M. le président. L'amendement n° 434, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer les mots :
Hors le cas des consultations de suivi psychiatrique mentionnées à l’article L. 169-5,
II. – Alinéa 16
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° À l’article L. 169-5, les mots : « Pour les consultations de suivi psychiatrique résultant de l’acte de terrorisme, le droit à l’exonération prévue aux 4° et 5° de l’article L. 169-2 peut être ouvert » sont remplacés par les mots : « Par dérogation au I de l’article L. 169-4, pour les consultations de suivi psychiatrique résultant de l’acte de terrorisme et les médicaments prescrits à cette occasion, les droits prévus aux 4° , 5° et 6° de l’article L. 169-2 et à l’article L. 169-1 peuvent être ouverts » ;
III. – Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’État prend également en charge, déduction faite des sommes mentionnées au IV, le financement des dépenses mentionnées au 1° du II pour la mise en œuvre de l’article L. 169-5 postérieurement à la présentation de l’offre mentionnée au premier alinéa du II et de l’article L. 169-7.
IV. – Alinéas 42 à 44
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
VI. – À l’exception de l’article L. 169-8 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du 5° du I du présent article, qui entre en vigueur le 1er juillet 2017, les dispositions du présent article sont applicables aux actes et prestations inscrits sur la liste prévue à l’article L. 162-1-7 et à la délivrance de produits et prestations inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 165-1 intervenus postérieurement au 14 juillet 2016.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. En l’état actuel du droit, les victimes d’actes de terrorisme et leurs proches parents, qui ne sont pas eux-mêmes victimes, bénéficient, pour leurs consultations de suivi psychologique, de l’exonération du ticket modérateur et du forfait d’un euro.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, je me suis attachée, avant même que des actes terroristes ne frappent notre pays, à mettre en place un dispositif dérogatoire de prise en charge accélérée et financièrement accessible pour les victimes de tels actes.
L’amendement que je vous propose a pour objectif d’améliorer encore cette prise en charge en étendant l’exonération à la franchise applicable aux médicaments prescrits lors des consultations, ce qui me semble plus cohérent. Par ailleurs, cela permet de clarifier en termes juridiques l’articulation du suivi psychiatrique des victimes du terrorisme avec l’extension de la prise en charge dérogatoire prévue en leur faveur.
Cet amendement vient marquer clairement l’engagement de la solidarité nationale auprès des victimes de ces actes abominables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mme la ministre a parfaitement expliqué l’objet de l’article et de l’amendement. L’avis de la commission est favorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je trouve aussi l’amendement du Gouvernement tout à fait positif pour les victimes d’attentats.
Je tiens également à rappeler que nous avions également déposé un amendement, malheureusement victime lui aussi de l’article 40, pour renforcer encore cette prise en charge. Je tiens à attirer l’attention du Gouvernement sur cette proposition, qui va au-delà de ce que nous allons voter.
Selon nous, il serait tout à fait utile que, dans chaque région, il existe une structure gratuite et accessible pour assurer cette prise en charge des psycho-traumatismes des victimes. Nous proposions donc que le directeur de l’agence régionale de santé habilite au moins un centre de santé par région à cet effet. Ces centres pourraient assurer une prise en charge, anonyme ou non, selon le choix exprimé par la victime au moment de son accueil. Les dépenses seraient prises en charge par un fonds d’intervention régional.
Cette proposition compléterait et renforcerait le dispositif que le Gouvernement nous propose.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Le groupe socialiste votera évidemment avec détermination cet amendement, qui est avant tout de bon sens et qui exprime l’humanité de l’ensemble des membres cette Haute Assemblée.
M. le président. L'amendement n° 130, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 3131-9-1. – Lorsque le dispositif d’organisation de la réponse du système de santé en cas de situation sanitaire exceptionnelle mentionné à l’article L. 3131-11 est mis en œuvre à la suite d’un acte de terrorisme, les agences régionales de santé recueillent les données de santé à caractère personnel relatives aux victimes auprès des établissements de santé qui les ont prises en charge.
« Dans le but d’assurer la gestion de la crise et le suivi de la prise en charge sanitaire des victimes, ces données sont transmises aux agents désignés au sein des ministères compétents.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise la nature des données recueillies par les agences régionales de santé et fixe les modalités de leur collecte et de leur transmission sécurisée dans le respect des règles de protection de la vie privée. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement a deux objectifs.
