M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 65 est présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 126 rectifié est présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Après l’article L. 225-102-3 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-102-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-102-4. – I. – Les sociétés qui établissent des comptes consolidés et dont le chiffre d’affaires consolidé excède 750 millions d’euros, et celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à ce même montant, joignent au rapport mentionné aux articles L. 225-100, L. 225-102, L. 225-102-1 et L. 233-26 un rapport public annuel relatif à l’impôt sur les bénéfices auquel elles sont soumises, dans les conditions et selon les modalités prévues aux IV, V et VI du présent article.
« II. – Le I du présent article s’applique également à toute société qui n’est pas une petite entreprise, au sens de l’article L. 123-16, qui est contrôlée, directement ou indirectement, par une société dont le siège social n’est pas situé en France, établissant des comptes consolidés et dont le chiffre d’affaires consolidé excède 750 millions d’euros.
« III. – Le I du présent article s’applique également à toute succursale qui ne satisfait pas aux critères définissant une petite entreprise, au sens de l’article L. 123-16, d’une société dont le siège social n’est pas situé en France et dont le chiffre d’affaires excède 750 millions d’euros ou qui est contrôlée, directement ou indirectement, par une société dont le siège social n’est pas situé en France, établissant des comptes consolidés et dont le chiffre d’affaires consolidé excède ce même montant.
« IV. – Les I à III du présent article s’appliquent, le cas échéant, aux filiales et succursales qui ne sont pas soumises à ces obligations lorsqu’elles ont été créées dans le but d’échapper aux obligations prévues au présent article.
« V. – Le rapport prévu au I comprend les éléments suivants, établis à partir des comptes mentionnés aux I à III :
« 1° Une brève description de la nature des activités ;
« 2° Le nombre de salariés ;
« 3° Le montant du chiffre d’affaires net ;
« 4° Le montant du résultat avant impôt sur les bénéfices ;
« 5° Le montant de l’impôt sur les bénéfices dû pour l’exercice en cours, à l’exclusion des impôts différés et des provisions constituées au titre de charges d’impôt incertaines ;
« 6° Le montant de l’impôt sur les bénéfices acquitté, accompagné d’une explication sur les discordances éventuelles avec le montant de l’impôt dû, le cas échéant, en tenant compte des montants correspondants concernant les exercices financiers précédents ;
« 7° Le montant des bénéfices non distribués.
« Lorsque les activités de plusieurs entreprises liées peuvent engendrer une charge fiscale dans une même juridiction fiscale, les informations attribuées à cette juridiction fiscale représentent la somme des informations relatives aux activités de chacune de ces entreprises liées et de leurs succursales dans cette juridiction fiscale.
« Aucune information relative à une activité donnée n’est attribuée simultanément à plusieurs juridictions fiscales.
« VI. – Le rapport présente les éléments mentionnés au V séparément pour chacun des États membres de l’Union européenne dans lesquels les sociétés mentionnées aux I à IV exercent une activité. Lorsqu’un État membre comprend plusieurs juridictions fiscales, les informations sont regroupées au niveau national. Le rapport présente également les éléments mentionnés au V séparément pour chaque juridiction fiscale qui, à la fin de l’exercice comptable précédent, figure sur la liste commune de l’Union européenne des juridictions fiscales qui ne respectent pas les principes de transparence et de concurrence fiscale équitable.
« Pour les autres juridictions fiscales, le rapport présente les éléments mentionnés au V :
« 1° Séparément pour chacune des juridictions fiscales dans lesquelles est situé un nombre minimal d’entreprises liées aux sociétés mentionnées aux I à IV, fixé par décret en Conseil d’État ;
« 2° Sous une forme agrégée dans les autres cas.
« Par dérogation au I, lorsque les sociétés mentionnées aux I à III ne disposent que d’une seule entreprise liée dans une seule juridiction fiscale ne figurant pas sur la liste commune de l’Union européenne des juridictions fiscales qui ne respectent pas les principes de transparence et de concurrence fiscale équitable, elles ne sont pas tenues, pour cette entreprise liée, à la présentation du rapport mentionné au I.
« Le rapport est publié en ligne, dans un format de données ouvertes, gratuites, centralisées et accessibles au public, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.
« VII. – Les commissaires aux comptes attestent, dans un rapport joint au rapport mentionné au I, l’établissement et la publicité des informations requises dans ce rapport.
