M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe écologiste.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre de l’intérieur, à la fin du mois de septembre, le Président de la République déclarait : « Nous devons démanteler complètement, définitivement le camp » de Calais. Vous avez vous-même affirmé que l’opération devait revêtir un caractère humanitaire et qu’elle serait lancée dès lors que les conditions requises, en termes de « mise à l’abri », seraient réunies.
Nous partageons cette volonté, monsieur le ministre, mais la date du 24 octobre envisagée pour le démantèlement suscite des inquiétudes.
Des réfugiés se verront proposer une place en centre d’accueil et d’orientation, ou CAO, mais y a-t-il suffisamment de places prévues ?
La réussite de cette opération dépendra aussi beaucoup de la préparation en amont de l’accueil des réfugiés par les acteurs locaux, en lien avec la population.
De nombreuses associations, ainsi que le Défenseur des droits, s’interrogent sur la manière dont vous allez garantir la protection des centaines de mineurs qui ne seront pas admis en Angleterre.
En outre, quand tout aura été rasé, que va-t-il advenir de ceux qui ne souhaitent pas demander l’asile en France et qui, nombreux, tenteront de traverser la Manche au péril de leur vie ?
Monsieur le ministre, ces questions appellent des réponses concrètes, pour éviter un nouveau Sangatte et ses suites désastreuses. Ainsi, cette opération doit être minutieusement préparée et, surtout, rester humanitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, vous me posez des questions extrêmement précises auxquelles je me dois d’apporter des réponses également précises.
Y a-t-il suffisamment de places en centres d’accueil et d’orientation pour accueillir la totalité des personnes présentes dans la « jungle » de Calais ? Il s’agit d’une opération humanitaire. C’est le contraire de ce qui s’est passé à Sangatte, où les migrants ont été dispersés dans la rue sans aucune protection. Nous avons ouvert, depuis le mois d’octobre 2015, 164 centres d’accueil et d’orientation, dans lesquels ont été accueillies plus de 5 600 personnes, qui, pour 80 % d’entre elles, ont demandé l’asile. Ce n’est donc pas une opération improvisée : cela fait un an que nous organisons ce type de transferts. Nous disposons actuellement de 1 000 places de plus qu’il n’y a de personnes dans la « jungle » de Calais selon les derniers comptages.
Par ailleurs, la question des mineurs isolés est bien entendu essentielle. L’idéal humanitaire ne peut consister – c’est là le fond de l’affaire, je vous le dis comme au Défenseur des droits et à l’ensemble des associations – à laisser des mineurs dans le froid, dans la boue à Calais pendant tout un hiver, sans protection.
Nous négocions avec les Britanniques pour qu’ils accueillent des mineurs isolés, alors que nous aurons mis 13 000 personnes à l’abri. Cette négociation est dure, mais elle avance très positivement depuis quelques heures, et je suis convaincu que nous pourrons aboutir, grâce à un accord intelligent avec les Britanniques, à une excellente solution.
Les autres mineurs présents à Calais seront accueillis dans des centres d’accueil et d’orientation dédiés, dans l’attente que les Britanniques acceptent un plus grand nombre d’entre eux ou qu’ils puissent entrer dans les dispositifs de droit commun. Ils bénéficieront d’un accompagnement – le garde des sceaux et la ministre de la famille y travaillent.
Enfin, les mineurs isolés seront pris en charge intégralement par l’État, de manière que les départements n’aient aucune dépense à supporter.
Tout est prêt pour mettre en œuvre cette opération. Ne pas le faire aujourd'hui, alors que toutes les conditions humanitaires sont réunies pour réaliser ce transfert avec succès, serait une manière de maintenir dans la précarité des populations vulnérables, qui ont déjà beaucoup souffert des persécutions, du froid…
M. le président. Il faut conclure !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. La vie en camp, madame Benbassa – j’ai compris que vous étiez en accord avec moi sur ce point –, ne peut en aucun cas, pour ceux qui sont attachés au droit d’asile, constituer un idéal humanitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur de nombreuses travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réplique.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Pour le moment, seuls seize mineurs ont été acceptés par l’Angleterre. Il en reste donc environ 1 200…
Nous attendons de connaître les suites de ce démantèlement, en espérant que, cette fois, le mot « humanitaire » recouvrera son vrai sens et ne servira pas à obtenir un simple effet d’affichage.
accord commercial entre le canada et l'union européenne
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
M. Michel Billout. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
Alors que se tient aujourd’hui au Luxembourg le conseil des ministres du commerce de l’Union européenne, le parlement wallon a fait savoir qu’il refusait, à une large majorité, de donner son accord pour la signature par la Belgique du traité global de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, le très contesté CETA.
