M. Michel Berson. Cela n’a aucun sens !
M. Jacques Mézard. Monsieur le Premier ministre, vous êtes ici devant la Haute Assemblée. Il serait bon que vous nous exposiez la position du Gouvernement à ce sujet.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Jacques Mézard. Pour être équitable, je me dois de dire que, de l’autre côté, certains responsables – et non des moindres – veulent euthanasier la moitié des parlementaires, comme d’autres, en des siècles passés, faisaient jeter leur tête dans la corbeille pour apaiser la colère du peuple ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Le Parlement, comme tous les secteurs de la société, doit savoir évoluer, d’abord, dans ses méthodes de travail – cela a largement commencé au Sénat – ; cela doit et va se poursuivre. Nous avons tous un premier devoir, celui de travailler !
Mais il est plus que temps d’arrêter de modifier les institutions,…
Mme Françoise Gatel et M. Jean-François Longeot. Très bien !
M. Jacques Mézard. … les règles électorales, la vie des territoires à chaque alternance.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
M. Jacques Mézard. Je citerai un exemple : depuis 2012, quasiment toutes les règles électorales auront été modifiées, qu’il s’agisse des municipales, des départementales, des intercommunales, des régionales ou des sénatoriales…
M. Jean-Léonce Dupont. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Les Anglais changent-ils constamment leurs institutions ? Non ! Pas plus que les Allemands ou les Américains !
Monsieur le Premier ministre, le « bougisme » n’est pas du progressisme, c’est une pathologie ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.) Et les vrais sujets sur lesquels les évolutions, voire les révolutions, doivent se réaliser ne manquent pas dans le secteur de l’économie, du social, de la santé, de l’énergie, de l’environnement et, bien sûr, de l’éducation.
Oui, le numérique a bouleversé tous les secteurs en général et les relations entre les hommes. Les responsables politiques partout dans le monde ont peiné non seulement à anticiper cette révolution, mais souvent à la suivre, quand ils ne préfèrent pas tout simplement l’imposer.
La réalité des toutes prochaines années, c’est l’intelligence artificielle qui va bouleverser nos économies, nos industries, nos emplois, notre système éducatif, ce sont les ordinateurs quantiques, toutes ces innovations. C’est la démographie galopante de certains pays, le climat, la construction de l’Europe, et j’en oublie !
Monsieur le Premier ministre, disposer de peu de temps peut être le moyen de l’accélérer, surtout avec votre capacité de travail dans les chantiers que vous pourrez impulser !
Avant de conclure, je veux évoquer le dossier européen, grande idée qu’est la construction européenne. Alors que l’Europe est dans une situation qui justifie, voire impose des initiatives fortes, la France peut et doit agir.
Ne nous leurrons pas, de grands empires se constituent ou se reconstituent à l’extérieur de l’Europe, et ils jouent parfaitement de la faiblesse actuelle de l’Europe. Le Brexit, l’élection de Donald Trump, l’affirmation de la Russie, le poids croissant de la Chine et de l’Inde imposent un sursaut européen. Monsieur le Premier ministre, vous connaissez bien ce dossier puisque vous avez été chargé des affaires européennes. Prenez l’initiative, elle ne pourra qu’être bénéfique, y compris à vos successeurs !
Concernant la politique extérieure, le groupe du RDSE, souvent par les voix de Jean-Pierre Chevènement et de Robert Hue, a exprimé des divergences par rapport à la politique menée ces dix dernières années, qu’il s’agisse de l’intervention en Libye, de l’approche du dossier syrien et de la politique française au Moyen-Orient, de nos relations détériorées avec la Russie dont nous risquons d’avoir aggravé les conséquences à la suite de l’élection américaine, l’atlantisme étant en train de sombrer par son côté ouest.
Monsieur le Premier ministre, ne gérez pas une fin de règne ! Surmontez les clivages de circonstances et les conservatismes les plus ancrés ! Redonnez confiance à la Nation, c’est le message bienveillant que vous adresse le groupe du RDSE du Sénat de la République ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC.
