Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Cet article, passé relativement inaperçu, est néanmoins important, car son adoption pourrait remettre en cause une compétence importante du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT : l’expertise.
Les rapporteurs, qui saluent le « dispositif mis en œuvre par le présent article », oublient un peu vite que les CHSCT, créés en tant que tels par les lois Auroux de 1982, avaient pour vocation de veiller à la sécurité des salariés. Ils ont donc pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale des travailleurs, ainsi qu’à leur sécurité et à l’amélioration des conditions de travail, en particulier pour faciliter l’accès des personnes à l’emploi, et enfin de veiller au respect des prescriptions légales dans ces domaines.
Or, ce qui frappe d’emblée, c’est que cette institution, qui est dotée de la personnalité juridique, ne dispose pas de moyens en dehors des crédits d’heures accordés aux salariés qui en sont membres.
La technicité de ces questions de santé et de sécurité impose de recourir à des compétences élevées, et donc de faire appel à des experts indépendants et agréés par le ministère du travail.
Jusqu’à une décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité du 27 novembre 2015, les frais d’expertise étaient pris en charge par l’employeur, quel que soit le résultat de l’étude. Par ailleurs, la contestation de l’expertise par l’employeur ne suspendait pas cette dernière.
La décision du Conseil constitutionnel sur la QPC précitée, qui faisait suite à un arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2013, a ouvert la porte à un réel recul du droit des salariés en préconisant une révision des règles de suspension de l’expertise en cas de contestation.
Non seulement le projet de loi prévoit d’affirmer ce caractère suspensif de la contestation de l’expertise, mais il va plus loin, me semble-t-il, que le Conseil constitutionnel, en n’obligeant plus l’employeur à prendre en charge les frais d’expertise, même en cas de résultat favorable à l’employeur.
Ainsi, le projet de loi met en péril le recours même à l’expertise. Si le texte était adopté en l’état, le CHSCT, dépourvu de moyens, réduirait sans aucun doute le champ de son contrôle.
Les aggravations du dispositif proposées par la majorité sénatoriale – suspension jusqu’à la décision du juge ou exigence d’une mise en concurrence d’experts – n’arrangeront rien, bien au contraire. C’est la raison pour laquelle les sénatrices et sénateurs du groupe CRC voteront contre cet article.
Mme la présidente. L'amendement n° 52, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Comme l’indique le rapport, l’article 17 récrit les dispositions relatives à l’expertise que peut demander le CHSCT, pour les mettre en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel du 27 novembre 2017.
Toutefois, cette réécriture va plus loin que les préconisations du Conseil constitutionnel et modifie les modalités de remboursement des frais d’expertise, lesquels, jusqu’à présent, étaient, sauf abus, à la charge de l’employeur, en raison de l’absence de budget propre du CHSCT et de la latitude de choisir les experts, une mise en concurrence étant désormais prévue.
Si le Conseil constitutionnel a reconnu que le paiement des frais d’expertise par l’employeur en cas d’annulation de la décision du CHSCT est inconstitutionnel, il a aussi jugé que mettre à la charge de l’employeur ces frais d’expertise ne constituait que la mise en œuvre des exigences constitutionnelles découlant du Préambule de la Constitution de 1946.
De plus, il faut souligner que cette expertise est demandée premièrement « lorsqu’un risque grave est constaté dans l’établissement », deuxièmement « en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » ou, troisièmement, « dans le cadre d’une consultation sur un projet de restructuration et de compression des effectifs ».
Or la réécriture proposée supprime le principe d’une prise en charge des frais d’expertise par l’employeur, puisque le comité d’entreprise pourra aussi les assumer.
De surcroît, la réécriture proposée au travers de ce projet de loi prévoit la contestation du coût prévisionnel de l’expertise. Pourtant, de nombreux experts ne sont pas convaincus de la pertinence de cette mesure. En effet, ils soulignent que « cela conduira à la possibilité d’une succession de contentieux, alors qu’aucune autre forme d’expertise n’est exposée à cette double peine. Cela ne va pas dans le sens de la simplification. »
Cet article vise à entraver et à fragiliser la mission d’expertise du CHSCT. C’est pourquoi nous en demandons la suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement de suppression de l’article. À la suite d’une QPC, une partie des dispositions du code du travail a été annulée. L’article 17, dont la commission a considérablement enrichi le texte en imposant notamment la production de trois devis avant de pouvoir décider du choix de l’expert, vise à y remédier et pose un certain nombre de principes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Cessons les faux procès ! Nous n’oublions pas que le CHSCT travaille sur les questions de santé, puisque nous présentons même un article tendant à élargir le champ de ses missions, notamment en matière d’accompagnement des personnes en situation de handicap.
