Conférence des présidents
M. le président. À la suite de l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017 le mercredi 30 novembre, je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents réunie le 16 novembre dernier.
Mardi 6 décembre, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir, le matin étant réservé aux questions orales :
- Proposition de résolution invitant le Gouvernement à utiliser toutes les voies de droit pour reconnaître les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre perpétrés contre les minorités ethniques et religieuses et les populations civiles en Syrie et en Irak ;
- Proposition de loi tendant à clarifier les conditions des délégations de compétences en matière de transports scolaires ;
- Proposition de résolution en faveur de la réduction des normes applicables à l’agriculture.
Mercredi 7 décembre, de quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
(Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)
- Suite de la proposition de loi relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional ;
- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse.
De dix-huit heures trente à vingt heures et de vingt et une heures trente à minuit :
(Ordre du jour réservé au groupe écologiste)
- Proposition de résolution visant à généraliser les contrats de ressources ;
- Deuxième lecture de la proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.
Jeudi 8 décembre :
À dix heures trente : débat sur le thème : « Le Massif central, un enjeu de développement territorial ».
À quinze heures : débat sur la situation et l’avenir de La Poste.
Lundi 12 décembre, à quinze heures et le soir : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.
Mardi 13 décembre :
À quatorze heures trente : suite du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.
À dix-huit heures : débat préalable à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 décembre.
Le soir : suite du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.
Mercredi 14 décembre, à quatorze heures trente et le soir : suite du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.
Il n’y a pas d’observation ?…
Ces propositions sont adoptées.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
13
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Je demande à chacun de vous, mes chers collègues, de respecter le temps de parole qui lui est imparti et d’être attentif au respect des uns et des autres.
Pour des raisons d’ordre pratique, les auteurs de question ne pourront utiliser leur droit de réplique que s’il leur reste plus de cinq secondes de temps de parole.
politique générale (i)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du RDSE.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Selon le procureur de la République de Paris, notre pays aurait dû être frappé aujourd’hui même par un terrible attentat, finalement déjoué par nos services de renseignement.
Nous vivons depuis plus d’un an sous le régime de l’état d’urgence, que vous nous proposerez prochainement de prolonger de nouveau.
Depuis plusieurs semaines, nos concitoyens assistent, atterrés, à l’inversion des priorités. Les menaces contre la sécurité de notre pays n’ont jamais été aussi graves ; elles exigent la concentration et la mobilisation totale de l’exécutif. Pourtant, le Président de la République et vous-même, monsieur le Premier ministre, poursuivez une magistrale partie de go pour savoir qui encerclera l’autre et lui fera abandonner ses prétentions présidentielles. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Albéric de Montgolfier applaudit.)
Les Français sont, à juste titre, choqués et inquiets ! Vous semblez tous deux, en effet, davantage concernés par votre éventuelle participation à une élection primaire que par leurs problèmes quotidiens ou par leur sécurité.
Ils sont également préoccupés de constater que vous avez, lui et vous, attisé la flamme d’une crise institutionnelle. Chacun se demande comment le Président de la République ou le Premier ministre pourrait, après avoir été battu aux primaires, continuer d’exercer ses fonctions.
Cette situation pose avec gravité la question de la stabilité de nos institutions, d’autant que, depuis la publication inédite de ses confidences, le Président de la République fait face à une crise d’autorité et de respect inédite sous la Ve République de la part de sa propre majorité, de son Premier ministre et, surtout, des Français.
M. Didier Guillaume. Ces propos ne sont pas à la hauteur du Sénat !
Mme Catherine Morin-Desailly. Quelles assurances pouvez-vous donner à nos concitoyens afin que l’intérêt supérieur de la Nation prime tout le reste, notamment les querelles d’ambition ? Quelles garanties pouvez-vous apporter pour que le Gouvernement soit effectivement en ordre de marche jusqu’à la fin de son quinquennat ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la sénatrice, je vous répondrai aussi clairement que je l’ai fait hier à l’Assemblée nationale.
Ma conception des institutions – j’ai eu l’occasion de le rappeler ici – n’a pas changé. Vous évoquez une crise institutionnelle, qui n’existe pas.
En tant que Premier ministre – il ne peut pas en être autrement dans les institutions de la Ve République, ainsi que dans nos rapports personnels –, j’entretiens des rapports de confiance et de respect avec le Président de la République.
