M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Pour nous, au groupe CRC, il faut repenser l’organisation du travail dans les entreprises ; c’est une question de santé publique.
Ce sont en effet les organisations du travail, les cadences, les pratiques managériales, les charges de travail qui sont à l’origine, pour un certain nombre de salariés, du mal-être au travail.
Alors que se développent de nouvelles pathologies, tels le syndrome d’épuisement professionnel ou les troubles musculo-squelettiques, vous avez proposé, madame la secrétaire d'État, de centrer le suivi médical sur les postes à risque. Or ces maladies, qui peuvent apparaître dans n’importe quel métier et sur n’importe quel poste de travail, nécessitent une vigilance continue envers la santé physique et psychique de l’ensemble des salariés.
Cela implique une vraie médecine du travail. Or on nous dit que le problème est le manque de médecins du travail. Comme le souligne un communiqué de presse de la CFE-CGC Santé au travail – Syndicat général des médecins et des professionnels des services de santé au travail, ce manque est organisé depuis plusieurs années. Alors que les services de santé au travail sont demandeurs, ils doivent renoncer à l’embauche de médecins en formation, car les universités – je parle des universités de Paris, de Lille ou de Rouen – ne peuvent pas assurer les stages.
Et puis, madame la secrétaire d'État, vous justifiez votre projet de loi au nom de la simplification. Pourtant, un médecin spécialisé en santé publique qui veut exercer comme médecin du travail doit, pour obtenir sa reconversion, s’engager dans un processus de neuf ans. Comment les volontaires ne se décourageraient-ils pas ?
Ne soyons pas étonnés du non-fonctionnement du système, puisque celui-ci a été organisé ! Pour répondre aux besoins de protection des salariés, il faut relancer la formation des médecins du travail sur d’autres bases.
Madame la secrétaire d'État, comme vous nous avez assuré, tout au long de notre débat sur ce projet de loi, vouloir privilégier le dialogue social, je vous encourage à prendre en compte les propositions du Conseil d’orientation des conditions de travail, le COCT. C’est la meilleure façon de moderniser la médecine du travail, dans l’intérêt des salariés, mais également dans l’intérêt des employeurs.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, sur l'article.
Mme Catherine Génisson. Si mes recherches sont justes, en 2015, on comptait 5 264 médecins du travail contre 281 067 médecins exerçant dans toutes les disciplines, ce qui donne un ratio de 13 médecins pour 100 000 habitants.
En 2013-2014 – ma collègue vient de l’évoquer –, la médecine du travail est la trentième spécialité choisie par les étudiants, ce qui confirme, malheureusement, son manque d’attractivité.
L’âge moyen des médecins du travail, c’est 51 ans. La féminisation est de 71 % par rapport à 45 % pour l’ensemble de la pratique médicale.
Ces données font apparaître que si 22 millions de visites sont sollicitées – ce qui objective, malheureusement, l’importance des CDD de très courte durée ! –, seules 3 millions sont effectuées.
Face à ce constat, il est fondamental de protéger la santé au travail des salariés en privilégiant une logique de prévention primaire à la réparation.
Il nous faut agir avec pragmatisme, réalisme, sans créer une instabilité juridique préjudiciable à tous et, surtout, sans céder au moindre fatalisme.
Par ailleurs, nous ne devons pas oublier que, au-delà du suivi individuel des salariés, le médecin du travail est un acteur central des actions à mener en milieu du travail avec son équipe pluridisciplinaire. Il est garant de l’élaboration d’un référentiel de bonnes pratiques, de l’écriture d’une fiche d’entreprise, de la traçabilité des actions menées quand il existe un contrat d’objectifs et de moyens. Il existe une autre mission tout à fait fondamentale, qui est le tiers temps du médecin du travail. Il participe au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT, effectue des visites en milieu du travail et étudie les postes de travail.
Je pense que nous reviendrons largement sur ces sujets au cours du débat.
L’examen de l’article 44, même enrichi par nos débats parlementaires, nous semble donc n’être qu’une étape avant une réorganisation globale de la médecine du travail, qui mérite, à notre sens, un texte législatif à part entière, permettant d’apporter une réponse globale.