Il tend en premier lieu à améliorer la rédaction globale du nouvel article L. 3131-9-1 qu’il est proposé d’insérer dans le code de la santé publique, article qui prévoit la mise en place d’un dispositif de recueil d’informations à caractère personnel sur les victimes d’actes de terrorisme.
Il vise en second lieu à définir plus précisément les objectifs et les modalités de la collecte et de la gestion de ces données de santé à caractère personnel, afin de garantir la protection de la vie privée des victimes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends bien votre objectif, monsieur le rapporteur général. Mais cet amendement n’est pas seulement « rédactionnel ».
Mme Annie David. Eh non !
Mme Marisol Touraine, ministre. D’ailleurs, je ne sais pas si vous souhaitiez aller aussi loin. C’est pour cette raison que je reste aussi prudente.
La rédaction que vous proposez aboutit à restreindre le dispositif, car vous vous concentrez sur les victimes d’actes de terrorisme, alors que l’article L. 3131-11 concerne les victimes de catastrophes majeures, indépendamment de la nature terroriste des actes. Il peut s’agir de catastrophes naturelles ou d’accidents occasionnels qui provoquent des blessures physiques, mais aussi des blessures psychiques, individuelles ou collectives.
Vous ne proposez pas seulement une amélioration de la rédaction, car votre amendement, s’il était voté, entraînerait une restriction du dispositif. Je ne vous cache pas que cela pose une véritable difficulté. Si vous ne retiriez pas cet amendement, je serais dans l’obligation d’émettre un avis défavorable.
J’en profite pour répondre à Mme Cohen sur le dispositif mis en place. Lorsqu’il y a eu des actes de terrorisme, nous avons immédiatement déployé des structures médico-psychologiques spécialisées, les cellules d’urgence médico-psychologique, les CUMP, dans lesquelles ont été affectés des professionnels spécialisés, venus d’ailleurs de tout le territoire. Cela a été le cas à Paris, puis à Nice, dans une version améliorée. Ces structures ont été prolongées un certain temps, puis est venue la sortie de l’urgence. Il a fallu alors passer à une gestion pérenne d’accompagnement des victimes dans la durée.
Pour Nice, j’ai affecté vingt-quatre professionnels supplémentaires dans les établissements hospitaliers de la ville pour permettre la prise en charge des personnes qui passent des CUMP vers les structures permanentes, si elles ne l’avaient pas fait auparavant.
Par ailleurs, pour les victimes qui souhaitent se faire suivre dans un cadre libéral, nous avons mis en place un forfait de prise en charge à 100 % de dix consultations, dans la limite de cinquante euros par séance, auprès d’un psychiatre ou d’un psychologue, ce qui, jusque-là, n’était pas remboursé par la sécurité sociale.
Nous avons donc déployé un ensemble de lieux d’accueil.
Il faut savoir que les victimes de l’attentat de Nice venaient de plusieurs endroits en France. Imaginons, par hypothèse, qu’une victime rentre chez elle à Limoges : on ne va pas forcément créer une structure spécialisée dans cette ville. En revanche, il s’agit d’identifier des professionnels qui peuvent s’engager et de garantir que la prise en charge financière sera évidemment au rendez-vous pour les victimes.
Monsieur le rapporteur général, encore une fois, votre rédaction limite très sérieusement les dispositions existantes.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’ai comparé les rédactions, et c’est vrai que nous visons les actes de terrorisme. Mais c’est bien l’objet de l’article !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Effectivement, c’est beaucoup plus large.
Mais la seconde partie de notre amendement, qui concerne la protection de la vie privée, tend à améliorer la rédaction de l’article. Sans en faire une exégèse complète, il nous semble qu’elle est plus précise. La transmission sécurisée, notamment, me paraît mieux assurée.
Nous nous éloignons peut-être un peu de l’objet de la loi, et je ne me battrai pas bec et ongles pour cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Nous sommes très sensibles aux arguments de Mme la ministre concernant la restriction apportée par cet amendement.
Peut-être pourrait-on sous-amender l’amendement pour supprimer « à la suite d’un acte de terrorisme » ? Nous resterions alors dans la logique de l’article proposé par le Gouvernement.
M. le président. Mes chers collègues, c’est du travail de commission !
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le rapporteur général, je comprends bien votre souci d’améliorer la rédaction.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Et de sécuriser le dispositif !
