M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. De la même manière, la loi prévoit la mise en place d’une filière de déconstruction des bateaux de plaisance, à l’image de ce qui existe depuis longtemps sur les véhicules hors d’usage. À la suite de la parution du décret organisant cette filière, le cahier des charges des éco-organismes va paraître très prochainement. Cela permettra d’apporter des réponses concrètes aux détenteurs de bateaux hors d’usage et aux collectivités qui se retrouvent souvent submergées par des bateaux abandonnés. Cela permettra aussi de créer une filière industrielle et un savoir-faire français dans ce domaine, et ainsi de créer de nombreux emplois. (M. Jean Desessard s’exclame.)
Avec la loi de transition énergétique, mais également avec une loi dédiée portée avec Guillaume Garot en février 2016, notre majorité a mis en place une série de mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire. La plus emblématique concerne l’obligation pour les distributeurs de produits alimentaires de proposer des conventions de don de leurs invendus encore consommables à des associations caritatives. Cette mesure est maintenant une source d’inspiration pour plusieurs autres pays européens.
En conclusion, je dirai un mot sur la durée de vie des produits.
Je confirme à M. Desessard, qui a notamment abordé ce sujet essentiel, que l’économie circulaire est un sujet éminemment transversal. Cela est particulièrement important dans un contexte où le Sénat a publié voilà quelques semaines, comme vous l’avez relevé, un rapport visant à alerter sur la durée de vie des téléphones portables. À cet égard, je tiens à saluer l’excellent travail de la sénatrice Marie-Christine Blandin qui, avec son groupe, a pris l’initiative de ce débat parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Madame la sénatrice, les chiffres que vous rappelez dans votre propos sont édifiants et appellent, à l’évidence, un renforcement de notre arsenal.
De manière générale, je vous rejoins sur l’importance de ce sujet, en raison à la fois de son caractère symbolique pour tous les citoyens – aujourd’hui, une très grande partie de la population est équipée de smartphones ou de téléphones portables et constate leur durée de vie très limitée –, et de son importance environnementale : ces appareils contiennent en effet de grandes quantités de métaux rares ou stratégiques, dont l’approvisionnement peut être source de tensions entre les pays et de pollutions environnementales. Il est effectivement surprenant que l’on nous demande actuellement d’ouvrir de nouvelles mines d’or en Guyane, alors que les téléphones portables et les cartes téléphoniques qui se trouvent dans nos poubelles ou dorment dans nos placards en contiennent de très fortes quantités ! (M. Joël Labbé opine.)
La loi de transition énergétique définit, pour la première fois au monde, un cadre législatif à la notion d’obsolescence programmée. De telles pratiques, consistant à concevoir délibérément un produit de manière à réduire sa durée de vie, sont maintenant clairement définies par la loi, et deviennent un délit condamnable pénalement. (M. Jean Desessard s’exclame.)
L’allongement de la durée de vie des produits doit aussi passer par d’autres mesures.
La loi prévoit notamment l’expérimentation de l’affichage en magasin de la durée de vie prévisionnelle des produits. Une telle expérimentation est en cours de préparation par les services du ministère de l’environnement.
Plus généralement, le rapport du Sénat pointe l’importance de plusieurs actions à l’instar de la structuration de la filière de collecte et de recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques. À ce sujet, la loi de transition énergétique a prévu l’obligation, pour tous les opérateurs de traitement des déchets issus des équipements électriques et électroniques, d’être en contrat avec un éco-organisme de la filière de responsabilité élargie des producteurs, ou REP, concernée.
Cette mesure est importante, car elle permettra de limiter très fortement la filière illégale de traitement de ces déchets, qui aboutit souvent à des exportations illégales vers des pays d’Afrique, d’Asie ou autres, afin de récupérer les métaux stratégiques de ces déchets. Cette mesure permettra aussi d’augmenter la transparence de cette filière.
