Mme Éliane Assassi. Justement !
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Surtout, il me semble important de rappeler que la mixité sociale est déjà très forte dans les quartiers considérés.
Hormis quelques exemples sur lesquels je reviendrai si vous le souhaitez, la très grande majorité de ces quartiers ont déjà plus de 30 % de logements sociaux, certains atteignant même le taux de 80 %.
Mme Éliane Assassi. Pas au Bourget !
Mme Laurence Cohen. Ni à Neuilly !
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Ainsi, on compte 78 % de logements sociaux dans le périmètre de la gare du Mesnil Amelot, 46 % à Bagneux, 83 % à Aulnay, 55 % à La Courneuve, etc. Je vous renvoie, sur ce point, aux études de l’Atelier parisien d’urbanisme, l’APUR, portant sur la densité, la qualité et la taille des logements dans le périmètre de ces gares.
Je partage évidemment les objectifs des auteurs de la proposition de loi : nous avons la même volonté d’assurer la mixité sociale dans l’ensemble des quartiers. Nous pouvons établir la liste des gares qui se trouveront dans des zones où le nombre de logements sociaux est insuffisant. Y figurent notamment la gare de Saint-Maur Créteil, sur le territoire de la commune de Saint-Maur, où l’on ne trouve que 7 % de logements sociaux, ou la future gare de Fort d’Issy-Vanves-Clamart, où ce taux atteint 15 %.
Dans ces quartiers, c’est la version actuelle de la loi SRU qui s’applique et non celle qui a été modifiée voilà quelques semaines par votre assemblée lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Dans le cas de Saint-Maur, commune carencée en logement social, la loi prévoit déjà que toute opération portant sur plus de 800 mètres carrés de surface de plancher comprenne au moins 30 % de prêts locatifs aidés d’intégration, ou PLAI, qui concernent les logements les plus sociaux et non simplement les logements sociaux. Pour cette raison, même si je partage totalement votre volonté de porter ce débat sur la place publique et d’apporter des réponses très claires sur les enjeux de mixité sociale, il ne me paraît pas opportun d’adopter cette disposition législative, qui s’appliquerait à l’ensemble des communes où se trouvent des gares du Grand Paris Express.
À l’occasion de ce débat, je rappelle que c’est au moyen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté que nous entendons renforcer la mixité sociale dans l’ensemble des quartiers, en jouant notamment sur les attributions de logements sociaux hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il est pour nous nécessaire, notamment dans le cas du chantier du Grand Paris Express, que tous les dispositifs législatifs existants et à venir s’appliquent, afin d’augmenter la pression sur les communes les plus éloignées de leurs objectifs de construction de logements sociaux et d’atteindre des niveaux de construction satisfaisants.
Par ailleurs, il me semble très important de répondre à plusieurs questions qui ont d’ores et déjà été posées.
Comme cela a été souligné, les programmes d’infrastructures de transports recèlent des risques de spéculation foncière et d’effets rebours des politiques de transports. Pour le réseau du Grand Paris Express, le plus grand échec serait que l’arrivée de transports publics rapides de qualité dans des secteurs très enclavés provoque un phénomène d’éviction des populations les moins favorisées par un phénomène de « gentrification ». Dans mes fonctions d’élue locale et de ministre, j’ai été très attentive à cette question pendant les cinq dernières années. En ouvrant de nouvelles lignes de tram dans des quartiers très populaires, nous souhaitons que les habitants actuels de ces quartiers gagnent en mobilité et accèdent plus facilement à l’emploi, et non que ces quartiers connaissent une gentrification.
Pour cette raison, au-delà de la société du Grand Paris, nous disposons d’autres outils très importants. Ainsi, l’Établissement public foncier d’Île-de-France, l’EPFIF, est présent aujourd’hui dans 80 % des secteurs des gares du réseau du Grand Paris Express. Dans son programme pluriannuel d’intervention, il impose, au titre de ses activités de veille et de stratégie foncière, des programmes de logements sociaux, quelles que soient la localisation et la volonté des communes, avec des clauses particulières et renforcées pour les communes carencées en logement social.