Mme Marisol Touraine, ministre. Certes. Nous n’avons pas de divergence à cet égard. J’ai compris que vous étiez prêt à retirer la première partie de l’amendement tout en conservant la seconde.
Si je m’engage devant vous à travailler sur ce point dans la perspective de la nouvelle lecture, est-ce de nature à vous convaincre de retirer l’amendement en totalité ? Cela nous permettrait d’avancer. Vous le savez, j’ai toujours respecté les engagements de cette nature que j’ai pris auprès de vous.
La suggestion de Mme Génisson est sage. Mais faut-il que nous consacrions de longues minutes à rédiger un nouvel amendement ? Je n’en suis pas certaine.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’entends bien vos arguments, madame la ministre, mais on m’indique que c’est une meilleure rédaction. Encore une fois, c’est bien l’objectif. C’est vrai : il s’agit d’un dispositif destiné à des situations exceptionnelles, comme nous le précisons, même si notre rédaction fait référence à des actes de terrorisme.
Mais, monsieur le président, compte tenu de l’engagement de Mme la ministre de travailler le sujet dans la perspective de la nouvelle lecture, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 130 est retiré.
Je mets aux voix l'article 38, modifié.
(L'article 38 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 38
M. le président. L'amendement n° 302, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 38
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6145-16-1 du code de la santé publique est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Il est procédé à un audit citoyen permettant de connaître les créanciers et de clarifier les différents mécanismes en œuvre afin d’identifier la part illégitime de cette dette au regard de l’intérêt général et décider collectivement de son annulation. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Je remercie Mme la ministre des précisions qu’elle a apportées sur le suivi des victimes. J’en profite pour saluer le travail de la psychiatre Muriel Salmona sur la mémoire traumatique. Nous avons besoin de cet encadrement.
Mon amendement n’est pas du tout de même nature.
Vous le savez, de nombreux hôpitaux sont vraiment asphyxiés par des emprunts, pour certains toxiques. Selon nous, il y a urgence à encadrer le recours à l’emprunt des établissements publics de santé et de leurs groupements.
Cependant, une telle proposition est opérante pour le présent et l’avenir, mais pas pour le passé. Pour notre groupe, il est donc important de travailler aussi sur cette question. C’est pourquoi il nous paraît indispensable de mettre en œuvre un audit citoyen visant à déterminer la part illégitime de la dette sociale. La meilleure façon de procéder à cet audit est de commencer par décréter un moratoire du paiement des intérêts et du remboursement du capital. Le droit international reconnaît que, pour un État, répondre aux besoins humains fondamentaux de sa population prime sur le service de la dette.
Nous pensons que les livres de comptes des organismes chargés de la trésorerie de la protection sociale doivent être ouverts, car l’argent de la protection sociale est un bien public et ne doit pas dépendre des marchés financiers. Tout comme pour la dette de l’État et celle des collectivités locales, nous demandons une transparence totale des comptes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous proposez de procéder à un audit citoyen de la dette des établissements hospitaliers. Il nous paraîtrait plus opérant d’annuler, si possible, cette dette : quand bien même elle serait jugée illégitime, elle engage la responsabilité de l’État, les établissements hospitaliers dépendant du ministère de la santé.
J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis sera défavorable si l’amendement est maintenu.
Comme vous l’avez relevé, des dispositions ont été votées qui permettent désormais d’encadrer les demandes d’emprunt formulées par les établissements en situation difficile, qui doivent être évaluées et contrôlées. La loi de modernisation de notre système de santé a mis en place des verrous protecteurs.
À vous entendre, on a le sentiment que rien n’a été fait pour la dette passée. Les emprunts toxiques ont créé, c’est vrai, une situation extrêmement tendue : entre 2003 et 2012, la dette des hôpitaux publics a été multipliée par trois, ce qui n’est tout de même pas rien ! Depuis 2012, cette dette est stabilisée. Nous avons créé un fonds doté de 400 millions d'euros, qui a permis de faire face à la situation critique d’une cinquantaine d’établissements devenus incapables de payer les intérêts de leur dette, sans parler du capital.
Des mesures ont été prises, des actions ont été engagées et le soutien apporté aux établissements en situation difficile me paraît constituer une bonne réponse. D’autres établissements, dont la situation était moins dramatique, ont fait des efforts et géré les intérêts de leur dette. Il s’agit non pas d’effacer des dettes au cas par cas, mais d’accompagner, de soutenir les établissements. Pour ce faire, un fonds de 400 millions d’euros a été mis en place : ce n’est pas rien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je voudrais rappeler que le Sénat a produit un rapport, dont Alain Milon et Jacky Le Menn étaient les auteurs, qui préconisait que les investissements immobiliers des établissements hospitaliers puissent être portés par un fonds qui serait financé pour l’essentiel par l’État. Le remboursement serait disjoint du financement du fonctionnement des établissements hospitaliers.
