M. Michel Canevet. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur du CESE, mes chers collègues, c’est avec une émotion particulière que je m’adresse à vous aujourd’hui. En effet, les hasards du calendrier ont voulu que ce soit sur ce texte, qui me tient particulièrement à cœur, que je prenne la parole, dans cet hémicycle, pour l’une des dernières fois peut-être.
Je salue l’opportunité et l’importance de ce projet de loi, très attendu, que nous discutons en cette fin de mandature. Il répond à l’un des soixante engagements de campagne du Président de la République, celui d’encourager un nouveau modèle de développement de l’outre-mer. En effet, nul développement n’est possible si la question des handicaps structurels des outre-mer n’est pas abordée sérieusement. Nos territoires ont certes des atouts, mais leurs potentiels ne pourront véritablement être mobilisés au sein de la République que si cette dernière est en mesure de donner les mêmes chances à l’ensemble de ses citoyens et acteurs économiques.
L’égalité des droits est une première étape. Les outre-mer l’ont patiemment conquise, comme en témoigne toute leur histoire. Pour autant, cette égalité formelle n’a pas mis fin aux écarts sociaux et économiques, considérables, entre les outre-mer et le reste de la France. Les solutions généralement imaginées pour y remédier n’ont jamais produit les effets escomptés. Elles s’apparentent plutôt à des cautères sur une jambe de bois.
De surcroît, cette situation alimente injustement le sentiment que les outre-mer vivent « sous perfusion » et qu’à cet égard ils ne sont pas en position d’exiger mieux et plus. Or le destin des Ultramarins est solidaire de celui de la France : chaque fois qu’il a fallu défendre les valeurs de la République, les Ultramarins ont répondu présent. Dans les tranchées de Verdun, ils étaient là ! Contre l’arbitraire du gouvernement pétainiste, ils étaient là ! Et nombre d’entre eux sont venus gonfler les rangs de l’armée de la France libre et de la Résistance, en partant en dissidence sur de frêles esquifs, au péril de leur vie. De tout temps, ils ont payé l’impôt du sang !
L’égalité réelle implique un changement de paradigme quant aux conditions du développement des outre-mer. C’est à la République de promouvoir une égalité des chances plutôt qu’un saupoudrage de dispositifs dérogatoires.
Il y a, dans l’égalité des droits, quelque chose de l’ordre du virtuel, d’un possible inachevé… Par prolongement de l’égalité des droits, l’égalité réelle suppose que ce principe politique soit rendu effectif par la mise en œuvre de politiques concrètes.
Condorcet évoque cette notion, au lendemain de la Révolution, dans son ouvrage Cinq mémoires sur l’instruction publique. Dès cette période, l’éducation est identifiée comme le premier levier d’une égalité de fait : « Les lois prononcent l’égalité dans les droits, les institutions pour l’instruction publique peuvent seules rendre cette égalité réelle. » Près d’un siècle plus tard, en 1870, Jules Ferry met en exergue la même idée : « Avec l’inégalité d’éducation, je vous défie d’avoir jamais l’égalité des droits, non l’égalité théorique, mais l’égalité réelle. » Très tôt, la notion d’égalité réelle est donc associée à l’idée d’une égalité des chances.
Ce concept a été développé et approfondi par John Rawls, puis par Amartya Sen à la fin du XXe siècle. Les apports de Sen, en particulier, ont ceci d’intéressant qu’ils démontrent que la redistribution ne suffit pas à assurer l’égalité. Pour atteindre véritablement l’égalité, il est également nécessaire de créer des conditions sociales et de savoirs permettant d’optimiser les ressources dont on dispose. L’égalité des chances suppose donc que l’État dépasse sa fonction providentielle de compensation des inégalités pour parvenir à un rôle de prévention du développement desdites inégalités, en agissant notamment sur les causes.
À ce titre, le projet de loi qui nous est présenté comporte des dispositions essentielles d’un point de vue non seulement économique, mais également historique. Ainsi, l’article 12 prévoit la création d’un « fonds de continuité » pour favoriser le retour des Ultramarins dans leur région d’origine. L’article 34 met également en place une expérimentation pour attirer de jeunes talents, jeunes diplômés susceptibles de créer des activités outre-mer.
Pour ceux qui sont restés « au pays », il est difficile de sortir du cycle de paupérisation constitué par l’absence de qualification permettant d’accéder aux emplois tertiaires, le chômage de masse et l’institutionnalisation des petits boulots, fréquemment non déclarés. À cet égard, le parcours progressif de formalisation des activités économiques, prévu à l’article 13, ainsi que la reconnaissance de la pluriactivité, à l’article 10 septies, sont des avancées notables de ce projet de loi, qui en compte bien d’autres.
