M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est le problème français en général !
M. Jean-Marc Gabouty. L’emploi du terme « marché » peut paraître choquant pour un outil parapublic, mais il correspond aujourd’hui à une réalité puisque, par exemple, les régions sont tenues de procéder par appels d’offres pour choisir leurs prestataires. L’AFPA est-elle aujourd’hui en mesure d’affronter la concurrence du secteur privé ? La question reste posée et c’est l’avenir qui nous donnera la réponse.
D’autres scénarios auraient pu être imaginés, plus décentralisés, permettant d’éviter la privatisation complète. On aurait ainsi pu choisir de créer un EPIC par région ou un EPIC central et une filiale par région.
Reconnaissant le caractère indispensable de la transformation de l’association en EPIC, mais mesurant la très grande fragilité de cette évolution en raison des incertitudes et des inquiétudes évoquées précédemment, le groupe de l’UDI-UC ne s’opposera pas à la ratification de cette ordonnance. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Gouvernement nous demande aujourd’hui de ratifier l’ordonnance portant création au sein du service public de l’emploi de l’établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes.
Comme cela a été rappelé, le Gouvernement avait été habilité à prendre cette ordonnance par la loi Rebsamen du 17 août 2015. Comme notre rapporteur, je fais le constat que le Gouvernement a respecté l’objet et les délais fixés par l’habilitation.
Il s’agissait de transformer l’AFPA en EPIC tout en précisant ses missions, de définir les conditions de dévolution d’actifs immobiliers de l’État à l’EPIC et de préciser les conditions du transfert des biens, droits et obligations de l’association à cet établissement.
Ainsi, l’association a été dissoute le 22 décembre dernier et l’EPIC a vu le jour le 1er janvier 2017. Cet établissement se nomme désormais Agence pour la formation professionnelle des adultes, ce qui a permis de préserver le sigle AFPA. Sa mission de service public a été précisée et deux filiales ont été créées pour accueillir les activités de formation professionnelle des demandeurs d’emploi soumises au droit européen de la concurrence. Par ailleurs, 116 sites d’une valeur estimée à 410 millions d’euros ont été transférés gratuitement à l’EPIC.
Le Gouvernement nous dit avoir tout mis en œuvre, tant financièrement que juridiquement, pour sauvegarder et renforcer l’AFPA. Nous saluons cet effort et nous reconnaissons qu’une réforme s’imposait.
Depuis que le Conseil de la concurrence, dans une décision de 2008, a estimé que l’organisation de l’AFPA ne respectait pas les règles communautaires applicables en la matière, la situation de l’association n’avait cessé de se dégrader, jusqu’à frôler la cessation de paiement en 2012. Les efforts du Gouvernement ont permis, pour l’instant, de sauvegarder un opérateur public de formation professionnelle.
Néanmoins, si cette réforme a préservé l’AFPA d’une mort annoncée, elle est loin de permettre à la nouvelle agence de relever tous les défis qui se présentent à elle.
Tout d’abord, le patrimoine alloué à l’Agence nécessite d’importants travaux de désamiantage, de rénovation thermique et de mise aux normes en matière d’accessibilité aux personnes handicapées. Si le Gouvernement conteste le chiffre de 1,2 milliard d’euros avancé par la direction de l’AFPA et par les syndicats, il ne fait aucun doute que les travaux devant être engagés coûteront des dizaines, voire des centaines de millions d’euros. Et je ne parle pas du contentieux locatif, pour lequel France Domaine réclame 130 millions d’euros à l’AFPA.
Ensuite, la réforme ne permet en rien de résorber le déficit budgétaire structurel de l’association, dont le chiffre d’affaires ne fait que décroître, ce qui entraîne la suppression de personnels et donc un déficit d’activité, lequel fait baisser le chiffre d’affaires, sans que l’on voie comment enrayer ce cercle vicieux.
Enfin, les règles européennes en matière de concurrence et l’ambiguïté de la définition du service public de l’emploi dans le texte même de l’ordonnance interdisent à l’État de financer l’Agence au-delà des 110 millions d’euros qu’il lui verse annuellement, ce montant étant sans doute appelé à diminuer.
