M. Yves Pozzo di Borgo. Le présent amendement vise à modifier, à Paris, le régime d’attribution des subventions aux associations. Il s’agit de laisser aux conseils d’arrondissement le choix des associations bénéficiaires de ces subventions. Nous proposons ainsi d’accompagner l’essor d’une offre associative cohérente au regard des réalités du territoire. Or qui mieux que le conseil d’arrondissement connaît les attentes des habitants d’un quartier et la qualité des offres associatives locales ?
Actuellement, le conseil d’arrondissement est simplement consulté pour avis, et sur un nombre très limité d’associations. Je rappelle, simplement pour information, que le montant total des subventions versées aux associations par la Ville de Paris est de 240 millions d’euros ! Or, par exemple, le VIIe arrondissement n’est invité à donner son avis qu’à hauteur de 50 000 euros sur les subventions aux associations chaque année.
Nous proposons donc d’aller beaucoup plus loin et de renforcer le rôle du conseil d’arrondissement, qui a la connaissance concrète de son territoire. La procédure prévue par notre amendement serait la suivante : le conseil de Paris délibérerait annuellement afin de fixer une enveloppe budgétaire par arrondissement, ce qui est de bonne logique, et déterminerait les critères d’attribution des subventions aux associations. Par la suite, chaque conseil d’arrondissement choisirait les associations bénéficiaires de ces subventions et les leur verserait. On laisserait donc le pouvoir à la Ville de Paris ; les arrondissements distribueraient simplement les subventions.
Au travers de cet amendement, nous entendons satisfaire deux attentes : d’une part, celles du conseil de Paris quant à la qualité des associations choisies par le conseil d’arrondissement – il est normal que le conseil de Paris effectue ces vérifications, puisqu’il dispose de beaucoup plus de moyens que les arrondissements – ; d’autre part, celles des habitants des arrondissements parisiens, qui souhaitent une offre associative locale riche et répondant à leurs besoins. Vous savez bien, mes chers collègues, que, lorsque l’on connaît la réalité des attributions de subventions aux associations à Paris, on s’interroge souvent…
M. David Assouline. Qu’est-ce que ça veut dire ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. La commission a émis un avis favorable, comme elle le fera sur les autres amendements qui ont été déposés et qui reposent sur le même mécanisme, toujours dans cette logique de proximité, étant entendu qu’il revient, là encore, au conseil de Paris de fixer les conditions de la délégation.
M. David Assouline. Qu’est-ce que cela signifie ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Cela signifie simplement, monsieur Assouline, qu’il revient à la majorité du conseil de Paris de fixer les conditions suivant lesquelles les maires d’arrondissement peuvent attribuer les subventions. Cela me paraît d’une clarté absolue !
M. David Assouline. Non !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je ne partage ni l’avis de M. le rapporteur ni la position de M. Pozzo di Borgo.
En effet, cet amendement tend à modifier de manière substantielle le régime d’attribution des subventions aux associations, en transférant du conseil de Paris aux conseils d’arrondissement les compétences d’attribution et de versement de ces subventions.
Or l’attribution des subventions est une prérogative budgétaire essentielle du conseil municipal ; elle donne lieu à une délibération distincte du vote du budget. Le conseil d’arrondissement, quant à lui, dans la logique de l’organisation de Paris, de Marseille ou de Lyon, est saisi pour avis, mais n’est pas décisionnaire. Si tel n’était pas le cas, la Ville de Paris se verrait balkanisée ! Il ne resterait plus que peu de pouvoirs de décision à son maire et à son conseil municipal.
Prenez donc garde à vos décisions, mesdames, messieurs les sénateurs, et ce d’autant plus que, quand vous aurez fait ce choix pour Paris, je me doute que, par capillarité ou par contagion, certains le demanderont pour Marseille et pour Lyon.
M. le président. Cela ne presse pas pour les villes que vous venez de citer, monsieur le ministre ! Mais je me tais… (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. M. le ministre porte l’appréciation qu’il veut sur ce sujet. En revanche, en droit, je la conteste : ce n’est nullement un transfert, les arrondissements n’ayant pas de personnalité morale. Que ce soit clair ! Je le répéterai autant que nécessaire, car je ne veux pas que l’on dévoie la nature de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Il ne faut pas inverser les rôles.