L’un des plus grands défis que nous devons relever est celui de l’éducation et de la formation. Il n’y a pas de développement économique et social possible pour nos outre-mer sans un véritable « plan Marshall » en matière d’enseignement initial et de formation professionnelle. Certes, la question des savoirs et de leur transmission se pose au niveau national. Pour autant, cette préoccupation doit faire l’objet d’un examen et de moyens particuliers pour nos territoires, affectés par un niveau d’échec scolaire, un manque de qualifications et un taux de chômage insupportables, voire dangereux pour l’équilibre et le vivre ensemble au sein de la société ultramarine.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Serge Larcher. Je conclus, madame la présidente.
S’agissant du développement des activités économiques, les entreprises ont besoin non seulement de subventions, mais aussi et surtout de dispositifs législatifs pérennes pour pouvoir véritablement croître et se consolider. Là aussi, il s’agit d’adopter des mesures simples, mais d’ampleur. En l’occurrence, le projet de loi propose, à l’article 51, des zones franches globales pour chacun des territoires concernés. C’est une bonne chose.
Il convient que les mesures que nous allons adopter ne soient pas remises en cause à chaque alternance politique nationale, faute de quoi elles deviendront inefficaces, voire contre-productives.
En conclusion, je dois rappeler que la prise en compte effective par la France et l’Europe des spécificités des outre-mer doit demeurer notre objectif. C’est à cette seule condition que nos territoires pourront bénéficier des dispositifs adéquats, par leur nature et leur dimensionnement, pour que nos pays accèdent enfin aux conditions d’un développement économique réel, garantie sine qua non d’une véritable égalité réelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme Évelyne Yonnet. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Abdourahamane Soilihi.
M. Abdourahamane Soilihi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’« égalité réelle » est le titre choisi par le Gouvernement pour ce texte, dont l’adoption a fait l’objet d’une belle unanimité à l’Assemblée nationale, le 11 octobre dernier. Nous pouvons honorablement saluer cette remarquable unité démocratique, qui a permis d’améliorer, dans le respect du consensus, un outil de travail dont l’architecture était vouée à être mieux équilibrée après sa délibération en conseil des ministres au cours de l’été 2016.
Votre projet de loi, madame la ministre, définit les principes, la méthodologie et les instruments des politiques publiques en faveur de l’égalité réelle, à savoir un plan de convergence pour dix à vingt ans et une stratégie de rattrapage de long terme.
Par ailleurs, il introduit plusieurs dispositions de nature économique et sociale en faveur de territoires ultramarins et porte notamment une attention particulière à la situation de Mayotte, ce dont je vous remercie. Toutefois, vous le savez mieux que quiconque, beaucoup reste à faire.
Ce texte propose de mettre en place des instruments visant à réaliser la convergence des niveaux de vie entre les populations d’outre-mer et celles de la France hexagonale à travers plusieurs dispositions économiques, notamment en matière de formation.
On ne le dira jamais assez, Mayotte a effectué, en janvier 2014, son entrée dans le droit commun, notamment le droit fiscal, avec des bases de calcul des valeurs fiscales qui, parce qu’elles ne reflètent pas les réalités mahoraises, pénalisent lourdement les ménages et les entreprises.
Je voudrais revenir sur certains des aspects dont tout le monde juge qu’ils ne reflètent pas un rapprochement suffisant de Mayotte vers le droit commun.
Je pense tout d’abord à l’harmonisation des institutions publiques afin de parachever l’organisation territoriale de Mayotte. Il ne peut s’agit d’une option, c’est une exigence politique. Les institutions locales mahoraises doivent disposer des outils nécessaires pour conduire leur action.
Ainsi, les dispositions du code général des collectivités territoriales qui concernent Mayotte ne sont plus adaptées aujourd’hui aux réalités. La qualification législative retenue par la loi est celle d’un « département » exerçant non seulement ses propres compétences, mais aussi celles d’une région.
Or la structure régionale, selon l’acception juridique d’assemblée unique voulue par le législateur, se retrouve totalement écartée des politiques décidées par l’État à Mayotte. Il serait donc judicieux de proposer des mesures visant à parachever le processus institutionnel de Mayotte, tel qu’il a été fixé par les lois organique et ordinaire du 7 décembre 2010 relatives au département de Mayotte qui ont institué, en dépit de leur intitulé, une « collectivité unique » exerçant les compétences d’un département et celles d’une région d’outre-mer.
