M. Jean Desessard. Ils n’en veulent pas !
Mme Caroline Cayeux, rapporteur pour la famille. La commission vous proposera enfin de rejeter l’objectif de dépenses pour 2017, qui intègre des mesures d’économies que nous refusons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Gérard Roche, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, ce dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat nous donne l’occasion de dresser le bilan du Gouvernement en matière de retraite. Dans cette perspective, comme l’a dit M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, nous nous en tiendrons strictement aux faits.
Depuis la réforme de 2014, le système de retraites est évalué selon trois objectifs : premièrement, la soutenabilité financière, deuxièmement, l’équité, troisièmement, le niveau de vie des retraités. Je le dis d’emblée, s’agissant de ces trois critères, le bilan ne nous paraît pas satisfaisant.
En ce qui concerne la soutenabilité financière du système, les régimes de base nous sont présentés comme étant à l’équilibre et devant même afficher un excédent de 1,6 milliard d’euros en 2017. Cette situation résulte de l’ensemble des réformes menées depuis 1993, qui ont corrigé la trajectoire financière du système des retraites. Encore faut-il préciser que, en la matière, toutes les réformes ne se valent pas.
La réforme de 2010 contribue puissamment à rétablir l’équilibre, en agissant à la fois sur les recettes, par l’augmentation de la durée de cotisation, et sur les dépenses, par le recul de l’âge de la retraite. En 2017, elle permettra de générer 5,9 milliards d’euros pour le seul régime général. L’impact est encore beaucoup plus important, puisque, au sein de la branche vieillesse, le régime général ne représente qu’un peu plus de la moitié des dépenses.
À l’inverse, la réforme de 2014, en augmentant les taux de cotisation vieillesse, pour les porter à 17,75 % en 2017, n’a rapporté qu’environ 2 milliards d’euros par an, tout en pesant, c’est certain, sur l’emploi. Son effet est d’ailleurs complètement absorbé par la décision, prise dès 2012, d’élargir le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue ; je m’en tiens ici aux chiffres et ne juge pas le système.
M. Jean Desessard. On ne dirait pas !
M. Gérard Roche, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Ce dispositif devrait coûter près de 3,2 milliards d’euros en 2017.
L’allongement de la durée de cotisation à 43 ans pour les générations nées après 1973, dont les premiers effets n’interviendront qu’après 2020, me semble également une mesure structurelle bien timide. Je pense, en particulier, à son calendrier de mise en œuvre, qui est prévu pour l’horizon 2030. Or, pour être efficace et mieux répartir l’effort entre les générations, il aurait fallu accélérer de cinq ans sa mise en place, soit une application dès 2025 à la génération née après 1968.
La part des pensions de retraite dans le produit intérieur brut, qui représente aujourd’hui près de 14 % dans notre pays, est l’une des plus élevées en Europe. Ce chiffre souligne la nécessité de prévoir des mesures visant à retarder l’entrée dans la retraite pour diminuer les dépenses, et non à équilibrer le système en augmentant seulement les prélèvements obligatoires. Or le Gouvernement a augmenté les cotisations sans faire de réforme structurellement significative.
L’absence de mesures courageuses ne serait pas contestable si les excédents des régimes de base suffisaient à compenser le déficit persistant du Fonds de solidarité vieillesse, le fameux FSV. Or ce déficit demeure au niveau très élevé de 3,9 milliards d’euros en 2017, entraînant, en fait, un déficit de la branche vieillesse de 2,2 milliards d’euros cette année.
Je reviendrai, au cours du débat, sur les mesures que vous proposez dans ce projet de loi s’agissant du FSV et qui visent à le priver brutalement de 1,7 milliard d’euros de ressources, alors que le passage du minimum contributif, le MICO, à la Caisse nationale d’assurance vieillesse se fera, quant à lui, progressivement, sur trois ans. Toutefois, à ce stade, je le dis en toute clarté, on ne peut affirmer que la branche vieillesse est actuellement équilibrée. Et il semble bien optimiste de penser qu’elle pourra l’être en 2020…
Enfin, sur l’équilibre financier, aucune mesure n’aura été prise non plus sous ce quinquennat pour améliorer la convergence entre les régimes du secteur privé, d’une part, et ceux du secteur public et les régimes spéciaux, d’autre part.