Le renforcement des modulations des écocontributions de la filière REP, pour donner des bonus aux producteurs améliorant l’écoconception de leurs équipements électriques est un point important. Nous rejoignons les conclusions du rapport : si la modulation est déjà une réalité, elle doit être accentuée et approfondie, en particulier s’agissant de la durée de vie des produits.
Je citerai également la mise en place opérationnelle d’un dispositif de sanctions à l’encontre des producteurs de téléphones portables et, plus généralement, d’équipements électriques et électroniques ne respectant pas le cadre réglementaire. Ce dispositif de sanctions a été renforcé par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages afin de prévoir des amendes dissuasives pour les producteurs n’adhérant pas à un éco-organisme, ne pratiquant pas la reprise « un pour un » des déchets en magasin ou ne respectant pas les réglementations concernant l’export de déchets.
Enfin, la question de l’opportunité d’augmenter les durées de garantie des produits de deux ans à cinq ans, voire dix ans pour certaines catégories de produits, a clairement été posée dans la loi de transition énergétique. Aux termes de la loi, le Gouvernement doit transmettre au Parlement un rapport sur ce sujet. Ce dernier est en cours de concertation interministérielle et sera publié très prochainement.
J’ai bien noté que le Sénat a lui-même proposé, lors de ses récents travaux, un passage de deux à quatre ans pour les téléphones portables, rejoignant ainsi les revendications de certaines associations environnementales. En tout état de cause, il semble important que de tels débats puissent être organisés à une échelle européenne, pour maximiser leur effet et éviter les distorsions de concurrence entre fabricants et distributeurs au sein des différents États membres.
M. Jean-François Husson. Tout à fait !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Le rapport gouvernemental prévoira également d’autres pistes d’action, largement convergentes ou inspirées du rapport du Sénat.
La première consiste à renforcer la garantie légale de conformité en faisant obligatoirement figurer en toutes lettres sur la facture d’achat d’un produit une mention selon laquelle l’achat du produit s’accompagne d’une garantie légale de conformité de deux ans.
La deuxième vise à encourager la réparation des biens, en donnant la priorité à la réparation du bien, au lieu de procéder à un échange standard dans le cas d’un défaut de conformité : le ministère de l’environnement souhaite proposer une évolution de la directive européenne affirmant cette priorité à la réparation.
La troisième tend à renforcer l’affichage de la disponibilité des pièces détachées, y compris l’absence de garantie de disponibilité des pièces détachées, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Je conclurai sur ce point en réagissant aux propos de M. Bosino concernant l’importance des syndicats dans le repérage des difficultés que rencontrent les travailleurs dans la réparation ou le recyclage des équipements électriques, avec l’exemple édifiant de Samsung.
Je partage votre point de vue, monsieur le sénateur, car il est essentiel de veiller aux bonnes conditions de travail et de s’assurer que le dialogue social permettra de repérer les éventuelles difficultés. Ce point rejoint, du reste, la question des lanceurs d’alerte chère à Mme Blandin.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat n’est pas une fin : il s’inscrit dans une réflexion qui ne demandera qu’à s’enrichir de nouvelles pratiques, de nouvelles expériences, mais aussi de nouvelles ambitions et de nouveaux défis. Le débat, lui aussi, doit devenir circulaire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. On tourne en rond ! (Sourires.)
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Permettez-moi de reprendre, pour conclure, quelques expressions prononcées aujourd’hui, qui me paraissent frappées au coin du bon sens : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » – nous revenons aux fondamentaux – ; « faire primer le bon sens sur l’idéologie » – nous sommes tous d’accord –, « plus de matière grise pour moins de matières premières. » Tout est dit ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Économie circulaire : un gisement de matières premières et d’emploi. »
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, afin de permettre à chacun de rejoindre la salle Clemenceau, où va se dérouler le débat sur le bilan de l’application des lois.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq, en salle Clemenceau, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
9
Débat sur le bilan de l’application des lois
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan de l’application des lois (rapport d’information n° 396).
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président Claude Bérit-Débat, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, notre séance plénière se tient dans la salle Clemenceau. Je rappelle que le groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat avait proposé, sur l’initiative de ses deux rapporteurs, Roger Karoutchi et Alain Richard, de recourir plus souvent à cette possibilité. Nous ne l’utilisons pas assez souvent ; il en sera peut-être autrement dans quelques semaines.