Il est vrai que ces investissements sont parfois très lourds, ce qui a conduit un certain nombre d’établissements à rechercher des facilités d’emprunt semblant initialement très avantageuses, mais qui se sont révélées toxiques. Il est à mon sens de la responsabilité de l’État – vous ne l’avez d'ailleurs jamais contesté, madame la ministre – d’aider les établissements à rembourser la dette qui a malheureusement été contractée dans ces conditions. Je ne sais pas si vous avez envisagé la création d’un tel fonds.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le fonds que vous avez mentionné est spécifiquement destiné au remboursement de la dette toxique, alors que le Sénat a proposé de mettre en place un fonds pérenne dédié au financement des investissements immobiliers des établissements hospitaliers.
M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 302 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Je trouve cette discussion particulièrement intéressante. Comme je l’ai signifié au début de mon propos, certains hôpitaux se sont trouvés totalement asphyxiés financièrement.
Des mesures d’encadrement ont en effet été prises et un fonds doté de 400 millions d’euros a été mis en place. La contribution de M. le rapporteur général est de nature à alimenter la réflexion et à permettre d’ouvrir de nouvelles pistes.
À la lumière de cet échange, nous retirons notre amendement, qui, de toute façon, n’a aucune chance d’être voté. Nous avons du moins ouvert la discussion, reposé le problème, obtenu un certain nombre de réponses plutôt positives.
M. le président. L'amendement n° 302 est retiré.
L'amendement n° 335, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 38
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 14° de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement a trait à la réorganisation du temps de travail dans les établissements de santé. Des pressions s’exercent sur les conditions de travail des personnels, notamment avec la mise en place des groupements hospitaliers de territoire, les GHT. On constate que les réorganisations du temps de travail ont le plus souvent conduit à des reculs en la matière : augmentation du temps de travail de nuit, suppression de RTT et de jours de repos additionnels.
C'est pourquoi nous demandons la suppression de la possibilité, pour le directeur d’un établissement de santé, de passer outre l’avis des syndicats représentatifs des personnels. Je pourrais justifier notre amendement en citant de nombreux exemples. Le plus emblématique est certainement celui du plan de M. Hirsch, à l’AP-HP : augmentation du temps de travail du personnel et suppression d’un certain nombre de jours de congé sans concertation véritable, en tout cas sans entendre les propositions alternatives des professionnels de santé et des organisations syndicales, qui ont dénoncé ce projet de réorganisation du temps de travail à l’AP-HP.
Or les conséquences de telles évolutions, non seulement sur la vie professionnelle, mais également sur la vie privée du personnel soignant, qui est essentiellement – faut-il le rappeler ? – féminin, sont loin d’être anodines.
Ainsi, pour prendre un autre exemple, à l’hôpital Bichat Claude-Bernard, la nouvelle organisation du temps de travail pose de nombreux problèmes, notamment pour le personnel soignant, mais également pour les patients. D'ailleurs, le CHSCT de cet hôpital a demandé que soit réalisée une expertise sur le projet de réorganisation du travail et sur les conditions de travail.
Un moratoire sur l’organisation du temps de travail à l’AP-HP est exigé par les syndicats. Nous soutenons cette revendication, mais tel n’est pas le sens de notre amendement : nous préférons procéder par étapes, en demandant dans un premier temps que toute modification de l’organisation du temps de travail et des temps de repos soit ratifiée par un accord collectif avec les organisations syndicales représentant les personnels de l’établissement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La disposition que cet article tend à supprimer est la suivante : « À défaut d’un accord sur l’organisation du travail avec les organisations syndicales représentant le personnel de l’établissement, [le directeur de l’établissement] décide de l’organisation du travail et des temps de repos. »
Il n’est donc absolument pas question de passer outre un éventuel accord avec les organisations syndicales, mais, en son absence, le directeur de l’établissement me paraît fondé à prendre une décision, parce qu’il faut bien avancer !