M. François Zocchetto. En cette période de fin d’année propice aux vœux, permettez-moi d’espérer, monsieur le Premier ministre, que votre nomination clôturera l’un des épisodes les plus étonnants et peut-être les plus regrettables de la Ve République.
Pendant de longues semaines, au milieu d’urgences telles que le danger terroriste, nos interventions militaires à l’étranger, le sort de six millions de chômeurs, les Français ont assisté à un spectacle curieux : …
M. Roland Courteau. Poisson, Juppé…
M. François Zocchetto. … un Président de la République et un Premier ministre, issus du même parti, ont passé leur temps à développer des stratégies machiavéliques pour se pousser à renoncer mutuellement, prenant les Français à témoin.
Spectacle étonnant – pour ne pas dire navrant ! – qui se poursuit désormais sur la thématique du bilan.
Ainsi, à certains moments, et pour justifier d’avoir tué le père, ce quinquennat devient un « échec », une « succession de renoncements », voire une « trahison ». Ces mots ont été prononcés par des personnes ayant exercé de grandes responsabilités dans le Gouvernement.
À d’autres moments, à l’inverse, quand il s’agit de justifier chaque ambition personnelle, le bilan est repeint en rose. On vante alors la distribution de droits et d’égalités plus ou moins réelles que l’on fera financer par les classes moyennes et les générations futures.
M. Jean-Louis Carrère. Vous n’êtes pas obligé de les reprendre !
M. François Zocchetto. Je ne suis pas certain, monsieur le Premier ministre, que cette dialectique à géométrie variable soit de nature à réconcilier nos compatriotes avec l’engagement politique. Nous ne pouvons toutefois vous faire grief de ces joutes qui se déroulent désormais hors du Gouvernement, jusqu’au moment où vos ministres soutiendront des concurrents différents, au risque de perdre toute l’énergie qui leur serait nécessaire pour conduire les politiques ministérielles dont ils ont la charge. Je ne doute pas que vous serez vigilant à cet instant.
M. Jean-Louis Carrère. Venez voter, vous !
M. François Zocchetto. À défaut de changer la face du quinquennat, je formule le vœu que votre nomination assure la dignité du terme de cette présidence.
La situation à laquelle notre pays est confronté ne permet pas de passer les cinq prochains mois purement et simplement par pertes et profits.
Je dois vous le dire, malheureusement, nous n’attendons et n’espérons plus rien sur le front économique. En dépit du fameux alignement des astres, vous avez réussi l’exploit de nous faire passer à côté de la reprise, à côté de la croissance, à cause de l’illisibilité de l’action économique, avec un double discours consistant un jour à chanter les louanges de l’entrepreneuriat, en écho, par exemple, à M. Macron, et, le lendemain, à relancer la lutte des classes. Le résultat, c’est que l’investissement est en berne et que nos entreprises performantes et championnes se développent partout, sauf en France !
Les emplois créés – et il y en a ! – se comptent par milliers ou peut-être par dizaines de milliers, alors qu’ils devraient se compter par centaines de milliers. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Louis Carrère. « Il n’y a qu’à ! »
M. Roland Courteau. Que ne l’avez-vous fait !
M. François Zocchetto. Seuls prospèrent, vous l’avez dit tout à l’heure, les départs en formation. Votre politique budgétaire a, quant à elle, touché ses limites, qu’il s’agisse du budget de la sécurité sociale ou de celui de l’État ; les chiffres ont été rappelés tout à l’heure.
À force de ne remettre en cause aucune des vaches sacrées des fondements idéologiques de la gauche historique et de vous contenter d’économies au rabot sur le dos des collectivités territoriales, vous en êtes maintenant à présenter des budgets insincères.