Les projections de long terme du Conseil d’orientation des retraites postulent que ces régimes sont à l’équilibre. Oui, ils sont à l’équilibre, mais à quel prix ! En effet, il ne faut pas passer sous silence l’effort budgétaire considérable de l’État pour les équilibrer : 58 milliards d’euros en 2016, soit 13,3 % du budget de l’État pour les régimes de fonctionnaires. Et il faut bien parler aussi des 6 milliards d’euros pour les régimes spéciaux.
Si le taux de cotisation employeur des administrations publiques était le même que celui des entreprises privées, le besoin de financement du système des retraites pourrait dépasser les 20 milliards d’euros ! Il me paraît donc hasardeux de considérer, comme vous l’avez fait devant notre commission, madame la ministre, que les futures réformes des retraites ne se justifieront plus vis-à-vis de l’objectif financier.
Je serai plus bref s’agissant des deux autres objectifs, qui sont moins au cœur des questions de financement.
En ce qui concerne l’équité, le comité de suivi des retraites indique, dans son dernier rapport annuel, que le principal problème se situe entre les régimes, dont les règles différentes persistantes nuisent à la transparence et au sentiment de juste partage des efforts. La mise en œuvre, à partir de 2019, du « bonus-malus » dans les régimes complémentaires, dont l’impact positif a été confirmé par le Trésor cette année, recréera une différence entre les travailleurs du secteur privé et les agents de la fonction publique.
Vous savez combien je suis sensible à l’égalité entre les travailleurs du secteur privé et ceux du secteur public. J’avais déposé l’année dernière un amendement visant à reporter l’âge légal de départ à la retraite à 63 ans, notamment pour corriger cette nouvelle inégalité.
Qu’a fait le Gouvernement pour gommer les différences entre le public et le privé ? Je rappelle qu’une réforme des régimes spéciaux avait été entreprise sous le précédent quinquennat et que l’augmentation de la durée d’assurance dans les régimes de la SNCF et de la RATP, décidée en 2010, va finalement entrer en vigueur au 1er janvier 2017. Que d’attente pour une mesure qui ne serait que justice !
La prochaine réforme des retraites devra être courageuse sur cette question de l’équité entre les régimes, alors même que, à ce stade, l’équité entre les générations ne semble pas être contestée.
À l’avenir, elle pourrait toutefois l’être au regard du niveau de vie des retraités, qui est le troisième objectif permettant de mesurer l’efficacité du système de retraites. Il y a une contradiction. Nous connaissons tous dans nos territoires, en particulier les territoires ruraux, des personnes qui vivent avec de petites retraites. Globalement, le niveau de vie des retraités est toutefois équivalent, voire supérieur, à celui des actifs, si l’on tient compte du logement. De plus, les inégalités de revenus sont moins fortes entre personnes retraitées qu’entre personnes actives.
Mme Laurence Cohen. C’est bien de le dire !
M. Gérard Roche, rapporteur pour l’assurance vieillesse. En revanche, il est prévu que le taux de remplacement – le dernier salaire par rapport à la première pension – baisse significativement à l’avenir : de quelque 75,3 % pour la génération de 1949 à une fourchette comprise entre 53 % et 68 %, en fonction de la vigueur de la croissance économique, pour la génération née à partir de 1990. Cette diminution s’explique par les modalités d’indexation tant des pensions que des droits à la retraite fondés sur l’inflation.
Je partage les réflexions du comité de suivi des retraites sur la nécessaire révision de ces modalités d’indexation, afin de rendre la trajectoire du système de retraite moins sensible à l’évolution de la croissance. Nous devrons donc demeurer vigilants à cette évolution, afin de préserver l’adhésion de nos jeunes concitoyens à notre système de retraites, auquel nous sommes ici tous très attachés. Je crois que des travaux de réflexion ont été lancés sur le sujet et je m’en félicite.
Mes chers collègues, l’ensemble de ces considérations explique l’opposition de notre commission à l’adoption des deux articles fixant les objectifs de dépenses de la branche vieillesse à l’article 35 et du FSV à l’article 56. S’agissant des autres dispositions législatives, elles sont essentiellement techniques et ne posent pas de difficultés. Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de la discussion des amendements. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la branche AT-MP est à l’équilibre depuis déjà plusieurs années, et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 prévoit un excédent de 696 millions d’euros l’année prochaine, après 659 millions d’euros cette année.