Nous devons légiférer en tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel. Celui-ci ayant considéré que la charge des frais d’expertise ne pouvait reposer sur l’employeur en cas d’annulation de la décision du CHSCT, le Gouvernement a proposé une solution équilibrée, qui consiste à faire reposer cette charge sur le cabinet d’experts, tout en encadrant les délais de recours et, en cas de contentieux, en rendant suspensif le délai de jugement en première instance. Ce dispositif, qui a été élaboré en concertation avec les professionnels du secteur, permettra au CHSCT d’exercer dans les meilleures conditions son droit à l’expertise et aux experts de bénéficier d’une plus grande sécurité juridique.
Voilà de quoi il s’agit ! Nous devions prendre une décision ; la solution que nous proposons, est, je le redis, équilibrée. J’indique que je ne souscris pas à l’ensemble des modifications introduites par la commission,…
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Vous y viendrez !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … qui conduisent à alourdir et à complexifier encore les procédures.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste et républicain est, comme le Gouvernement, opposé à cet amendement.
La rédaction de l’article 17 adoptée par la commission n’est pas celle que nous souhaitions, mais nous voulons poursuivre la discussion sur cet article, car nous entendons voter l’amendement n° 380 du groupe écologiste, qui nous paraît de nature à rassembler tous les suffrages de notre côté de l’hémicycle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la ministre, nous souhaitons, nous aussi, que l’on en finisse avec les faux procès : cessez de nous faire dire ce que nous n’avons pas dit !
Nous pensons que le CHSCT a une très grande importance dans l’entreprise. Ce n’est en effet pas au travers du présent texte que le Gouvernement a ouvert la porte à la diminution du financement du CHSCT par les employeurs, mais vous persistez dans cette voie avec ce projet de loi. Ce faisant, vous permettez à la droite sénatoriale d’aller encore plus loin, même si vous ne souscrivez pas à ses propositions, madame la ministre.
Je le redis : cessons les faux procès ! Parlons du fond, échangeons, argument contre argument. Peut-être ce projet de loi ne constitue-t-il pas un retour au XIXe siècle, comme cela a pu être dit, mais ce n’est pas non plus, madame la ministre, un texte qui donnera des droits nouveaux aux salariés. Il faut arrêter de le présenter ainsi !
L’inversion de la hiérarchie des normes et l’abandon du principe de faveur, que je sache, figurent bien dans votre texte ! Avec de telles mesures, on peut tout imaginer. Vous ne pouvez pas prétendre qu’il s’agit d’avancées et de droits nouveaux pour les salariés.
Mme Nicole Bricq. Vous l’avez déjà dit…
Mme Annie David. Ainsi, à propos du CHSCT, vous ouvrez une porte que, pour notre part, nous refusons même d’entrebâiller.
Nous considérons que le CHSCT doit avoir les moyens de fonctionner…
Mme Nicole Bricq. On est d’accord…
Mme Annie David. Permettez que je m’exprime, madame Bricq ! Même si nous avons déjà dit tout cela hier, nous continuerons à le dire, que cela vous plaise ou non ! Lorsque vous prenez la parole, personne ne vous empêche de parler !
Nous ne vous faisons pas de faux procès, madame la ministre, et nous vous demandons, en retour, de ne pas nous en faire !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 52.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 358 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 313 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 380, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Il s’agit de supprimer l’obligation pour le CHSCT, lorsqu’il souhaite choisir un expert, et pour le comité d’entreprise, lorsqu’il souhaite avoir recours aux services d’un expert-comptable, de procéder à cette désignation sur la base d’au moins trois devis.
Cette disposition introduite par la commission des affaires sociales du Sénat, dont l’objet est, je suppose, de renforcer la transparence, peut induire selon nous une certaine suspicion : parce que les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur, le CHSCT et le comité d’entreprise seraient nécessairement inconséquents et dépensiers… Cette vision des choses est excessive. D’ailleurs, l’employeur présidant ces instances, il peut tout à fait y faire valoir son point de vue.