M. Francis Delattre. Absolument !
M. Jean-Louis Carrère. Et ce sont des experts en insincérité qui parlent !
M. François Zocchetto. Nous avons connu, c’est vrai, en fin de mandat, des budgets parfois malicieux, mais vous ne pouvez demander au Parlement de valider une politique consistant à encaisser tout de suite les recettes futures et à reporter les nouveaux engagements électoraux sur 2018 et au-delà.
M. Francis Delattre. Très bien !
M. François Zocchetto. Vous ne pouvez pas nous reprocher d’expliquer aux Français que le véritable budget pour 2017 sera celui qui sera présenté l’été prochain.
Vous ne pouvez pas non plus nous reprocher de leur expliquer que les comptes de la sécurité sociale ne sont pas à l’équilibre, contrairement à ce que tendent de faire croire les manœuvres comptables et de communication.
M. Didier Guillaume. Il y a 18 milliards d’euros d’écart entre votre budget et le nôtre !
M. François Zocchetto. Ainsi, monsieur le Premier ministre, en dépit de votre bonne volonté, vous ne pourrez pas modifier le bilan bien médiocre du quinquennat qui s’achève.
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez la mémoire courte !
M. François Zocchetto. De toute façon, vous n’avez, pas plus aujourd’hui qu’hier, de majorité cohérente à l’Assemblée nationale pour suivre un cap clair. C’est bien le problème de l’ambiguïté de la ligne politique avec laquelle vous êtes arrivé au pouvoir et que vous êtes contraint de poursuivre.
Beaucoup de vos amis – je sais que vous n’en êtes pas et que vous êtes même parfois désolé de leur attitude ! – n’ont su se défaire d’une culture d’opposition et se satisfont encore de la facilité de la critique et d’un supposé idéalisme plutôt que de l’exigence de l’exercice du pouvoir.
C’est toutefois parce que vous, vous incarnez depuis quatre ans et demi cette gauche responsable – malheureusement si étroite en nombre – que nous avons envie de penser que les cinq prochains mois pourraient avoir un sens.
En tant que ministre de l’intérieur, nous vous avons souvent entendu proclamer deux priorités absolues : garantir la sécurité des Français…
M. Didier Guillaume. C’est réussi !
M. François Zocchetto. … et restaurer la parole de l’État.
M. Didier Guillaume. C’est réussi !
M. François Zocchetto. Vous êtes désormais Premier ministre, et nous vous demandons de conserver ce cap. Il y a quelques instants encore, vous nous alertiez sur la menace terroriste. Jamais la majorité sénatoriale n’a failli quand vous nous avez demandé de prendre des mesures. (M. le Premier ministre opine.) Nous vous avons toujours soutenu…
M. Didier Guillaume. C’est vrai !
M. François Zocchetto. … et nous continuerons de le faire. Vous connaissez l’ampleur de la tâche qui incombe à nos forces de sécurité. Nous savons tous ici qu’elles font un travail extraordinaire. Mais nous savons aussi à quel point les forces de l’ordre, quelles qu’elles soient, sont épuisées, à bout de souffle, et n’ont malheureusement plus les moyens d’assurer convenablement leurs missions.
J’en veux pour preuve les rassemblements de fonctionnaires de police et, plus largement, quelque chose de plus pernicieux qui recommence à se développer, l’état d’esprit anti-police qui anime de nouveau des pans de notre société. Nous vous demandons donc de donner à nos policiers et à nos gendarmes le plein soutien qu’ils méritent. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Comme vous, nous n’avons aucun état d’âme à affirmer que le combat contre le terrorisme doit être poursuivi à l’extérieur de nos frontières. Daech recule en certains endroits, mais la victoire est très loin – vraiment très loin ! – d’être assurée.
D’ailleurs, comment pourrions-nous parler de victoire alors que nous assistons, à Alep, à l’une des pires catastrophes de ces dernières décennies ? Vous n’en êtes évidemment pas personnellement responsable. En revanche, vous avez obstinément refusé, depuis des années, d’avoir tout contact avec le régime syrien ou de discuter avec la Russie. De ce fait, nous sommes obligés de constater que nous manquons aujourd’hui de tout moyen pour intervenir et même influer sur les événements dramatiques et les actes criminels qui sont commis.