Force est de constater que les insuffisances institutionnelles actuelles empêchent cette collectivité d’assurer le plein exercice de ses compétences départementales et régionales. Aussi, la création des établissements publics de coopération intercommunale, EPCI, dont certains tentent de s’achever avec beaucoup de difficultés, s’invite à ce débat primordial.
Je souhaite que l’État prenne en compte la situation du conseil départemental, des communes et enfin des EPCI pour, d’une part, compenser les charges liées aux difficultés de gestion dont les collectivités sont victimes et, d’autre part, réfléchir à l’éventuelle mise en place d’un cadre législatif d’évaluation des actions à engager en leur faveur.
Transcrire, à juste titre, « Mayotte 2025 » dans ce texte m’apparaît inapproprié au regard de tous les défis à relever.
De plus, il faut parvenir à soustraire Mayotte de la catégorie des collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution en l’insérant dans celle des collectivités régies par l’article 73 afin de la rapprocher du principe de l’identité législative.
Ainsi, la situation de ce département reste inchangée en matière de recensement, alors que la fiscalité de droit commun s’y applique depuis le 1er janvier 2014. Or le recensement, qui est toujours d’application injuste, demeure un précurseur inébranlable du calcul des dotations, notamment de la dotation globale de fonctionnement, la DGF. Sa réalisation fausse donc les statistiques officielles et les calculs des dotations dont les collectivités locales de l’île doivent bénéficier.
Le Gouvernement avait pris l’engagement d’apporter des solutions rapides aux maintes difficultés posées sur ce sujet. Il avait même proposé de s’employer à modifier cette situation à l’horizon de 2017 pour l’aligner sur celle des territoires relevant de l’article 73 de la Constitution. Or, à la date d’aujourd’hui, il n’en est rien.
Par ailleurs, plus qu’un souhait, stopper l’immigration illégale à Mayotte est devenu un devoir étatique. Les événements qui ont secoué le territoire pendant l’année 2016 doivent nous alerter sur la nécessité de prendre toutes les mesures indispensables – sans tabou ni dogmatisme – pour juguler ce phénomène qui mine la société mahoraise.
La coopération régionale est sûrement le moyen le plus sûr de freiner ces flux. Mais force est de constater que les autorités comoriennes ne coopèrent pas. Pis, on dirait que la situation actuelle les arrange en y voyant un moyen de déstabiliser Mayotte et de gêner la France. Quant aux autres pays de la zone, il n’y a eu aucune discussion concernant leurs ressortissants clandestins à Mayotte.
Il faut désorganiser les réseaux de passeurs, supprimer leurs appuis et réformer les dispositions législatives qu’ils utilisent de manière détournée. Certaines de ces filières utilisent le droit du sol en organisant systématiquement des accouchements à la maternité de Mayotte, devenue la plus grande maternité de France, quitte à mettre en danger la vie de ces femmes – dont le seul espoir est de voir leur enfant devenir un jour Français – en les transportant dans des kwassas kwassas. D’autres ont recours aux mariages blancs ou aux reconnaissances frauduleuses de paternité, utilisés massivement par des personnes peu scrupuleuses.
Il est urgent de prendre des mesures sévères afin de ne pas donner à la population le sentiment que rien n’est fait. Dernièrement, des conflits ont éclaté à la suite de l’accaparement de terres par des clandestins. Cette situation est porteuse de risques d’affrontements graves à l’avenir.
La paix sociale et la situation économique du département de Mayotte sont fragilisées : les entrepreneurs s’en vont et les fonctionnaires métropolitains refusent d’y venir travailler. Cette immigration massive et le désœuvrement dans lequel se trouvent les clandestins participent à l’importante et inquiétante détérioration de la sécurité dans l’île, n’en déplaise à ceux qui veulent rester aveugles devant une telle situation.
À l’heure où nous adoptons des mesures sociales qui seront autant de raisons supplémentaires pour les migrants de vouloir venir à Mayotte, il importe d’envoyer un signal témoignant de notre volonté de stopper l’immigration clandestine. C'est la raison pour laquelle, comptant sur votre soutien, mes chers collègues, je soumettrai à la sagacité du Parlement un amendement qui ne transgresse pas notre droit interne et respecte nos engagements internationaux.