En outre, cette obligation de faire établir au moins trois devis ne nous semble pas forcément compatible avec la célérité qui peut s’imposer dans les cas d’urgence.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression des alinéas 1 à 8.
Mme la présidente. L’amendement n° 1014, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le mot :
alinéa
par la référence :
III
II. – Alinéa 3
Au début, insérer la mention :
III. -
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
Mme la présidente. L’amendement n° 105 rectifié, présenté par Mme Des Esgaulx et M. Pierre, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 256 rectifié bis, présenté par Mme Deroche, MM. Retailleau, Allizard, Bignon, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit et Cardoux, Mme Cayeux, M. César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Cornu, Dallier, Danesi et Dassault, Mmes Debré, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, MM. Doligé et P. Dominati, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, Fontaine, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grand, Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houel, Houpert, Huré et Husson, Mmes Imbert et Kammermann, MM. Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Malhuret, Mandelli, Masclet et Mayet, Mmes M. Mercier, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Panunzi, Paul, Perrin, Pierre, Pillet, Pinton, Pointereau et Portelli, Mmes Primas et Procaccia et MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Revet, Savary, Savin, Trillard, Vaspart, Vasselle, Vendegou, Vial, Vogel et Baroin, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5, au début
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Il ne peut être choisi qu’à l’issue d’une procédure de mise en concurrence, dans des conditions fixées par décret.
II. – Alinéa 8, au début
Insérer une phrase ainsi rédigée :
L’expert ne peut être choisi qu’à l’issue d’une procédure de mise en concurrence, dans des conditions fixées par décret.
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Cet amendement vise à introduire un peu plus de concurrence dans le marché captif des cabinets d’experts fournissant des prestations aux comités d’entreprise ou aux CHSCT.
Mme la présidente. L’amendement n° 257 rectifié bis, présenté par Mme Deroche, MM. Retailleau, Allizard, Bignon, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit et Cardoux, Mme Cayeux, M. César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Commeinhes, Cornu, Dallier, Danesi et Dassault, Mmes Debré, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, MM. Doligé et P. Dominati, Mmes Duchêne et Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, Fontaine, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa, J. Gautier, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grand, Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené et Houel, Mme Hummel, MM. Huré et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Malhuret, Mandelli, Masclet et Mayet, Mmes M. Mercier, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Panunzi, Paul, Perrin, Pierre, Pinton, Pointereau et Portelli, Mmes Primas et Procaccia et MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Revet, Savary, Savin, Trillard, Vaspart, Vasselle, Vendegou, Vogel et Baroin, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 5
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 2325-40 est ainsi rédigé :
« Art L. 2325-40.- L’expert-comptable et l’expert technique mentionné à l’article L. 2325-38 sont rémunérés conjointement par l’entreprise et par le comité d’entreprise.
« Un décret en Conseil d’État fixe :
« - La part prise en charge par l’entreprise et la part prise en charge par le comité d’entreprise ;
« - Le montant maximum hors taxes par année civile de la rémunération des experts visés aux articles L. 2325-35 et L. 2325-38. Ce montant est déterminé en fonction de la masse salariale, telle qu’elle figure à la déclaration annuelle des salaires de l’établissement et de l’entreprise.
« Le président du tribunal de grande instance est compétent en cas de litige sur leur rémunération. »
II. – Alinéa 10
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les frais d’expertise sont à la charge conjointe de l’entreprise et du comité d’entreprise. Un décret en Conseil d’État fixe la part prise en charge par l’entreprise et la part prise en charge par le comité d’entreprise. » ;
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Cet amendement tend à prévoir que la charge financière des expertises soit partagée entre l’entreprise et le comité d’entreprise et que le montant soit plafonné par décret.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Sur l’amendement n° 380, la commission ne s’est pas dédite et a émis un avis défavorable. Elle avait en effet enrichi la rédaction de l’article 17.
Mme Nicole Bricq. Appauvri, plutôt !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Demander trois devis, ce n’est tout de même pas sorcier, mes chers collègues ! Cela permettra d’éclairer les décisionnaires et d’éviter de devoir acquitter des montants prohibitifs. Ces dispositions me semblent être de bonne gestion.