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. En général, quand on négocie, c’est qu’un précédent accord a été dénoncé. Si les négociations n’aboutissent pas à un nouvel accord, l’organisation du travail en vigueur est maintenue : il n’arrive jamais qu’un directeur d’hôpital soit confronté à une situation où il n’existe plus aucune organisation. On peut être favorable à ce qu’un directeur d’établissement puisse imposer une organisation du travail, même si les personnels ne sont pas d’accord, mais il ne faut pas dire qu’il n’y a plus d’organisation !
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 207 rectifié bis, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Cadic, Cantegrit, del Picchia et Duvernois, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, MM. G. Bailly, Bouvard, Buffet et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon, Chasseing, Commeinhes, Danesi et de Raincourt, Mmes Deroche et Deseyne, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Houel et Kennel, Mme Lamure, MM. Mandelli et A. Marc, Mmes Mélot et Micouleau, MM. Mouiller, Perrin, Raison et Rapin, Mme Troendlé, MM. Vasselle et Laménie et Mme Hummel, est ainsi libellé :
Après l’article 38
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 160-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 160-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 160-4-… – Les Français établis hors de France qui entendent quitter leur pays de résidence en vue d’établir leur domicile en France et qui remplissent les autres conditions d’affiliation de la protection maladie universelle peuvent s’inscrire auprès de la caisse primaire d’assurance maladie de leur futur domicile avant leur départ en France. L’affiliation prend effet à compter de la date de retour en France.
« Un décret détermine les conditions d’application du présent article. »
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Mme Deromedi est à l’initiative de cet amendement.
Le bénéfice de la protection maladie universelle est subordonné à la justification d’une activité professionnelle ou, en l’absence d’une telle activité, à une condition de résidence stable et régulière en France, c'est-à-dire de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.
Un certain nombre de nos compatriotes expatriés qui rempliraient les conditions d’affiliation à la CMU s’ils résidaient en France se trouvent en difficulté lors de leur rapatriement ou de leur retour dans notre pays. Il est proposé de permettre leur inscription à distance, par l’intermédiaire des consulats, avant leur départ, afin qu’ils puissent bénéficier des droits dès leur retour. Il s’agit donc d’une mesure de simplification.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’anticiper l’inscription, avant le retour en France, de nos compatriotes expatriés pour l’affiliation à l’assurance maladie.
L’essentiel est d’éviter à certains de nos concitoyens de se retrouver dépourvus de couverture maladie. La commission a émis un avis de sagesse positive. Il nous paraît légitime que les Français résidant à l’étranger de retour dans leur pays puissent être couverts dès qu’ils posent le pied sur le sol national.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends bien la difficulté évoquée par les auteurs de l’amendement. Toutefois, le sujet est un peu plus compliqué qu’il n’y paraît. Vous avez avancé, monsieur le sénateur, des arguments de très bon sens, auxquels je souscris : il convient de faciliter la prise en charge immédiate par l’assurance maladie – et non au terme d’un délai de trois mois, comme c’est le cas aujourd’hui – de nos concitoyens expatriés qui rentrent en France.
Le problème est que nous ne pouvons pas mettre en place de telles dispositions au bénéfice des seuls ressortissants français : ce serait contraire au droit européen. Si nous instaurons un dispositif de ce type pour nos compatriotes de retour en France, tout ressortissant d’un État membre de l’Union européenne y sera éligible dès son arrivée en France et pourra se faire hospitaliser ou soigner sans devoir attendre trois mois, comme c’est le cas à l’heure actuelle. J’attire votre attention sur ce point, d’autant que j’entends parfois dénoncer, notamment sur les travées de la majorité sénatoriale, un accès trop facile à nos systèmes de protection sociale.
Nous partageons la préoccupation des auteurs de l’amendement. Nous travaillons sur le sujet dans le cadre de la mise en place de la protection universelle maladie, la PUMA, qui permet une prise en charge en continu. Nous essayons de lever les obstacles et de faire en sorte que le dispositif puisse être inscrit dans notre droit sans que cela contrevienne au droit européen.
Je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, je ne pourrai que donner un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je pense qu’il y a une différence entre un étranger, même européen, qui entre en France sans avoir jamais été affilié à notre système de protection sociale et un Français expatrié de retour sur le territoire national : pour ce second cas, où il ne s’agit pas d’une nouvelle inscription à la sécurité sociale, ne pourrait-on imaginer une sorte de reprise de l’affiliation après suspension le temps de l’expatriation ? La situation au regard du droit européen serait ainsi différente.