« VIII. – À la demande de tout intéressé ou du ministère public, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder à la publication du rapport mentionné au I.
« IX. – Le présent article n’est pas applicable aux entités mentionnées au II de l’article L. 511-45 du code monétaire et financier. »
II. – L’article L. 223-26-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « est applicable » sont remplacés par les mots : « et l’article L. 225-102-4 sont applicables » ;
2° Au deuxième alinéa, la référence : « au même article L. 225-102-3 » est remplacée par les mots : « aux mêmes articles ».
III. – Les III à V de l’article 7 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires sont abrogés.
IV. – Les I à III du présent article entrent en vigueur le lendemain de l’entrée en vigueur de la directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil en ce qui concerne la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les bénéfices, et au plus tard le 1er janvier 2018. Ils sont applicables aux exercices ouverts à compter de cette date.
V. – Le I de l’article L. 225-102-4 du code de commerce, tel qu’il résulte du I du présent article, est ainsi modifié :
1° Deux ans après la date mentionnée au IV du présent article, le montant : « 750 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 500 millions d’euros » ;
2° Quatre ans après la date mentionnée au IV du présent article, le montant : « 500 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 250 millions d’euros ».
VI. – Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 31 décembre 2020, un rapport d’évaluation des effets du présent article et sur l’opportunité de modifier les dispositions relatives au champ des entreprises concernées, aux informations rendues publiques et aux modalités de leur présentation par pays.
La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l’amendement n° 65.
M. André Gattolin. Cet article revient sur l’obligation de déclaration publique d’activités, pays par pays, pour les entreprises multinationales.
Face à des pratiques endémiques d’évasion fiscale de la part des entreprises, mais aussi de certaines administrations fiscales, qui jouent de la concurrence opaque avec leurs homologues, la transparence, à laquelle nous invite d'ailleurs l’intitulé de ce projet de loi, apparaît comme une nécessité financière aussi bien que démocratique.
Des avancées significatives ont été obtenues s’agissant des établissements bancaires et des industries extractives ces dernières années.
Pour ce qui est des autres entreprises, la Commission européenne a présenté le 12 avril dernier une proposition de révision de la directive de 2013, que l’Assemblée nationale a transposée dans le présent article, en y apportant quelques améliorations.
Toutefois, sous les apparences d’une avancée, cette proposition constitue en réalité un leurre, puisqu’elle n’exige la transparence que pour des données relatives à un petit nombre d’États.
La présentation des données sous forme agrégée pour les pays où les entreprises disposent de peu d’établissements permet en fait de cacher une bonne partie des activités que, précisément, nous cherchons à détecter. C’est donc une faille centrale, et volontaire, du dispositif.
Malgré cela, comme en première lecture, la commission des finances du Sénat s’est placée encore davantage en retrait, augmentant le champ de la présentation agrégée, ce qui rend de fait le dispositif largement inutile.
Au vu des enjeux économiques et démocratiques, il est difficilement concevable que l’évasion fiscale reste encore officiellement considérée comme une stratégie de compétitivité relevant du fameux secret des affaires.
Cet amendement vise simplement à revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale, ce qui est déjà, à mon sens, une position de repli.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 126 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Je n’ai rien à ajouter aux propos de M. Gattolin, qui a excellemment défendu mon amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. La rédaction adoptée par la commission en première lecture et rétablie pour cette nouvelle lecture conditionne notamment l’entrée en vigueur au 1er janvier 2018 du dispositif à l’adoption de la directive du Parlement européen. Nous souhaitons en rester à cette rédaction
Nous sommes donc défavorables aux amendements tendant à délier l’entrée en vigueur du dispositif de l’adoption de la proposition de révision de directive.
Comme nous l’avons déjà largement expliqué en première lecture, si la France était le seul pays à mettre en œuvre un reporting public, spécifique de surcroît, nos entreprises françaises auraient à en pâtir. Cela représenterait peut-être aussi un risque pour les finances publiques, en matière de recettes fiscales ; nous aurons peut-être l’occasion d’en discuter plus longuement.