Au passage, le groupe écologiste regrette profondément que les actions de formation en matière de développement durable et de transition énergétique ne soient pas considérées comme relevant d’une mission de service public et qu’elles ne fassent donc pas l’objet d’une dotation de l’État. Cela nous semble contradictoire avec l’article 2 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Face à ce triple constat, le doute s’installe. Comment, dans ces conditions, préserver le service public de la formation professionnelle ?
Pour aider le futur gouvernement à faire face à ce défi, nous vous proposons quelques pistes.
Il faut lancer sans attendre l’appel d’offres national sur les formations rares et émergentes rendu possible par la loi Sapin II, harmoniser les appels d’offres de formation professionnelle d’une région à l’autre afin de diminuer le volume de tâches administratives de l’Agence et de ses concurrents du secteur privé, envisager d’accorder à l’AFPA une délégation de service public pour pérenniser un certain nombre d’activités, sans entraver le droit à la concurrence.
Il reviendra également à l’Agence de rationaliser son nouveau patrimoine immobilier, de renforcer ses relations avec les régions, via les CREFOP, les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, de réintégrer en son sein des activités formatrices plus rémunératrices, lesquelles sont aujourd’hui souvent entièrement dévolues au secteur privé.
Telles sont les quelques pistes que nous vous soumettons, madame la secrétaire d’État. Le défi est immense. Si je reconnais que le Gouvernement, dans cette ordonnance, respecte la mission fixée dans le cadre de l’habilitation, je suis loin de penser que le montage envisagé permettra de garantir de façon pérenne un service public de formation professionnelle de qualité. Comme d’autres l’ont dit, cette réforme était nécessaire, mais sera-t-elle suffisante ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, ainsi que sur celles de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens à saluer, comme d’autres avant moi, notre rapporteur, qui a rappelé l’histoire tourmentée de l’AFPA, notamment ces dix dernières années. Tout le monde a évoqué le double choc qu’elle a subi. Pour ma part, sans chercher à polémiquer, j’en ajouterai un troisième : dans le même temps où l’AFPA vivait ce double choc, les dotations de l’État sont passées de 575 millions d’euros en 2007 à 74 millions d’euros en 2011. On peut donc parler d’un triple choc, lequel a conduit cet organisme quasiment à la cessation de paiement en 2011.
Monsieur Forissier, vous avez très bien situé, comme les orateurs qui m’ont précédée du reste, les enjeux de cette ordonnance. Il s’agit ni plus ni moins pour l’AFPA de trouver sa place d’opérateur public dans le grand chantier de la « refondation » de la formation professionnelle, terme employé par notre collègue Dominique Watrin en commission, refondation à laquelle il faudra bien procéder au cours du prochain quinquennat, quelle que soit la majorité au pouvoir. J’y reviendrai.
Au cours des dix dernières années, l’AFPA a subi le choc de la décentralisation vers les régions et celui de la mise en concurrence, sans être accompagnée d’un puissant projet stratégique. Son modèle économique s’en est trouvé déstabilisé, et sa mission historique, qui était de s’occuper des personnes les plus éloignées de l’emploi, en a été bousculée. Ses financements sont devenus aléatoires, dépendants des appels à projets des régions, lesquels se substituaient aux dotations de l’État, plus lisibles et prévisibles. De plus, les commandes publiques se trouvaient soumises à la concurrence du fait d’une lecture stricte de la directive Services. C’est aussi cela le sujet !
Qui plus est, de manière seconde, mais non secondaire, cela a déjà été dit, une incertitude planait sur le patrimoine immobilier de l’AFPA après la censure du Conseil constitutionnel. Enfin, pour ne rien arranger – et j’arrêterai là ce sombre tableau –, le transfert des personnels chargés de l’orientation des demandeurs d’emploi à Pôle emploi, consécutif à la loi de 2009 défendue par Mme Morano, a affaibli l’AFPA sans que Pôle emploi en soit significativement renforcé.
Dès le début de ce quinquennat, l’apport de fonds propres à hauteur de 220 millions d’euros et la mise en place d’une nouvelle direction ont apporté un bol d’air à l’AFPA, mais il fallait lui donner une nouvelle assise juridique, clarifier ses missions, lesquelles doivent être en phase avec les mutations en cours dans notre économie. Tel est l’objet de l’ordonnance.
