Mme Catherine Deroche. La réduction des déficits a été moins massive que ce qu’aurait dû permettre l’augmentation substantielle des prélèvements obligatoires, particulièrement pour la branche vieillesse.
La branche famille s’est redressée au prix d’une réduction des droits de nombreuses familles et de la casse de l’universalité de notre politique familiale.
La branche AT-MP fait une nouvelle fois l’objet, après 2016, d’un transfert de taux de 0,05 point vers la branche maladie, qui représente un montant de 250 millions d’euros et est contraire au principe assurantiel de la branche, principe auquel nous sommes attachés.
Enfin, le redressement de la branche maladie est artificiel, puisqu’il tient à un surcroît de recettes et à une construction discutable de l’ONDAM. Vous avez en effet fait le choix de transférer une partie des charges de l’assurance maladie et de son déficit aux autres branches.
Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons la motion tendant à opposer la question préalable qui sera présentée par le président de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l’UDI–UC.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe CRC.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous regrettons la suppression par l’Assemblée nationale de plusieurs dispositions introduites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale par notre groupe, s’agissant notamment de l’extension de la responsabilité des entreprises mères à l’égard des entreprises qu’elles contrôlent en cas de fraude aux cotisations sociales ou de la révision de la liste des maladies ouvrant droit, pour l’ensemble des fonctionnaires, à un congé de longue durée. Les députés ne nous ont pas suivis.
Nous avions en outre insisté sur l’importance de la formation des personnels hospitaliers, objet de demandes récurrentes de la part de ceux-ci ainsi que de leurs organisations syndicales. Nous avions dénoncé le détournement, sur deux ans, de 300 millions d’euros du fonds pour l’emploi hospitalier au profit du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés. Or vous persistez et vous signez en majorant cette ponction de 70 millions d’euros ! Les hospitaliers apprécieront ! Pour ce qui nous concerne, je le redis, nous sommes en total désaccord avec votre gestion purement comptable, mise en œuvre au détriment des conditions de travail des personnels de santé.
Je ne peux pas non plus passer sous silence le refus d’étendre le bénéfice des avantages liés au congé de paternité ou de maternité à tous les médecins, quelle que soit leur zone d’exercice.
Enfin, j’insisterai sur la réintroduction de l’article 43 quater relatif aux négociations en cours entre l’assurance maladie et les syndicats des chirurgiens-dentistes : elle témoigne d’une volonté d’imposer des choix sans donner de moyens que nous désapprouvons.
Même si ce projet de loi de financement de la sécurité sociale contient quelques mesures positives, que nous avons soutenues, celles-ci ne peuvent à elles seules compenser la philosophie générale de ce texte, soumise à un carcan de restrictions budgétaires.
Cette situation est d’autant plus grave qu’à aucun moment vous n’avez infléchi vos choix de réduction des dépenses, qu’à aucun moment vous n’avez voulu envisager de nouvelles recettes pour notre système de protection sociale, de ce fait fragilisé. Le cœur du problème est que, depuis 1984, les réformes successives sont toutes allées dans le sens de la réduction du champ des dépenses remboursées.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n’illustre que trop votre refus de traiter les questions du reste à charge, du taux croissant de renoncement aux soins, de l’épuisement des personnels de santé, dans le secteur public comme dans le secteur privé.
Comment ignorer que ce budget va de pair avec la loi de modernisation de notre système de santé, qui entérine, notamment, la mise en place des groupements hospitaliers de territoire, avec à la clef une baisse des dépenses ?
Durant ce quinquennat, les attaques contre les principes fondateurs de notre système de protection sociale ont continué : mise en place du pacte de responsabilité, qui a supprimé la contribution des entreprises à la branche famille, remise en cause de l’universalité des prestations sociales, avec l’introduction de la modulation du montant de celles-ci selon les revenus, généralisation de la complémentaire santé dans les entreprises, avec transfert de la prise en charge des soins de la sécurité sociale vers les assureurs privés.
À tout cela s’ajoutent l’adoption en 2013 du rallongement de la durée de cotisation et la fixation de l’âge légal de départ à la retraite à soixante-deux ans.
Ces multiples renoncements sont autant de portes ouvertes par lesquelles s’engouffre la droite. J’en veux pour preuves la chamaillerie dont nous avons été témoins, dans cet hémicycle, pour savoir qui, du Gouvernement ou de la droite, avait la paternité de telle ou telle réforme ou les demandes réitérées de la majorité sénatoriale d’aller plus loin et plus vite dans les restrictions budgétaires.