La diplomatie sert aussi à maintenir des passerelles avec les régimes les plus critiquables, plutôt qu’à se draper dans des postures moralisatrices qui n’impressionnent personne et qui se sont d’ailleurs révélées contre-productives ces derniers temps.
Monsieur le Premier ministre, la crédibilité de la parole de l’État était également l’une de vos constantes. Il faut dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit.
M. Jean-Louis Carrère. Tout à fait !
M. Didier Guillaume. Il le fait !
M. François Zocchetto. Dans cet esprit, vous avez une excellente opportunité de mettre en œuvre votre ligne : je veux parler de l’évacuation du site de Notre-Dame-des-Landes. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Comment pouvez-vous admettre qu’une minorité ultra-violente impose sa volonté, en dépit de toutes les procédures démocratiques conduites depuis trente ans et des décisions de justice rendues par dizaines ?
M. Jean Desessard. C’était pareil pour l’écotaxe !
M. François Zocchetto. Dois-je également vous rappeler le référendum que le gouvernement précédent, auquel vous apparteniez, a lui-même provoqué ?
Et pourtant, depuis une semaine, d’obscures raisons justifieraient un nouveau report de l’évacuation. Je ne peux pas croire, monsieur le Premier ministre, à une manœuvre aussi grossière, qui ferait reposer sur vos successeurs la responsabilité que vous ne voudriez pas assumer. La parole de l’État, celle d’une évacuation, maintes fois réaffirmée dans cette enceinte, y compris par vous-même, ne peut se dissoudre aussi facilement.
Monsieur le Premier ministre, cinq mois, c’est très court.
M. Jean-Louis Carrère. C’est quand même pas mal !
M. François Zocchetto. C’est vrai, vous n’aurez pas le temps nécessaire pour restaurer le quinquennat.
Montrez-nous toutefois que ce quinquennat aurait pu avoir un autre visage et une autre ambition. Donnez-nous des raisons d’espérer qu’une gauche réaliste et constructive pourrait être, demain, une opposition utile ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour le groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. Jean Desessard. Monsieur le Premier ministre, hier, dans votre déclaration de politique générale, et aujourd’hui encore, vous avez exprimé une position forte et déterminée sur la situation dramatique à Alep. Le groupe écologiste se joint à vous pour condamner ces atrocités et exprime son soutien à votre démarche.
Monsieur le Premier ministre, la déclaration de politique générale que vous avez présentée hier devant l’Assemblée nationale, et que vous avez synthétisée devant nous tout à l’heure, est de bonne facture, tout en étant paradoxale. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Elle constitue, d’une part, une feuille de route a minima d’un gouvernement gérant une fin de quinquennat pour le moins difficile et, d’autre part, un testament d’une majorité qui, tout au long de son mandat, s’est fracturée faute d’une orientation et d’une action conforme à ses engagements initiaux, faute aussi du souffle nécessaire pour faire vivre l’espoir suscité par l’élection du Président Hollande en 2012.
Le renoncement de celui-ci à se présenter pour un second mandat, fait sans précédent sous la Ve République, souligne de fait, par sa lucidité et sa dignité, cet échec patent et nous engage tous.
Cet échec du Président de la République est un échec de la gauche, qui ne s’est unie, en 2012, que par anti-sarkozysme et n’a jamais bâti le projet commun qui lui fait encore défaut aujourd’hui.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est vrai !
M. Jean Desessard. C’est aussi l’échec du parti socialiste qui, fort de sa majorité absolue à l’Assemblée nationale, a cru pouvoir gouverner seul et qui a persisté dans cette conviction, alors que la majorité s’effritait progressivement, jusqu’au quasi-dépôt d’une motion de censure lors des débats sur la loi Travail l’été dernier. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
C’est enfin l’échec de votre prédécesseur, qui a cru que l’article 49, alinéa 3, de la Constitution et la politique du coup de menton pouvaient être des instruments de rassemblement d’une gauche de plus en plus divisée. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Et tout va bien à Europe Écologie Les Verts ! Calme plat !...