Ensuite, il n’est pas exclu que l’on construise, autour des gares du Grand Paris Express, au lieu de logements abordables, des logements de standing ou des bureaux. Nous pourrions avoir un débat sur le nombre de mètres carrés de bureaux vides en Île-de-France, mais je pense que tout le monde connaît ces chiffres.
Aujourd’hui, nous voulons assurer une maîtrise très forte de l’utilisation des terrains disponibles autour de ces gares. Reste que le débat sur les pourcentages ne doit pas dissimuler le fait que certaines des villes qui accueillent ces gares auront besoin de locaux d’activités à proximité pour ne pas être réduites au rôle de cités-dortoirs. Par exemple, sur la partie sud de la future ligne 15, dont le projet est le plus avancé, nous commençons à connaître les intentions des villes concernées et constatons que certaines font le choix de l’accession sociale à la propriété quand d’autres souhaitent développer l’accession simple à la propriété, le logement locatif privé ou les locaux d’activités.
Cependant, de nombreuses villes, conscientes de leurs obligations légales, augmentent la part de logements sociaux dans leur programme. Ainsi, à la suite de la création de la gare de Fort d’Issy-Vanves-Clamart, l’écoquartier du Fort d’Issy devra répondre à des obligations très fortes de construction de logements sociaux. Les préfets de département et le préfet de la région d’Île-de-France travaillent justement à s’assurer de la qualité de ces programmes.
J’ajoute que cette proposition de loi soulève une difficulté technique. Au-delà des arguments que j’ai développés, il convient de rappeler que, si ce texte était adopté, il faudrait, d’une part, renégocier l’ensemble des contrats de développement territorial dont la négociation et la signature ont exigé un long travail et, d’autre part, articuler ces nouvelles dispositions avec les plans locaux d’urbanisme, ce qui n’est absolument pas prévu. Ce serait par conséquent à l’origine de nombreuses difficultés.
Enfin, proposer de fixer un pourcentage obligatoire de construction de logements sociaux applicable aux opérations portant sur la réalisation de plus de douze logements risque de créer des effets de seuil dont nous avons pu mesurer les conséquences néfastes dans la mise en œuvre d’autres politiques.
C’est pour cette raison que je n’approuve pas cette proposition de loi, alors même que j’en partage les objectifs. Le combat que nous menons aujourd’hui avec le préfet de région pour la mixité sociale et la construction de logements sociaux et abordables dans le parc privé en Île-de-France n’exige pas l’adoption de mesures coercitives.
Notre volonté est de trouver un équilibre qui corresponde aux besoins de chacune des villes, grâce au schéma régional de l’habitat et de l’hébergement, au plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement, aux plans locaux d’urbanisme de l’ensemble de ces territoires et aux partenariats développés au sein des différents projets lancés par la métropole, la région et les communes concernées par ces gares. Certaines de ces villes auront besoin de logements familiaux, d’autres de logements pour les jeunes et les étudiants, d’autres de structures destinées à l’accueil des publics âgés, d’autres encore devront satisfaire l’ensemble de ces besoins.
Enfin, certaines communes ont peu de logements sociaux, mais accueillent une population très défavorisée – c’est le cas de Clichy-sous-Bois, qui ne compte que 30 % de logements sociaux, mais dont plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté – : elles attendent surtout un désenclavement et un accès à l’emploi et aux services publics. Il est essentiel de relier ces communes, situées à peine à douze kilomètres du centre de Paris, à la métropole qui ne les irrigue pas aujourd’hui, ce qui explique ces situations de pauvreté.
Même si je suis très sensible au combat que vous menez en faveur de la mixité sociale, monsieur Favier, je ne peux malheureusement pas préconiser l’adoption de ce texte. Il me semble cependant que nous travaillons tous deux au service de la même cause, à savoir le rétablissement de la mixité sociale dans ce territoire qui en a bien besoin !