Grâce à cette trajectoire excédentaire, la dette de la branche, qui s’élevait à près de 2,5 milliards d’euros il y a quatre ans, sera intégralement apurée cette année. C’est bien sûr pour nous un motif de satisfaction. Toutefois, il faut le souligner, cette évolution n’aurait pas été possible sans le maintien d’un dialogue social de qualité au sein de la branche et, surtout, sans des ajustements réguliers des cotisations employeurs au cours des dernières années.
Je rappelle que le financement de la branche repose quasi intégralement sur les employeurs et que, à l’inverse des autres branches, sa dette ne fait pas l’objet de reprises par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.
Après une baisse significative des niveaux de sinistralité au cours des dernières décennies, la période récente se caractérise par une relative stabilisation. Le nombre d’accidents du travail, en particulier, se maintient sous la barre des 900 000 pour la deuxième année consécutive. Si ce niveau reste important, il a beaucoup diminué : on compte aujourd’hui dix fois moins d’accidents du travail qu’il y a cinquante ans. Cela montre que les efforts de prévention des entreprises portent leurs fruits et qu’ils doivent être poursuivis.
Le nombre de maladies nouvellement reconnues est, quant à lui, en légère diminution depuis 2013. Il atteint aujourd’hui un palier autour de 65 000, contre plus de 80 000 en 2011. Les années récentes semblent ainsi indiquer une rupture de tendance, et nous pouvons, bien sûr, nous en réjouir.
Par ailleurs, un nombre croissant de pathologies est reconnu en dehors des tableaux par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, les CRRMP. Il s’agit le plus souvent de troubles psychosociaux. Le nombre d’avis favorables a plus que quadruplé en l’espace de cinq ans.
Cependant, la reconnaissance de l’origine professionnelle d’une pathologie psychique demeure encore difficile. Il n’existe pas d’indicateurs précis permettant de déterminer le degré d’incapacité provoquée par ces affections souvent multifactorielles. Dans le rapport que j’avais rédigé avec Jean-Pierre Godefroy sur le mal-être au travail, la commission des affaires sociales avait appelé de ses vœux un assouplissement du taux d’incapacité exigé pour prétendre à la procédure complémentaire.
À la lumière d’exemples étrangers, nous avions également souligné que certaines maladies, tel le stress post-traumatique, pouvaient facilement être reliées à un événement survenu dans le cadre professionnel et que des évolutions étaient donc possibles.
C’est pourquoi nous attendons avec intérêt, madame la ministre, le rapport du Gouvernement sur la possibilité d’intégrer les affections psychiques dans un tableau ou de modifier le critère du seuil d’incapacité permanente. En application de la loi de 2015, ces éléments d’appréciation devaient être transmis au Parlement pour le mois de juin dernier. Peut-être, madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer où en sont les réflexions en cours ?
Les autres dépenses de la branche AT-MP, qui sont principalement des charges de transfert, me conduisent à réitérer les réserves que notre commission a déjà eu l’occasion de formuler. Le montant total des transferts s’élèvera en effet l’année prochaine à plus de 2 milliards d’euros. C’est un niveau considérable : il représente un cinquième des dépenses prévisionnelles pour 2017. Je le répète, mes chers collègues, ce sont des transferts d’argent – de l’argent prélevé sur les entreprises, pour être finalement affecté à d’autres branches de l’assurance maladie.
Ces dépenses incluent tout d’abord la dotation au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA. Les perspectives financières du Fonds ne remettent pas en cause la capacité à garantir une indemnisation rapide et fiable. L’État continue cependant de se désengager du financement de l’établissement. Sa contribution sera réduite de 40 % en 2017, par rapport à 2016.
Il devient malheureusement coutumier de rappeler à cet égard que la mission sénatoriale sur l’amiante avait jugé légitime de prévoir un engagement de l’État à hauteur d’un tiers du budget du FIVA. Cette préconisation nous paraît toujours d’actualité, eu égard aux missions régaliennes de l’État et à son rôle assumé en tant qu’employeur.