Lorsque j’ai été élu en 1995, Paris était encore globalement dirigée par la droite, même si quelques arrondissements, comme le XXe, étaient passés à gauche. J’avais la charge de développer la démocratie locale dans cet arrondissement de 200 000 habitants et d’organiser les conseils de quartier. Jean Tiberi a déclaré : « Avec moi, jamais ! Nous ne reconnaissons pas les conseils de quartier créés dans le XXe arrondissement. »
Aujourd'hui, Paris compte plus de 120 conseils de quartier, et plus personne ne les remet en cause. C’est à la gauche que l’on doit cette initiative. La question n’est pas de savoir qui veut la proximité ou qui ne la veut pas.
Je ne suis pas un démagogue.
M. Philippe Dominati. Tiens ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. David Assouline. Si promouvoir la proximité revient à créer vingt mairies d’arrondissement, c’est une question politique qui doit donner lieu à un débat.
Trêve de plaisanterie : l’unité que vous réclamez ne s’explique que parce que c’est la gauche qui dirige la ville et que vous voulez protéger les arrondissements de droite. Sur le fond, vous n’êtes pas d’accord entre vous : il y a ceux qui veulent vingt villes et ceux qui, parce qu’ils sont encore de tradition gaulliste ou jacobine, veulent qu’il n’y ait qu’une ville de Paris et considèrent qu’il ne faut pas, au nom de la proximité, démembrer ce qui constitue l’intérêt général d’une municipalité. On l’a vu à l’instant sur les questions d’urbanisme. On le voit maintenant avec les associations.
Monsieur Pozzo di Borgo, vous dites délibérer sur une enveloppe de 50 000 euros. Dans le XXe arrondissement, le montant sur lequel nous délibérons est beaucoup plus important, car l’arrondissement est beaucoup plus grand.
M. Yves Pozzo di Borgo. Vous êtes à gauche, on est à droite : on n’a rien !
M. David Assouline. Nous délibérons sur les subventions à attribuer aux associations présentes dans notre arrondissement, qui ont une action principale dans ce territoire. S’agissant d’une association parisienne qui aide les victimes des attentats, quel arrondissement pourra dire que c’est lui qui décide ?
M. Guy-Dominique Kennel. Vous n’avez pas lu l’amendement !
M. Philippe Dallier. Lisez-le !
M. David Assouline. Je réponds maintenant au rapporteur, qui nous dit que, juridiquement, l’arrondissement ne pourrait pas le faire.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Alors ?
M. David Assouline. Je vais vous dire, monsieur le rapporteur, ce que vous remettez en cause !
Les « conditions fixées par le conseil de Paris » que vous visez sont celles dans lesquelles les subventions sont attribuées. Comme l’arrondissement n’a pas la personnalité morale, ce n’est pas lui qui pourra distribuer ces sommes, mais, par cet amendement, vous faites en sorte que la décision politique revienne à l’arrondissement, la façon d’attribuer incombant au conseil de Paris. Vous ne répondez donc pas à ce que je dis !
Mon propos est autre. Je considère pour ma part que, sur un certain nombre de délibérations d’ordre municipal et global, comme l’urbanisme, c’est la ville, en tant que communauté globale, qui doit prendre la décision. C’est ainsi que l’on garantit l’intérêt général et la solidarité.
M. le président. La parole est à M. Roger Madec, pour explication de vote.
M. Roger Madec. Monsieur le rapporteur, votre amendement peut paraître séduisant, mais il pose tout de même problème. Si on l’adoptait, il n’y aurait plus moyen de réguler les subventions. En effet, les associations pourraient déposer une demande de subvention dans le XIXe arrondissement, puis une autre dans le VIIIe arrondissement, encore une autre dans le VIIe arrondissement, etc. et ainsi obtenir plus de subventions. D’autres associations en percevraient beaucoup moins.
Ce n’est pas très sérieux. La loi PML est claire : elle prévoit, et cette règle est respectée à Paris, que chaque projet de subvention émanant d’une association ayant une action sur l’arrondissement est présenté au conseil d’arrondissement. Il est rare que l’avis que formule ce dernier ne soit pas suivi, quelle que soit la couleur politique de la mairie d’arrondissement.