Cette décision bloque potentiellement la procédure engagée pour une ratification du traité, prévue le 27 octobre prochain, entre le Canada et les États membres de l’Union européenne. Des négociations sont en cours entre la Commission et le parlement wallon pour aboutir tout de même, coûte que coûte, à l’approbation de la signature du traité par la Belgique.
D’autres États ont pourtant émis des réserves sur le CETA, comme la Bulgarie ou la Roumanie. L’opposition citoyenne s’est également mobilisée, en France, en Allemagne et dans d’autres pays européens, tant la procédure de ratification et le contenu de l’accord paraissent confus et risquent de porter atteinte aux normes juridiques, sociales et environnementales européennes, ainsi qu’à l’exercice de la régulation démocratique.
Un groupe de onze universitaires canadiens, tous experts du régime d’arbitrage privé ICS, a d’ailleurs fait connaître son total soutien au parlement wallon, car la mise en œuvre de l’arbitrage privé dans le cadre de l’accord de libre-échange nord-américain, l’ALENA, a entraîné des conséquences déplorables pour l’État canadien.
Monsieur le secrétaire d’État, après avoir reconnu que les négociations entre la Commission européenne et le Canada avaient été conduites dans une totale opacité, vous avez pourtant refusé que les parlements nationaux soient consultés avant toute mise en application anticipée de cet accord. Pouvez-vous nous dire si la signature de ce dernier aura bien lieu le 27 octobre, contre l’avis du parlement wallon, ou si, au contraire, la sagesse l’emportera, permettant l’expression démocratique de tous les parlements nationaux sur le contenu de cet accord et sur ses modalités d’application ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du développement et de la francophonie.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du développement et de la francophonie. Monsieur le sénateur Billout, comme vous l’avez dit, la Belgique n’a pas été en mesure de donner son approbation à la signature de ce traité global de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne. Les ministres européens n’ont donc pas réussi à s’accorder.
Cette situation ne change rien à la position de la France. Différer plus avant l’entrée en vigueur de ce traité exposerait l’Union européenne à de sérieux problèmes de crédibilité et pénaliserait nos exportateurs.
L’entrée en vigueur provisoire dont il s’agit n’est pas un déni de démocratie ; elle s’inscrit dans le cadre des traités européens, qui font de la politique commerciale une compétence communautaire.
L’application provisoire ne concerne que les compétences de l’Union européenne et n’interviendra que si le Parlement européen, qui se prononcera en toute transparence, donne son accord.
Les dispositions relevant du périmètre national ne pourront, quant à elles, entrer en vigueur qu’après ratification par les parlements nationaux, qui auront à se prononcer sur l’intégralité de l’accord.
Sur ce point, je tiens à rappeler que c’est le Gouvernement français qui a obtenu que les parlements nationaux prennent pleinement part au processus de ratification.
J’en viens au fond de l’accord.
D’abord, il supprime la quasi-totalité des droits de douane. Il ouvre les marchés publics canadiens aux entreprises européennes, et ce aux niveaux tant fédéral que subfédéral. Il reconnaît quarante-deux de nos indications géographiques et sa mise en œuvre va permettre, notamment aux producteurs de fromages français, d’exporter plus facilement vers le Canada.
J’ajoute que le principe de précaution n’est pas remis en cause. Le droit commercial international ne prime pas le droit environnemental et le CETA ne changera rien aux règles : pour vendre en Europe, il faudra respecter les normes sanitaires européennes.