Nous sommes réunis pour effectuer le bilan de l’application des lois, qui prend cette année une forme un peu particulière, puisqu’il portera sur l’ensemble du quinquennat, plus exactement sur 47 lois qui ont été considérées par les commissions comme les plus significatives. C’est un moment essentiel, dans la mesure où, comme vous le savez, le Sénat attache une importance particulière au contrôle de l’application des lois, qui constitue depuis 1972 une spécificité de notre assemblée.
Sur la suggestion d’Alain Richard, la conférence des présidents a prévu cette année une organisation plus interactive de la discussion, afin que le dialogue s’engage, monsieur le secrétaire d’État, de manière dynamique et constructive sur les points essentiels que soulèveront les présidents de commission et les orateurs des groupes. Vous pourrez réagir immédiatement pour une durée équivalente.
Avec votre autorisation, je tiens à saluer l’attention portée par Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement, à la publication dans les meilleurs délais des nombreux textes d’application. Cette séance est souvent l’occasion d’adresser des reproches, mais je dis les choses telles qu’elles sont, monsieur le secrétaire d'État ! M. le secrétaire général du Gouvernement a été entendu le 24 janvier dernier par le président Claude Bérit-Débat, en présence des présidents de commission ou de leurs représentants.
Sans plus attendre, je donne la parole pour dix minutes à M. Claude Bérit-Débat, président de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études. Je le remercie pour la qualité de son rapport d’information sur le bilan de l’application des lois du quinquennat au 31 décembre 2016.
M. Claude Bérit-Débat, président de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, la séance publique de cet après-midi va nous permettre de faire le point sur l’application des lois. Je tiens à vous remercier de votre présence, monsieur le secrétaire d’État.
Ce rendez-vous annuel vise cette année un objectif bien précis. Il est, en effet, question ici non pas seulement de débattre, comme à l’accoutumée, de l’application des lois à l’aune des chiffres de la session parlementaire précédente ou de la législature en cours – cet exercice viendra dans les mois à venir –, mais également de faire un focus sur l’application des lois considérées comme significatives par les commissions permanentes et promulguées au cours du quinquennat qui touche à sa fin.
Tous les chiffres relatifs à ces lois significatives figurent dans mon rapport d’information écrit. Aussi me contenterai-je d’en récapituler les points essentiels.
Ces données, je vous le rappelle, ont été établies à partir des bilans détaillés des commissions permanentes, dont je salue la qualité, et des statistiques de la direction de la législation et du contrôle du Sénat, après recoupement avec les chiffres concordants du secrétariat général du Gouvernement.
Comme en 2015 et 2016, dans le cadre du contrôle annuel de l’application des lois, nous avons eu l’honneur d’auditionner M. le secrétaire général du Gouvernement, M. Marc Guillaume, le 24 janvier dernier, comme vient de le préciser M. le président.
Au vu de ces informations et des spécificités méthodologiques inhérentes à cet exercice un peu particulier, quatre points semblent devoir être soulignés.
Tout d’abord, les sept commissions permanentes ont sélectionné 47 lois considérées comme significatives et dont le détail est fourni au sein du rapport. Les dispositions cumulées nécessitent près de 1 600 mesures d’application de toute nature. À l’exception de deux textes, le choix des commissions s’est porté sur des lois d’origine gouvernementale.
La taille des lois sélectionnées est variée. Alors que certaines illustrent bien le phénomène souvent décrit selon lequel les textes législatifs sont de plus en plus volumineux, d’autres lois significatives sont, à l’inverse, de taille plus modeste, mais revêtent néanmoins une portée politique forte, justifiant leur entrée dans notre champ d’étude.
La loi la plus ancienne retenue a été promulguée fin décembre 2012, alors que les textes les plus récents datent du mois d’août dernier. Le délai de six mois que s’est fixé le Gouvernement pour appliquer les lois n’était donc pas échu, en ce qui concerne ces derniers textes, à la date du 31 décembre 2016, date d’établissement des statistiques du rapport – nous en avons tenu compte.