J’ai siégé sous différents maires de droite et de gauche ; généralement, sur les projets de subvention, un accord est trouvé.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je me demande si cet amendement mérite l’emportement de notre collègue Assouline. J’en relis le passage important : « À Paris, le conseil de Paris fixe, pour chaque arrondissement, une enveloppe budgétaire destinée aux subventions versées aux associations dont l’activité s’exerce dans le seul arrondissement ou au profit des seuls habitants de l’arrondissement, quel que soit le siège de ces associations, et détermine les critères d’attribution de ces subventions. Le versement effectif est assuré par le maire d’arrondissement. »
Il s’agit uniquement d’une enveloppe que le conseil d’arrondissement utilisera. Il n’est pas question que la Ville de Paris se défasse de la totalité de la décision. Nous sommes loin d’un démembrement au profit des arrondissements !
De la même manière, monsieur le ministre, à mon sens, il n’y a pas de problème s’agissant de la délibération prise par le conseil de Paris, comme par toutes les communes, qui retrace la liste des subventions attribuées.
Monsieur Assouline, sur le budget participatif mis en place à Paris, que n’entend-on pas ! Je suis cela sur Twitter et ailleurs, et que voit-on ? La Ville de Paris met des enveloppes à disposition et les Parisiens votent. On se plie ensuite à la décision de ceux qui ont choisi de voter et qui ne sont peut-être pas très nombreux. Et l’on ne pourrait pas accorder aux conseillers d’arrondissement, pour des subventions, ce que l’on accorde à des particuliers en matière d’investissement ?
M. David Assouline. Si !
M. Philippe Dallier. Le calme et la sérénité ne feraient pas de mal dans ce débat !
Mme Hélène Conway-Mouret. C’est sûr !
M. David Assouline. Vous ne connaissez pas le dossier !
M. Philippe Dallier. Vous, vous savez tout !
M. David Assouline. Sur Paris, un peu plus que vous !
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Je tiens à préciser les raisons pour lesquelles nous ne soutiendrons pas cet amendement.
En vérité, nous avons affaire non pas à un amendement, mais à une kyrielle d’amendements. Dès l’amendement suivant, comme ce fut le cas à l’amendement précédent, il sera question que les mairies d’arrondissement attribuent elles-mêmes les logements, ensuite qu’elles délivrent des permis de construire, et ainsi de suite. Nous examinons par conséquent une succession d’amendements qui ont tous un même objectif : isoler les arrondissements les uns des autres et briser les politiques de solidarité de la Ville de Paris.
M. David Assouline. Bien sûr !
M. Pierre Laurent. Certes, on pourrait avoir un débat sur la disposition prévue par cet amendement.
M. Philippe Dallier. On l’a !
M. Pierre Laurent. Philippe Dallier vient de rappeler que la Ville de Paris procédait à des expérimentations. Elle le fait actuellement avec le budget participatif, elle le fera peut-être demain dans d’autres domaines, par exemple dans le domaine des subventions aux associations.
Tout cela peut se discuter, mais ne soyons pas hypocrites ! Il ne s’agit pas de l’adoption de cet amendement : il s’agit, par cet amendement, par le suivant, par celui d’après, de mettre le doigt dans une logique que nous refusons, celle de l’éclatement des politiques de solidarité pour protéger un certain nombre de territoires, singulièrement à l’ouest de Paris.
Cela, nous ne pouvons l’accepter. C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet amendement, comme nous ne voterons pas les suivants, qui visent à l’éclatement de l’unicité de la ville. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. Lorsque l’on compare le total des subventions accordées aux associations des onze mairies de gauche à celui des neuf mairies de droite, on s’aperçoit que le différentiel est énorme. Et lorsque l’on sait que le montant total de ces subventions représente 240 millions d’euros, on comprend mieux que la réaction de M. Assouline soit aussi violente !
Cela me fait penser à l’ancien fonctionnement de la réserve parlementaire. Quand je suis devenu sénateur, on m’a accordé une réserve parlementaire de 30 000 euros. J’ai découvert après coup que le président de la commission des finances et le rapporteur général, qui ne siègent plus dans notre assemblée, disposaient de 4 millions à 5 millions d’euros.
M. David Assouline. Quel exemple !
M. Yves Pozzo di Borgo. Il est vrai que c’est la gauche qui a changé cette situation et permis un meilleur équilibre.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas adopter cet amendement qui permettra de rééquilibrer l’attribution des associations à l’ensemble des mairies, les onze de gauche et les neuf de la droite et du centre ? Ce serait beaucoup plus simple.
