M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Didier Robert.
M. Didier Robert. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur du CESE, mes chers collègues, je le dis ici avec force, et je sais que certains collègues partageront mon analyse, je ne serai pas complice d’une loi de pur affichage, qui, sous couvert de définir une stratégie ambitieuse pour les outre-mer, ne pourra avoir aucun autre effet que celui de les maintenir dans une situation d’inégalité et de précarité bien plus réelle que la prétendue égalité que le Gouvernement s’obstine à défendre.
C’est tout d’abord votre méthode que je conteste, madame la ministre. Comment espérez-vous nous faire croire que les outre-mer constituent réellement une priorité pour la République, quand la seule loi, que vous qualifiez « d’ampleur », qui leur est consacrée nous arrive dans les tout derniers mois d’un quinquennat à bout de souffle ? Mais certes fort opportunément dans la perspective des prochaines élections législatives et sénatoriales… On a les priorités que l’on se donne !
M. Henri de Raincourt. C’est vrai !
M. Didier Robert. Qui plus est, vous avez choisi la stratégie du passage en force en engageant la procédure accélérée sur un texte qui, comme toute loi de programmation digne de ce nom, aurait pourtant mérité un débat en profondeur auquel les représentants des territoires ultramarins auraient dû se voir pleinement associés. Au lieu de cela, nous voilà face à une loi fourre-tout, bricolée à la hâte, qui a enflé sans aucune cohérence lors de son passage à l’Assemblée nationale, et qui voudrait traiter de tous les sujets sans en résoudre aucun. Plus grave encore, la plupart de ses dispositions ne sont assorties d’aucune étude d’impact et n’ont fait l’objet d’aucune concertation préalable avec les acteurs des territoires.
Vous n’avez pas su tenir votre majorité à l’Assemblée nationale, madame la ministre ; vous avez assurément manqué de méthodologie et de pédagogie, et le résultat en est cet OVNI législatif qui ne convainc personne, à part peut-être vous-même.
Sur le fond, cette méthode s’explique tout simplement par le fait que ce texte ne constitue en rien une loi de programmation. Au demeurant, c’est peut-être une bonne chose, car cette notion d’égalité réelle que vous brandissez comme la solution étendard à tous nos problèmes n’est en réalité adaptée ni à la situation ni aux aspirations des territoires ultramarins.
Sans doute l’ignorez-vous, les Français d’outre-mer n’aspirent nullement à l’assimilation parfaite avec leurs concitoyens hexagonaux. Nos collègues de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie ou encore des régions ultrapériphériques de l’océan Indien et des Antilles, pour ne citer qu’eux, insistent pourtant suffisamment régulièrement sur la reconnaissance et le respect de leurs singularités à la fois historiques, culturelles et géostratégiques pour que nous en soyons tous bien conscients.
Sur l’identité de la France, Fernand Braudel avait une formule admirable que je veux reprendre ici : « La France se nomme diversité. » Pour ma part, c’est cette France-là à laquelle je crois.
M. Hubert Falco. Très bien !
M. Didier Robert. Je passe sur le caractère très problématique de la notion même d’égalité réelle, qui a été excellemment souligné par mes collègues rapporteurs de la commission des affaires sociales et de la commission des lois. J’y ajoute simplement que cette passion de l’égalité, qui vire ici à l’idéologie égalitariste, avait déjà été dénoncée par Montesquieu et Tocqueville comme l’un des plus grands dangers pour la démocratie… Sans doute vaudrait-il mieux retenir cette leçon que de manier des concepts creux et définir des objectifs inatteignables.