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet.
Mme Evelyne Yonnet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Grand Paris a été défini comme « un projet urbain, social et économique d’intérêt national qui unit les grands territoires stratégiques de la région d’Île-de-France ». Il promeut « un développement économique durable, solidaire et créateur d’emplois » et « vise à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux » de la région.
Ce projet est d’une ampleur considérable : 68 gares, 8,5 millions de voyageurs concernés, 26 milliards d’euros et des milliers d’emplois créés. Il s’appuie sur la création d’un réseau de transport public et s’articule autour de contrats de développement territoriaux, lesquels participent à l’objectif de construire chaque année 70 000 logements en Île-de-France et doivent contribuer à maîtriser de l’étalement urbain.
Ce projet comporte donc aussi une dimension d’aménagement extrêmement importante pour l’ensemble de la région francilienne. L’articulation du projet de réseau de transport avec d’autres problématiques, comme celles du logement et de la mixité sociale, est essentielle.
Nos collègues du groupe CRC ont à juste titre souligné les risques de spéculation foncière autour des gares et de construction de logements de standing non accessibles au plus grand nombre, ce qui renforcerait des disparités déjà fortes. Pour ces raisons, la libération du foncier pour de nouvelles opérations d’aménagement doit être maîtrisée. Trop souvent, en effet, à l’occasion de grandes mutations urbaines, les couches populaires sont rejetées en périphérie, toujours plus loin.
La situation actuelle révèle déjà une très grande disparité : si plus de 50 % des futures gares du métro du Grand Paris Express répondent à l’objectif de plus de 30 % de logements sociaux dans les alentours immédiats, 18 d’entre elles sont situées dans des zones qui accueillent moins de 20 % de logements sociaux, la plupart dans les Hauts-de-Seine – Fort d’Issy-Vanves-Clamart, Colombes, Antonypôle, etc.
Par ailleurs, la crainte justifiée des élus est que la construction de nouvelles gares augmente le prix du foncier, donc du logement, que ce soit en accession ou en location. Le groupe CRC propose par conséquent de réguler les constructions nouvelles dans le périmètre des gares : il s’agit de garantir la création de logements sociaux et, par là même, la diversité sociale dans toutes les opérations de construction immobilière liées au Grand Paris Express.
La proposition de loi comporte un article unique qui modifie l’article 1er de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.
La première disposition consiste à ajouter « la mixité sociale, y compris en cœur urbain » au nombre des objectifs visés par les contrats de développement territorial.
La seconde disposition tend à prévoir la réalisation d’au moins 30 % de logements sociaux dans toute opération nouvelle de construction d’immeubles dans un périmètre de 400 mètres autour des gares à venir du Grand Paris Express.
Nous partageons l’ensemble des constats dressés par nos collègues, comme Mme la ministre vient de le souligner.
Le Grand Paris offre l’opportunité de développer le logement sur le territoire francilien. L’augmentation des loyers et des prix de l’immobilier relègue les ménages toujours plus loin en périphérie des zones urbaines : il faut donc construire plus, au bon endroit et à des prix adaptés au budget des ménages d’Île-de-France. Rappelons que l’on recense aujourd’hui plus de 670 000 demandeurs d’un logement social dans la région.
Il faut endiguer la déconnexion croissante entre le coût du logement et les revenus des ménages. Il est essentiel de limiter la concurrence foncière, d’intégrer mieux le logement social dans l’espace urbain et de promouvoir des références de qualité communes.
Le logement social en Île-de-France est un enjeu majeur qui devrait mobiliser tous les niveaux de collectivités. Il est important de le souligner, quand la région supprime les subventions régionales pour la construction de logements financés à l’aide d’un PLAI dans les villes comportant plus de 30 % de logements sociaux.