Je remercie Mme la secrétaire d'État et M. le rapporteur Gabouty d’avoir accepté le principe d’un rapport qui étudiera l’évaluation des propositions faites à l’article 44. Il y a en effet des mesures à prendre dans le monde du travail – nous y reviendrons largement –, mais si l’on veut apporter des réponses structurantes, il est important de traiter de la formation initiale des médecins du travail et des professionnels de santé qui feront partie de l’équipe pluridisciplinaire.
Je ne reprendrai pas l’argumentation de ma collègue, qui a cité les neuf ans de durée de formation pour un médecin en santé publique. Il faut également reconnaître qu’il y a un manque d’appétence totale du milieu universitaire pour organiser et accueillir en stage à la fois les médecins qui choisissent la spécialité « médecine du travail » et les professionnels de santé.
Au moment où les pratiques en médecine vont beaucoup évoluer, notamment avec l’importance du recours à la bureautique et au numérique, on peut penser – et espérer – que du temps sera libéré pour se consacrer aux relations humaines.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Catherine Génisson. La médecine du travail, qui est essentielle pour l’entreprise, est une médecine sociale, même si elle ne doit pas méconnaître les nouvelles pratiques, comme la télémédecine.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. Madame la secrétaire d'État, je suis en phase avec les propos de ma collègue Catherine Génisson, qui a excellemment analysé la situation et formulé des propositions.
Au moment où nous abordons l’article 44, je souhaite aborder un autre sujet qui, sans être en rapport direct avec la médecine du travail, présente néanmoins un intérêt : je veux parler de la santé des dirigeants de PME, des travailleurs indépendants et des artisans.
Lors d’une assemblée générale de la Fédération française du bâtiment, j’ai rencontré Olivier Torrès, qui est professeur à l’Université de Montpellier et chercheur à l’École de management de Lyon. J’ai pris l’engagement de citer devant vous son ouvrage La santé du dirigeant. Si le sujet vous intéresse, je vous invite à le lire, en complément de ce que nous abordons aujourd’hui.
Je vais vous citer quelques lignes qui figurent sur la quatrième de couverture : « Malgré plus de 20 millions d’entreprises en Europe, il y a plus de statistiques sur la santé des baleines bleues que sur celles des entrepreneurs. Cette lacune est universelle. Pourtant, lorsqu’un dirigeant d’entreprise connaît un ennui de santé, c’est immédiatement toute l’entreprise qui faiblit. Le capital santé du dirigeant est le premier actif immatériel de la PME ! »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 34 rectifié ter est présenté par Mme Lienemann, MM. Cabanel et Godefroy, Mme Ghali et MM. Gorce et Leconte.
L'amendement n° 799 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 34 rectifié ter n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l’amendement n° 799.
Mme Éliane Assassi. Au moment où nous entamons le débat sur l’article 44, 3 300 professionnels de la médecine du travail sont réunis en congrès à Paris, et nous les saluons.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils sont en colère contre la réforme contenue dans cet article !
Alors que seulement 5 000 médecins du travail, âgés, pour 40 % d’entre eux, de plus de 60 ans, ont en charge 17 millions de salariés, ils ne seront plus que 2 500 à l’horizon 2020.
Le Gouvernement, qui a renoncé à s’attaquer au cœur du problème, c'est-à-dire à lutter contre le déclin des effectifs de médecins du travail, a, au contraire, fait le choix de réduire le délai de la visite médicale à deux ans pour adapter le nombre de visites à la diminution des effectifs des médecins.
Pour notre part, madame la secrétaire d'État, nous aurions préféré vous voir corriger la règle du numerus clausus, qui restreint le nombre d’étudiants en fac de médecine et revaloriser cette formation lors du cursus universitaire.
L’article 44 prévoit, au contraire, de réduire les prérogatives de la médecine du travail. Il remet en cause la santé au travail en limitant les visites d’embauche aux postulants à un poste à risque, en supprimant les rendez-vous périodiques avec le médecin du travail et en obligeant le médecin à déclarer le salarié inapte dès lors que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable pour sa santé.
