison d’aller dans ce sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. Il me semble qu’il y a dans le projet de loi d’habilitation une sorte d’incohérence. Mme la ministre nous a expliqué qu’il existe trois catégories d’accords de branche : ceux auxquels il n’est pas possible de déroger et qui s’appliquent à tous sans exception ; ceux dans lesquels la branche décide elle-même que des aménagements sont possibles, en fonction d’un certain nombre d’intérêts ; enfin, les accords d’entreprise.

Par conséquent, on a considéré que l’accord de branche était protecteur. La branche peut décider – c’est à elle de le faire, non à la loi – si des petites entreprises peuvent ou non déroger à certaines règles. Cela n’a pas sa place ici.

Je voterai donc ces amendements.

M. Martial Bourquin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je pense que certaines « personnes », qui siègent ici en tant que parlementaires, devraient réfléchir un peu avant de prendre la parole. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Cher collègue, qu’est-ce qui vous permet de dire que nous n’avons aucune expérience dans le management des entreprises ? Parmi les communistes, il y a aussi des chefs d’entreprise, mais ils ne gèrent pas leur entreprise comme vous, monsieur Cadic. Nous n’implantons pas nos entreprises en Grande-Bretagne pour échapper à l’impôt, aux lois françaises, et pour gagner encore un peu plus d’argent sur le dos des salariés ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

Nous, communistes français, en tant qu’entrepreneurs, nous maintenons nos entreprises et l’emploi industriel sur notre territoire, car il nous semble important que chacun puisse vivre dignement de son travail, monsieur Cadic. (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.

M. Maurice Antiste. Après l’intervention de mon collègue Olivier Cadic, je me sens encore plus proche des positions de M. Laurent. Je signe et contresigne ses propos ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Jean Desessard. C’est la lutte des classes dans l’hémicycle ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Je pense, mes chers collègues, qu’il est aberrant de prétendre que le code du travail est le principal problème des PME-TPE. Comme plusieurs rapports sénatoriaux l’ont montré, ce sont les délais de paiement, surtout ceux des grands donneurs d’ordres, qui leur posent problème.

M. Jean Desessard. Il faut faire des ordonnances sur ce thème !

M. Martial Bourquin. Ce mal récurrent, contre lequel pas grand-chose n’a été fait, met les entreprises en difficulté.

Une suppression d’entreprise sur quatre est due aux délais de paiement qui sont trop longs. Jamais le code du travail n’est incriminé sur ces questions.

Ne refaisons donc pas l’histoire pour justifier le bien-fondé de ce projet de loi d’habilitation ! Les PME et les TPE ont besoin que les grands donneurs d’ordre remplissent leur carnet de commandes, mais surtout qu’ils respectent des délais de paiement convenables. J’entends aujourd'hui dire tout et n’importe quoi dans ce débat. Il s’agit en plus de statistiques officielles de Bercy !

Défendons plutôt nos PME et TPE. Cela va encore quand elles sont des sous-traitants de rang un, car il s’agit alors de grandes entreprises. Toutefois, lorsqu’elles sont des sous-traitantes de rang deux, de rang trois ou de rang quatre, elles se trouvent confrontées à des difficultés incroyables ! Les TPE sont favorables aux accords de branche, parce qu’elles ne peuvent pas conclure d’accords d’entreprises. Souvent, la personne à la tête d’une TPE est au travail comme ses salariés.

Bref, sur toutes ces questions, de grâce, ne refaisons pas l’histoire et gardons-nous de donner une image totalement faussée de l’entreprise ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Madame la présidente, permettez-moi en préalable de vous présenter toutes mes amitiés. C’est toujours un plaisir d’entendre votre accent des Hauts-de-Seine dans cet hémicycle ! (Rires.)

M. Jean Desessard. Madame la ministre, répondez à la question de M. Bourquin : pourquoi ne prenez-vous pas d’ordonnances en matière de délais de paiement ?

M. Jean Desessard. Il s’agit pourtant du premier problème répertorié !

Si vous aviez agi de la sorte, nous aurions tous été d’accord avec vous et nous aurions félicité le gouvernement de M. Édouard Philippe.

Madame la ministre, vous qui êtes au fait des difficultés des entreprises, pourquoi ne légiférez-vous pas par ordonnance sur le problème numéro un de celles-ci : les délais de paiement ? C’était facile, et vous auriez reçu une ovation dans cet hémicycle, voire à l’Assemblée nationale. Pourquoi le problème numéro un n’est-il pas traité ?

Ce n’est pas faire preuve de pragmatisme que d’aborder en premier lieu les difficultés idéologiques, à savoir le code du travail. Le pragmatisme aurait été de s’attaquer directement aux problèmes des entreprises.

Or cela a été souligné à de nombreuses reprises, car c’est un fait avéré : le problème numéro un, ce sont les délais de paiement. Pourquoi n’avez-vous pas agi par ordonnance pour régler cette difficulté ? Nous aurions eu tout le temps ensuite de discuter durant l’année du problème numéro trois pour envisager d’éventuels aménagements du code du travail.