D’ailleurs, ne voit-on pas fleurir des propositions très inquiétantes du côté d’un prétendant de droite à la présidence de la République ?
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Laurence Cohen. Il est question de « recentrer » l’assurance maladie sur le remboursement des « affections graves » et de laisser le reste aux complémentaires privées, autrement dit de privatiser la sécurité sociale,…
M. Henri de Raincourt. Caricature !
Mme Laurence Cohen. … sans parler de l’introduction d’une franchise médicale de 200 ou 300 euros par an, alors même que les renoncements aux soins pour raisons financières continuent de progresser. Comme le souligne fort justement le docteur Christian Lehmann, c’est « miner l’adhésion à l’idée même de solidarité nationale ».
Ce même prétendant à l’Élysée préconise également, pêle-mêle, le retour aux 39 heures dans les hôpitaux, le recul à 65 ans de l’âge de départ à la retraite, la refonte de la carte hospitalière et la suppression des hôpitaux de proximité non efficaces…
Pour notre part, nous continuons de prôner une politique aux antipodes de la conception marchande de la santé, une politique ambitieuse qui vise à défendre les principes de solidarité, d’universalité et d’égalité, une politique alternative qui mobilise les moyens financiers au profit de l’humain, et non l’inverse.
Notre objectif est d’assurer la prise en charge des frais de santé à 100 % par la sécurité sociale, pour mettre un terme définitif aux renoncements aux soins.
La répétition ayant des vertus pédagogiques, je redis ici que la France a les moyens d’une telle politique. Il faut en particulier remplacer les exonérations de cotisations patronales et leur fiscalisation par une modulation de celles-ci en fonction d’objectifs d’emploi et de salaires. Il faut mobiliser les moyens nécessaires à la lutte contre la fraude aux prestations sociales des entreprises, fraude qui ampute les recettes de 20 milliards d’euros chaque année. Il faut soumettre les profits financiers à une cotisation complémentaire exceptionnelle.
Ce sont là autant de mesures absentes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, tant dans sa rédaction gouvernementale que dans sa version aggravée par la majorité sénatoriale ou revisitée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Nous regrettons vraiment que ce dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat soit un rendez-vous manqué avec la prise de mesures audacieuses de redressement de la sécurité sociale en vue d’une meilleure qualité de soins pour toutes et tous et d’une meilleure qualité des conditions de travail pour les personnels, hospitaliers ou libéraux.
Je ne peux que réaffirmer notre opposition à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, quelle qu’en soit la version. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI–UC.)
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 est passé de soixante articles initialement à plus d’une centaine. Sur soixante-dix d’entre eux, un accord n’a pu être trouvé, tout simplement parce que le Sénat n’a pas la même lecture que le Gouvernement et l’Assemblée nationale du retour à l’équilibre des comptes sociaux.
La sécurité sociale serait « sauvée », madame la ministre : cette affirmation est de nature à rassurer les Français, surtout à la veille de l’élection présidentielle, mais, selon nous, le retour à l’équilibre, initialement prévu pour 2017, devrait intervenir à l’horizon 2020.
En annonçant un déficit de 400 millions d’euros en 2017, le Gouvernement omet volontairement de prendre en compte le FSV, dont le déficit est estimé à 3,8 milliards d’euros.
M. Olivier Cigolotti. Si nous considérons malgré tout que la tendance est à la réduction des déficits,…
Mme Nicole Bricq. Ah ! Quand même !
M. Olivier Cigolotti. … nous ne pouvons, en revanche, tolérer un affichage des comptes en trompe-l’œil.
Au regard des efforts consentis et de la faiblesse des résultats obtenus, l’avenir de notre protection sociale inquiète toujours autant nos concitoyens. Dans cette perspective, nous devons poser un regard objectif sur l’état des finances de la sécurité sociale et faire toute la transparence nécessaire.
Le déficit des régimes de sécurité sociale devrait s’élever à 6,9 milliards d’euros pour l’année 2016, contre 10,2 milliards d’euros en 2015. Ce résultat est inférieur de 2,4 milliards d’euros à la prévision inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.
Cette amélioration est principalement imputable à la branche maladie et, dans une moindre mesure, à la branche vieillesse, alors que les comptes de la branche famille et du FSV sont plus dégradés que prévu.
Il ne fait pas de doute que le déficit de la sécurité sociale se réduit, après plusieurs années d’efforts significatifs en termes de recettes, mais je n’irai pas jusqu’à affirmer que ses comptes sont à l’équilibre, car minorer les charges et optimiser les recettes ne constitue aucunement une démarche de transparence. Cela ne fait que renforcer nos désaccords, notamment parce que les hypothèses pluriannuelles reposent sur une masse salariale élevée en fin de période.