Sans nul doute, des efforts de rattrapage et d’ajustement sont encore à réaliser sur certains sujets pour les outre-mer, bien sûr, comme pour certains territoires métropolitains. C’est incontestable. Je pourrais citer ici l’accès pour le plus grand nombre à des écoles d’excellence et à des filières de formation de qualité, encore trop souvent réservées de fait aux jeunes de l’Hexagone et des grandes villes. Je pourrais citer encore l’accès démocratisé à toutes les chaînes de télévision nationales dans tous les territoires ultramarins. Je pourrais citer aussi la nécessité d’imposer plus de justice et d’équité dans la préparation aux concours, quel que soit le lieu de résidence. Je pourrais citer, enfin, l’opportunité réelle que l’on doit à chacun de pouvoir à un moment de son parcours professionnel regagner sa ville, son île, son territoire.
En tout état de cause, nous ne sommes pas dupes : cette notion d’égalité réelle vous sert en réalité d’écran de fumée pour masquer le vide et l’indigence de vos propositions, qui ne répondent en rien à la situation d’urgence à laquelle font face la plupart des territoires ultramarins. (M. Éric Doligé applaudit. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je n’en citerai que deux, qui me paraissent particulièrement emblématiques de la manière dont vous entendez procéder.
En premier lieu, l’une de vos mesures phares, ce sont ces « plans de convergence » définis aux articles 4 et 5 du projet de loi. Après une lecture attentive du texte, et au vu des débats à l’Assemblée nationale, il ne fait guère de doute que leur pilotage, leur définition et leur méthodologie seront directement gérés par l’État, ce qui aboutira immanquablement à enfermer les collectivités territoriales dans un rôle de figuration et de simples associées. Laissez-moi vous rappeler, madame la ministre, que les actes de tutelle de l’État sur les collectivités territoriales n’ont plus lieu d’être et sont considérés comme inconstitutionnels.
En second lieu, les mesures éparses, creuses et limitées que vous nous proposez sur la continuité territoriale ne sauraient faire oublier la démarche de destruction systématique de cette politique menée par le Gouvernement tout au long du quinquennat. Permettez-moi de rappeler ici que c’est bien le gouvernement auquel vous appartenez qui a diminué les crédits de la continuité territoriale de 25 % au cours du quinquennat, pénalisant ainsi des milliers d’Ultramarins et participant à supprimer des programmes entiers de formation.
M. Bruno Sido. Oh là là !
M. Didier Robert. Ce texte aurait pourtant été l’occasion d’une refondation de ce dispositif primordial pour l’unité de la République. Il aurait ainsi permis de doter la France d’une politique de continuité territoriale digne de porter ce nom, comme cela peut être le cas aujourd’hui en Espagne et au Portugal pour les Canaries, Madère et les Açores. Mais il faut croire que les lointaines populations de l’outre-mer sont priées d’y rester…
Comment, en effet, ne pas s’interroger encore lorsque l’on constate que nos amis corses bénéficient, pour 320 000 habitants, de 186 millions d’euros au titre de la continuité territoriale, contre seulement 40 millions d’euros pour les 2,5 millions d’Ultramarins ?
À La Réunion, comme vous le savez fort bien, madame la ministre, c’est désormais le conseil régional et non plus l’État qui supporte la quasi-totalité de l’action en faveur de la mobilité territoriale et qui continuera à le faire aussi longtemps que possible ; car préserver la continuité territoriale, c’est aussi miser sur la formation des jeunes générations pour assurer le développement économique du territoire et, surtout, assurer la traduction concrète du principe de libre circulation pour tous les Français sur l’ensemble du territoire national.
Je souhaite plus largement souligner l’incohérence des proclamations que vous faites dans le cadre de ce texte, avec la baisse de crédits que vous avez par ailleurs vous-même engagée dans le cadre du budget pour 2017 pour l’outre-mer.
Cette année, pour la première fois depuis le début du quinquennat, les outre-mer rejoignent la cohorte des politiques soumises à la diète budgétaire. Sans doute est-ce là ce que vous entendez vraiment par « l’égalité réelle »… Je crois pourtant que nous partageons tous ici le sombre constat d’une situation économique, sanitaire et sociale qui reste dégradée pour l’ensemble des outre-mer. Or vous avez ouvert la voie au désengagement financier de l’État sur ces territoires, tout en proclamant de généreux principes dans le cadre de ce projet de loi. Il est vrai que les déclarations d’intention, elles, ne coûtent rien ; c’est certainement pourquoi vous en êtes si prolixe, et c’est sans doute ce qui explique que nous soyons amenés à nous prononcer sur ce texte d’un vide sidéral, en dépit de sa longueur et de ses bavardages.