Quant au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, compte tenu de la baisse des effectifs d’allocataires, la réduction tendancielle de ses dépenses se poursuit. La contribution de la branche AT-MP pour 2017 est fixée à 626 millions d’euros.
En ce qui concerne le versement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 reconduit la dotation arrêtée en 2015, soit 1 milliard d’euros, contre 300 millions d’euros en 2002. Je vous laisse imaginer, mes chers collègues, ce que cela représente ! Et, là encore, cette somme est bien sûr prélevée sur les cotisations des employeurs.
Nous l’avons déjà souligné plusieurs fois, la progression continue de ce versement, entièrement supportée par la part mutualisée du financement de la branche AT-MP, inspire, je dois le dire, madame la ministre, quelque doute quant à la réalité des efforts engagés pour lutter contre la sous-déclaration. Les modalités d’évaluation de ce phénomène suscitent elles-mêmes quelques interrogations, alors que la prochaine commission chargée d’évaluer son ampleur se réunira dans quelques mois pour actualiser ses travaux.
Quand l’on interroge la personne qui préside la commission, l’on a bien le sentiment que tout se fait au doigt mouillé, en fonction des sommes que l’on souhaite transférer des AT-MP vers la branche d’assurance maladie !
S’y ajoutent les nouveaux transferts mis à la charge de la branche. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoit en effet deux transferts annuels successifs de 0,05 point de cotisation de la branche AT-MP vers la branche maladie du régime général, sans véritable justification. Cette mesure conduit à ponctionner l’excédent AT-MP d’un total de 0,5 milliard d’euros supplémentaire en 2016 et 2017. Quand on cherche à savoir sur quoi tout cela est fondé, bien sûr, on ne trouve personne qui ait la réponse ! On peut donc en déduire qu’il s’agit d’un nouveau transfert pour la partie assurance maladie à la sécurité sociale.
Quant aux perspectives financières de la branche AT-MP, elles se fondent sur un relèvement des cotisations employeurs à compter de 2018 – bien sûr. Cherchez l’erreur ! Or, compte tenu de la situation excédentaire de la branche, il paraîtrait, au contraire, logique, dans le cadre de la prochaine convention d’objectifs et de gestion, la COG, pour les années 2018 à 2021, qu’une diminution de ces cotisations soit envisagée, parallèlement à l’affectation de moyens supplémentaires en matière de prévention.
En tout état de cause, l’accroissement des excédents ne saurait justifier de nouvelles opérations comptables destinées à renflouer les autres branches. Ces transferts augmentent la part mutualisée des dépenses, en réduisant d’autant la part variable directement liée à la sinistralité de chaque entreprise. Ils contrarient donc les efforts visant à renforcer la logique assurantielle et préventive de la branche. Ils mettent à mal l’autonomie de la branche AT-MP, à laquelle nous sommes particulièrement attachés.
Je termine en précisant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ne comporte aucune mesure nouvelle de couverture du risque professionnel.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et de tous ces transferts de la branche AT-MP vers la branche maladie, la commission des affaires sociales n’a pas adopté les objectifs de dépenses de la branche AT-MP pour 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le débat que nous engageons aujourd'hui ici même illustre la fragilité de la trajectoire de nos finances publiques. En effet, le Gouvernement compte principalement sur les administrations de sécurité sociale pour atteindre l’année prochaine l’objectif de réduction du déficit public en dessous du seuil de 3 %. Pas moins des deux tiers des économies à réaliser en 2017 reposeraient sur les administrations de sécurité sociale, contre moins de la moitié lors des deux précédents exercices.
Compter aux deux tiers sur les administrations sociales pour atteindre un tel objectif de déficit est un pari risqué… En effet, lors des précédents exercices, les économies réellement enregistrées sur la sphère sociale se sont révélées inférieures de près de moitié à la prévision. Compte tenu de la stratégie définie et des mesures proposées, il est à craindre que cet écart ne se produise de nouveau en 2017, ce qui remettrait en cause l’atteinte des objectifs et, surtout, la tenue des engagements européens du pays.
Tout d’abord, je souhaiterais revenir sur l’évolution des comptes sociaux depuis la crise économique, qui fait toujours l’objet d’un rappel historique de la part de Mme la ministre.