L’urgence est double : elle est à la fois conjoncturelle et structurelle.
D’un point de vue conjoncturel, l’AFPA doit en effet jouer tout son rôle dans le plan de formation de 500 000 chômeurs lancé en 2016. À ce jour, on recense 1,1 million d’actions de formation, dont 300 000 pour les publics prioritaires. Ce plan a permis une très nette accélération de l’activité de l’AFPA à partir du mois de septembre 2016 : en novembre de cette même année, l’Agence a ainsi enregistré une augmentation de 58 % du nombre de ses stagiaires demandeurs d’emploi.
D’un point de vue structurel, dans la mutation profonde que connaît la société du travail, nous devons disposer d’outils de formation adaptés à la révolution numérique, à l’écrasement des chaînes hiérarchiques dans la production industrielle comme dans les services, à la montée du travail en dehors des murs de l’entreprise, à la mobilité des travailleurs quel que soit leur statut – salarié, indépendant, parfois les deux à la fois –, au développement des plateformes de services, à la robotisation, à la disparition de certains emplois et à l’apparition d’autres, plus qualifiés ou répondant à des besoins non encore quantifiés, situés dans des secteurs exposés ou non à la concurrence.
Bref, cette révolution ne cesse d’inquiéter, tout un chacun se sentant menacé. Il faut entendre cette inquiétude, ce qui ne me semble pas être le cas à ce stade de la campagne pour l’élection présidentielle. Il faut y apporter des réponses et engager un effort exceptionnel en matière de formation, celle-ci devant être ouverte à tous et être valable tout au long de la vie. Pour cela, nous devons disposer d’outils prospectifs, réactifs et efficaces.
C’est dans ce paysage mouvementé que s’inscrit la réforme du statut de l’AFPA. L’ordonnance clarifie la situation juridique, les missions et la gouvernance de l’Agence. Elle règle le transfert du parc immobilier. Cela suffira-t-il à répondre à une situation critique ? Bien sûr que non. L’AFPA devra augmenter son activité, optimiser son patrimoine et adapter ses compétences. Elle aura pour cela besoin de l’appui vigilant de l’État.
L’avenir de l’AFPA est également conditionné à celui de la formation professionnelle. Les choix qui seront faits lors du printemps électoral seront déterminants. La formation devra être une priorité forte, principielle, du prochain quinquennat. Des jalons ont été posés au cours du quinquennat qui s’achève. Nous ne voudrions pas – je représente le groupe socialiste et républicain – les voir remis en cause. J’en citerai deux.
La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a mis en place le compte personnel de formation et permet à toute personne active, dès son entrée sur le marché du travail et jusqu’à sa retraite, d’acquérir des droits à la formation, mobilisables tout au long de la vie professionnelle. Aujourd’hui, 720 000 dossiers utilisant le compte personnel de formation ont été validés. Le nombre de comptes ouverts a augmenté de 53 % : 12,3 millions d’heures ont été mobilisées.
La loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a permis de doubler, à partir du 1er janvier 2017, les droits à la formation inscrits dans le compte personnel d’activité des personnes peu qualifiées et a institué un mécanisme d’abondement des droits à la formation pour les jeunes sans qualification. Ces efforts doivent s’intensifier, notamment en direction des publics prioritaires, au premier rang desquels figurent les chômeurs, car le système actuel, je le dis très clairement, n’est pas fait d’abord pour eux.
Les chiffres sont sans appel : en France – et c’est une piètre performance comparée à celle de pays voisins –, moins d’un chômeur sur cinq est en formation. Le plan « 500 000 formations supplémentaires » que j’ai évoqué était donc urgent. Son financement n’est prévu que jusqu’en juin. Pour ma part, je considère qu’il doit être pérennisé et qu’il faut consentir à un tel effort budgétaire.
J’évoquerai maintenant l’efficience des sommes consacrées à la formation professionnelle, lesquelles s’élèvent à plus de 30 milliards d’euros, ce qui n’est pas neutre.
M. Michel Canevet. On est d’accord !
Mme Nicole Bricq. Le sujet est peut-être connu, mais il n’a jamais été traité ! Je n’ignore pas que l’on touche là à des questions sensibles, notamment celle du paritarisme dans la gestion de la formation professionnelle – je le dis pour que ce soit bien clair pour tout le monde. Pour ma part, j’en appelle à une révolution dans ce secteur.