Ces polémiques n’intéressent pas. Ce qui m’importe dans les fonctions que j’exerce depuis 2012, c’est la situation des Français.
Comme je l’ai souligné hier à l’Assemblée nationale, nous devrions au moins nous mettre d’accord sur un point : lorsqu’il s’agit du terrorisme, de la menace lourde qui pèse sur notre pays, que vous avez eu raison de rappeler, il faut saluer, contrairement à ce que j’entends parfois, l’extraordinaire engagement de nos forces de sécurité et de nos services de renseignement. Des attentats ont été déjoués il y a quelques jours, d’autres l’avaient été il y a quelques semaines. Ces services travaillent jour et nuit à démanteler les réseaux, à prévenir et à empêcher les attentats. Je veux qu’on leur rende un hommage appuyé parce qu’ils nous protègent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE et sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Madame la sénatrice, croyez-moi, si quelque chose devait nous empêcher de dormir – permettez-moi cette expression familière –, le Président de la République, le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense et moi-même, ce serait évidemment le risque terroriste. D’ailleurs, ce qui nous mobilise depuis le mois de janvier 2015, c’est bien – mais pas seulement ! – la lutte contre le terrorisme, au moment où les menaces ne cessent, par vidéo, notamment, de prendre la France pour cible, parce que nous sommes engagés en Syrie et en Irak.
Telle est, madame la sénatrice, ma conception des institutions, de ma relation avec le chef de l’État et de notre engagement.
Le reste, c’est la bataille politique. Une nouvelle fois, le destin du pays est engagé. Or c’est la moindre des choses que nous participions à ce débat, sans oublier notre tâche, pour défendre ce que nous avons fait depuis 2012, pour observer, critiquer et contester ce que propose aujourd’hui François Fillon, qui n’était pas votre candidat il y a quelques semaines. Je considère – mais nous en débattrons – que ce projet est dur pour les Français, notamment pour les plus modestes. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il est très éloigné de ce qu’il faut, à mon sens, pour le pays. Mais c’est cela le débat.
Nous devrons également nous projeter dans l’avenir parce que le monde a beaucoup changé et que les défis sont considérables. C’est l’honneur de la politique que d’essayer d’y répondre.
Madame la sénatrice, de grâce, ne doutez pas un seul instant que notre préoccupation est d’abord la protection des Français et de leurs intérêts ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
politique générale (ii)
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour le groupe Les Républicains.
M. Jean-Louis Carrère. Voilà le meilleur !
M. François Grosdidier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, le quinquennat s’achève dans la crise de régime, passant de la dyarchie à l’anarchie.
M. Jean-Louis Carrère. Allez !
M. François Grosdidier. Un marin louvoie pour atteindre son cap, le Président de la République louvoie toujours parce qu’il n’a jamais de cap ! Le pédalo s’est transformé en radeau de la méduse. (MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido applaudissent. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Perdu à bâbord, perdu à tribord, sans boussole, le pacha ne peut regarder ailleurs que dans son miroir. (Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain martèlent leur pupitre et couvrent la voix de l’orateur.) Dans son chef d’œuvre narcissique intitulé Un président ne devrait pas dire ça, il trahit sa fonction. Pour se faire valoir, il livre petits et grands secrets du pouvoir et même de nos services secrets. Vous avez qualifié cela de « catastrophe » et de « suicide politique ». Le Président de l’Assemblée nationale est plus sévère encore.
M. Didier Guillaume. Où avez-vous vu une catastrophe ?
M. Jean-Louis Carrère. C’est vous, la catastrophe !
M. François Grosdidier. Ses anciens ministres font déjà campagne contre le Président ; ceux qui le sont encore spéculent sur les alternatives. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Ça suffit maintenant !
M. François Grosdidier. Dans le Journal du dimanche, vous n’excluez pas de vous présenter contre M. Hollande. Et d’ailleurs M. Bartolone vous y invite ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain, qui couvrent la voix de l’orateur.)
Surréaliste, le dernier conseil des ministres a donné lieu à une mise au point, aussi insincère que théâtralisée, entre le Président et vous. Jamais le sommet de l’État n’était tombé aussi bas. La République n’a plus de tête, mais, comme le canard, elle court sans tête. (Mêmes mouvements. – Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain continuent de marteler leur pupitre.)