Si le champ d’étude du rapport porte bien sur 47 lois significatives, son champ statistique est, lui, réduit à 33 textes. En effet, en ont été logiquement soustraites sept lois d’application directe étudiées sous leurs seuls aspects qualitatifs par les commissions, trois collectifs budgétaires analysés sous l’angle de quelques dispositions seulement, ainsi que quatre lois promulguées après le 1er juillet 2016.
Ensuite, le taux d’application des mesures entrant dans ce champ statistique est notable. Il atteint, en effet, 86 % au 31 décembre 2016, selon les données de la base APLEG. À titre de comparaison, le taux de mise en application de l’ensemble des dispositions législatives de la XIIIe législature prescrivant un texte réglementaire était de 73 % à la fin du mois de décembre 2011, selon cette même source.
Le taux d’application de 86 % est donc élevé. Les développements des bilans des commissions permanentes ne manquent d’ailleurs pas de le souligner pour les lois qui les concernent, même si les réserves habituelles sur la portée relative des taux d’application sont une nouvelle fois souvent rappelées.
S’il ne s’agit pas d’un taux global, ce taux attaché à un échantillon de lois significatives semble cohérent avec la tendance à la hausse que connaît le taux d’application des lois depuis le début du quinquennat. Cette tendance est illustrée par l’évolution des taux d’application session par session présentée par les rapports d’information annuels du Sénat sur le sujet, mais également par les bilans semestriels et désormais mensuels produits par le Gouvernement. Le prochain bilan annuel sur l’application des lois qui prendra place au printemps prochain nous permettra, je l’espère, de constater une nouvelle fois cette tendance.
Par ailleurs, j’émettrai un léger bémol concernant, comme chaque année, le taux de dépôt des rapports que le Gouvernement doit, le cas échéant, remettre au Parlement, qu’il s’agisse du rapport de « droit commun » sur la mise en application des lois prévu par l’article 67 de la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004 ou des rapports ad hoc éventuellement prévus par certains textes. En effet, pour les 33 textes considérés, le taux de dépôt des rapports relevant de l’article 67 précité avoisine seulement 60 %.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, je reprendrai, si vous m’y autorisez, le sens de votre communication en conseil des ministres le 8 février dernier. Outre un taux d’application des lois de 90 %, le compte rendu mentionne que « l’ensemble des ministères poursuivront leurs efforts jusqu’à la fin du quinquennat, afin de maintenir le taux d’application des lois à un très haut niveau ».
Il est vrai que la qualité des taux d’application résulte du travail particulièrement significatif mis en œuvre par le Gouvernement pour les obtenir. Le niveau très satisfaisant atteint par les chiffres actuels ne sera néanmoins maintenu que si les efforts et la vigilance nécessaires sont conservés jusqu’à la fin de ce quinquennat et par les futurs gouvernements.
Les enjeux de la qualité de l’application des lois dépassent de loin les seules questions juridiques qui y sont souvent attachées. Bien qu’administratif, le travail d’application des lois est en réalité empreint d’une profonde portée politique, puisqu’il recèle en son sein la garantie de la crédibilité de nos institutions démocratiques.
La qualité de l’application des lois est, en effet, une réponse définitive aux critiques populistes fréquentes qui remettent en cause l’effectivité des textes que nous votons et, par là même, l’essence du travail parlementaire.
Il n’est plus aujourd’hui possible de reprendre l’idée facile, mais fausse, selon laquelle les lois ne sont pas appliquées, car les faits sont là.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président Claude Bérit-Débat, mesdames, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie tout d’abord de m’accueillir pour le dernier exercice annuel de la législature qui consiste à établir un bilan et instaurer un dialogue autour de la question, essentielle, de l’application des lois.