Le Gouvernement met en avant ses résultats en termes de réduction des déficits sociaux. Ils doivent être mis en perspective. En deux ans, entre 2010 et 2012, la réduction du déficit du régime général de la sécurité sociale a été identique à celle qui avait été enregistrée entre 2012 et 2016, soit en quatre ans. Il s’agit donc d’une prolongation à vitesse réduite.
Dans le même temps, alors que le déficit de la branche maladie avait été divisé par deux entre 2010 et 2012, il n’a reculé que d’un tiers entre 2012 et 2016. Nous le savons tous, la réduction des déficits depuis 2012 a reposé surtout sur la branche famille, au prix d’une mise sous condition de ressources de la politique familiale, et sur la branche vieillesse, grâce aux effets durables de la courageuse réforme des retraites conduite en 2010. Rappelons que l’impact financier de cette dernière est estimé aujourd'hui à près de 9 milliards d’euros.
C’est pourquoi l’amélioration ponctuelle et incontestable aujourd'hui constatée ne doit pas être confondue avec une véritable consolidation pérenne des comptes sociaux.
J’en viens maintenant aux motifs d’inquiétudes s’agissant de la trajectoire des comptes sociaux.
En recettes, l’optimisme des hypothèses retenues pour l’augmentation de la masse salariale et des cotisations y afférentes, liée à un taux de croissance illusoire, a été souligné par le Haut Conseil des finances publiques. Il réduit plus que sensiblement la crédibilité de la trajectoire qui nous est soumise aujourd'hui.
En dépenses, alors même que les administrations sociales doivent assurer la plus grande part des efforts en 2017, il ne nous est guère proposé de mesures nouvelles étayant cette stratégie. Plus de 4 milliards d’euros sont attendus d’un renforcement des mesures du plan ONDAM, fixé l’année prochaine à 2,1 %, au lieu de 1,75 %. Les résultats à attendre de cette proposition ne seront certainement pas à la hauteur des enjeux. En effet, l’amélioration envisagée des salaires, pour ne parler que d’elle, engloutit déjà largement les marges de l’ONDAM.
Le dispositif concernant l’économie numérique retient particulièrement l’attention de la commission des finances, qui s’est penchée depuis longtemps sur l’appréhension de ces nouveaux modes d’échanges. Le mécanisme de seuils et d’affiliation au régime social des indépendants semble pour l’instant assez maladroit et improvisé, peu productif donc.
Surtout, le Gouvernement intègre de fausses mesures d’économies. D’une part, il confond prévision budgétaire et volontarisme politique, en espérant quelque 1,6 milliard d’euros d’économies sur l’assurance chômage. D’autre part, il propose des débudgétisations, notamment pour les médicaments innovants. Il se trouve que, pour beaucoup de thérapies, nous sommes aujourd'hui à un carrefour entre les molécules anciennes amorties et peu coûteuses, et les nouvelles, plus performantes et plus coûteuses. Cette position contre le progrès est insoutenable dans la durée !
Le Gouvernement a aussi dû revoir à la baisse ses ambitions en matière de maîtrise des dépenses en relevant le taux d’évolution de l’ONDAM, en dépit des engagements renouvelés. Ce relèvement de l’ONDAM illustre les difficultés du pilotage des dépenses d’assurance maladie, sans réforme de structures pérennes, de fond. Il met sous tension les professionnels de santé, comme nous le percevons tous actuellement dans nos départements.
Surtout, comme le Haut Conseil des finances publiques l’a relevé, les économies prévues et le relèvement de l’ONDAM ne suffiront pas à couvrir l’évolution tendancielle des dépenses de santé en 2017. M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales l’a justement rappelé.
En somme, l’essentiel de l’effort provient de la réorientation du pacte de responsabilité – vous le savez, mes chers collègues, ce fameux pacte, qui devait permettre de réduire de 50 milliards d'euros les dépenses publiques –, ou plutôt du renoncement du Gouvernement à le mettre en œuvre aujourd‘hui. En particulier, la suppression totale de la C3S, qui représente tout de même une recette de l’ordre de 4 milliards d'euros, a finalement été écartée, malgré tous les engagements et les discours sur l’allégement des charges des entreprises et la compétitivité de notre économie.