La commission est donc défavorable à ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances. Mesdames, messieurs les sénateurs, en vertu d’une disposition que vous avez proposée et adoptée, aujourd'hui, l’échange d’informations entre administrations fiscales sur les données concernant les entreprises est total. Aujourd'hui, ce dispositif fonctionne bien, y compris en matière de finances publiques. En particulier, nous avons des capacités bien plus grandes que naguère pour faire en sorte que les impôts dus en France au titre des bénéfices faits en France par de très grandes entreprises de caractère international, ayant parfois la tête dans les nuages, soient payés en France.
Le débat qui nous intéresse aujourd'hui est de savoir si ces données, aujourd'hui totalement accessibles aux administrations fiscales, peuvent l’être à l’ensemble de nos concitoyens.
Sur le principe, le Gouvernement y est favorable. À titre personnel, je me bats pour que, à l’échelon européen, même si c’est évidemment au niveau international que l’action est la plus efficace, la directive en cours de discussion puisse être adoptée le plus rapidement possible, d’ici à la fin de cette année. La volonté politique du Gouvernement est donc extrêmement claire.
Cela dit, je veux attirer votre attention sur l’existence d’un certain nombre de contraintes, en particulier constitutionnelles. Contrairement à ce que certains sont peut-être en train de dire en ce moment même, il ne s’agit pas d’« arguties juridiques » ! Ces contraintes sont réelles. Elles nous empêchent d’adopter aujourd'hui, en France, des dispositions permettant l’accès direct du public aux informations fiscales indépendamment de la mise en œuvre d’une directive européenne.
Le Conseil constitutionnel a rendu une décision sans ambiguïté. Se prononçant sur une question prioritaire de constitutionnalité, il a récemment montré combien il était attentif à la question de la publicité de données. La fois précédente, le Conseil d’État avait annulé un décret que j’avais moi-même signé, l’estimant attentatoire à des données à caractère personnel. Nous devons donc être très attentifs à ces questions constitutionnelles.
Du fait de la supériorité de la règle européenne, tout dispositif de publicité ne peut intervenir qu’après adoption d’une directive l’autorisant, sous peine d’être jugé inconstitutionnel, non seulement dans son principe, mais aussi dans ses modalités. Il faut donc avoir bien en tête que toute disposition qui contreviendrait aujourd'hui au projet de directive et, demain, à la directive adoptée serait inconstitutionnelle.
Bien sûr, un parlementaire peut toujours se faire plaisir, en votant une disposition dont il sait très bien qu’elle sera ensuite invalidée par le Conseil constitutionnel. Mais ce n’est pas ma vision de l’action politique, qui, selon moi, doit être efficace et déboucher sur des résultats.
Voilà les principes auxquels j’essaie de me tenir, afin d’aller le plus loin possible dans l’affirmation de la volonté politique, tout en évitant une censure par le Conseil constitutionnel dans les prochaines semaines.
La disposition proposée n’est pas constitutionnelle. En cas d’adoption, elle serait directement annulée par le Conseil constitutionnel. C’est la raison pour laquelle je préfère que l’on s’en tienne au texte de l’Assemblée nationale, qui permet, me semble-t-il, d’aller à la limite de ce qui est possible.
Toute proposition ayant pour effet de s’en écarter, par exemple en abaissant le seuil à moins de 750 millions d’euros ou en supprimant la condition d’adoption de la directive européenne, rencontrerait le désaccord du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. J’ai de la sympathie pour ces deux amendements.
Je rappelle que nous avions adopté des amendements similaires pour le secteur bancaire, l’industrie forestière et les industries minières. Il me paraît logique de prolonger ce que nous avons voté par le passé.
J’aurais même tendance à dire que le seuil de 750 millions d’euros est relativement élevé.
Monsieur le ministre, avez-vous une idée de la date à laquelle la directive pourrait être promulguée ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons déjà débattu plusieurs fois de ce sujet.
Sur le fond, je pense que notre Haute Assemblée doit manifester très tôt une volonté politique. M. Yung a raison : on pourrait a minima se caler sur la mise en œuvre de la directive. Ce serait une avancée. Cela montrerait dans les discussions européennes que le Parlement français souhaite que cela aille vite, et dans cette direction.
Cependant, pour être franche, je suis heurtée de voir que, dans notre système constitutionnel, une délibération des représentants du peuple français considérée comme anticonstitutionnelle peut redevenir constitutionnelle du fait des instances européennes. Avouez que cela peut altérer la compréhension que nos concitoyens ont de la souveraineté populaire de notre pays ! C’est parce qu’elle contrevient à nos principes qu’une disposition votée par le Parlement français devrait pouvoir être jugée inconstitutionnelle, indépendamment des positions de l’Union européenne.