En mars 2011, Pierre Méhaignerie, alors président de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, a dressé un bilan mitigé du quinquennat Sarkozy-Fillon. Loin de moi l’idée de polémiquer sur ce sujet. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) L’enjeu nous dépasse les uns et les autres.
Pierre Méhaignerie, qui, à ma connaissance, n’est pas un révolutionnaire, s’exprimait ainsi sur la bonne utilisation des 30 milliards d’euros consacrés à la formation professionnelle : « Il y aurait beaucoup à faire pour rendre leur emploi efficace. » Il ajoutait : « La gouvernance n’est pas assurée, il y a plusieurs pilotes dans l’avion. » C’est un constat que vous pouvez peut-être partager, mes chers collègues.
Ce matin même, le Sénat a reçu le rapport annuel de la Cour des comptes. Nous avons écouté sagement le président de la Cour, M. Migaud. Je vous invite à lire le chapitre du rapport relatif au contrôle des sommes consacrées à la formation professionnelle. Un schéma illustre parfaitement l’ampleur de la tâche : 192 organismes collecteurs, 77 000 prestataires de formation. Comment voulez-vous que le système soit efficace ?
M. Jean Desessard. Il y a eu une réforme !
Mme Nicole Bricq. Oui, cher collègue, il y a eu une réforme, en 2014. La Cour des comptes en signale d’ailleurs les avancées tout en indiquant qu’elles ne sont pas suffisantes.
La refondation du système doit reposer sur trois principes directeurs : un accès universel à la formation avec accompagnement personnalisé, assorti pour le bénéficiaire d’une obligation d’assiduité vérifiable – à cet égard, lisez la synthèse du rapport de la Cour – ; un accès diversifié allant des formations courtes, permettant de maîtriser une technique indispensable, à des formations longues en vue d’une reconversion professionnelle ; un système transparent faisant l’objet d’évaluations et d’une publication des résultats en termes d’objectifs, comme le retour à l’emploi pour les chômeurs ou la progression en termes de salaire et de qualifications pour les salariés.
J’ai conscience que beaucoup reste à faire, mais nous commettrions une faute politique très lourde en ne procédant pas à une refondation de la formation professionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. Yves Daudigny. Excellente réflexion !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit dans le prolongement de plusieurs réformes engagées par la majorité précédente, dans une logique de décentralisation et de rationalisation de la formation professionnelle.
Ainsi, en 2004, l’État transférait aux régions une compétence générale en matière de formation professionnelle, ce qui impacta le fonctionnement de l’AFPA, désormais soumise au droit de la concurrence et aux exigences des conseils régionaux, via des appels d’offres.
Ce nouveau cadre allait provoquer un enchaînement d’aménagements juridiques, dont j’ai pu constater la complexité.
S’est tout d’abord posée la question du partage des missions de l’AFPA. En 2008, j’étais rapporteur de la loi relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi, qui a prévu la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC et conduit à la création de Pôle emploi. J’ai alors demandé un rapport au Gouvernement sur un éventuel transfert des activités d’orientation de l’AFPA à Pôle emploi, transfert que la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale allait finalement réaliser l’année suivante.
Il devenait en effet nécessaire de rationaliser les services et donc de regrouper au sein de Pôle emploi les fonctions d’orientation proposées aux demandeurs d’emploi afin de leur éviter le parcours du combattant que représente la dispersion des structures administratives. J’en profite pour rappeler que, à l’origine, Pôle emploi a été créé pour faciliter le parcours des chômeurs et des personnes à la recherche d’un emploi.
Le transfert des personnels d’orientation de l’AFPA répondait également à un impératif juridique, car le Conseil de la concurrence craignait une atteinte à la concurrence si l’AFPA orientait les demandeurs d’emploi vers ses propres centres de formation.
Une autre question d’ordre juridique allait se poser à l’AFPA et nous espérons tous, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, lui apporter une solution définitive aujourd’hui : celle du transfert des biens immobiliers qu’elle occupe. Comme l’a expliqué notre rapporteur, l’État a en effet souhaité transférer à titre gratuit à l’AFPA les biens immobiliers qu’elle louait, soit 158 centres de formation, afin de la doter des moyens de son autonomie et de lui permettre de faire face à ses mutations.