La situation des finances de l’assurance maladie laisse malheureusement présager un avenir incertain pour les comptes de la sécurité sociale, car la réalité budgétaire des différentes branches est fort inquiétante.
L’équilibre des comptes sociaux ne pourra être atteint que grâce à des efforts plus importants et à une plus grande maîtrise des dépenses, s’agissant notamment de l’assurance maladie.
La bonne santé de notre système de santé passe notamment par celle de l’hôpital et de l’ensemble des professionnels de santé. Pourtant, en 2017, les hôpitaux publics seront appelés à réaliser 1,5 milliard d’euros d’économies supplémentaires.
En mettant en place les groupements hospitaliers de territoire, vous visez certes à assurer une meilleure coordination de l’offre de soins, mais surtout à réduire les dépenses. Or nous assistons à une rupture inacceptable en matière d’égalité d’accès aux soins avec les fameux « déserts médicaux ».
Ne pas remédier à la désertification médicale, c’est prendre le risque de voir celle-ci s’étendre à d’autres professions de santé, comme c’est déjà le cas dans certains départements. Nous ne pouvons que regretter le rejet de propositions visant à inciter les médecins retraités à exercer en zones sous-denses.
Concernant la liberté d’installation, nous comprenons parfaitement l’attachement des professionnels de santé à ce principe, mais nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas assurer un égal accès aux soins : c’est notre rôle en tant que législateur. À cet égard, la mission proposée par notre rapporteur général devrait permettre d’envisager des solutions pour tendre vers plus d’égalité entre les territoires.
Je regrette également que la proposition de loi de notre collègue député UDI Philippe Vigier ait été rejetée. Cette dernière prévoyait que les médecins libéraux soient tenus de s’installer pour une durée minimale dans des zones sous-dotées.
M. Olivier Cigolotti. L’érosion de la protection sociale compromet elle aussi l’égalité en matière d’accès aux soins. Certains restes à charge sont de plus en plus importants. Le « contrat responsable » pour les salariés, censé mettre fin à la surenchère inflationniste de certains remboursements, montre ses faiblesses. Les salariés doivent débourser plus qu’auparavant.
Par ailleurs, que dire du fonds dédié à l’innovation thérapeutique ? L’avoir placé hors du champ de l’ONDAM constitue là encore un artifice de débudgétisation préjudiciable à une lecture objective des comptes.
Le secteur du médicament est sérieusement touché lui aussi : bien qu’il ne représente que 15 % des dépenses de l’assurance maladie, il concentre à lui seul la moitié des économies projetées, soit près de 1,4 milliard d’euros. Cela met ce secteur en péril en termes d’innovation, d’investissement et d’emploi.
Lors de la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale par notre assemblée, j’avais présenté un amendement tendant à instaurer un dispositif comparable à ce qui est prévu au niveau européen pour les microentreprises et les petites et moyennes entreprises du secteur pharmaceutique. Il s’agissait de mettre en place des exonérations ou réductions de droits pour les modifications d’autorisation de mise sur le marché. Ces droits forfaitaires pèsent lourdement sur les petites entreprises, fragilisent leur équilibre financier et remettent en cause leur capacité d’emploi. Ils représentent une part importante de leur chiffre d’affaires, déjà mis à mal par les baisses de prix successives.
Pourtant, la France est un pays formidable pour les start-up qui font de la recherche, car elles y bénéficient du crédit d’impôt recherche, dont le calcul est rendu encore plus favorable par le statut spécial des jeunes docteurs. Le label « jeune entreprise innovante » donne droit à un allégement de charges supplémentaire.
Concernant l’allongement des délais nécessaires à l’inscription des dispositifs médicaux sur la liste des produits et prestations remboursables par l’assurance maladie, les textes réglementaires prévoient que la Haute Autorité de santé et le Comité économique des produits de santé disposent conjointement de 180 jours au maximum pour procéder à cette inscription. Ces délais sont très loin d’être respectés, madame la ministre. Le CEPS lui-même a observé en 2014 des délais moyens de 328 jours pour une primo-inscription et de 345 jours pour une réinscription. La situation s’est depuis lors lourdement aggravée, aucun des dossiers déposés après mars 2015 n’ayant été examiné à ce jour, ce qui fragilise particulièrement le secteur du dispositif médical. Favoriser l’innovation et la recherche pharmaceutique devrait être une priorité pour tout gouvernement !
Néanmoins, certaines dispositions de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 sont positives et ont d’ailleurs été soutenues par notre groupe.