Les amendements nos 256 rectifié bis et 257 rectifié bis visent à prolonger le travail d’encadrement que nous avons mené s’agissant du choix des experts et des prestataires.
L’amendement n° 256 rectifié bis prévoit une mise en concurrence pour toutes les expertises. La commission a considéré que, pour ce qui concerne les plus petites entreprises et les expertises les plus simples, son adoption conduirait à alourdir les procédures. Prévoir l’établissement de trois devis nous semble satisfaisant. La commission souhaite donc le retrait de cet amendement.
Elle a émis un avis favorable, en revanche, sur l’article n° 257 rectifié bis, qui vise à faire participer le comité d’entreprise au financement des expertises qu’il demande. Il s’agit, en somme, d’une sorte de ticket modérateur.
Mme Catherine Deroche. Madame la présidente, nous retirons l’amendement n° 256 rectifié bis.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Sur l’amendement n° 380, l’avis est favorable. En effet, imposer l’établissement de trois devis me semble une mauvaise réponse pour lutter contre des abus en réalité très minoritaires.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. On le fait dans nos collectivités locales !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il convient de rappeler que les experts sont agréés par le ministère du travail, après une procédure d’instruction qui associe les partenaires sociaux, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, et l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, l’INRS. Cette procédure d’agrément est essentielle.
Dans la pratique, lorsqu’un travail récurrent est mené par un même cabinet d’experts, qui connaît la situation de l’entreprise, pourquoi alourdir la procédure en demandant la présentation de trois devis ?
J’ajoute, pour ce qui concerne le droit à l’expertise du CHSCT, que l’article 17 comporte d’ores et déjà des dispositions visant à sécuriser les conditions dans lesquelles un employeur peut contester le recours à l’expert du CHSCT, notamment au regard d’un coût prévisionnel jugé déraisonnable sur la base d’un premier devis.
Sur l’amendement n° 1014, l’avis est favorable.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 257 rectifié bis, s’il est légitime que le comité d’entreprise prenne en charge sur son budget de fonctionnement une partie du coût de l’expertise relative aux orientations stratégiques, cette règle ne peut pas s’étendre aux autres consultations. Étant donné le montant de la subvention de fonctionnement, cela reviendrait à priver le comité d’entreprise d’une partie de son droit à l’expertise. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je l’ai dit, nous sommes favorables à l’amendement n° 380 de nos collègues écologistes. Le recours à un expert est encadré par la loi et la jurisprudence ; il n’est pas nécessaire d’en rajouter.
Nous sommes opposés au très suspicieux amendement n° 256 rectifié bis…
Mme Catherine Deroche et M. Bruno Retailleau. Il a été retiré !
Mme Nicole Bricq. Tant mieux, car il était inspiré par un préjugé.
L’amendement n° 257 rectifié bis participe du souhait de la droite de faire supporter la totalité du coût de l’expertise au budget de fonctionnement du CHSCT, ce qui priverait celui-ci de toute ressource : cela conduirait à sa mort douce…
Par ailleurs, il n’est pas possible de préjuger du montant des frais d’expertise par décret. On ne peut pas prévoir les problèmes qui peuvent surgir. Un décret peut éventuellement fixer les catégories de dépenses prises en charge, mais pas les montants.
Nous sommes donc opposés à cet amendement. Adopter de telles dispositions n’enrichirait pas le texte, monsieur le rapporteur ; cela l’appauvrirait et appauvrirait des instances nécessaires à la vie de l’entreprise.
Mme la présidente. L’amendement n° 385, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première phrase
Supprimer les mots :
le coût prévisionnel de l’expertise tel qu’il ressort, le cas échéant, du devis,
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Cet amendement vise à supprimer la voie de contestation en la forme des référés du coût prévisionnel de l’expertise demandée par le CHSCT.
Il semble illogique d’introduire une possibilité de contestation a priori du coût prévisionnel à un stade où, par définition, ce coût ne peut être connu avec certitude, même à l’aide d’un devis. Ce coût est en effet fonction des travaux qui seront, in fine, réalisés par l’expert. Seule la contestation portant sur le bien-fondé et les modalités de l’expertise paraît pertinente à ce stade.