Cet article est, selon nous, une régression sociale majeure ! En rétablissant la sélection médicale de la main-d’œuvre et l’adaptation de l’homme au travail, le Gouvernement, madame la secrétaire d'État, n’honore pas la gauche !
Cette politique antinomique de la prévention primaire a montré son échec et sa grande nocivité avec le scandale sanitaire de l’amiante, dont les pouvoirs publics ne semblent pas avoir tiré les leçons.
Cet article introduit une inégalité de suivi des salariés. Le licenciement des salariés victimes d’arrêts de travail et/ou de maladies professionnelles sera facilité par l’allégement des obligations des employeurs.
Comme l’ensemble des organisations syndicales de la branche professionnelle « santé au travail » et même le Conseil national de l’Ordre des médecins, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Le sujet de la médecine du travail est l’un des points importants de ce projet de loi. Il a, en tout cas, suscité beaucoup de réactions parmi tous les intervenants de la médecine du travail, mais aussi de la part de l’ensemble des partenaires sociaux, les organisations patronales comme les organisations représentatives des salariés.
Sur le fond, pour en avoir discuté en commission avec un certain nombre de collègues de différentes sensibilités, il me semble qu’une préoccupation commune se dégage, mais que les chemins pour arriver à des solutions satisfaisantes ne sont pas nécessairement les mêmes.
On le voit, nous sommes effectivement confrontés à ce problème de démographie médicale, qui ne date pas d’aujourd'hui. Et sans doute aurait-il fallu réagir plus tôt, ce qui signifie qu’il ne faut pas faire porter la responsabilité au seul gouvernement actuel, qui la partage avec les gouvernements successifs, y compris ceux qui étaient en fonction il y a dix ou quinze ans.
Sur le nombre de médecins du travail qui a été cité par Mme Génisson, je confirme qu’il varie entre 4 500 et 5 300. Cela dépend si l’on englobe les médecins en entreprise, les collaborateurs de médecins et si l’on traduit le nombre de médecins en équivalent temps plein ou en nombre de base. Aujourd'hui, en équivalent temps plein, le chiffre est sans doute inférieur à 5 000.
On peut aussi regretter la lourdeur de la passerelle avec la médecine de ville – médecins généralistes ou spécialistes puisqu’il y a aussi des spécialistes qui se dirigent vers la médecine du travail.
Cela prendra du temps avant de parvenir à renverser la courbe de la démographie médicale. D’autres en ont fait l’expérience : les courbes ne se renversent pas exactement au moment où on le souhaite…
Outre cette piste, il faut, à mon sens, rechercher dans le dispositif mis en œuvre une solution pour préserver le principe de la visite d’embauche et du certificat d’aptitude pour une large partie de la population tout en tenant compte de la réalité des moyens dont nous disposons.
À défaut de trouver une position commune sur tous les articles relatifs à l’organisation de la médecine du travail, je pense que nous pouvons nous rapprocher sur la manière d’aborder ce sujet.
Je suis défavorable à l’amendement n° 799, car il vise à supprimer l’article, ce qui nous priverait de débat. (Mme Éliane Assassi s’esclaffe.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement de suppression de l’article 44. Cela conduirait le Gouvernement à renoncer à cette réforme de la médecine du travail. Or nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une situation dans laquelle 3 millions de visites seulement sont réalisées chaque année pour 22 millions qui sont obligatoires !
Par conséquent, la protection que devrait pouvoir fournir la médecine du travail n’est pas assurée. Dans l’état actuel des choses, les droits sont affirmés, mais ils ne sont pas effectifs.
Il est important de pouvoir mieux prendre en charge les salariés, de manière plus efficace. C'est la raison pour laquelle un travail a été réalisé au sein du COCT autour du député Michel Issindou et des partenaires sociaux. Ils sont parvenus à des propositions communes qui ont été adressées, en mars dernier, à la ministre du travail. Cette convergence de vues doit être saluée.