Ainsi, le renforcement des missions assignées aux caisses d’allocations familiales avec la création de l’Agence nationale de fixation et de recouvrement des pensions alimentaires s’inscrit dans le prolongement de la généralisation de la garantie contre les impayés de pension alimentaire.
Nous approuvons également l’expérimentation de la vaccination par les pharmaciens, prévue à l’article 39 quinquies, ainsi que la possibilité ouverte à titre expérimental aux médecins généralistes de détenir des vaccins contre les grippes saisonnières.
Je salue également la mise en place du fonds d’indemnisation des victimes de la Dépakine, doté de 10 millions d’euros.
Enfin, l’Assemblée nationale a retouché ce lundi l’article 10, relatif à l’économie collaborative : les particuliers louant des biens via des plateformes collaboratives, comme Airbnb ou Drivy, ne seront pas obligés de se faire enregistrer comme auto-entrepreneurs.
Mes chers collègues, comme je le rappelle lors de chacune de mes interventions, la Cour des comptes appelle à une réforme en profondeur de l’assurance maladie ; je partage son point de vue. Environ 40 % du déficit résulte de causes structurelles.
L’amélioration de la situation financière de la sécurité sociale est réelle, je ne le conteste pas. Pour notre groupe, il n’a jamais été question de privatiser la sécurité sociale.
Compte tenu de nombreux désaccords de fonds constatés dès la première lecture et eu égard à l’inutilité évidente de procéder à une nouvelle lecture, le groupe UDI-UC votera en faveur de l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi par M. Jean-Marie Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat,
Considérant que le niveau de prélèvements obligatoires au profit des organismes de sécurité sociale reste celui atteint en 2013 malgré le pacte de responsabilité ;
Considérant qu’en dépit de ce niveau de prélèvements, le retour à l’équilibre de la sécurité sociale n’est pas atteint et que les déficits de la branche maladie et du Fonds de solidarité vieillesse restent à des niveaux élevés en 2017 ;
Considérant que le retour à l’équilibre n’est constaté que pour les branches (famille, vieillesse, AT-MP) où de réels efforts ont été demandés aux cotisants et aux assurés, alors que votre commission conteste les orientations prises en matière de politique familiale ainsi que le caractère achevé des réformes en matière de retraite ;
Considérant que les mesures prises pour corriger le solde tendanciel de l’assurance maladie consistent, soit en des recettes nouvelles, soit en des transferts de recettes du FSV et de la branche AT-MP, soit en des transferts de charges exceptionnellement élevés sur d’autres branches ou organismes alors que les objectifs fixés par le plan d’économies sur l’ONDAM n’ont pas été atteints, ni pour les soins de ville, ni pour l’hôpital ;
Considérant que l’instauration d’un fonds dédié au financement de l’innovation ne doit pas conduire à faire sortir des dépenses de médicaments hors du périmètre de l’ONDAM ;
Considérant que les perspectives pluriannuelles de recettes et de dépenses de la sécurité sociale reposent sur des hypothèses de masse salariale élevées en fin de période ;
Considérant que la loi de 2014 ne suffira pas à garantir la pérennité du système de retraite à moyen terme et qu’il est nécessaire de prendre rapidement des mesures d’adaptation à l’évolution de l’espérance de vie ;
Considérant, que la ponction de 0,05 point de cotisation AT-MP au profit de l’assurance maladie contrevient au principe d’autonomie des branches ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 154, 2016-2017).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, pour la motion.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.
La commission mixte paritaire a constaté l’existence d’un profond désaccord entre la majorité de l’Assemblée nationale et celle du Sénat sur la politique à conduire en matière de sécurité sociale.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ce désaccord porte d’abord sur le diagnostic.
Notre pays a connu un choc fiscal sans précédent, qui n’a été que partiellement compensé par le pacte de responsabilité. Les prélèvements obligatoires au profit des administrations de sécurité sociale ont été stabilisés au niveau très élevé atteint en 2013.
Malgré cela, les comptes de la sécurité sociale ne sont pas à l’équilibre, puisqu’un déficit prévisionnel de 4,1 milliards d’euros est annoncé pour 2017, dont 3,8 milliards d’euros pour le Fonds de solidarité vieillesse et 2,6 milliards d’euros pour l’assurance maladie.
Pour les autres branches, l’équilibre a été atteint à grand renfort de hausses de cotisations – vieillesse et AT-MP – ou, pour la branche famille, en diminuant les prestations, et pas seulement pour les familles aisées.