Tout d’abord, je tiens à remercier M. Claude Bérit-Débat, l’ensemble des présidents de commission ainsi que les services du Sénat qui, grâce à leur remarquable expertise, nous permettent de suivre avec précision le travail réalisé et les efforts restant à fournir afin que les lois votées ne restent pas lettre morte et puissent se traduire en réalités concrètes pour nos concitoyens.
Cet enjeu, vous le savez, est au cœur des préoccupations du Président de la République depuis 2012 et des gouvernements successifs. Outre la mise en place du comité interministériel de l’application des lois, que j’ai réuni voilà deux semaines et que je réunirai de nouveau dans la deuxième quinzaine du mois de mars avec le secrétaire général du Gouvernement, le suivi de l’application des lois fait toujours l’objet de communications régulières en conseil des ministres et d’une grande attention, mêlée d’un peu d’inquiétude, de la part de mes collègues membres du Gouvernement.
Les bonnes pratiques, de même que les travaux conduits chaque année avec le Sénat, nous ont permis d’atteindre les excellents résultats que vous avez soulignés, monsieur le président Bérit-Débat.
Bien que les méthodologies de calcul de l’application des lois diffèrent à la marge, notamment pour la prise en compte des mesures de nature infradécrétale et des décrets dits « spontanés », les résultats du Sénat et du Gouvernement vont dans le même sens. Le taux d’application de l’ensemble des textes adoptés depuis le début de la législature et promulgués depuis plus de six mois est en constante amélioration, et, comme vous l’avez également relevé, il est supérieur de plus de dix points à celui de la fin de la précédente législature.
Au-delà de ce taux global, prenant en compte la règle des six mois, les sénateurs ont collectivement décidé cette année, en cette fin de mandat, d’effectuer un bilan plus ciblé et plus qualitatif, portant sur quarante-sept lois particulièrement représentatives de l’action du Gouvernement. Dans le rapport d’information, M. Jean Bizet a également fait état du bilan de la prise en compte des positions du Sénat dans la législation et les négociations européennes.
Sur ces deux périmètres, l’amélioration des résultats du Gouvernement est également indéniable.
Pour autant, une fois ce bilan positif établi, nous ne devons pas relâcher notre effort dans les derniers mois et les dernières semaines de ce quinquennat pour mettre en œuvre les mesures ayant pris du retard et celles que contiennent les lois qui seront adoptées jusqu’à la fin de cette semaine : je rappelle que la session parlementaire s’achèvera après-demain. Je vais donc continuer à veiller activement à la mobilisation de nos services et des cabinets ministériels pour améliorer encore le taux d’application de certaines d’entre elles.
Je citerai tout d’abord quatre textes déjà anciens, puisque promulgués il y a plus d’un an, pour lesquels des retards persistent et doivent être comblés dans les meilleurs délais : tout d’abord, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, la loi ALUR, pour laquelle une dizaine de mesures restent encore à prendre ; ensuite, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui nécessite encore onze mesures d’application ; puis, la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, pour laquelle dix mesures restent encore à prendre ; et, enfin, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, qui nécessite encore quarante-sept mesures d’application.
En outre, trois lois plus récentes exigent encore un nombre important de mesures d’application.
La loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine présente d’importants retards d’application : trente-huit mesures restent à prendre. Concernant la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, vingt-trois mesures restent en attente de décrets d’application, ce texte présentant un taux d’application de 23 %. Enfin, pour la loi Travail, vingt-deux mesures restent à prendre. Ce dernier texte est toutefois applicable à plus de 80 %, le ministère du travail ayant déjà pris 102 des 124 mesures prévues. Cet effort a représenté un très lourd travail pour ce ministère, que vous connaissez bien, monsieur le président du Sénat.
Le Gouvernement ne ménagera pas non plus ses efforts sur les lois qui, bien que n’entrant pas dans le périmètre de nos bilans en vertu de la règle des six mois, doivent pourtant recevoir leurs mesures d’application dans les prochains mois.
Parmi les plus emblématiques de ces textes, je pense notamment à la loi pour une République numérique, à la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, à la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, à la loi relative à l’égalité et citoyenneté, qui vient d’être adoptée, à la loi pour l’égalité réelle des outre-mer, qui a également été adoptée très récemment, ou encore à la loi relative à la sécurité publique, adoptée la semaine dernière.