Il faudra également que le Gouvernement renforce les autres moyens de lutte contre l’immigration, comme je l’avais suggéré dans l’atelier que j’ai présidé lors des premiers travaux de « Mayotte 2025 » : renforcement des radars, contrôles en mer plus efficaces, reconduite systématique à la frontière des clandestins… Le laxisme ambiant doit enfin cesser pour que les clandestins ne se sentent plus en territoire conquis, pouvant se permettre de faire ce que bon leur semble.
En outre, notre système n’est plus en mesure « d’absorber facilement les pics de demandes d’asile liés aux guerres civiles et aux crises régionales, mais aussi au recours abusif à la procédure d’asile, qui crée un engorgement du dispositif, allonge les délais de traitement et génère nombre d’effets pervers ».
De telles dérives, aussi regrettables soient-elles, amplifient l’injustice profonde dont sont victimes ceux qui ont réellement besoin d’une protection. C’est toute l’organisation de l’accueil de ces personnes qui s’en trouve paralysée, notamment en Guyane et dans le jeune département de Mayotte.
Afin d’éviter les drames humains qui se produisent au large des côtes mahoraises, nous devons, collectivement, prendre toutes les mesures appropriées pour apporter les corrections nécessaires à cette situation en matière de coopération et d’opérations conjointes propices à la sécurité maritime. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Joël Guerriau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si les intentions affichées dans ce présent projet de loi sont louables, que de retard accumulé !
Voilà presque deux ans, le 7 mai 2015, nous avions débattu, dans ce même hémicycle, de l’octroi de mer, et donc du financement des services publics dans ces territoires. À cette occasion, j’avais précisé, en tant que porte-parole du groupe UDI-UC, que la structure des recettes des collectivités ultramarines les conduisait mécaniquement à s’appuyer sur cette taxe – qui n’est, in fine, qu’une taxe sur l’insularité –, ce qui pousse les administrations à une rationalisation de leurs consommables, à une gestion toujours plus tendue et, de fait, à une moindre capacité d’action publique.
Depuis l’examen du projet de loi relatif à l’octroi de mer, nous pouvons dénombrer quatorze projets d’ambitions diverses sur l’outre-mer, sans compter les propositions de loi… Le texte que nous examinons aujourd’hui pose, de facto, la question de la notion même d’égalité réelle. L’égalité formelle, prévue par la Déclaration de 1789, perd de son sens lorsque tous ne bénéficient pas des mêmes conditions matérielles d’existence, c’est-à-dire d’une égalité réelle.
Aussi l’égalité réelle ne peut-elle signifier que deux choses : égalité des chances et égalité d’accès aux biens et services. C’est à cette aune que nous devons examiner ce projet de loi.
La République française est une et indivisible. Fallait-il un texte spécifique aux territoires d’outre-mer qui traite, à travers plus de 110 articles, de sujets aussi divers que la vie chère, la continuité territoriale, l’assurance vieillesse, les prestations familiales, l’échec scolaire, la pauvreté, le chômage des jeunes ou l’orpaillage en Guyane ? L’adoption d’une loi unique laisse entendre que ces territoires sont homogènes, qu’ils peuvent faire l’objet d’une même réflexion, alors que leur diversité fait leur spécificité et souvent leur richesse.
J’ajouterai, a fortiori, que les outre-mer sont engagés dans une logique d’autonomie et donc de différenciation territoriale. Dès lors, quel sens donner à une loi unique et générale ? Il serait plus logique qu’un texte différent intègre la dimension ultramarine indissociable de notre territoire national, de même que nous demandons à l’Europe, dans ses décisions réglementaires, de prendre en considération les spécificités des territoires ultramarins.
Les situations de Mayotte, dont la densité de population est cinq fois supérieure à celle de la métropole, confrontée à des problèmes migratoires considérables, de la Guyane, d’une superficie de 80 000 kilomètres carrés ou de la Polynésie – un territoire grand comme l’Europe avec seulement 1 % de terres émergées – sont-elles comparables ?
L’égalité réelle, c’est aussi veiller à ne pas laisser perdurer des disparités artificielles au sein même des populations vivant localement.
Depuis 1946, les fonctionnaires bénéficient d’avantages qui ne peuvent être octroyés au secteur concurrentiel. N’est-ce pas une forme de discrimination contraire au principe même de l’égalité réelle ? Il s’agit également d’un frein à l’initiative privée : le fait que la majorité de jeunes diplômés de ces territoires souhaite rejoindre le secteur public constitue un handicap économique.