Faut-il rappeler que les montants des plafonds de ressources pour bénéficier d’un logement social en PLAI répondent aux besoins de nombreuses familles franciliennes, par exemple celles des fonctionnaires assurant la sécurité, l’éducation ou encore la santé des citoyens ? Les logements sociaux s’intègrent parfaitement dans les projets immobiliers des communes. L’effort doit être poursuivi pour une amélioration de l’offre de logements correspondant aux revenus des Français dans chaque commune, au bénéfice des familles.
Nous partageons donc l’esprit de cette proposition de loi sur les enjeux liés à la maîtrise du foncier aux abords des gares du Grand Paris et à la diversité sociale.
En revanche, la réponse apportée par cette proposition de loi ne paraît pas complètement adaptée, compte tenu, d’une part, des communes visées, d’autre part, des dispositifs déjà mis en œuvre, que Mme la ministre a longuement mentionnés.
La proposition de loi s’impose en effet à toutes les communes, alors qu’une grande partie des communes concernées par le Grand Paris Express remplissent déjà largement les objectifs fixés en matière de logement social.
Les territoires concernés par le Grand Paris sont couverts par un contrat de développement territorial qui fixe des objectifs de réalisation de logements sociaux. Le préfet de région définit les objectifs annuels de production de nouveaux logements dans des périmètres comprenant un ou plusieurs territoires soumis à l’obligation de réaliser un programme local de l’habitat, ou PLH : c’est la « territorialisation des objectifs logement », ou TOL. La répartition de l’objectif global se fonde sur le potentiel de développement des territoires concernés.
Le schéma directeur de la région d’Île-de-France, le SDRIF, validé par décret le 27 décembre 2013, intègre aussi l’objectif annuel de 70 000 logements et a fixé à 30 % la part de logements sociaux à atteindre d’ici à 2030. Les prescriptions du SDRIF s’imposent aux documents d’urbanisme qui doivent être compatibles avec lui.
Les communes ont également la possibilité de modifier leur PLU et de délibérer sur le principe selon lequel tout nouveau projet de construction doit compter au moins 30 % de logement social. Ce principe permet en effet d’intensifier la production d’une offre locative à prix accessible dans un contexte de forte tension du marché du logement.
Les territoires disposent donc d’un ensemble d’outils pour créer non seulement des logements, mais également des logements sociaux.
Par ailleurs, l’État s’est donné les moyens d’intervenir. Ainsi, le plan de mobilisation pour le logement spécifique à l’Île-de-France, lancé par le Premier ministre au mois d’octobre 2014, a donné une impulsion forte au Grand Paris du logement, notamment avec l’identification de territoires à fort potentiel de création de logements situés à proximité de gares existantes ou futures, la mise en place de l’établissement foncier unique d’Île-de-France qui fusionne les quatre établissements existants, ou encore l’aide de l’État aux maires bâtisseurs.
Enfin, rappelons que l’application de la loi SRU, en cours de modification, s’impose à toutes les communes concernées par le Grand Paris.
Rappelons aussi que le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté a pour ambition de mettre fin aux pratiques conduisant à exclure des personnes modestes de quartiers attractifs en imposant de réserver 25 % des attributions de logements sociaux hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville à des demandeurs du premier quartile. Les pratiques actuelles en matière d’attribution de logements se traduisent par une tendance constante à accroître la proportion de ménages à faibles revenus dans les quartiers qui en accueillent déjà un grand nombre. Il s’agit donc d’orienter significativement les demandeurs les plus pauvres vers des logements situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
L’État aura donc les moyens de pallier les manquements des collectivités et des bailleurs qui ne respecteront pas ces engagements.
J’ajouterai un mot sur la résorption de l’habitat indigne, qui fait également partie des objectifs du Grand Paris.