M. Didier Guillaume. Un peu de respect !
M. François Grosdidier. On ne va pourtant jamais loin ainsi !
Heureusement, il ne reste plus que six mois. C’est peu, mais c’est trop, en pleine guerre contre le terrorisme !
M. Alain Bertrand. On va regagner !
M. Didier Guillaume. Il suffit ! Ce n’est pas une question d’actualité !
M. François Grosdidier. Comment comptez-vous, dans de telles conditions, préserver la dignité des plus hautes fonctions de l’État et l’efficacité de nos services ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l’UDI-UC. – Protestations bruyantes sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, j’aime le débat public et la confrontation.
M. Gérard Longuet. Cela vaut mieux !
M. Éric Doligé. Vous êtes servi !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Il en est ainsi de la vie démocratique. Je veux souligner – je réponds là aussi à votre collègue – que, malgré la menace terroriste, qui, je le répète, est lourde, avec l’engagement qui est le nôtre au Sahel et au Levant, malgré ce qui pèse sur notre pays comme sur l’Europe, nous sommes capables, les uns et les autres – normalement ! –, de démontrer que la France est un grand pays démocratique.
D’une certaine manière, vous l’avez fait avec la primaire de la droite et du centre, nous devons en faire la démonstration tout au long de la campagne présidentielle. Dans un pays qui vit sous la menace, avec l’état d’urgence, il nous revient de montrer que notre démocratie a cette vitalité. C’est la plus belle des réponses que nous pouvons adresser à ceux qui veulent nous diviser.
Voilà pourquoi je ne partage en aucun cas la violence et le cynisme de votre question. Aborder les débats ainsi, cela ne m’intéresse pas ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Parlons des vrais sujets : le modèle républicain, l’égalité entre les femmes et les hommes, la place de la laïcité, le rôle essentiel de l’éducation et de la formation, parce que les grandes nations doivent miser sur l’école, la formation et, bien sûr, la culture pour préparer l’avenir. Parlons de notre modèle social, de l’idée que nous nous faisons de la protection sociale et de son financement, de la santé.
M. Didier Guillaume. Voilà l’enjeu !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Parlons de vos projets concernant la santé, les déremboursements, les politiques envers les plus modestes et les plus faibles de notre société. Ce sont ces sujets que nous devons évoquer !
Parlons de nos alliances, de notre stratégie à l’égard des États-Unis d’Amérique, de la Russie, de ce que nous voulons pour l’Europe.
Parlons de ces sujets-là, plutôt que des remarques d’un sénateur, monsieur Grosdidier, d’un député ou d’un responsable politique, qui commenterait ici ou là la presse. Cela n’a aucun sens et abîme la politique (Mme Odette Herviaux applaudit.), contrairement à ce qui s’est passé à l’occasion de votre primaire.
Enfin, monsieur le sénateur, je vous le dis très tranquillement, je revendique avec fierté le bilan de l’action que nous avons engagée. Il nous faudra le défendre devant les Français. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je revendique d’être pleinement ancré à gauche parce que la démocratie a besoin d’une droite et d’une gauche pour faire reculer l’extrême droite.
Je demande que nous ayons un débat à la hauteur de ce qu’attendent les Français. Pas d’arrogance, d’un côté comme de l’autre ; l’élection n’est pas jugée, et vous devriez le savoir, monsieur Grosdidier. Faites preuve d’un peu de modestie : il y a quelques semaines, vous n’imaginiez pas un instant intervenir au Sénat ou appeler à voter François Fillon, comme vous l’avez fait il y a quelques jours ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce sont les Français qui choisiront dans quelques mois, et non vous tout seul ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour la réplique. (Huées sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Louis Carrère. Non ! Non !
M. François Grosdidier. À vous entendre, la presse ment ! En réalité, vous ne croyez pas un mot de ce que vous dites parce que vous êtes tiraillé entre lucidité et loyauté. Vous vous mentez mutuellement avec le Président de la République, c’est pathétique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.
M. Jean-Claude Requier. Ma question, qui s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, concerne l’état d’avancement des prénégociations sur le Brexit.
Monsieur le secrétaire d’État, voilà près de six mois que les Britanniques ont fait le choix par référendum de quitter l’Union européenne. C’est un choix démocratique qui, si nous le regrettons, doit désormais trouver une traduction concrète et être mis en œuvre sans tarder.