Il conviendra de réfléchir à cette question : si la vie est plus chère outre-mer, elle l’est pour tous. Et les premiers à en pâtir sont toujours les plus pauvres ! C’est parce que la lutte contre la vie chère doit être une priorité que nous nous interrogeons sur l’efficacité réelle des dispositions de ce projet de loi.
Ce texte n’est pas dénué d’ambitions sur le plan économique – je pense à l’aide au fret, au maintien des zones franches ou au renforcement du FIP-DOM. Toutefois, ces dispositions concrètes sont sous-dimensionnées par rapport aux enjeux. Le volet économique doit en effet être le plus important, le plus ambitieux.
L’égalité réelle, c’est valoriser les atouts des territoires, dont le tourisme, et favoriser la création de richesses plutôt que prévoir de compenser dans la durée ces faiblesses.
La formation est certes importante, mais les jeunes diplômés doivent trouver des débouchés dans leur propre territoire.
L’élaboration future du plan de convergence visant à déterminer un objectif de rattrapage avec la métropole sur dix ou vingt ans est un réel défi à relever. En ce début d’année, le groupe UDI-UC forme le vœu que cette ambition soit atteinte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Claireaux.
Mme Karine Claireaux. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le conseiller économique, social et environnemental, mes chers collègues, diversité, richesse, mais aussi et surtout potentiel, telles sont les qualités consubstantielles aux territoires français d’outre-mer.
Alors que le monde devient un village, nos territoires d’outre-mer, habités comme inhabités, font de notre pays la première puissance maritime mondiale, présente dans tous les nœuds stratégiques, de l’Arctique à l’Antarctique, du Pacifique jusqu’au canal du Mozambique. Cependant, la géographie ne fait pas le développement. Malgré un rattrapage entamé ces dernières décennies, tous les indicateurs de développement témoignent d’écarts encore importants entre nos territoires et l’Hexagone, entre nos outre-mer eux-mêmes et entre les îles principales et les territoires doublement, voire triplement insulaires.
De Saint-Pierre-et Miquelon à Mayotte ou à Futuna, les écarts de niveaux de vie et d’espérance de vie, de même que la complexité de nos problématiques, sont considérables. Alors, si nous voulons faire des outre-mer les porte-avions et l’avant-garde de la République dans la mondialisation, l’égalité réelle est indispensable.
Le texte que nous examinons aujourd’hui offre des perspectives prometteuses. Il reconnaît aux 2,7 millions d’Ultramarins le droit à l’égalité avec leurs compatriotes métropolitains, au moyen de plans de convergence qui devront être ambitieux pour atteindre l’égalité réelle.
Alors que cet objectif devrait dépasser les clivages politiques, nous avons assisté à une tentative de « détricotage » du texte. Je le déplore d’autant plus que les élus ultramarins, par-delà les groupes, se sont montrés unis pour défendre ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle je soutiendrai de nombreux amendements de rétablissement visant, entre autres dispositions, à la prise en compte des spécificités des outre-mer dans les travaux du Conseil d’orientation des retraites ou à l’intégration d’un volet consacré aux établissements hospitaliers ultramarins et à leurs problématiques spécifiques dans la stratégie nationale de santé.
J’en profite, madame la ministre, pour vous dire mon profond regret qu’aucun accord n’ait pu être trouvé sur la réforme de la sécurité sociale à Saint-Pierre-et-Miquelon, empêchant ainsi l’examen de l’ordonnance en conseil des ministres, le 11 janvier dernier. Si j’ai bien pris connaissance de votre amendement n° 153 que, bien évidemment, je voterai, je ne peux que déplorer autant d’atermoiements quand je sais votre investissement, et celui de votre cabinet, pour arriver à des dispositions aussi favorables pour l’archipel.
Cela étant dit, mes chers collègues, comme je le soulignais à l’instant, ce texte offre des perspectives prometteuses. Je me réjouis, par exemple, de l’ouverture de l’éligibilité à la troisième part du Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
En ce qui concerne Saint-Pierre-et-Miquelon, je me réjouis, entre autres mesures, de l’extension de l’affiliation à l’assurance vieillesse des parents au foyer, des bénéficiaires de la prestation partagée de l’éducation de l’enfant, de la ratification de l’ordonnance portant réforme du régime d’assurance vieillesse à Saint-Pierre-et-Miquelon, de l’habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnance, toute mesure relevant du domaine de la loi pour étendre ou adapter à notre archipel la législation relative aux allocations logement, de la création d’une aide au fret capitale.