Le théâtre du Châtelet est financé par des subventions, mais ce n’est pas le maire du Ier arrondissement qui demandera qu’il en soit ici ! On comprend très bien que la Ville de Paris attribue elle-même ses propres subventions, mais la logique voudrait que la distribution soit beaucoup plus honnête qu’elle ne l’est actuellement.
Je comprends la réaction de David Assouline et de Roger Madec, tous deux élus de deux importants arrondissements de gauche, qui comptent beaucoup d’associations et touchent beaucoup de subventions. Donnez-moi, mes chers collègues, le total pour vos deux arrondissements !
M. David Assouline. Le XXe arrondissement, c’est 200 000 habitants !
M. Yves Pozzo di Borgo. Je comprends que vous réagissiez ! Cet amendement vise simplement à mettre en place un équilibre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je fais miens les propos de M. Philippe Dallier : je ne comprends pas la passion que suscite ce débat et je comprends encore moins les propos de Pierre Laurent.
M. David Assouline. C’est parce qu’il a raison !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Les choses sont claires en droit. Batailler pour laisser accroire que l’on met le doigt dans un engrenage et que l’on cherche à déshabiller la maire de Paris…
M. Philippe Dallier. Comme vous y allez ! (Sourires.)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. … et à la dépouiller de ses prérogatives relève d’une discussion d’ordre cosmétique, car il n’y a pas de transfert de compétences : on ne touche absolument pas au fond.
Je reprends les propos que vous avez tenus : on a besoin de plus de proximité. Pour tout ce qui touche à leur quotidien – subventions, accords… –, les Parisiens se tournent naturellement vers leur maire d’arrondissement quand ils ont besoin d’un interlocuteur. Pourquoi ce dernier serait-il dans l’incapacité de traiter ces sujets, par délégation, je le répète, du maire de Paris ?
M. David Assouline. Qui décide ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Vous pouvez vous y opposer, mais ici le droit est aussi têtu que les faits !
On ne touche pas au mécanisme juridique, qui est en effet le même, nous le verrons, pour les subventions que pour les autres délibérations, pas plus qu’à l’unité de Paris, quoi que vous en disiez. On ne fait pas des arrondissements des collectivités de plein exercice. Que ce soit clair, les arrondissements n’ont pas de personnalité morale.
M. David Assouline. Qui décide ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Mettez de la passion dans ce débat si vous voulez, mais ne donnez pas le sentiment que l’on va au-delà de ce qui est écrit dans l’amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur le rapporteur, depuis le début du débat, la passion est plutôt dans le camp de la droite que dans celui de la gauche ! J’en ai entendu des choses, que ce soit dans la discussion générale, avec la remise en cause de notre légitimité à légiférer, ou dans la discussion des articles.
Le Gouvernement présente un texte pour tenter de mettre de l’huile dans les rouages, si j’ose m’exprimer ainsi. Il s’agit de faire en sorte que la situation s’améliore, soit plus facile et favorise la proximité à Paris.
Vous répondez par une approche politique et politicienne, au point que nous devinons l’intention qui vous anime : comme vous n’avez pas la Ville de Paris et, si j’ai bien compris, avez intégré que vous risquiez de ne pas l’avoir pendant un bon moment, vous voulez en quelque sorte la déshabiller, la dépouiller d’un certain nombre de ces prérogatives et la balkaniser. Or il s’agit d’une collectivité territoriale de plein exercice – ce n’est pas une métropole, même s’il y a aussi une métropole ! –, qui doit pouvoir assurer ses prérogatives et ses pouvoirs. (M. le rapporteur s’exclame.)
Pierre Laurent l’a dit avec raison, les amendements suivants sont de la même veine et visent le même objectif : enlever le pouvoir à la Ville de Paris pour le répartir entre les mairies d’arrondissement, qui, comme vous l’avez souligné à juste titre, monsieur le rapporteur, n’ont pas de personnalité juridique.
Vous cherchez donc à faire un coup politique au lieu d’œuvrer, comme en ont l’intention le Gouvernement et la maire de Paris, pour que le statut de Paris soit amélioré.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 134, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2511-20 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le début du premier alinéa est ainsi rédigé :
« I. – À Lyon et Marseille, les logements dont l’attribution … (le reste sans changement) ;
2° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« II. – À Paris, après chaque renouvellement du conseil de Paris, le maire de Paris délègue au maire d’arrondissement, dans les conditions déterminées par le conseil de Paris, l’attribution des logements mentionnés au I dans l’arrondissement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Nous proposons que l’attribution des logements dans un arrondissement relève du maire d’arrondissement. Cette compétence serait déléguée par le maire de Paris dans des conditions fixées par le conseil de Paris.