Or, depuis le 23 juin dernier, le gouvernement britannique, conduit par Mme Theresa May, n’a toujours pas adressé à Bruxelles la demande officielle de sortie, conformément à la procédure prévue par l’article 50 du traité de Lisbonne.
Cette notification devrait, nous dit-on, parvenir à la fin du premier trimestre de l’année 2017, différant d’autant le début des négociations officielles entre l’Union européenne et le Royaume-Uni.
Bien évidemment, sans attendre cette date, pour le moins tardive, des discussions et des réflexions, aussi bien du côté britannique que du côté de Bruxelles et des pays membres, ont commencé sur les conditions de ce divorce.
C’est ainsi que l’on apprend ces jours-ci, sans grande surprise, que les Britanniques cherchent à obtenir le beurre et l’argent du beurre ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Si bien que certains de nos partenaires – la Pologne, la Suède ou les Pays-Bas – ont fortement réagi et ont mis en garde le Royaume-Uni contre toute tentative de garder un pied dans l’Union européenne et l’autre en dehors. La France partage-t-elle cette position ? Dans cette période cruciale de prénégociations, les Vingt-Sept affichent-ils un front véritablement uni face aux Britanniques ?
Plusieurs sujets de divergence semblent apparaître, parmi lesquels le sort de la City, celui des trois millions de ressortissants européens vivant aujourd’hui au Royaume-Uni, l’accès au marché unique et la libre circulation des personnes. Comment la France se positionne-t-elle ?
Estimons-nous, comme l’Allemagne, qu’il n’est pas question de diviser les libertés européennes ni de les marchander les unes contre les autres ?
Monsieur le secrétaire d'État, n’est-ce pas une question de principe : en la matière, le divorce ne doit-il pas se faire d’abord au détriment de celui qui a décidé de partir ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE. – Applaudissements sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous avez raison, le Royaume-Uni a décidé de sortir de l’Union européenne. Nous le regrettons, nous n’avions pas souhaité que ce référendum ait lieu, il n’était pas demandé par les autres États membres de l’Union européenne, mais tel a été le choix souverain, démocratique et libre du peuple britannique consulté sur cette question.
La France, comme l’ensemble des États membres, doit aborder la négociation qui va s’ouvrir avec des principes marqués par la clarté et la fermeté.
La clarté, c’est d’abord – premier principe – qu’il ne peut y avoir de prénégociations avant le recours à l’article 50. De ce point de vue, le Président de la République a été extrêmement ferme (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), en rappelant qu’il revenait à la Première ministre britannique, comme elle s’y est engagée, de le déclencher. Mme May a indiqué qu’elle le ferait au mois de mars prochain. Elle sera peut-être amenée à consulter la Chambre des communes avant cela, mais il faut que cette notification se fasse le plus rapidement possible pour que, dans le délai de deux ans prévu par le traité, le Royaume-Uni puisse être sorti de l’Union européenne. Nous souhaitons, en particulier, que ce soit le cas avant le renouvellement de la Commission européenne et du Parlement européen.
Deuxième principe, tous les États membres sont très attentifs à maintenir un lien entre ce que l’on appelle « les quatre libertés de circulation » : des biens, des services, des capitaux et des personnes. Il ne saurait être question qu’un futur État tiers continue à avoir accès au marché unique alors qu’il ne respecterait pas la liberté de circulation des personnes.
Troisième principe – d’une certaine façon, le principal –, aucun État tiers ne peut et ne pourra bénéficier d’un statut plus favorable qu’un État membre. Il n’est pas possible d’être à l’extérieur de l’Union européenne, de ne plus en subir les obligations, les contributions au budget, le respect des règles et, en même temps, de continuer à bénéficier des politiques communes qui vous intéressent, en faisant une sorte de choix entre les unes et les autres.
Nous serons donc très clairs, l’unité des Européens est décisive, et il est nécessaire d’assurer une très grande cohésion entre les Vingt-Sept. On ne saurait imaginer demain que d’autres États imitent le Royaume-Uni, au motif qu’ils garderaient ce qui les arrange, mais sans exercer la solidarité ni contribuer à la cohésion de l’Union européenne. Ce sont ces principes qui vont nous guider.