Je profite de l’occasion pour souligner les annonces formulées hier en conseil des ministres – je vous remercie particulièrement à ce sujet, madame la ministre. Elles reprennent des éléments de la proposition de loi que j’ai déposée avec Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
Dans chaque département, un sous-préfet référent en matière de lutte contre l’habitat indigne sera désigné. Son rôle consistera à piloter le pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne, avec pour mission d’améliorer la coordination des différents services de l’État, d’accompagner les acteurs locaux engagés dans le traitement des logements insalubres et de maintenir un lien avec la justice pour sanctionner les actes délictueux. La résorption de l’habitat indigne exige en effet une coordination de tous les acteurs locaux, qu’il s’agisse des services du département, de la police et de la justice.
L’annonce de la publication prochaine des décrets d’application sur l’autorisation et la déclaration de mise en location et l’autorisation préalable de division est aussi une très bonne nouvelle. Nous avions insisté pour que ces dispositifs soient rapidement mis à disposition des communes.
Il en est de même de la création d’une société publique spécifiquement dédiée à la lutte contre les divisions pavillonnaires en Île-de-France.
Il s’agit là de signes forts d’une action offensive des pouvoirs publics dans la lutte contre les « marchands de sommeil » et l’habitat indigne.
Pour toutes ces raisons, même si nous partageons les constats dressés, nous émettons un avis réservé sur cette proposition de loi. Compte tenu des déclarations de Mme la ministre, nous sommes persuadés que les outils mis en place, qu’ils soient coercitifs ou non, feront leurs preuves à l’égard des villes dont vous craignez, mes chers collègues du groupe CRC, qu’elles ne respectent pas leurs obligations en matière de construction de logements sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat pose la question du sens que nous souhaitons donner à la construction métropolitaine. Il s’agit de savoir si cette construction urbaine et politique permettra de résorber les inégalités ou, au contraire, si les écarts vont s’aggraver. Le défi démocratique, social, environnemental et économique est donc immense.
Nous avions déjà souligné à l’époque de la discussion de la loi 2010 que la création du Grand Paris Express dépassait largement la simple question des transports. Nous avions raison ! Il aura fallu l’implication des élus et des Franciliens pour que ce projet, imaginé au départ comme un transport de pôle à pôle au service des intérêts financiers, devienne réellement un projet de transport au service des populations.
Le même type de difficulté apparaît aujourd’hui sur la problématique du logement. Les logements construits autour des gares permettront-ils de répondre à la demande des salariés, de leurs familles, des Franciliens, ou bien laisserons-nous les promoteurs immobiliers proposer des produits de haut standing ?
Nous considérons qu’il est important de maîtriser le développement urbain, notamment dans la région capitale où la tension est très forte. Avec notre proposition de loi, nous ramenons l’obligation de mixité, déjà définie par le SDRIF, à une échelle très fine où les enjeux se posent de manière plus sensible, puisque ces lieux seront le socle de politiques de renouvellement urbain importantes.
Permettez-moi d’évoquer en quelques mots les Hauts-de-Seine. Ce département, dont je suis élue, cache de très grandes disparités : si Nanterre, Bagneux ou Gennevilliers dépassent le taux de 50 % de logements sociaux, des villes comme Neuilly-sur-Seine ou Vaucresson restent en deçà de 10 %. C’est le cas également dans les périmètres de certaines gares, comme celles de Bois-Colombes – 9,2 % – ou de La Garenne-Colombes – 9,8%. Nous demandons évidemment le renforcement des sanctions contre les maires qui ne respectent pas les obligations de la loi SRU, mais cela ne suffit pas !
En effet, y compris dans les villes où il existe déjà une forte proportion de logements sociaux, la demande reste importante et les bouleversements urbains à venir imposent l’adoption de règles spécifiques.
Selon la Confédération nationale du logement, la CNL, il y aurait 85 000 demandeurs de logement dans mon département, dont 2 700 au titre du droit au logement opposable. À Bagneux, où l’offre de logement est importante, 2 500 personnes demeurent en attente d’un logement social. Pour cette raison, la ville continuera de construire du logement social, y compris dans le périmètre de la gare : la municipalité prend l’engagement politique fort de garantir le droit au logement pour tous et toutes.