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Pozzo di Borgo et Capo-Canellas, Mme Jouanno et M. Marseille, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 2511-20 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À Paris, par dérogation au premier alinéa, ces logements sont attribués par le maire d’arrondissement. »
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur Laurent, c’est Ian Brossat, élu communiste, qui a la gestion des HLM à Paris.
Dans le VIIe arrondissement – arrondissement honni ! –nous ne contestons pas l’implantation de logements sociaux : j’ai même inauguré un logement pour jeunes ouvriers avec Ian Brossat. On ne conteste pas la politique, mais la pression immobilière et le coût du foncier dans cet arrondissement sont tels qu’il compte très peu de logements sociaux. Il y en aura un peu plus grâce à l’action d’Ian Brossat.
Le VIIe arrondissement compte 600 personnes en difficulté – ne croyez pas que seuls des milliardaires y habitent ! –, en majorité des familles, qui attendent depuis des années. Or la Ville de Paris attribue des logements sociaux à des personnes issues d’autres arrondissements ou venant de la périphérie. Actuellement, 25 % de ces attributions le sont par la mairie de Paris et 25 % par la mairie d’arrondissement. Nous demandons que 50 % des logements sociaux soient attribués par les mairies d’arrondissement, qui connaissent bien leur population.
Est-ce si important que cela ? Cela remet-il en cause la politique de logements sociaux que, sur le fond, nous ne contestons pas, même si nous en déplorons parfois les maladresses ?
Tel est l’objet de cet amendement.
Monsieur le ministre, vous avancez des arguments politiciens et arguez que l’on fait de la politique, mais ce n’est pas vrai ! Nous connaissons Paris, nous sommes des élus, nous connaissons la réalité du terrain ! Nous ne sommes pas seulement des élus d’arrondissement, nous sommes aussi des conseillers de Paris, et de tout Paris ! Nos choix sont souvent en phase avec ceux de la mairie centrale.
Si nous demandons ces changements, c’est parce que nous sentons qu’ils sont nécessaires, particulièrement pour les maires d’arrondissement de droite, mais pas seulement, même si, pour les maires de gauche, la concertation est plus étroite avec les instances dirigeantes de la mairie centrale, de sorte qu’ils rencontrent moins de difficultés que les maires d’opposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement au profit du sien, qui vise à répondre au problème en des termes similaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement émet évidemment un avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà exposées et qui valent encore plus sur ce sujet !
Compte tenu de la tension qui existe sur le logement social à Paris – comme à Lyon et à Marseille, vous le savez, monsieur le président, vous qui êtes maire de Marseille –, il est indispensable de conserver un contingent municipal suffisant pour mener à bien des politiques d’intérêt municipal. Les règles actuelles correspondent à un équilibre adapté entre les prérogatives du maire de Paris et celles des maires d’arrondissement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Soyons sérieux. À écouter M. Pozzo di Borgo, nous n’avons à faire qu’à des maires d’arrondissement de l’ouest de Paris qui ne demandent qu’à développer le logement social. De quoi parle-t-on ? Chacun des projets que la Ville de Paris essaie de faire avancer se heurte à une levée de boucliers. Je ne parle même pas de la polémique honteuse et indigne autour du centre d’hébergement d’urgence du XVIe arrondissement. En vérité, de nombreux autres dossiers qui concernent la construction de logements sociaux et qui ne font pas l’objet d’une aussi forte médiatisation se voient opposer les mêmes arguments : pas de pauvres chez nous. Vous ne pouvez pas dire le contraire !
M. Yves Pozzo di Borgo. Vous n’êtes pas élu de Paris : vous ne connaissez pas la situation !
M. Pierre Laurent. La situation à Paris est grave. Alors qu’on dénombre des milliers et des milliers de demandeurs de logements – jeunes, moins jeunes, familles monoparentales, qui n’arrivent pas à se loger de manière digne –, certains arrondissements, comme le XXe, où je vis, comptent de 30 % à 40 % de logements sociaux, alors que d’autres, qui continuent à se protéger par tous les moyens, en ont moins de 5 %.