La réforme qui vous est soumise suit les propositions de ce rapport et adapte le suivi médical en fonction des conditions de travail. Tous les salariés continueront d’être suivis. Ce suivi sera davantage ciblé pour assurer la protection des salariés « à risque ». Je vous concède que ce n’est pas complètement satisfaisant, mais la situation actuelle ne l’est absolument pas !
Le dispositif qui vous est soumis comporte un deuxième élément positif que je veux souligner : il permet également de suivre les salariés qui sont en contrat court et dont nous devons absolument nous préoccuper.
La réforme proposée n’est absolument pas une régression. Elle tient compte de la situation actuelle et entend répondre à un certain nombre de difficultés, certes en les priorisant, mais c’est un gage d’efficacité.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous ne pouvons que rejoindre l’analyse Mme la secrétaire d'État quand elle nous dit que le Gouvernement ne se satisfait pas de la situation actuelle en matière de médecine du travail. Notre désaccord porte sur les réponses qui sont apportées à cette situation dramatique.
Or, comme je l’ai déjà dit, les internes en médecine du travail se plaignent de ne pas trouver les enseignements et les places de stage nécessaires à leur formation. Les infirmières qui veulent se former en santé du travail ne sont pas mieux loties en matière d’enseignement adapté.
Madame la secrétaire d'État, vous nous dites que les partenaires sociaux viennent de communiquer au Conseil national d’orientation des conditions de travail un certain nombre de propositions dont vous avez tenu compte. Nous n’avons pas les mêmes sources d’information ! J’ai fait état du communiqué de presse de la CFE-CGC qui s’insurge contre le fait que ce mode d’emploi n’a pas été suivi.
Le véritable problème aujourd’hui, c’est qu’à partir du constat que la France manque de médecins du travail, on en arrive à revoir les ambitions à la baisse ! Ce n’est pas possible compte tenu des conditions de travail dans les entreprises, ce n’est pas possible – différents intervenants l’ont souligné – compte tenu de la dégradation des conditions de travail, qui ont un impact sur la santé des salariés.
Voilà la conviction que nous voulons porter en défendant cet amendement de suppression de l’article. C’est un coup de colère, c’est aussi un coup d’alerte ! Ici, il y a besoin non de mesurettes, mais d’une volonté politique beaucoup plus forte et de moyens humains et financiers ! Il faut arrêter de considérer la médecine du travail comme un parent pauvre !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Sur un texte consacré au travail, il est tout à fait légitime de parler de la médecine du travail. Je pense que l’article 44 sur lequel nous aurons des commentaires à faire et des amendements à défendre, est imparfait. Cela étant, je le dis très clairement, je considère que ce n’est qu’une étape. Le sujet urgentissime à traiter, c’est de parvenir à donner une bonne formation au pool d’hommes et de femmes qui interviennent dans ce domaine, qu’ils soient médecins du travail, infirmiers du travail, psychologues du travail ou acteurs sociaux du travail.
Cette urgence relève bien évidemment beaucoup plus du ministère de l’enseignement supérieur, certainement aussi du ministère de la santé. Si la médecine du travail est imparfaitement traitée dans cet article 44, la faute n’en revient pas à la ministre du travail. Le sujet doit être traité en urgence sur le mode global et interministériel en mettant au point un projet de loi entièrement consacré à la médecine du travail.
Le sujet est en amont. Et, au-delà des mesures financières que l’on peut prendre, il faut aussi convaincre les doyens de faculté de médecine que la médecine du travail est une médecine sociale indispensable au fonctionnement de notre société.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’avais proposé, au nom de quelques collègues – et néanmoins camarades ! (Sourires.) – du groupe socialiste, un amendement de suppression de cet article. En effet, je rejoins Mme Génisson pour dire que notre pays a accumulé des retards extrêmement alarmants en matière de médecine du travail et que nous ne savons pas comment la consolider.
La réforme d’ensemble qui s’impose passera nécessairement par le renforcement du nombre de postes. Je veux parler des postes de médecin, mais aussi de toute une série d’autres compétences qui peuvent renforcer les équipes de médecine du travail.