Je connais bien ce sujet, dont nous avons débattu lors de la discussion du traité de Maastricht. Je rappelle que la situation n’est pas la même en Allemagne : la Cour constitutionnelle de Karlsruhe doit évaluer à chaque étape si la décision européenne est de nature à contrevenir à la Constitution allemande. Cette dissymétrie est défavorable à notre pays et affaiblit notre démocratie.
Pour autant, comme en première lecture, je voterai les amendements, qui sont de nature à renforcer la publication pays par pays des informations concernant toutes les entreprises, ainsi que nous l’avons déjà fait pour les banques.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Monsieur le ministre, faire des propositions sur des sujets politiques aussi sérieux que celui-ci à une heure aussi tardive ne me procure pas de plaisir particulier !
Toutefois, pour bien connaître le droit européen, je sais qu’il prime le droit national. Effectivement, nos concitoyens peuvent s’étonner de la règle en vertu de laquelle ce qui est jugé inconstitutionnel aujourd'hui peut demain devenir constitutionnel par la grâce d’une directive européenne.
Nous sommes ici face à une proposition de directive qui n’est pas encore adoptée. Voulons-nous peser sur son contenu par un acte politique ou choisissons-nous de capituler tout de suite ?
Je le demande d’autant plus volontiers que le Gouvernement a déjà réussi à influencer plusieurs fois la Commission européenne. Je pense à la TVA sur le livre numérique, pour laquelle nous avons été condamnés, à la TVA à 2,1 % sur les pure players, les services numériques exclusifs. La Commission a décidé de s’aligner : elle présentera le 30 novembre prochain une proposition de directive qui consacre la neutralité du support en matière de TVA.
On nous disait qu’il n’était pas possible de changer les choses. Mais un État qui compte en Europe peut le faire ! Et la France n’est pas le dernier des États européens ! Nous sommes la deuxième économie de l’Union européenne, et le départ des Britanniques va encore renforcer notre importance.
Il faut avoir l’audace de changer les choses ! À tout le moins, sachons ne pas nous arrêter à un projet de directive ; il faut le faire évoluer dans le bon sens.
La réalité, c’est qu’à la prochaine grande crise financière, on rira de toutes les dispositions que nous avons prises dans ce texte. Il ne s’agit que d’une petite adaptation à de grands défis, à une grande crise à venir.
Cessons de jouer au docteur Folamour ! Cessons de croire que tout va bien, que tout est derrière nous et que seule la compétitivité importe ! Certains ici rêvent de faire de Paris la nouvelle place financière qui va supplanter la City de Londres. Soyons un peu raisonnables : au mieux, nous aurons quelques retombées positives.
Essayons simplement de jouer notre rôle d’État démocratique régulateur du marché.
Je vous invite à voter mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, j’ai retenu que vous aviez une vue parfaitement claire – et c’est une très bonne nouvelle – de la situation de toutes les entreprises multinationales, transnationales ; vous nous avez indiqué que les échanges étaient parfaitement réglés et qu’il n’y avait plus de problèmes. (Marques d’ironie sur plusieurs travées.)
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai un peu de mal à vous croire, mais ce que vous nous dites est tout à fait rassurant. (Mêmes mouvements.)
Oui, nous nous faisons un peu plaisir en votant ces amendements. Mais, si nous ne les votions pas, il y en a d’autres auxquels cela ferait encore plus plaisir !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. M. Yung m’a demandé quand cette directive serait adoptée. Il n’est pas forcément simple de lui répondre.
Le projet est en cours de discussion. Vous connaissez le caractère itératif de ce processus, de réunion de conseil Ecofin en réunion de conseil Ecofin. Nous progressons, mais la question du reporting public est celle qui fait le plus débat entre États membres. L’Allemagne, par exemple, en a une opinion négative. La France exprime une opinion positive que je défends devant le Conseil ; c’est celle que vous vous apprêtez à vous adopter.
Ce texte peut-il être adopté d’ici à la fin de cette année ? Non. Peut-il être adopté d’ici au 1er janvier 2018, date retenue aussi bien par l’Assemblée nationale que par le Sénat ? Oui. C’est la raison pour laquelle cette date me paraît tout à fait raisonnable.