Enfin, l’accord rompt avec le mécanisme d’arbitrage privé entre investisseurs et États, au profit d’un nouveau modèle de cour de justice publique des investissements promu par la France.
Monsieur le sénateur, le renouveau de la politique commerciale française passe non pas par une opposition systématique et quelque peu idéologique à tout nouvel accord commercial (Exclamations sur les travées du groupe CRC.), mais par la mise en œuvre d’une politique crédible et forte permettant d’imposer nos intérêts économiques et nos valeurs dans la mondialisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
garde nationale
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Gisèle Jourda. Monsieur le ministre de l'intérieur, mercredi dernier, des annonces ont été faites en conseil des ministres en vue de la création d’une garde nationale.
Cette mesure ambitieuse, pragmatique (Exclamations sur certaines travées du groupe Les Républicains.) répond à la volonté d’engagement des Français, en particulier des jeunes, face à la menace terroriste.
Le 28 juillet 2016, je présentais au Président de la République, avec mon collègue Jean-Marie Bockel, un rapport appelant à la constitution d’une réserve militaire forte et territorialisée pour faire face aux crises.
Ce rapport préconisait en particulier, concernant l’effort en direction des viviers de la réserve, de développer l’attractivité du dispositif pour les salariés et les étudiants, d’améliorer la condition sociale et financière des réservistes, de perfectionner la communication, qu’il s’agisse de son contenu ou de la multiplication de ses supports et outils, de diversifier les recrutements, en priorité au bénéfice des jeunes, des demandeurs d’emploi et des travailleurs intérimaires.
L’objectif fixé par le Président de la République est que la garde nationale comprenne 85 000 hommes et femmes à l’horizon 2018, soit, par rapport à la situation actuelle, une augmentation de plus d’un tiers du personnel mobilisé au sein des armées et des forces de l’ordre.
Contribuer à la sécurité, à la protection, à la défense des Français en favorisant la résilience de notre nation, telle est l’ambition de la garde nationale.
Renforcer, soulager les forces de défense et de sécurité de notre pays – armées, gendarmerie, police – est désormais une impérieuse nécessité à laquelle le Gouvernement répond, unissant toutes les volontés, toutes les énergies et tous les parcours.
Pouvez-vous, monsieur le ministre de l’intérieur, nous indiquer quelles mesures incitatives, plus particulièrement à destination des jeunes, seront mises en œuvre concernant cette garde nationale sur l’ensemble du territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je veux tout d’abord vous remercier pour le travail que vous avez accompli avec le sénateur Bockel. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Didier Guillaume applaudit.) Ce travail a utilement inspiré la politique du Gouvernement quant à la création d’une garde nationale.
Pourquoi créer une garde nationale ? Nous sommes aujourd'hui confrontés à un niveau de menace terroriste extrêmement élevé. Ce matin encore, les services, plus particulièrement la sous-direction antiterroriste, la SDAT, et la direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, ont procédé à l’arrestation d’individus qui présentaient des risques pour la sécurité de notre pays. Depuis le début de l’année, plus de 365 individus ont été appréhendés par les services au terme d’enquêtes diligentées par ces derniers, sous l’autorité parfois des procureurs et magistrats antiterroristes, ce qui témoigne du niveau de la menace, d’une part, et de l’intensité du travail des services, d’autre part.
Il faut donc, compte tenu de cette menace, nous armer. Nous aurons créé près de 9 000 emplois dans la police et dans la gendarmerie pendant le quinquennat. Cependant, de grands événements sont organisés, y compris dans les territoires, dont la sécurité doit être assurée. Il faut donc renforcer partout, sur le territoire national, la protection de nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle il a été décidé de créer la garde nationale et de porter son effectif à 85 000 hommes d’ici à la fin de 2018 : 45 000 d’entre eux viendront du ministère de l’intérieur, les autres du ministère de la défense, dans le cadre d’un partage de l’animation de cette garde nationale entre les deux ministères.