Il est à craindre, selon nous, que la contestation pour ce motif ne soit détournée de son but et qu’il y soit recouru à des fins dilatoires ou comme substitut à une contestation sur le fondement d’autres motifs. Il semble donc pertinent de supprimer cette possibilité et de conserver uniquement celle, prévue à l’alinéa 18 de l’article, de contester le coût final de l’expertise.
Loin de moi l’intention de polémiquer, mes chers collègues, mais à quelle petite entreprise voudrait-on imposer systématiquement de faire établir trois devis ? Est-il logique de prendre une telle mesure pour les CHSCT ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui vise à supprimer la possibilité de contestation a priori du coût prévisionnel, telle qu’elle est prévue dans le texte du Gouvernement. Or cette disposition est aussi destinée protéger l’expert. En effet, si l’on ne maintient que la contestation a posteriori, l’expert pourra être obligé, le cas échéant, de rembourser à l’employeur l’intégralité des sommes perçues. Mieux vaut prévenir que guérir !
Quant aux trois devis, je puis vous assurer, en tant que maire d’une commune de 500 habitants, qu’une secrétaire de mairie peut très bien les demander rapidement, ce qui permet ensuite d’opérer des choix efficients. Je ne pense donc pas que cela représente un drame pour une TPE.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis est également défavorable. Il est préférable que le coût soit réajusté en amont, avant que l’expertise ne soit terminée. Cela permet d’éviter un contentieux. C’est pourquoi il faut maintenir la possibilité de contestation a priori.
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Evelyne Yonnet. Monsieur le rapporteur, que je sache, les CHSCT ne sont pas encore soumis au code des marchés publics…
Le CHSCT s’occupe de prévention. Il joue dans ce domaine un rôle essentiel, au bénéfice tant de l’employeur que des salariés, et lorsqu’il commande une expertise, c’est qu’il y a danger. Mettre à la charge du CHSCT les frais d’expertise entraînerait à terme la mort du comité d’entreprise. Je rappelle que c’est celui-ci qui vote la demande d’expertise, en présence de l’employeur et des représentants syndicaux. Pour qu’une telle demande soit formulée, il faut qu’un véritable problème de fond relatif aux conditions de travail se pose : les salariés peuvent être menacés d’un péril et l’employeur risquer gros. Tout cela s’inscrit dans le cadre de la prévention et du dialogue social.
Mme la présidente. L’amendement n° 672, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première phrase
Remplacer le mot :
quinze
par le mot :
cinq
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Vous l’aurez compris, il s’agit d’un amendement de repli. Puisque nous n’avons pas obtenu la suppression de cet article, nous proposons, à tout le moins, de ramener de quinze à cinq jours, à compter de la délibération du CHSCT, le délai dont dispose l’employeur pour contester la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert ou le coût prévisionnel de l’expertise.
Un délai de quinze jours est en effet trop long : dans la mesure où le juge a dix jours pour rendre son avis, le début de l’expertise se trouve renvoyé à vingt-cinq jours, la contestation de l’entrepreneur étant suspensive. Cela n’est pas acceptable, dans la mesure où, comme l’a dit à l’instant Mme Yonnet, les expertises menées à la demande du CHSCT intéressent très souvent la santé des salariés. Dès lors, il nous semble important, pour la santé des salariés comme pour celle de l’entreprise, que ces expertises puissent être conduites le plus rapidement possible et dans les meilleures conditions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a estimé qu’un délai de cinq jours était un peu court pour permettre une saisine élaborée et argumentée, et souhaite maintenir un délai de quinze jours. L’avis est donc défavorable.
Je sais, madame Yonnet, que vous connaissez très bien l’univers des comités d’entreprise et des CHSCT, pour avoir vous-même siégé dans ces instances. J’ai bien conscience que le cadre n’est pas le même que pour les collectivités locales. Quoi qu’il en soit, la mesure que nous préconisons est simplement de bonne gestion. Franchement, il n’est pas sorcier de faire établir trois devis !
Par ailleurs, on constate très régulièrement que les budgets de fonctionnement des comités d’entreprise sont en excédent. Certes, il existe une fongibilité partielle au profit des œuvres sociales, mais pourquoi ne pas prévoir, symboliquement, la possibilité d’une participation aux frais d’expertise ? Il s’agit, en quelque sorte, d’appliquer à tous un principe de responsabilité. L’idée est non pas de stigmatiser quiconque, mais de favoriser une prise de conscience.