À partir de maintenant, comme nous l’avons affirmé lors du sommet de Bratislava avec les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement au mois de septembre dernier, nous devons nous concentrer sur l’avenir de l’Union européenne à vingt-sept, sur sa cohésion, sur l’importance de sa sécurité, de la politique de défense, de l’investissement et de la jeunesse.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. C’est cela, pour nous, la priorité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.
M. Jean-Claude Requier. Permettez-moi de rappeler à nos amis britanniques, qui ont inventé le rugby et qui restent, dans ce sport, nos adversaires privilégiés, cet adage, qui pourrait s’appliquer à leurs relations avec l’Union européenne : « Le rugby, c’est comme l’amour, il faut donner avant de prendre ! » (Rires. – Applaudissements sur les travées du RDSE et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste.
Mme Marie-Christine Blandin. Ma question s’adressait à M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie, mais elle concerne également l’environnement.
La société junior canadienne Colombus Gold annonce une campagne de prospection dans le sous-sol guyanais, afin de préparer une exploitation minière de la société Nordgold.
Alors que ce site, en Guyane, se situe au cœur de la plus grande réserve de biodiversité ; alors que la France s’est engagée, par le protocole de Nagoya, à veiller aux droits des peuples autochtones, dont les ressources et les modes de vie dépendent de la préservation des écosystèmes primaires ; alors que le code minier n’a toujours pas été révisé pour tirer les conséquences des connaissances nouvelles et des erreurs passées, nous nous interrogeons sur l’annonce selon laquelle « les équipements seront sur site en décembre ».
Cette mine n’est pas un filon que l’on éclate au piolet, comme dans les dessins animés, c’est la montagne que l’on pulvérise et qu’on lessive avec des toxiques. Elle est prévue pour s’étendre sur 19 000 hectares, soit, avec la route de 125 kilomètres, deux fois la surface de Paris !
Monsieur le secrétaire d’État, M. Macron a-t-il, oui ou non, signé une autorisation de prospection garantissant l’exclusivité à cette société ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Bonne question !
Mme Marie-Christine Blandin. Si, après prospection, la France n’autorisait pas l’exploitation, en l’état actuel du code minier, quel montant de dédommagement devrait-elle payer ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Madame la sénatrice, permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence de Michel Sapin et Christophe Sirugue, qui sont aujourd’hui en déplacement.
Le développement de l’activité minière en Guyane est encadré par un schéma départemental d’orientation minière, qui a été approuvé le 31 décembre 2011, après une longue concertation à l’échelle locale.
Ce schéma organise de manière équilibrée la compatibilité de l’activité minière avec la protection de l’environnement. À ce titre, il interdit les activités minières dans les zones les plus sensibles pour la biodiversité. À ce jour, on dénombre une quarantaine de sites légaux d’exploitation en Guyane.
Par ailleurs, c’est une évidence, un projet minier, quel qu’il soit, doit d’abord respecter toutes les dispositions du code de l’environnement.
Dans ce cadre strict, la compagnie minière de la Montagne d’or, qui est titulaire d’une concession, a découvert un gisement d’or de taille mondiale dans une zone autorisée par le schéma départemental d’orientation minière. Avant de se lancer dans l’exploitation, l’opérateur a réalisé de nombreuses études environnementales, notamment au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement.
Vous n’ignorez pas, sans doute, que les élus locaux soutiennent le projet, tout en faisant preuve de beaucoup de vigilance, afin de s’assurer de la réalité des retombées sociales et économiques sur le territoire. Ce projet doit en effet entraîner la création de 800 emplois directs et 2 500 à 3 000 emplois indirects. L’entreprise a d’ailleurs pour objectif d’employer 95 % de travailleurs locaux. C’est considérable, surtout lorsque l’on rapporte ces créations d’emplois au taux de chômage trop élevé que connaît la Guyane. L’entreprise est d’ores et déjà en train de construire une filière de formation.
Il va sans dire que les services de l’État veillent, eux aussi, à la qualité des dossiers et sont attentifs aux mesures proposées pour réduire et compenser les impacts environnementaux.
Madame la sénatrice, vous êtes élue du Nord, d’une région minière ; pour avoir été moi-même élu d’un bassin ferrifère en Lorraine, je connais les conséquences environnementales postindustrielles de l’exploitation minière. Croyez à l’attention vigilante du Gouvernement sur ces questions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)