M. Jean Desessard. Monsieur le Premier ministre, si votre déclaration de politique générale s’inscrit dans la continuité, elle souligne aussi, en creux, tous les dysfonctionnements de la gestion passée.
Pour les écologistes, ce quinquennat, marqué par un certain volontarisme, mais aussi par de trop nombreux renoncements, conservera longtemps un goût d’inachevé.
Ainsi, si la diplomatie française peut s’enorgueillir d’avoir permis la conclusion, lors de la COP21, de l’accord planétaire sur le climat, …
M. Philippe Kaltenbach. C’est historique !
M. Jean Desessard. … qui végétait depuis deux décennies, …
M. Philippe Kaltenbach. Eh bien voilà !
M. Jean Desessard. … la France n’emprunte pas encore le chemin du respect de ses engagements internationaux.
Si les écologistes se sont reconnus dans l’ambition de la loi sur la transition énergétique, sa mise en œuvre est décevante dans de nombreux domaines qui faisaient justement sa force : diminution de la part du nucléaire, rénovation thermique des bâtiments, fiscalité du carbone. Ces manquements obèrent la capacité de la France à diminuer ses émissions de gaz à effet de serre.
D’une manière plus générale, la philosophie productiviste qui a animé les gouvernements successifs depuis 2012 – l’aide aux entreprises sans contrepartie, le soutien à tous les grands projets d’aménagement, quelle que soit leur utilité – nous semble incompatible avec le cap fixé en matière de transition écologique.
Par ailleurs, nous nous sommes félicités de l’adoption, avec le soutien du pouvoir exécutif, de la majorité de gauche à l’Assemblée nationale et même, parfois, de la majorité sénatoriale, de propositions de loi écologistes telles que la loi Blandin sur les lanceurs d’alerte, la loi Abeille sur les ondes électromagnétiques, la loi Allain sur l’ancrage territorial de l’alimentation et la loi Gattolin sur l’interdiction de la publicité dans les programmes de télévision pour enfants.
M. Roland Courteau. Vous voyez !
M. Philippe Kaltenbach. Et alors ?
M. Jean Desessard. Cependant – mes chers collègues socialistes, vous m’attendez, et je ne vais pas vous décevoir ! –,…
M. Didier Guillaume. On n’est jamais déçu, avec vous !
M. Jean Desessard. … nous regrettons vivement que le Gouvernement, celui de M. Valls, bien sûr, – maintenant tout va changer ! (Sourires.) –, cédant à la pression des lobbies, en ait limité la portée et retardé l’application.
En effet, récemment, lors des débats relatifs au projet de loi Montagne et à la loi Sapin II à l’Assemblée nationale, des amendements soutenus par le Gouvernement, ressemblant fort à des cavaliers législatifs, ont modifié des dispositions essentielles de ces textes, les vidant de leur substance. Vous donnez d’une main, vous reprenez de l’autre ! (M. Jacques Mézard s’exclame.) Mais c’était avant…
Il est un autre sujet sur lequel le Gouvernement a soufflé le chaud et le froid, nuisant à la lisibilité de son action : celui de la politique d’accueil des migrants. Le message d’extrême fermeté adressé par votre prédécesseur, monsieur le Premier ministre, à l’ensemble de l’Europe lors d’un déplacement en Allemagne a rompu avec la tradition d’asile séculaire de notre pays et a jeté une ombre noire sur l’action du Gouvernement.
Pourtant, le pragmatique ministre de l’intérieur que vous étiez a eu l’intelligence de signer une convention avec Damien Carême, maire de Grande-Synthe, pour que l’État puisse accompagner la commune dans la gestion du camp humanitaire qui accueille une partie du flot continu de réfugiés que connaît le nord de la France.
Aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, vous avez clairement affirmé votre volonté de mettre en place une politique d’accueil généreuse. Nous en prenons note, et je dirai même que nous nous en réjouissons. (« Ah ! Enfin ! » sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Monsieur le Premier ministre, faites-nous oublier le triste épisode où la gauche a envisagé la déchéance de nationalité ! (M. Ronan Dantec applaudit.)
Monsieur le Premier ministre, vous avez cinq mois pour agir, cinq mois pour redorer le blason de ce quinquennat, cinq mois pour avancer sur des chantiers essentiels. J’en vois, pour ma part, trois.
D’abord, approfondir le volet social, en posant les premiers jalons du débat sur le revenu de base inconditionnel. Ce débat traverse aujourd’hui la classe politique, mais aussi la société française, avec, comme horizon, la création du socle d’un nouveau pacte social. Vous avez affirmé la volonté d’aller vers une allocation sociale unique ; c’est un premier pas. Allons plus loin en lançant une grande expérimentation sur le revenu universel, comme l’a proposé, de façon unanime, la mission commune d’information du Sénat sur la mise en place et les modalités d’un revenu de base en France.
Ensuite, engager la fermeture de la centrale de Fessenheim et poursuivre par un grand débat national sur le coût réel du nucléaire. Cela nous permettrait d’envisager lucidement l’avenir de l’énergie en France, d’anticiper les problèmes financiers d’EDF et, accessoirement, de respecter la promesse du candidat Hollande.
Enfin – ce sujet est d’actualité –, prendre des positions fermes à l’égard du diesel reviendrait à envoyer un signal fort pour lutter contre la pollution atmosphérique, ce poison invisible qui tue 48 000 Français chaque année, coûte des milliards à notre budget et impacte la santé publique autant que le tabac. Ce fléau pèse sur les enfants, les personnes âgées, les malades et les populations fragiles vivant dans des logements mal protégés proches d’un trafic routier dense. Ce serait la simple application du principe de précaution, inscrit dans la Constitution.
En outre, nous avons été heureux d’apprendre que le Gouvernement ne s’engagerait pas dans un affrontement inutile et dangereux contre la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UDI-UC et du RDSE.)
Nous continuons cependant de penser, comme l’a également suggéré la ministre de l’environnement, que l’abandon de l’arrêté d’utilité publique serait plus judicieux pour mettre un terme à ce conflit qui agite le territoire breton depuis quatre décennies. (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Rappelons-nous, nous avions voté l’écotaxe avant de l’annuler, sous la pression des bonnets rouges : il y a des précédents !
M. Michel Raison. Référendum !
M. Michel Vaspart. C’est scandaleux !
M. Jean Desessard. Monsieur le Premier ministre, comme vous l’avez affirmé, les cinq mois qui viennent comptent triple. Nous sommes d’accord avec vous : désormais, chaque jour compte. Et, dans chaque jour, il y a trois temps.
Un temps pour gouverner la France, avec toutes les difficultés que cela comporte.
Un temps pour changer de méthode, en associant plus directement le Parlement à votre action.
Un temps, enfin, pour créer l’espoir qui nous a manqué, en dépassant les simples déclarations d’intention de la gestion passée et en prenant des mesures concrètes et des actes forts, à même de rassembler, comme nous le souhaitons, les forces citoyennes, de gauche et écologistes.
M. Roland Courteau. Non merci !
M. Jean Desessard. Des actes ! Nous vous remercierons quand les actes auront été réalisés ! C’est ce qui a manqué : nous étions partis ensemble, avant de nous fracturer ! Réfléchissez !