Prévue dans la loi relative à la formation professionnelle, cette dévolution s’est heurtée à la censure du Conseil constitutionnel, qui a considéré qu’il s’agissait de biens publics protégés et que rien ne garantissait que ces biens demeurent affectés au service public.
Au regard du droit communautaire, l’opération risquait également d’apparaître comme une aide d’État.
En 2014, le Gouvernement a cherché à tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel en mettant en place un mécanisme de transfert à titre gratuit aux régions, mais l’arrêté devant fixer la liste des immeubles concernés n’a jamais été publié. Quant aux régions, elles n’ont pas, semble-t-il, fait preuve d’un grand empressement pour récupérer ces biens.
Ces incertitudes ont eu des conséquences défavorables sur la gestion de l’AFPA, l’exposant notamment à devoir verser des arriérés de paiement sur ses redevances.
Il était donc plus que temps de proposer une solution satisfaisante au regard du droit constitutionnel et du droit communautaire.
J’ai aussi été rapporteur de la loi relative au dialogue social et à l’emploi, dite loi Rebsamen, qui comportait l’habilitation à légiférer par la présente ordonnance afin de transformer l’AFPA en un établissement public à caractère industriel et commercial doté d’une mission de service public. Des assurances nous avaient alors été données sur la solidité de ce dispositif, qui doit être, nous l’espérons, l’ultime épisode du feuilleton législatif que nous avons tous retracé.
Je tiens d’ailleurs à faire part des informations que j’ai pu recueillir lors de l’examen de ce projet de loi, car certaines prises de paroles en commission ont pu laisser penser que notre majorité, en mettant en place la décentralisation de la formation professionnelle et en soumettant l’AFPA à un régime concurrentiel, était à l’origine de ses difficultés financières, ou tout au moins qu’elle ne les avait pas anticipées. Je m’élève contre de telles affirmations. Tous les gouvernements ont tenté de sauver l’AFPA et de la mettre sur les bons rails.
Dans son enquête sur l’AFPA effectuée au premier semestre de l’année 2013, enquête demandée conjointement par la commission des affaires sociales et la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes indique que l’AFPA a fait des choix de gestion et d’organisation inadaptés.
Ainsi, elle a relevé que la loi de 2004 « donnait la possibilité d’anticiper l’échéance prévue pour le 1er janvier 2009 pour le transfert progressif aux régions de l’organisation et du financement des stages de l’AFPA », mais que « le système de subvention prolongée conclu avec les régions n’avait pas été mis à profit pour engager une réforme progressive du financement des stages de l’AFPA avant sa confrontation à une mise en concurrence effective ».
Pour expliquer ces difficultés strictement internes à l’AFPA, la Cour a évoqué un problème de prise de décision, en particulier à partir de 2008, des « orientations non partagées par tous les membres de l’assemblée délibérante », du fait de la présence de concurrents de l’AFPA dans cette assemblée – notamment des organisations professionnelles finançant par ailleurs leurs propres systèmes de formation –, ainsi que « des conflits récurrents avec les représentants syndicaux sur les plans sociaux successifs, puis entre le président de l’association et le directeur général ».
Outre ces problèmes de gouvernance, l’AFPA a tardé à intégrer le rôle de la région dans la formation professionnelle, et son organisation territoriale n’a pas évolué, alors que la nouvelle logique de marché public reposait non sur une stratégie unique pour l’ensemble du territoire, mais sur des modalités propres à chaque région.
Une absence systématique d’analyse du marché l’a également empêchée de gérer ses problèmes de transition d’une structure subventionnée par l’État à un organisme essentiellement commercial.
La Cour des comptes a également souligné une diminution trop lente des effectifs, une politique de gestion des ressources humaines insuffisamment rigoureuse, un manque de mobilité des personnels, des problèmes de facturation, ainsi que la réduction tardive des charges de fonctionnement, contribuant à dégrader les comptes de l’AFPA.
Je tenais à rappeler ces faits qui, vous le constatez, ont peu à voir avec une supposée inaction de l’État.