La vérité, c’est que l’outre-mer n’a jamais été la priorité du Gouvernement au cours des cinq dernières années.
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Didier Robert. Ce dont les territoires ultramarins ont cruellement besoin est pourtant simple : un texte clair, pragmatique et concentré autour de quelques dispositifs assortis des moyens correspondants, qui permettrait d’assurer un véritable développement au service de l’emploi, une véritable dynamique économique respectueuse de notre environnement, en définissant clairement le point d’équilibre entre économie, croissance et écologie pour un développement qui prenne véritablement en compte la biodiversité exceptionnelle des territoires d’outre-mer et la démarche d’exemplarité sur la question des énergies renouvelables. C’est là, me semble-t-il, la condition indispensable d’un véritable renouvellement du pacte républicain en faveur des outre-mer.
Le nouveau modèle de développement que nous sommes un certain nombre à revendiquer aujourd’hui repose non pas sur davantage d’égalité, mais sur une plus grande liberté laissée aux acteurs locaux, ceux du secteur privé comme les collectivités locales.
Il faut libérer les entreprises du carcan étouffant d’une fiscalité inadaptée, libérer les entreprises des normes et du cadre juridique vieillots et dépassés au regard des enjeux liés à la coopération régionale et à l’ouverture à l’international, libérer l’aménagement des territoires ultramarins en refusant une application mécanique de la législation et de la réglementation nationales, comme c’est le cas aujourd’hui avec la loi Montagne, par exemple, un texte qui limite terriblement nos moyens d’action pour le développement du tourisme dans nos territoires.
Bien loin de cette « loi-caddie » dans laquelle il semble que l’on ait voulu faire entrer tout et surtout n’importe quoi, dans la précipitation et l’impréparation les plus complètes, je fais ici le vœu d’un grand texte élaboré par et pour l’outre-mer. Je fais le vœu d’une loi adaptée aux réels besoins de nos territoires qui privilégie les résultats concrets aux dispositions incantatoires. Je fais le vœu de la véritable loi de programmation dont nos territoires ont tant besoin, de la réforme fiscale qui nous fait tant défaut pour restaurer, avec pédagogie, la confiance et la solidarité entre les territoires de la République. Il semble cependant que ce ne sera pas pour cette fois. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Mes chers collègues, comme à chaque fois, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.
Je demande également à chaque intervenant de respecter le temps de parole qui lui est imparti, afin de permettre à chaque collègue de bénéficier de la diffusion complète de sa question et de la réponse.
politique énergétique et droit à l’énergie
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe CRC.
M. Jean-Pierre Bosino. Après l’incapacité des pouvoirs publics à faire face à l’épidémie de grippe, le risque de coupure en matière énergétique illustre encore une fois les dégâts d’une politique qui n’a de cesse de casser nos services publics. Pourtant, cela fait deux ans que RTE alerte sur les difficultés que pourrait rencontrer notre système électrique. Comment la France peut-elle se retrouver dans une telle situation ?
Accuser le nucléaire et la maintenance des centrales est une solution de facilité. Le véritable problème vient du fait que la France a perdu en capacité de production garantie et en réactivité.