Vous m’avez interrogé sur les mesures prises pour renforcer l’attractivité du dispositif. Je citerai le financement du permis de conduire pour les jeunes qui intégreront la garde nationale, la mise en place d’une aide de 100 euros par mois, le versement d’une prime de fidélisation de 250 euros, le bénéfice du dispositif du mécénat pour les entreprises dont les salariés s’engageront dans la garde nationale.
M. le président. Il faut conclure !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. En bref, cet ensemble de mesures destiné à renforcer l’attractivité de la garde nationale permettra que les objectifs fixés par le Président de la République puissent être atteints dans les délais qui nous sont impartis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)
violence à l'encontre des représentants de l'état
M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jackie Pierre. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, la manifestation qui a rassemblé, cette nuit, 500 policiers sur les Champs-Élysées, indépendamment de tout mot d’ordre syndical, est une première qui témoigne, s’il en était besoin, du degré d’exaspération de l’ensemble des forces de police.
Dès minuit, ils étaient plus de 400, venus de Paris et des environs, rassemblés devant l’hôpital où un de leurs collègues, gravement brûlé dans sa voiture à Viry-Châtillon, la semaine dernière, se trouve toujours entre la vie et la mort.
Il y a urgence à répondre au grand malaise qui s’installe dans l’esprit de ceux qui ont la charge de nous protéger. Devant des situations qui se répètent désormais, vos réponses quantitatives deviennent de plus en plus dérisoires.
On renforce les dispositifs, mais on persiste dans les erreurs d’appréciation. Ce qui est en cause, c’est l’absurdité d’une politique menée depuis cinq ans, c’est la culture de l’impunité, qui fait que les délinquants sont trop souvent considérés comme des victimes, c’est la désagrégation de l'autorité de l’État, qui ne sait plus, comme on a pu le voir à Notre-Dame-des-Landes ou sur la place de la République, faire respecter l’ordre républicain et la validité des décisions démocratiques, c’est, enfin, l’attitude d’un gouvernement qui tient pour suspects les policiers. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) En effet, le projet de loi « Égalité et citoyenneté » que nous avons examiné la semaine dernière prévoit que les policiers seront contraints de fournir des vidéos attestant leur bonne foi lorsqu’ils procèdent à des contrôles d’identité…
Monsieur le ministre, avez-vous conscience que la réalité apporte un démenti quotidien aux choix que vous avez faits depuis le début de ce quinquennat ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, à laquelle je veux apporter des réponses très précises.
Nous sommes dans un exercice politique, la primaire, qui ne porte d’ailleurs pas si mal son nom… (Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le sénateur, vous affirmez que les politiques quantitatives ne servent à rien. Je vous invite à vous rendre avec moi dans les commissariats et les brigades de gendarmerie, quand vous le voudrez, pour entendre ce que l’on y pense de la suppression de 13 000 emplois au cours du quinquennat précédent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Accompagnez-moi devant les CRS et les gendarmes mobiles pour mesurer les conséquences de la suppression de quinze unités de forces mobiles durant le quinquennat précédent ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Venez expliquer dans les gendarmeries et les commissariats de police combien la politique que vous avez menée, qui a conduit à une diminution de 15 % des crédits d’investissement, laissant gendarmes et policiers dépourvus de moyens de protection, d’armes, de véhicules, était excellente ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Cinq ans !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Madame la sénatrice, en cinq ans, nous aurons créé 9 000 emplois dans les forces de sécurité ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Nous aurons augmenté de 15 % les crédits d’investissement pour la police et la gendarmerie. Nous aurons acquis, cette année, près de 6 000 véhicules, alors que le gouvernement précédent avait été incapable de remplacer ces matériels ! (C’est faux ! sur les travées du groupe Les Républicains.) J’ai créé, à Rosny, le premier escadron de gendarmerie mobile depuis 1998. Nous aurons créé vingt-deux pelotons supplémentaires dans les escadrons de gendarmerie mobile !
M. le président. Il faut conclure !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Croyez-moi, monsieur le sénateur, ceux qui ont manifesté cette nuit savent parfaitement quelle est la différence entre votre politique et la nôtre. Ils expriment une exaspération que je comprends, même si je leur dis très clairement que l’on ne peut pas, quand on est policier, défiler avec des voitures de service et des gyrophares, parce que cela n’est pas conforme à la déontologie de la police dans la République. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre, pour la réplique.