Toujours est-il que l’AFPA dispose, selon moi, d’atouts importants, en particulier pour faciliter un retour durable des demandeurs d’emploi sur le marché du travail – ce qui est l’objectif principal –, grâce à son outil de formation et à son savoir-faire dans le domaine de l’accompagnement des stagiaires. Il ne faut pas oublier que la moitié des stagiaires demandeurs d’emploi ayant obtenu un titre professionnel sont en situation d’emploi six mois après la fin de leur formation.
Aujourd’hui, en rendant l’AFPA maître de ses principaux outils et en lui octroyant un statut plus conforme au cadre concurrentiel, nous espérons la replacer sur une trajectoire viable et préserver ses compétences et son savoir-faire.
Le groupe Les Républicains joindra donc ces voix à celle du rapporteur et à celles de la plupart des groupes en faveur d’une adoption conforme du présent texte, souhaitant sa mise en œuvre rapide. Pour ma part, j’espère que ce sera la dernière fois qu’une loi sera nécessaire pour régler les problèmes de l’AFPA. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Yonnet et M. Jean-Claude Requier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Forissier, rapporteur. Je souhaite apporter quelques précisions sur ce projet de loi de ratification, même s’il fait consensus.
Au préalable, je remercie les différents orateurs de l’appréciation sympathique qu’ils ont portée sur le travail de la commission.
Quand le Gouvernement propose quelque chose, je ne m’y oppose pas nécessairement. Je m’interroge alors sur ce que j’aurais fait à sa place. Dans le cas présent, je vous le dis franchement, j’aurais fait la même chose tant le chemin, unique de surcroît, était étroit.
Monsieur Watrin, vous avez tenu des propos forts en évoquant le Conseil national de la Résistance. À l’époque, communistes et gaullistes marchaient main dans la main, avec l’ensemble du pays, dans le but de redresser la France. Aujourd’hui, il en va de même pour la formation professionnelle : il faut oser faire ce qui doit être fait, en laissant de côté tout dogmatisme et en s’en tenant à des considérations strictement pratiques. Sans doute, la solution proposée par l’ordonnance heurte, ou plutôt écorne, les fondamentaux idéologiques des uns et des autres, mais il faut parfois se faire violence si l’on veut résoudre un problème.
Nous ne demandons pas à l’AFPA, qui n’est qu’un outil parmi d’autres, de régler tous les problèmes liés à la formation professionnelle. Au contraire, dans les nouveaux métiers, notamment ceux qui sont liés à l’environnement, il faudra mettre en place des formations, créer des filières, des diplômes qui ne relèveront pas du secteur concurrentiel. Pour ce faire, une mise de fonds de l’État sera nécessaire. L’ordonnance qui nous est soumise pour ratification pourra être modifiée à cette fin et l’action de l’AFPA adaptée en fonction des besoins des régions. Je le rappelle, l’AFPA est un outil à compétence nationale – le seul qui couvre l’ensemble du territoire –, avec des déclinaisons régionales. C’est là son intérêt premier.
Par ailleurs, certains affirment qu’il est honteux de lui fixer des objectifs de performance. Je leur dis non : si le service public doit être crédible, alors il doit être performant !
À ce propos, permettez-moi de citer un exemple. Mes prédécesseurs à la mairie de Meyzieu voulaient privatiser la cuisine centrale. Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai demandé aux personnels de prendre part à cette mise en concurrence, et il se trouve que c’est leur projet qui a gagné ! Aujourd’hui, ce service municipal représente une masse salariale très importante, mais, par comparaison avec les communes de même importance, son coût est inférieur de 30 %. La production en interne n’est pas nécessairement moins performante. Il faut se départir de ces clichés.
Très clairement, grâce à ce projet de loi, l’AFPA va pouvoir sortir la tête de l’eau. Nous avons auditionné sa nouvelle directrice générale, avec son prédécesseur, et il apparaît évident que continuer, en quelque sorte par nostalgie, avec le même outil serait tourner le dos à l’avenir. C’est la raison pour laquelle j’ai insisté sur le numérique, dans mon intervention. Ce nouvel outil nous ouvre la voie vers l’avenir et je suis persuadé – car je suis optimiste – qu’il fonctionnera bien. (Applaudissements.)