Quand le Gouvernement va-t-il enfin imposer une politique de renforcement des moyens de production permettant une puissance garantie, ce que les énergies renouvelables, hors hydrauliques, ne peuvent par définition fournir ? Quand l’actionnaire majoritaire imposera-t-il à EDF-Enedis de ne plus fermer des tranches thermiques considérées comme non rentables ? Quand allons-nous revenir à une politique nationale de long terme pour répondre aux besoins énergétiques de tous nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Jean-Louis Tourenne applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Une vague de froid entraîne une consommation accrue d’électricité. Nous devons donc tous faire attention. Mais, rassurez-vous, monsieur le sénateur, le travail est fait pour éviter les risques de coupures. De nombreuses actions mises en œuvre grâce à la loi relative à la transition énergétique contribuent à notre sécurité d’approvisionnement. Je rappelle que l’éolien et le photovoltaïque apportent désormais une puissance équivalente à 6 gigawatts à la pointe de midi, en augmentation de 10 % par rapport à l’hiver dernier, ce qui représente la production de six réacteurs nucléaires.
Le développement de l’effacement des consommations pourrait apporter une contribution d’au moins 3 gigawatts grâce à la décision du ministère d’augmenter le volume des appels d’offres pour l’effacement et l’interruptibilité des industriels.
Ségolène Royal (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) a par ailleurs engagé en décembre une campagne de mobilisation citoyenne sur les consommations d’électricité à l’approche de l’hiver.
Revenons à des gestes de bon sens pour réduire notre consommation en période de pointe. Par exemple, éteindre les appareils en veille permettrait d’économiser la production d’un réacteur nucléaire. De même, si tous les Français acceptaient de baisser d’un degré la température du chauffage à leur domicile lorsqu’il fait froid, c’est la production de deux réacteurs nucléaires qui serait économisée. Ne pas utiliser sa machine à laver entre dix-sept heures et vingt heures permettrait d’économiser la production de deux réacteurs nucléaires. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Concernant les risques de coupures, RTE, le gestionnaire de transport, se mobilise chaque jour pour anticiper les différents scénarios possibles et s’y préparer. À ce jour, il y a un risque de tension entre mardi et vendredi. Nous déclencherons à partir de mercredi les premières mesures pour soulager le système électrique.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. En l’état des prévisions, RTE n’anticipe pas de coupures de courant, qui relèvent d’une mesure de dernier recours.
Mesdames, messieurs les sénateurs, des informations transparentes vous seront fournies si la situation venait à se dégrader. (Applaudissements sur quelques travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Bosino. Madame la secrétaire d’État, vous demandez à nos concitoyens de faire des efforts, alors que douze millions d’entre eux sont en situation de précarité énergétique et que beaucoup vivent dans des passoires thermiques.
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Jean-Pierre Bosino. Vous leur demandez de s’effacer sans contrepartie, alors que, dans le même temps, les entreprises, elles, sont rémunérées.
Vous en appelez à la responsabilité individuelle comme si nos concitoyens gaspillaient, alors qu’ils font des efforts considérables face à la hausse constante et injustifiée de leur facture.
Cette politique est dangereuse ; elle veut masquer la responsabilité des gouvernements successifs et de l’État actionnaire. Ce n’est pas le froid, mais la libéralisation, la spéculation, la vente à la découpe de pans entiers de la filière énergétique qui conduisent à cette situation ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
déficit public
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour le groupe socialiste et républicain.
M. François Marc. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et porte sur la situation budgétaire de la France.
M. Francis Delattre. Ah !
M. François Marc. Il nous a été donné hier de connaître du déficit de l’exercice 2016, qui s’établit à 68,9 milliards d’euros, contre 72,8 milliards d’euros inscrits dans la loi de finances pour 2016.
M. Francis Delattre. C’est encore trop !
M. François Marc. Devant ce bon résultat, tout laisse à penser que l’objectif d’un déficit de 3,3 % du PIB sera atteint en 2016.
M. Bruno Sido. Ça va mieux, alors…
M. François Marc. Ce résultat, encourageant pour notre pays, doit être souligné, car il vient répondre au scepticisme qui a pu s’exprimer sur le sujet de la part tant de l’opposition, qui avait dénoncé un certain nombre de cadeaux non financés – en réalité, ils l’ont été, on le voit bien ! –, que de la Cour des comptes, qui n’avait pas manqué de mettre en avant des risques de dérapage de nos finances publiques.