M. Jackie Pierre. Le patron de la police a jugé inacceptable cette manifestation. Ce qui est inacceptable, monsieur le ministre, c’est la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui notre police ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Vous oubliez trop facilement que vous êtes au pouvoir depuis quatre ans et demi !
M. le président. Il faut conclure !
M. Jackie Pierre. Pour ma part, je tiens à rendre un hommage appuyé aux forces de l’ordre, dont le travail est de plus en plus difficile, et à leur apporter mon soutien le plus total ! (Les huées sur les travées du groupe socialiste et républicain couvrent la voix de l’orateur. – Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
aide humanitaire entre la martinique et haïti
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Maurice Antiste. Madame la ministre des outre-mer, le 4 octobre 2016, le cyclone Matthew passait sur Haïti et détruisait le sud du pays, faisant près d’un millier de morts et des dégâts considérables, entraînant un risque d’épidémie de choléra, entre autres fléaux.
Eu égard aux liens historiques existant entre la France et Haïti, et de surcroît entre la Martinique, la Guadeloupe et ce pays, nous sommes très sensibles à cette nouvelle situation de détresse.
Qu’a prévu l’État en termes d’interventions et d’aides de toutes natures, pour fournir de l’eau, de la nourriture, des vêtements, des médicaments, une assistance sanitaire au million de victimes sinistrées ?
La Martinique et la Guadeloupe se sont fortement mobilisées pour récolter des biens de première nécessité. S’est posée alors la question de l’acheminement de ces aides, des difficultés étant apparues.
Madame la ministre, quelles sont aujourd’hui les dispositions réellement prises par l’État pour venir au secours de ce peuple, une nouvelle fois meurtri ? L’acheminement des dons récoltés en Martinique et en Guadeloupe va-t-il bénéficier d’une aide de l’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Antiste, le cyclone Matthew a effectivement frappé durement Haïti, faisant, selon un bilan provisoire, des centaines de morts et d’importants dégâts matériels.
Avant d’en venir à la mobilisation de la Martinique et de la Guadeloupe, je veux évoquer celle du Gouvernement.
Sous l’égide du ministère des affaires étrangères et par le biais de son centre de crise et de soutien, qui travaille en étroite collaboration avec les ministères de la défense et de l’intérieur, le Gouvernement s’est immédiatement mobilisé.
Un Falcon 50 a effectué des missions de reconnaissance. Un premier détachement de trente personnels de la sécurité civile est arrivé sur le terrain. Deux vols spéciaux ont été affrétés pour transporter trente militaires supplémentaires, ainsi que près de soixante-dix tonnes d’équipements humanitaires fournis tant par l’État que par des entreprises et des ONG. Notre programme d’aide humanitaire à Haïti a également été abondé à hauteur de 150 000 euros. Au total, l’engagement de la France s’élève, à ce stade, à 964 000 euros.
Vous l’avez souligné, la Martinique, mais aussi la Guadeloupe et la Guyane, entretiennent des liens forts avec Haïti, et les outre-mer se sentent solidaires de ce pays. Leurs populations se mobilisent pour contribuer à l’effort humanitaire par des collectes de dons.
La question s’est posée de l’acheminement de ces dons jusqu’en Haïti, après vérification par le Gouvernement haïtien qu’ils correspondent bien aux besoins qui ont été identifiés sur le terrain.
Après avoir recherché une solution de transport du produit des collectes menées par l’ONG Urgence Caraïbes et la préfecture, mon ministère a décidé d’agir vite et de contribuer financièrement à cet acheminement, qui sera effectué par un prestataire privé.
J’ai attribué à Urgence Caraïbes une aide financière qui permettra l’envoi d’environ cinq conteneurs. Les dons effectués par les Martiniquais arriveront ainsi à destination, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour la réplique.