Que le Gouvernement, poussé par sa majorité, décide de baisser la CSG en faveur des retraités modestes est en soi une mesure tout à fait défendable, mais qu’il mette le coût de 280 millions d’euros de cette mesure à la charge des entrepreneurs, en détricotant un dispositif de la loi Macron adopté il y a tout juste quelques semaines, ce n’est pas sérieux !
Enfin, qu’un gouvernement socialiste laisse en quasi déshérence le financement du Fonds spécial vieillesse, le FSV, qui assure, mes chers collègues, pour l’essentiel, le paiement des cotisations de retraite des chômeurs, avec depuis des années un trou compris entre 3,5 milliards d'euros à 3,8 milliards d’euros, transférés à la CADES par un mécanisme maintenant bien connu, en dit plus que tous les discours sur la réalité du socialisme à la française ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de juin 2016 conclut ainsi : « Les résultats de la branche vieillesse et du FSV sont intrinsèquement liés, rendant illusoire la satisfaction d’un retour à l’équilibre de la première, alors que le déficit du second demeure élevé ».
Les choses sont d’une clarté impitoyable : des faux-semblants et un peu de publicité outrancière, parfois même mensongère, ne font pas une politique à la hauteur des enjeux ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Or le principal enjeu consiste à pérenniser la sécurité sociale à laquelle nos concitoyens sont si attachés ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Jean-Louis Carrère. Il ne vote pas à la primaire, mais il vote Trump ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en ouvrant la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale devant l’Assemblée nationale le 25 octobre dernier, vous avez déclaré, au nom du Gouvernement, madame la ministre, avoir « en quatre ans, remis à flot la sécurité sociale » et « mis fin à des années d’errements budgétaires, de fatalisme et de renoncements ».
Ainsi, la précédente majorité porterait la responsabilité de la crise mondiale qui a entraîné la France dans sa pire récession depuis 1945, faisant bondir les déficits sociaux de près de 20 milliards d’euros. Elle serait totalement étrangère aux mesures qui ont permis de réduire ces déficits de 10 milliards d’euros de 2010 à 2012, mesures qui contribuent aujourd’hui encore à l’amélioration des comptes.
Or le Gouvernement actuel pourrait, quant à lui, se prévaloir de laisser, pour reprendre une autre de ses expressions, une « maison remise en ordre » au terme de la législature.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Cette présentation plutôt schématique appelait les mises au point nécessaires que viennent d’effectuer nos rapporteurs, que je remercie de leur travail approfondi et rigoureux.
Il ne s’agit pas aujourd’hui de nier que le déficit s’est réduit. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Pour le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse, il est estimé à 7,2 milliards d’euros pour l’année 2016. C’est effectivement 11 milliards d’euros de moins qu’en 2012. Qui pourrait ne pas s’en féliciter ?
Toutefois, pourquoi ne pas dire clairement que la réforme des retraites de 2010 contribue à elle seule pour près de 6 milliards d’euros à cette amélioration ? Il n’y a vraiment aucune raison que le mérite en revienne à ceux qui l’ont si âprement combattue !
Pourquoi vouloir attribuer ce résultat à des réformes de structure que le Gouvernement aurait menées, alors que pour le restant, il tient largement à des hausses de prélèvements sur les ménages – hausse des cotisations retraite, création de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, prélèvements sociaux sur les revenus mobiliers et immobiliers –, ainsi qu’à la réduction d’avantages familiaux qui n’avaient jusqu’à présent jamais été remis en cause ?
Enfin, n’est-il pas audacieux d’annoncer par anticipation la disparition du déficit de la sécurité sociale et de nous présenter une trajectoire supposée générer des excédents à compter de 2019-2020 ?
Comme l’a indiqué le rapporteur général, sur un plan purement factuel, le déficit prévu pour 2017 reste supérieur à 4 milliards d’euros. Sa diminution repose en partie sur une accumulation de mesures comptables qui tendent à gonfler les recettes et à minorer les dépenses de manière artificielle.
Le plafond des transferts à la CADES ayant été épuisé cette année, près de 20 milliards d’euros de dette se trouveraient à la fin de 2017 sans solution de financement.