Ce chiffre, qui est une très bonne nouvelle pour la France, doit être comparé à un autre. Rappelez-vous, mes chers collègues, à la fin de 2010, le déficit de la France était de 148 milliards d’euros, contre 68 milliards d’euros aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : comment analysez-vous les résultats de 2016 et de quelle façon anticipez-vous l’exécution de la loi de finances pour 2017 ? Sur ce dernier point aussi, le scepticisme était perceptible ici, au Sénat. Certains ont même considéré que le budget était insincère et qu’il ne fallait pas l’examiner. Êtes-vous optimiste pour 2017 ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Le scepticisme que vous soulignez, monsieur le sénateur, est consubstantiel à l’opposition, quelle qu’elle soit. Il appartient à la majorité, lorsqu’elle essaye de bien faire son travail, de le lever en adoptant une démarche rigoureuse et en faisant preuve de pédagogie. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) Je constate que vous êtes tout à la joie de me voir faire cet exercice devant vous… (Sourires.)
L’an dernier, le déficit budgétaire de l’État était de 1,5 milliard d’euros supérieur à ce qui a été constaté ce matin. Aujourd’hui, il s’élève à 69 milliards d’euros, soit 3 milliards d’euros inférieur à ce qui était prévu en loi de finances. Ce chiffre signifie que, compte tenu de l’effort de maîtrise de la dépense de l’État et de réduction de son déficit, nous serons en mesure de respecter l’objectif de 3,3 % de déficit public pour 2016 sur lequel nous nous sommes engagés devant les institutions européennes.
M. Francis Delattre. Après deux reports !
M. Jean-Louis Carrère. Oh, ça va, monsieur Delattre !
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Je constate que des cris de satisfaction s’expriment sur les travées de l’opposition, et je voudrais remercier très sincèrement ceux qui les font entendre avec cette spontanéité… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Cela nous place en situation d’atteindre l’objectif fixé pour 2017. Si nous avons obtenu ces résultats, c’est parce que nous avons diminué la dépense publique. Je voudrais rappeler quelques chiffres simples, que chacun doit avoir bien à l’esprit : entre 2007 et 2012, les dépenses publiques ont augmenté de 170 milliards d’euros, soit une hausse de 3,3 %. Le rythme d’augmentation de la dépense publique a été divisé par trois. La dette était passée de 69 % du PIB à près de 95 %. Nous étions alors face à une explosion de la dette publique, que nous avons contenue. Si elle a augmenté de 25 points de PIB pendant le quinquennat précédent, elle n’aura augmenté que de 7 points pendant ce quinquennat, précisément parce que ces efforts ont été faits.
On pourrait également se pencher sur le déficit des comptes sociaux : il était de 17 milliards d’euros en 2012, alors que nous sommes aujourd’hui presque à l’équilibre, avec un déficit de 400 millions d’euros.
Je voudrais dire à la majorité sénatoriale, qui est notre opposition, que nous avons fait tout cela sans remettre en cause aucune des priorités que nous nous étions fixées. Nous avions comme objectifs de rehausser les effectifs des forces de sécurité – 13 000 emplois avaient été supprimés ; nous en aurons créé 9 000 – et de l’éducation nationale : nous avons créé 60 000 postes là où il en avait été supprimé 80 000. Nous avons restauré la formation des maîtres là où elle avait été supprimée. Nous aurons consacré 10 milliards d’euros aux investissements dans les hôpitaux pour les moderniser ; nous aurons créé 31 000 postes de personnels soignants dans les hôpitaux.