En conclusion, comme vous, monsieur le président Bérit-Débat, je regrette que le taux de remise des rapports au titre de l’article 67 reste faible, bien qu’il présente une amélioration, en atteignant 61 %. Je ne manquerai pas d’en faire part à mes collègues à l’occasion du conseil des ministres de la semaine prochaine, ainsi qu’à leurs directeurs de cabinet dans le cadre des travaux que je mène activement pour que les lois soient appliquées. Je le répète, les semaines à venir nous réservent encore beaucoup de travail en ce sens.
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif. Je rappelle que chaque orateur peut intervenir pour deux minutes et que le Gouvernement peut, s’il le souhaite, répondre à chaque orateur pour une durée équivalente.
Je vais tout d’abord donner la parole aux présidents des commissions ou à leurs représentants.
La parole est à Mme la présidente de la commission des finances.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le président Bérit-Débat, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est bien subjectif de sélectionner les lois significatives votées au cours d’un quinquennat qui restera notamment marqué par de nombreuses et importantes réformes fiscales.
Au-delà du décompte des textes d’application, la commission des finances, par ses travaux de contrôle, suit la manière dont les lois sont mises en œuvre.
L’application de certaines lois est un travail de longue haleine. La révision des valeurs locatives des locaux d’habitation a été relancée, sur l’initiative du Sénat, dans des conditions précisées depuis cinq ans par plusieurs lois de finances. M. le secrétaire d’État chargé du budget, Christian Eckert, présentait d’ailleurs le bilan de cette expérimentation, il y a quelques instants, à la commission des finances. Il s’agit d’un sujet dont le prochain gouvernement devra se saisir.
Il y a aussi les lois qui sont appliquées, mais dont la mise en œuvre ne produit pas les effets attendus. Je pense, par exemple, aux dispositions relatives à la gouvernance des finances publiques, qui figurent dans les lois de programmation des finances publiques. Ainsi, les revues de dépenses devaient permettre d’identifier des gisements d’économies budgétaires, mais aucune n’a débouché sur des réformes d’ampleur.
Monsieur le secrétaire d’État, quel jugement portez-vous sur cette expérience ?
Il y a également les lois qui ne sont pas appliquées complètement comme prévu. Par exemple, une loi de 2012 a créé la Banque publique d’investissement, la BPI, qui devient un acteur économique incontournable, mais qui ne verse toujours aucun dividende à l’État, contrairement à la Banque de France ou à la Caisse des dépôts. Le Gouvernement pense-t-il que cette situation sera durable ?
Il y a aussi les lois voulues par le Parlement et dont la mise en œuvre est interrompue par des décisions du Conseil constitutionnel, saisi de questions prioritaires de constitutionnalité. Nos auditions organisées à la suite de l’affaire des « Panama papers » ont montré que le registre des trusts créé en 2013 constituait un outil très utile dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Or, en octobre 2016, le Conseil constitutionnel a censuré le caractère public de ce registre. Depuis lors, nous attendons un nouveau décret. Ce vide juridique pénalise-t-il l’action des services du contrôle fiscal ?
Je conclurai en insistant sur le caractère parfois utile des rapports demandés au Gouvernement – un point qui pourrait être considéré comme une quasi-provocation. (Sourires.)
En 2014, François Marc, alors rapporteur général de la commission des finances, a demandé un rapport sur l’application de la loi Eckert portant sur les contrats d’assurance et les comptes bancaires en déshérence. Déposé en 2016, ce document a permis à son successeur, Albéric de Montgolfier, de découvrir que 6,7 milliards d’euros de retraites supplémentaires n’étaient pas versés à leurs bénéficiaires, et donc d’amender la loi Sapin II, en prévoyant une obligation pour les compagnies d’assurances d’informer les bénéficiaires de ces contrats. Les rapports sont donc aussi un outil d’évaluation de l’application des lois !