Sauf qu’en validant cet article, on valide la détérioration sans ouvrir en rien l’amélioration du dispositif ou sa refondation dans un cadre nouveau. Ce n’est pas acceptable ! On a déjà laissé la situation se dégrader et cela va s’accélérer.
On va supprimer l’avis d’aptitude, conditionner la périodicité du suivi médical des salariés à leur âge, leur état de santé, leurs conditions de travail et aux risques professionnels auxquels ils sont exposés. Ce sont des reculs majeurs pour la surveillance et la prévention de la population salariée.
Je mets le sujet en relation avec ce qui se passe dans le domaine de la médecine scolaire. Nous avons un énorme problème d’accès aux soins et les politiques de santé publique, dont la médecine du travail est l’un des piliers, n’ont pas aujourd'hui les moyens de fonctionner correctement.
Je ne peux pas me résoudre, sous prétexte que cela va mal, à quasiment entériner la situation pour limiter la casse, sans avoir une stratégie pour rétablir une médecine du travail de qualité, avec suffisamment de praticiens, une médecine du travail digne du XXIe siècle !
Je voterai donc la suppression de l’article.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Evelyne Yonnet. Je rejoins Mme Génisson dans ses propos. C’est vrai qu’il y a un réel problème avec la médecine du travail aujourd'hui.
Notre rôle est de faire particulièrement attention à ce que nous allons faire figurer dans le code du travail. Il faut maintenir des mots très importants tels que « aptitude ou inaptitude » et les préférer au mot « capacité ». Tel sera le sens des amendements que je défendrai.
Certes, cela ne résoudra rien. On l’a bien compris, il manque un grand nombre de médecins du travail. Quoi qu’il en soit, une fois que l’on aura mis en place une commission pour réfléchir ensemble sur la manière de redonner aux médecins du travail la place qui leur revient au sein de l’entreprise, on ne va pas refaire le code du travail !
Ce que nous allons voter aujourd'hui va rester dans le code du travail. Pour moi, c’est là l’enjeu et c’est la raison pour laquelle je défendrai mes amendements.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Il s’agit d’un sujet intéressant. On peut en effet se demander aujourd’hui pourquoi il faudrait une médecine du travail. Pour certains, c’est simplement parce qu’elle existe et que tout doit rester intangible. Si l’on manque de médecins par centaines, allons-y, il suffit d’en embaucher !
Nous débattons également de la visite médicale d’aptitude. Je ne sais pas, mes chers collègues, si vous avez parlé avec vos assistants parlementaires pour apprendre comment cela se passe. (Oui ! sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Et nous avons aussi travaillé dans le privé !
M. Olivier Cadic. Pour ma part, le récit que m’en ont fait mes assistants ressemblait à une parodie. On n’a même pas pris leur tension ! (Protestations sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. Olivier Cadic. C’est la réalité ! Derrière ces grandes annonces se cache parfois un acte purement administratif. On s’attend à ce qu’il y ait une vraie étude, un vrai entretien, mais il ne faut pas se voiler la face : en réalité, il n’en est rien !
À l’heure actuelle, environ 80 % des salariés travaillent dans le secteur tertiaire. Leur médecin traitant, qui les connaît depuis des années, ne serait-il pas compétent pour juger s’ils peuvent travailler, assis derrière leur bureau ?
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas pareil !
M. Olivier Cadic. On entend dire que la médecine du travail n’est pas généraliste, qu’il s’agirait d’une spécialité. Le médecin du travail serait donc un spécialiste…
Mme Catherine Génisson. Du travail !
M. Olivier Cadic. … de toutes les pathologies que l’on peut attraper en travaillant.
Ce système mérite donc peut-être d’être revu. Cette question va d’autant plus se poser que, à l’évidence, la technologie évolue. Nous aurons l’occasion d’y revenir quand nous aborderons tout à l’heure la question des psychologues d’entreprise. De nombreuses possibilités, tels des outils de suivi de la santé, existent aujourd’hui. Tout cela doit nous amener à nous demander si ce système est encore adapté à la grande majorité des salariés.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 799.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 394 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 35 |
Contre | 306 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 800, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
…) Au deuxième alinéa, après le mot : « compte », sont insérés les mots : « , après avis des délégués du personnel lorsqu’ils existent, » ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Notre amendement vise à ce que l’avis des délégués du personnel, lorsqu’il y en a, soit pris en compte dans le cadre de la recherche de reclassement du salarié ou de la salariée.