M. Francis Delattre. Tout va bien, alors !
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Cela ne signifie pas, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, que tout va bien, mais que l’on peut maîtriser la dépense publique et diminuer les déficits sans détruire, comme vous le proposez, les services publics et la protection sociale, à savoir ce qui fait la force et la cohésion de la société française lorsqu’elle est confrontée aux défis de la crise. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Ce qui compte pour ce gouvernement, ce n’est pas simplement de réussir le redressement de nos comptes ; c’est de le faire pour nous redonner des marges de manœuvre qui permettent de garantir dans notre pays ce à quoi les Français tiennent le plus : la solidarité nationale, la protection sociale ainsi que le développement et la modernisation des services publics. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
processus de paix au pays basque
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)
M. Jean-Jacques Lasserre. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Un processus de paix et de désarmement de l’ETA visant à régler définitivement un conflit extrêmement préoccupant est en cours depuis 2011 au Pays basque, notamment français. Ce processus de paix exige du temps, de la volonté et du courage ainsi qu’une analyse approfondie de la situation.
Ces jours derniers, l’actualité a mis en lumière la complexité de ce processus, au travers des arrestations de militants nationalistes non violents qui se sont impliqués pour la restitution d’armes appartenant à l’organisation ETA. Ces événements sont la conséquence naturelle du refus de l’État français d’ouvrir des négociations.
Depuis octobre 2011 et le séminaire d’Aiete à Saint-Sébastien, le processus de paix est en marche. Nous savons aujourd’hui que le dépôt définitif des armes se réglera dans le même temps que le problème des prisonniers.
Les acteurs locaux, l’ensemble des parlementaires notamment, sont très fortement engagés dans ce processus de paix. Je considère pour ma part qu’une absence d’implication de l’État français conduira inévitablement à des évolutions non maîtrisées, à une altération dramatique de la recherche de paix et à un gâchis historique irresponsable.
Depuis plus de cinq ans, les attentats ont cessé : c’est bien la preuve d’une réelle volonté.
Monsieur le ministre, je vous ai adressé un courrier le 20 décembre dernier afin de m’entretenir avec vous sur ce sujet. Cette demande est à ce jour restée sans réponse.
Je fais partie des acteurs locaux exerçant des responsabilités au Pays basque depuis longtemps. Je vous demande très solennellement que l’État français prenne à bras-le-corps, car il y va de sa responsabilité, ce problème extrêmement important et qu’il crée les conditions de dialogue entre nos deux États, espagnol et français, sur le sujet du désarmement et des prisonniers basques. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bruno Le Roux, ministre de l’intérieur. Je veux vous répondre de la façon la plus claire possible que le processus de paix dont vous faites état, monsieur le sénateur, est unilatéral et n’est pas celui qui doit permettre de récupérer les armes, les explosifs et les munitions encore en circulation. Si le mouvement le souhaitait, ce matériel pourrait être rendu simplement en désignant les endroits où il se trouve.
La semaine dernière, je recevais Juan Ignacio Zoido, le ministre espagnol de l’intérieur, non seulement pour faire le point sur notre stratégie pour combattre le terrorisme, mais aussi pour évoquer la fin des caches d’armes de l’ETA qui se trouvent encore sur notre territoire.
Vous parlez de la question des prisonniers, mais n’oublions pas les centaines de morts – militaires, policiers, civils – dont il faudra rendre compte. Il n’est pas possible que des personnalités, qu’elles viennent de la société civile ou d’ailleurs, puissent se mettre en travers de la volonté de nos deux États, l’Espagne et la France, de récupérer des armes qui ont pu servir à commettre ces attentats. C’est à la justice de se prononcer et à elle seule.
Je me félicite de la coopération existant entre le pôle antiterroriste de Paris et l’Audience nationale espagnole. Ils conduisent un travail de coopération très fort, que nous n’arrêterons pas, monsieur le sénateur, à moins que, de façon unilatérale, sans qu’il y ait de négociations, notamment sur la question des policiers, ceux qui ont commis des attentats pendant beaucoup trop d’années se décident enfin à dire où sont les armes, les explosifs, les munitions, afin que nous puissions les récupérer. Il n’est pas nécessaire que des personnalités, dont je suis sûr qu’elles le font avec bonne foi, se mettent en travers de ce processus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour la réplique.