Enfin, il est primordial d’affirmer dans ce texte le principe de continuité territoriale. Les Ultramarins ne doivent pas être pénalisés par les difficultés d’accès à ou depuis la métropole ni être soumis au bon vouloir d’une puissance étrangère – je pense notamment à l’AVE pour ce qui concerne Saint-Pierre-et-Miquelon. Nos amis Danois et Néerlandais y parviennent sans difficulté pour tous leurs outre-mer, pourquoi pas nous ?
Je vous remercie, madame la ministre, de nous donner l’occasion de travailler sur l’égalité des territoires et des citoyens ultramarins devant la République. Nous vivons en périphérie de l’Hexagone, mais, grâce à cette dynamique de débat et de prise de conscience que vos prédécesseurs et vous-même avez enclenchée, nous finirons par arriver enfin au cœur de la République, à être réellement égaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le mot « réel » ajouté à « égalité », appliqué, en sus, aux « outre-mer », dérange, voire gêne d’aucuns qui considèrent que, « appliquer le principe d’égalité, ce ne serait déjà pas mal ».
Face à ces « cartiéristes », frappés de cécité quand il s’agit des outre-mer, il fallait une action forte, avec un signe fort, pour réveiller les consciences. Si le principe constitutionnel est l’égalité « tout court », nous savons qu’il n’est pas appliqué : les inégalités, toujours vivaces, demeurent.
Avec ce texte et ce « rajout », l’égalité que nous revendiquons acquiert force de loi et devient une obligation découlant de la reconnaissance d’une situation inégalitaire entre le territoire métropolitain et les outre-mer.
Un autre point mérite d’être clarifié : certains considèrent que revendiquer une « égalité de traitement entre l’outre-mer et l’Hexagone » se limite à une « quête supplémentaire d’assimilation et d’assistanat à outrance ». Or l’objectif du projet de loi est tout autre. L’égalité réelle, telle qu’elle y est formulée, vise, au contraire, à permettre à chaque collectivité ultramarine de disposer des moyens suffisants pour définir un modèle de développement économique à même de prendre en compte ses caractéristiques et spécificités, aussi bien sociales, démographiques, environnementales ou géographiques qu’en matière d’infrastructure. C’est l’affirmation de l’existence de plusieurs « outre-mer » et pas d’un « outre-mer ». C’est reconnaître qu’il existe aussi des différences, des écarts, entre les outre-mer eux-mêmes. C’est enfin prendre en compte leurs caractéristiques propres afin de leur affecter des solutions spécifiques.
Prenons le cas de la Guyane, non parce qu’elle est ma région d’origine, mais parce qu’il s’agit d’un exemple frappant.
Trop souvent et trop facilement, elle est purement et simplement assimilée aux autres petites économies insulaires ultramarines qui constituent l’essentiel de « l’Empire français d’outre-mer ». En conséquence, les mesures et dispositions prises en sa faveur sont calquées sur ces îles, alors que le contexte global de la Guyane ne présente que peu de similitudes avec ces dernières. La Guyane est en effet continentale, d’une superficie terrestre de près de 84 000 kilomètres carrés, largement supérieure à la totalité des autres territoires ultramarins français. Elle dispose de ressources naturelles essentielles, d’un taux de croissance démographique exponentiel… Autant d’éléments qui la distinguent radicalement et devraient forcément être pris en considération au titre de sa singularité, notamment dans le cadre du plan de convergence, outil essentiel de ce projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer.
De même, je compte sur ce texte pour faire disparaître certaines survivances de l’époque coloniale, telle la situation du foncier en Guyane, dont plus de 95 % appartient encore à l’État – incroyable, mais vrai ! Un foncier que l’État se refuse de cadastrer ; un foncier sur lequel l’État s’est exonéré de toute taxe, privant ainsi les collectivités d’une manne ; un foncier inexploité en dépit des nombreuses ressources décelées, car mis sous cloche.
Je compte sur le projet de loi pour supprimer toutes les discriminations financières qui frappent la Guyane, tant vis-à-vis des régions hexagonales que de celles des autres régions régies par l’article 73 de la Constitution. Je veux notamment parler de l’« inexhaustivité » du recensement, qui permet de sous-évaluer sa DGF, de l’octroi de mer, minoré d’un prélèvement important au profit de la collectivité territoriale de Guyane, à l’instar de ce qui se passe à Mayotte.
Vous le voyez, ce texte revêt une grande importance, particulièrement pour la Guyane. Ce texte emblématique s’inscrit ainsi dans une véritable politique nationale en faveur des outre-mer. Il s’agit de la traduction de la volonté et de l’engagement du Président de la République, que je tiens à saluer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)