Nous aurons à tirer toutes les conséquences juridiques de l’adoption de la directive, dont les dispositions s’appliqueront en droit français. Si des différences subsistent entre le texte dont nous débattons et celui de la directive, c’est cette dernière qui l’emportera, et nous devrons modifier, par exemple, les seuils ou les modes de présentation de publicité contraires à la directive.
M. André Gattolin. S’agit-il d’une directive d’harmonisation partielle ou totale ?
M. Michel Sapin, ministre. La directive s’imposera totalement à l’ensemble des pays membres.
Mon raisonnement se fonde non pas sur le droit européen, mais sur notre droit constitutionnel. En effet, dans le cadre d’une quelconque question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel pourrait très bien censurer une disposition jugée plus restrictive ou plus ouverte, selon le point de vue, que celle qui est retenue par la directive. C’est cet aller-retour entre droit européen et droit français qui doit aujourd’hui retenir notre attention.
La date du 1er janvier 2018 me paraît donc parfaitement raisonnable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 65 et 126 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 99, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L. 225 – 102 – 4 – I- Les sociétés, disposant d’au moins un établissement situé hors du territoire français, qui établissent des comptes consolidés, dont les effectifs comprennent plus de 250 salariés, le chiffre d’affaires dépasse la somme de 50 millions d’euros et le total de bilan la somme de 43 millions d’euros joignent au rapport (le reste sans changement)
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un amendement pro-européen, qui reprend les trois critères – chiffre d’affaires, effectif et total des bilans – de la Commission européenne pour définir une grande entreprise.
Nous y ajoutons le fait qu’il est nécessaire que l’entreprise dispose d’au moins un site à l’étranger, seul cas dans lequel les choses ont un sens.
Au moment même où le président du MEDEF, forçant le trait jusqu’à la caricature, nous précise tout le bien qu’il pense de nos règles fiscales et sociales, l’adoption d’une législation claire, déterminée et transparente destinée à établir des règles de concurrence libre et non faussée entre les entreprises est plus que jamais d’actualité.
Quand les aspirations profondes de la société civile, défendues par les organisations politiques, les associations et les organisations non gouvernementales de lutte pour le développement, rencontrent la volonté du législateur, il convient de les traduire dans la loi.
M. le président. L'amendement n° 105, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
dont le chiffre d’affaires consolidé excède 750 millions d’euros
par les mots :
répondant aux critères définis au I
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Amendement de cohérence.
M. le président. L'amendement n° 106, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Remplacer le montant :
750 millions
par les mots :
50 millions
2° Remplacer le montant :
dont le chiffre d’affaires consolidé excède ce même montant
par les mots :
répondant aux critères définis au I
La parole est à Mme Éliane Assassi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. La commission est défavorable à ces amendements visant à abaisser le seuil en dessous des 750 millions d’euros retenus par le projet de directive.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 100, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Rédiger ainsi cet alinéa :
« VI. – Le rapport présente les éléments mentionnés au V séparément pour chacun des États dans lesquels les sociétés mentionnées aux I à IV exercent une activité. Lorsqu’un État membre comprend plusieurs juridictions fiscales, les informations sont regroupées au niveau national. Le rapport présente également les éléments mentionnés au V séparément pour chaque juridiction fiscale qui, à la fin de l’exercice comptable précédent, figure sur la liste commune de l’Union européenne des juridictions fiscales qui ne respectent pas les principes de transparence et de concurrence fiscale équitable.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à simplifier l’article 45 bis en apportant le plus de transparence possible à la réalité des implantations étrangères de nos grandes entreprises.
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par M. Marie, n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission des finances sur l’amendement n° 100 ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Cet amendement n’est pas conforme au projet de directive, notamment sur la question du périmètre géographique.
L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Le projet de directive fixe non seulement un seuil en termes de chiffre d’affaires, mais aussi des modalités de publicité par pays membre de l’Union européenne et par pays inscrit sur la liste noire des juridictions non coopératives. Pour le reste, la directive retient un chiffre d’affaires global.
L’adoption de toute disposition visant à se départir du chiffre d’affaires global pour le reste du monde présenterait un risque d’inconstitutionnalité.
C'est la raison pour laquelle je ne peux pas être favorable à cet amendement.