M. Didier Guillaume. Des actes, il y en a eu ! Vous avez la mémoire courte !
M. Jean Desessard. Monsieur le Premier ministre, les promesses s’envolent ; seuls les actes restent, et permettront de creuser, nous l’espérons, le sillon d’un avenir partagé. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Alep martyrisé ! Alep bombardé ! Alep abandonné ! Où est la communauté internationale ? Que faisons-nous ici, à nous raconter des histoires sur un pseudo-bilan évoqué à travers un prisme déformant ? Sommes-nous capables, plutôt que d’envoyer quelques parlementaires en voyages d’agrément en Syrie, de nous mettre tous d’accord pour proclamer que cela ne peut pas continuer ? Le peuple syrien, les habitants d’Alep valent mieux que cela ! Eux qui connaissent et aiment la France ne peuvent pas continuer ainsi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand et Mme Aline Archimbaud applaudissent également. – Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est un peu facile !
M. Didier Guillaume. Si l’Organisation des Nations unies n’est plus à la hauteur, changeons-en ! Si la communauté internationale n’est pas au niveau, faisons-la évoluer ! Mais nous devons unanimement condamner ce qui se passe aujourd’hui à Alep, et tout faire pour que la paix soit à Alep ! Les images que nous en recevons sont absolument inacceptables.
Monsieur le Premier ministre, le Président de la République vous a confié la mission de tenir la barre et de préparer l’avenir. Nous avons confiance en vous et en votre gouvernement pour ce faire. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Alors que la France est fracturée et que les extrêmes grondent, en particulier l’extrême droite, sommes-nous capables de faire vivre la tradition multidécennale de la Haute Assemblée et de regarder clairement les choses ? Nous avons des oppositions ; nous nous affronterons lors de l’élection présidentielle. Je voudrais néanmoins que nous ayons tous conscience, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, d’une chose : le second tour de la primaire ne conduit pas automatiquement au second tour de l’élection présidentielle ! Il y aura une élection, et la gauche fera tout pour ne pas vous laisser détruire ce qu’elle a construit ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mes chers collègues, il ne faut pas tenir un double discours, différent entre Paris et les départements. Lorsque vous visitez les TPE et les PME, que vous rencontrez les chefs d’entreprise, que vous vantez les qualités du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, parce que les entreprises ont gagné des marges de manœuvre avec la baisse des charges, vous les en félicitez. Ici, en revanche, vous êtes contre. Soyons cohérents ! Le CICE et le pacte de responsabilité sont des mesures qui vont dans le bon sens. Tout démocrate éclairé doit les soutenir.
Regardons maintenant l’école. Bien sûr, on peut avoir des divergences à ce sujet. Mais enfin, lorsque nous créons 60 000 emplois d’enseignant dans les écoles (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et que plus aucune fermeture de classe n’a lieu en zone rurale, que dites-vous, mesdames, messieurs les sénateurs de droite représentant les zones rurales ? Dites-vous qu’il ne fallait pas créer ces postes ? Dites-vous qu’il ne fallait pas les créer quand il y a un enseignant devant chaque classe ? Et vous soutenez un programme qui prévoit d’en supprimer 500 000 ! Ce n’est pas à la hauteur ! (C’est vrai ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Tenons donc le même discours, que l’on soit à Paris ou dans nos départements !
Lorsque ce gouvernement mettra en œuvre, dans les mois qui viennent, le compte personnel d’activité, une véritable sécurité sociale professionnelle pour tous que vous avez combattue et que vous n’avez pas votée, qu’allez-vous dire à vos concitoyens que vous rencontrerez dans vos permanences, aux jeunes, aux travailleurs des entreprises qui sont usés ? Leur direz-vous que vous êtes contre le compte pénibilité, parce que ce mécanisme serait trop bureaucratique ? Leur direz-vous que vous êtes contre la sécurité sociale professionnelle, parce qu’elle n’entre pas dans vos priorités politiques ? Non ! Lorsque les mesures mises en œuvre sont bonnes pour la France et les Français, la Haute Assemblée devrait être unanime et dire bravo au Gouvernement, qu’il soit de gauche ou de droite. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Monsieur le Premier ministre, vous allez mettre en place la garantie jeunes. Si les jeunes sont une priorité pour vous, mes chers collègues, pourquoi vous opposer à ce programme, qui va apporter des garanties nouvelles à tous les jeunes âgés entre 18 et 25 ans ?