Chaque année, ce ne sont pas moins de 100 000 personnes qui sont reconnues inaptes au travail. Selon la revue Santé et Travail, entre 60 % et 95 % de ces inaptitudes conduisent au licenciement des personnes qui en souffrent. Plus des deux tiers de ces personnes se retrouvent à Pôle emploi, souvent pour des durées longues. À titre d’exemple, les demandeurs d’emploi en situation de handicap connaissent en moyenne 785 jours de chômage, contre 575 jours pour l’ensemble des demandeurs d’emploi.
Face à cela, il convient d’étudier toutes les possibilités de reclassement dans l’entreprise ; l’avis des délégués du personnel, qui connaissent parfaitement l’entreprise, est donc le bienvenu et mériterait d’être pris en compte.
M. le président. L’amendement n° 227 rectifié, présenté par Mmes Yonnet, Lienemann et Ghali, MM. Duran et Leconte, Mme Monier et M. Masseret, est ainsi libellé :
Alinéas 15 et 34
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Evelyne Yonnet.
Mme Evelyne Yonnet. L’article L. 1226–10 du code du travail est relatif à l’expertise effectuée par le médecin du travail quant à l’adéquation entre le salarié et les tâches qu’il est ou sera amené à effectuer au sein du poste auquel il est affecté.
Cette distinction n’est pas anodine et il convient que les termes « aptitude » et « capacités » ne soient pas échangés. En effet, ce changement induirait pour le salarié une qualification différente, au même titre qu’il existe aujourd’hui un certificat d’aptitude et non un certificat de capacité.
Si l’employeur recrute un salarié au regard de ses capacités et de ses compétences, le médecin du travail, quant à lui, détermine son aptitude physique et mentale. Il en est de même, par exemple, dans le milieu de la médecine sportive. Le médecin du sport juge une personne apte ou inapte à pratiquer un sport ; c’est l’entraîneur qui, en revanche, détermine si elle en est capable ou incapable.
Le mot « aptitude » qualifie un état ou encore un constat porté sur la possibilité de faire ou de ne pas faire quelque chose. Le mot « capacités » est moins descriptif et plus subjectif. Dès lors, évoquer la capacité du salarié revient à renvoyer à un jugement et non plus seulement à la seule expertise médicale.
Je vous propose donc, avec plusieurs de mes collègues, d’adopter cet amendement afin que le mot « aptitude » demeure dans le code du travail.
M. le président. L’amendement n° 801, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Le présent amendement vise à rétablir la notion d’« aptitude ».
La substitution du mot « capacités » à celui d’« aptitude » résultait sans doute de la suppression de la déclaration d’aptitude réalisée par le médecin du travail à l’issue de la visite médicale d’embauche. Pour notre part, étant favorables au rétablissement de cette visite, nous estimons qu’il n’y a pas lieu d’utiliser le mot « capacités » en lieu et place d’« aptitude ».
Cela est d’autant plus important que ces deux notions d’« aptitude » et de « capacités » n’ont pas la même signification, comme notre collègue Evelyne Yonnet vient de le rappeler. La première renvoie à l’aptitude physique et mentale à exercer un emploi ; elle est déterminée par un médecin. La seconde est quant à elle évaluée par l’employeur : il s’agit de la capacité du salarié à exercer les missions qui lui sont confiées.
Pour toutes ces raisons, l’emploi du mot « aptitude » nous semble plus pertinent. J’invite donc celles et ceux qui seraient défavorables à notre amendement à nous expliquer l’intérêt qu’il y aurait de maintenir le mot « capacités » en lieu et place du mot « aptitude ».