À l’inverse, la commission des affaires économiques considère qu’il faudrait limiter la construction dans les communes qui connaissent déjà un fort taux de logements sociaux. C’est la même logique qui est appliquée par la région, où les financements sont refusés aux communes qui dépassent le seuil de 30 % de logements sociaux.
Dans ces communes, les opérations de renouvellement urbain autour des gares conduiront donc à repousser la population, puisque, faute de financements, collectivités et bailleurs seront amenés à céder la place à la promotion privée. Sous couvert de politiques anti-ghettos, ce sont en réalité des politiques antisociales qui sont menées. En effet, l’entre soi des quartiers huppés n’est jamais un problème ni pour la majorité régionale ni pour la majorité sénatoriale !
La volonté de ne pas construire de logements sociaux est confirmée à Clamart, où le maire prévoit de bâtir, sur 2,5 hectares, des immeubles néo-haussmanniens avec mansardes, fer forgé et crépi rose, évidemment inaccessibles aux plus démunis, alors même que le taux de logements sociaux atteint péniblement 13,5 % dans le périmètre de la nouvelle gare.
Ces phénomènes ne touchent pas que les Hauts-de-Seine. Plusieurs villes utilisent ce projet pour modifier les équilibres de population. Ainsi, un quartier de 720 logements serait créé à proximité de l’une des deux futures gares du Blanc-Mesnil. Cet ensemble de 50 000 mètres carrés ne comporterait que 6 % de logements sociaux.
Face à ces comportements, nous proposons d’agir efficacement. Nous pensons qu’il convient d’en finir par tous les moyens avec le logement cher qui pénalise les Franciliens qui subissent durement la crise, comme en témoigne la hausse exponentielle du nombre des sans domicile fixe.
Pour cela, tout est bienvenu : la signature de chartes concernant la construction privée afin de ramener les loyers à un niveau raisonnable, mais également en imposant la présence de logements réellement accessibles dans toute nouvelle construction. Se loger ne doit pas être un luxe, c’est un droit !
Là aussi, notre approche diffère de celle de la majorité sénatoriale, comme en ont témoigné nos débats lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté au cours duquel a été « détricotée » la loi SRU.
Nous souhaitons que la règle de construction soit définie par la loi et qu’elle ne soit pas laissée à la seule liberté contractuelle, conduisant à la définition de droits à géométrie variable. Nous proposons donc d’adopter des dispositions spécifiques dans un périmètre où les risques de ségrégation sont importants, en considérant que ce rôle incombe au législateur.
Pour rendre cette obligation réalisable, il est impératif que le Gouvernement garantisse parallèlement des moyens aux collectivités, par les dotations globales de fonctionnement et les aides à la pierre. Malheureusement, ces deux postes sont encore en baisse dans le projet de loi de finances pour 2017.
D’autres pistes de financement existent, notamment par la suppression des dispositifs d’exonération fiscale, comme le dispositif « Pinel » qui coûte 360 millions d’euros au budget de l’État.
Il y a urgence absolue à répondre aux 3,8 millions de personnes qui souffrent du mal logement et aux 672 000 Franciliens qui sont encore en attente d’un logement social. Il y a aussi urgence à définir les règles qui permettront aux catégories populaires de rester demain en centre urbain, confirmant ainsi le droit à la ville pour tous.
Tel est l’objet de cette proposition de loi que les membres du groupe CRC soutiendront. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans l’exposé des motifs, les auteurs de cette proposition de loi visant à garantir « la mixité sociale aux abords des gares du Grand Paris Express » disent craindre la non-réalisation de 70 000 logements par an en Île-de-France. Ils souhaitent en outre que les risques de spéculation foncière soient contrôlés et limités en imposant 30 % de logements sociaux pour toute nouvelle construction d’immeubles dans un périmètre de quatre cents mètres aux abords des gares du Grand Paris Express.