Pour l’assurance maladie, les économies sous ONDAM sont présentées comme exceptionnelles, mais, sur 4 milliards d’euros, 500 millions d’euros n’ont aucun effet sur le solde de l’assurance maladie !
Les autres branches et organismes sont mis à contribution : la branche AT-MP, le FSV, la CNSA, les fonds hospitaliers sont tous taxés en charges ou en produits pour satisfaire à la priorité des priorités : redresser les comptes de l’assurance maladie.
Mais ces mesures ne sont pas pérennes ; elles ne se traduiront pas par une amélioration durable ! Vous nous avez demandé de manière insistante, monsieur le secrétaire d'État, quel niveau d’ONDAM nous souhaitions.
Nous souhaitons avant tout un ONDAM sincère, qui retrace fidèlement les dépenses relevant de son périmètre.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Donnez-nous un chiffre ! Indiquez-nous un taux de progression !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Vous nous avez mis en demeure de nous prononcer sur les mesures nouvelles en dépenses que vous avez prises : la France a-t-elle les moyens de les mettre en œuvre sans rien changer par ailleurs ? Ce n’est pas sûr.
Faut-il le statu quo à l’hôpital ? Nous sommes certains du contraire.
En désaccord sur le diagnostic, nous le sommes aussi, logiquement, sur les préconisations.
Avec des dépenses représentant 14 % du PIB, un niveau de revenu des nouveaux retraités globalement supérieur à celui des actifs et un allongement de la durée de vie, comment pouvez-vous considérer que la réforme des retraites est achevée ?
Le système de santé serait si efficace qu’il n’appellerait aucune réforme nouvelle ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Notre vision de la politique de soins à mettre en place sur le territoire national est différente de la vôtre.
Puisque le travail du Sénat a été caricaturé et utilisé pour critiquer le programme du candidat à l’élection présidentielle que soutiennent les membres de la majorité sénatoriale, je souhaite procéder à quelques mises au point.
Personne, et François Fillon encore moins que quiconque, ne remet en cause le principe fondateur de la sécurité sociale : on paie selon ses moyens, on est soigné selon ses besoins. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Les messages véhiculés par le Gouvernement sur les réseaux sociaux, à la télévision et sur les radios à propos du programme de François Fillon en matière de santé me scandalisent…
M. Didier Guillaume. Nous, c’est son programme qui nous scandalise !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. … et montrent que la gauche ne peut refaire son unité que contre le projet du candidat de la droite, faute d’un bilan qui lui permette de sortir grandie de cette mandature. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
Ainsi, le bilan du président Hollande en matière de santé est consternant. C’est l’étatisation de la gouvernance, et donc la bureaucratisation du système.
M. Jean-François Husson. Et voilà !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ses gouvernements ont renforcé outrageusement les pouvoirs des agences régionales de santé, notamment en matière de soins de ville, en créant les communautés professionnelles territoriales de santé et en affaiblissant les cliniques privées avec la mise en place des autorisations d’activité.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 contient des mesures contre les radiologues et les dentistes, qui vident de sa substance la politique conventionnelle avec l’assurance maladie.
M. Jean-François Husson. Eh oui !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Le Président de la République et ses gouvernements ont mis à mal l’unité solidaire de notre système de santé en privatisant la gestion du risque avec la loi Le Roux. Les réseaux de soins installés par la gauche confèrent aux assureurs privés le pouvoir d’orienter les patients vers les professionnels de santé de leur choix et d’agir sur les prescriptions de ces derniers. C’est la fin de la liberté de choix de son professionnel de santé et la fin de l’indépendance des professionnels soignants. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.) Dans ces conditions, qui promeut la privatisation du système de santé ? Sûrement pas François Fillon !
Le bilan du président Hollande, c’est la baisse des remboursements, en raison des cadeaux faits aux mutuelles.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous n’aimez pas les mutuelles, vous préférez les assurances privées !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Avec la généralisation des contrats collectifs à tous les salariés et le plafonnement du remboursement des contrats responsables, François Hollande et ses gouvernements ont réussi l’exploit de faire baisser les remboursements assurés par les contrats de santé privés des Français tout en renchérissant les primes payées par ceux-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Eh oui !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. La généralisation des contrats collectifs a transféré 3,6 millions de salariés du marché des contrats individuels vers celui des contrats collectifs, ce qui va renchérir le coût des contrats individuels souscrits par les retraités et les chômeurs.
Les contrats ANI vont remplacer progressivement les anciens contrats collectifs. Or ces contrats n’assurent qu’une couverture misérable du risque, forçant les assurés – ceux qui en ont les moyens – à souscrire une surcomplémentaire.