M. Maurice Antiste. Madame la ministre, sachant que cette situation est récurrente, il vaudrait mieux prévenir que guérir. La France ne pourrait-elle prendre l’initiative d’une conférence caribéenne dont l’objectif serait la mise en place d’un plan de secours international pour faire face aux désastres naturels qui surviennent régulièrement dans la région ? Je pense aux cyclones et aux invasions de sargasses, par exemple. Chacun saurait alors quoi faire avec précision et dans les meilleures conditions de cohérence et d’efficacité.
Selon un dicton bien connu, « il vaut mieux apprendre à quelqu’un à pêcher que de lui donner un poisson en aumône ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
bataille de mossoul
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Colette Mélot. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du développement et de la francophonie.
Monsieur le secrétaire d’État, la coalition internationale vient d’entrer dans une phase décisive de la lutte contre Daech en lançant l’offensive visant à reprendre aux islamistes la ville de Mossoul.
Cette étape est nécessaire pour mener à bien la campagne que la coalition, qui regroupe soixante pays, mène contre le terrorisme islamiste.
Malheureusement, cette victoire espérée et probable ne sera pas sans conséquences. Il y a tout lieu de penser que bon nombre de combattants islamistes, fuyant Mossoul, vont refluer vers l’Europe. Le commissaire européen à la sécurité vient d’exprimer sa plus vive inquiétude à ce sujet.
On estime en effet que bon nombre des 3 000 à 4 500 combattants qui sévissent actuellement dans le bastion de Mossoul, ainsi que d’autres soldats de Daech – et parmi eux des Français –, chercheront à déplacer leurs actions criminelles vers nos territoires en y perpétrant de nouveaux attentats.
Monsieur le secrétaire d’État, que comptez-vous faire pour protéger nos compatriotes ? Quelles actions concertées avec nos partenaires étrangers avez-vous prévues pour faire face à cette nouvelle vague de menaces visant à déstabiliser nos démocraties ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du développement et de la francophonie.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du développement et de la francophonie. Madame la sénatrice, l’offensive sur Mossoul, qui a débuté hier matin, était en préparation depuis de nombreuses semaines. Mossoul, deuxième ville d’Irak, est un bastion de Daech depuis plus de deux ans. Sa reprise, qui prendra du temps, est un enjeu majeur de l’action de la coalition, sur le plan militaire, bien sûr, mais aussi sur les plans psychologique et même symbolique.
La France intervient directement en soutien de cette action, en particulier par le déploiement à Qayyarah Ouest, à une soixantaine de kilomètres au sud de Mossoul, d’un groupement tactique d’artillerie composé d’environ 150 militaires des forces spéciales.
Le président Poutine a appelé la coalition à éviter les pertes civiles dans l’opération de reconquête de Mossoul. Il a raison ; on voudrait qu’il en aille de même à Alep…
Pour en revenir à Mossoul, nous sommes bien conscients du risque de l’apparition d’une situation humanitaire très difficile pour les habitants de la ville. C'est pourquoi un couloir d’évacuation sera aménagé, afin de permettre aux populations civiles de quitter Mossoul. C’est précisément ce que refuse le régime de Bachar al-Assad et ses soutiens dans le cas d’Alep.
Il faut rapidement mettre en place des dispositifs d’assistance humanitaire d’urgence au bénéfice des populations de Mossoul. La France s’y emploie. Les services sont mobilisés, notamment le centre de crise et de soutien du Quai d’Orsay. Nous nous employons à mettre en place ces dispositifs d’assistance humanitaire à titre bilatéral, bien sûr, mais aussi au sein de l’ONU et avec l’Union européenne.
Au-delà, il s’agit aussi de discuter dès maintenant de la manière dont sera organisée la gouvernance locale de Mossoul et de la région une fois Daech vaincu. Cette gouvernance devra être aussi inclusive que possible, afin de mettre en place les conditions politiques indispensables à une reconstruction durable et de conjurer le risque d’une réémergence du terrorisme. C’est le sens de la réunion qui se tiendra à Paris après-demain, sur l’initiative du Gouvernement français, en présence du Premier ministre irakien et de tous les acteurs régionaux.
Enfin, il y a effectivement un risque de fuite de combattants de Daech de Mossoul vers la Syrie. Nous le prenons en compte.