S’il est vrai que la mixité sociale est un enjeu important, il me semble que la solution proposée risque d’être contre-productive en induisant des effets pervers et finalement contraires à l’objectif recherché.
Tout d’abord, le dispositif proposé est très contraignant.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Quel argument !
M. Vincent Delahaye. Il n’autorise aucune dérogation entre les communes qui respectent la loi SRU et celles qui ne la respectent pas encore.
En effet, sur les soixante-huit gares prévues, seuls vingt-cinq périmètres se trouvent dans des communes qui ne respectent pas la norme de 25 % de logements sociaux. Dans les autres périmètres, le taux de logements sociaux varie entre 25 % et 83 % : c’est le cas à Aulnay, à La Courneuve, à Bagneux et dans beaucoup d’autres villes.
Les dispositions de cette proposition de loi, si elles étaient appliquées, consisteraient ainsi à créer des logements sociaux là où il y en a déjà beaucoup, ce qui, vous en conviendrez, ne favoriserait pas la mixité sociale. C’est en effet une notion qu’il convient de définir, afin de pouvoir la respecter partout.
De même, de nombreuses gares sont situées dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou à proximité. Treize gares sont concernées : Gennevilliers, L’Haÿ-les-Roses, Chevilly, Massy… La création de gares à proximité de ces quartiers est une chance de désenclavement, un pas vers la mixité sociale. Cet objectif serait remis en cause si l'on ajoutait encore d’autres logements sociaux.
De plus, la création de trop nombreux logements sociaux pourrait, dans certains cas, remettre en cause l’équilibre financier de certaines opérations foncières si les contraintes étaient trop fortes. Certains diront qu’ils s’en fichent, mais je pense que l’on s’exposerait ainsi au risque de voir abandonner ces opérations, ce qui empêcherait purement et simplement la réalisation de logements, qu’ils soient sociaux ou non.
Enfin – et c’est le plus important –, les auteurs de cette proposition de loi ne tiennent pas compte de la connaissance du terrain des élus locaux, qui peuvent proposer des programmes adaptés à leur ville. Les abords des gares s’inscrivent alors dans une logique communale, qui va bien au-delà du rayon de 400 mètres indiqués dans la proposition – pourquoi d’ailleurs une telle distance et pas 800 mètres, comme l’a relevé Mme la ministre ? C’est ainsi qu’à Bagneux, Issy-les-Moulineaux ou Créteil par exemple, villes gérées par des majorités différentes, les propositions pour les constructions autour des gares ne se ressemblent pas.
Ces quelques exemples l’illustrent : la mixité sociale et le « vivre ensemble » ne se développent pas uniquement en créant des logements sociaux. D’autres leviers existent, que les élus, grâce à leur connaissance fine du terrain, peuvent mettre en place ; c’est d’ailleurs ce qu’ils font.
Notons enfin que la loi SRU a déjà prévu des sanctions pour les communes qui n’ont pas encore 25 % de logements sociaux. La proposition de loi fait donc un peu double emploi, façon gosplan de la grande époque soviétique (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.) – c’est-à-dire à l’aveugle : pas de distinguo dans le périmètre, pas de souplesse pour tenir compte de la typologie des logements situés à proximité de l’opération.
Dans ces conditions, vous comprendrez que le groupe de l’UDI-UC ne soutienne pas cette proposition de loi et vote contre.
Je souhaite revenir sur la notion de mixité sociale, qu’il nous revient de définir, madame la ministre. En effet, tout le monde emploie cette expression et partage cet objectif, mais je ne suis pas sûr que nous en ayons tous la même définition. Il nous faut donc nous atteler à cette tâche. Quand, dans ma commune, je parle de mixité sociale pour justifier ma volonté de faire quelques logements en accession à la propriété dans des quartiers où l’on compte 90 % de logements sociaux, l’opposition s’y refuse, affirmant que cela perturbera ledit quartier.
La mixité sociale est valable à Neuilly, mais elle l’est aussi à La Courneuve, à Aulnay-sous-Bois et ailleurs !