Heureusement que la Ville de Paris, notamment grâce au travail de mon ami Ian Brossat aux côtés de la maire de Paris, s’attaque à cette inégalité insupportable ! Si tous les arrondissements se comportaient comme ceux de l’ouest, Paris devrait payer des amendes en application de la loi SRU. Or qui les paierait, sinon l’ensemble des Parisiens, y compris ceux qui souffrent de la situation du logement social ? Oui, il faut batailler pour imposer les politiques de solidarité – je le regrette d’ailleurs – et la bataille dure depuis des décennies.
Depuis que la mairie est dirigée, d’abord par Bertrand Delanoë, maintenant par Anne Hidalgo, des objectifs enfin ambitieux ont été fixés en matière de rééquilibrage du logement social à Paris, et ce dans l’intérêt des Parisiens et de l’ensemble des Franciliens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roger Madec, pour explication de vote.
M. Roger Madec. Il est normal que le rapporteur, élu de l’Ardèche, connaisse mal Paris. Il est donc excusable. La loi PML est claire : le maire d’arrondissement a un droit de proposition sur la moitié du contingent municipal d’arrondissement. Il est normal de garder un contingent central, d’autant qu’il y a plus de 130 000 demandeurs de logement à Paris. Il faut un outil de régulation. J’ai été maire du XIXe arrondissement pendant des années : le contingent municipal est accessible à des habitants d’autres arrondissements.
Monsieur Pozzo di Borgo, vous êtes élu parisien depuis fort longtemps. Vous êtes moins excusable. Vous avez beaucoup de talent : le jour où vous ne serez plus sénateur, vous pourrez vous reconvertir dans la comédie, car vous nous avez fait un beau numéro. (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Hubert Falco. C’est déplacé !
M. Alain Joyandet. Quel mépris !
M. Roger Madec. Je ne vous mets pas en cause personnellement, mais je sais trop bien comment cela se passe. Pierre Laurent a expliqué le mécanisme politique de vos amis. Je ne mets pas non plus en cause le VIIe arrondissement : j’ai eu le plaisir d’inaugurer un programme de logements sociaux il y a un an avec la maire de Paris et la maire d’arrondissement, dans le cadre des autres fonctions que j’exerce à Paris.
Un maire d’arrondissement, qui est aussi parlementaire, a même utilisé une partie de sa réserve parlementaire pour subventionner une association qui faisait des recours contre le logement social ! Il a fallu dix ans pour sortir le programme dans le XVIe arrondissement !
M. Christian Cambon. C’est moins bien que Cahuzac, c’est sûr !
M. Roger Madec. Trouvez-vous cela normal ? Non ! Alors arrêtez de nous donner des leçons dans ce domaine.
Vous regrettez que l’on attribue des logements à des personnes issues de la périphérie de Paris, mais c’est la loi ! Les demandeurs de logement social disposent désormais d’un numéro unique et on n’a pas le droit de refuser une candidature au regard du lieu d’habitation. Faites une proposition de loi pour changer ce mécanisme s’il ne vous convient pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Tout s’inverse…
On fait comme s’il y avait une unicité à Paris et que chaque arrondissement, qu’il s’agisse du VIIe ou du XXe, dont je suis conseiller, était confronté à la même problématique, comptait le même nombre de logements sociaux, avait la même sociologie, le même nombre d’employés ou de personnes plus aisés. De qui se moque-t-on ?
Regardons la réalité en face : si, aujourd’hui, le VIIe arrondissement avait la population du XXe, cela se saurait ! D’ailleurs, pourquoi le vote politique est-il autant clivé à Paris ? Pourquoi vote-t-on et votera-t-on longtemps à droite dans certains arrondissements ? Et pourquoi vote-t-on à gauche dans certains autres, par exemple le XXe arrondissement, avec 200 000 habitants ? La sociologie de Paris est assez diverse. Reste qu’il faut déjà être assez aisé pour habiter Paris, même le XXe arrondissement.
M. Pierre Charon. On vote de moins en moins à gauche !
M. David Assouline. Depuis plus de vingt ans que je suis élu, une chose n’a pas varié, c’est la position de la droite lors des délibérations relatives au logement social : elle vote contre. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.),…
M. Jean Desessard. Laisser le XXe arrondissement parler !
M. David Assouline. Dans les arrondissements où elle est majoritaire, elle organise même des mobilisations contre des logements ou des centres. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Bruno Gilles. Oh, les méchants !
M. Pierre Laurent. C’est la vérité !