Mme Annie David. L’article 14 prévoit la fusion de branches professionnelles. L’idée n’est pas neuve ! Les prétextes et les motivations invoqués pour encourager la fusion ne nous paraissent pas justifiés.
Tout d’abord, avant de fusionner les branches existantes, dont certaines n’auraient pas porté de fruits depuis quelque temps, il faudrait s’assurer que l’ensemble des salariés de ce pays est dans le périmètre d’une convention collective et bénéficie donc d’une protection et de garanties négociées.
Or on estime à environ 500 000 le nombre de salariés dépourvus de convention collective ; il me semble urgent d’y remédier.
Ensuite, la primauté de l’accord d’entreprise va conduire à réduire d’autant le nombre de salariés couverts par la convention de leur profession.
Enfin, les critères géographiques ou démographiques retenus pour le regroupement nous semblent assez arbitraires.
Ce n’est pas parce qu’une convention collective concerne moins de 5 000 salariés qu’elle est présumée inactive et ce n’est pas parce qu’elle est limitée à une catégorie de personnels, à une région, à un département ou à un bassin d’emploi que son activité est nulle.
Il faut faire confiance à l’intelligence, madame la ministre, vous nous le répétez depuis le début du débat, et ne pas vouloir imposer à toute force des regroupements dont on sent confusément qu’ils vont conduire, si l’on n’y prend garde, à un abaissement des garanties collectives des salariés.
En effet, il y a fort à parier que la convention collective « unificatrice » sera le produit des dispositions spécifiques les moins favorables aux salariés des branches regroupées.
L’exemple nous est fourni en ce moment même, s’il en était besoin, par le conflit social qui affecte la Société nationale des chemins de fer, notre bonne vieille SNCF. Certains parlent de privilèges. Le fait est que le statut des cheminots est sans nul doute bien meilleur que celui des salariés des autres entreprises du secteur ferroviaire.
L’objet de la confrontation est connu : comment le statut des cheminots, produit de luttes historiques du mouvement ouvrier, peut-il devenir la base, en France, d’une convention collective de haut niveau accordant des droits nouveaux aux salariés des autres opérateurs ferroviaires et des entreprises à activité connexe, et non une exception que l’on ne cessera de dénoncer ? Là est tout l’enjeu de l’article 14 !
Puisque vous n’avez de cesse de promouvoir le dialogue social, laissez donc les acteurs de celui-ci faire leurs constats et prendre leurs initiatives, madame la ministre ! Cessez de vouloir suivre les ordres de Jean-Claude Juncker ou du MEDEF ! (Exclamations sur plusieurs travées.)
M. Yves Daudigny. L’attaque est rude !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste et républicain votera en faveur du présent article, plutôt bien réécrit par la commission, qui l’a toiletté tout en en respectant l’ordonnancement.
Le sujet du regroupement des branches est sur la table depuis des années, et force est de constater qu’il n’avance guère. Il faut pourtant que les branches correspondent aux secteurs d’activité et à la vie des entreprises.
C’est donc tout à fait le rôle du Gouvernement, quel qu’il soit, de définir un calendrier et de reprendre la main si ce chantier indispensable n’avance pas. Si l’on veut que les partenaires sociaux, conformément à la philosophie du texte présenté par le Gouvernement, débattent et négocient au niveau de l’entreprise, il faut que les branches puissent jouer leur rôle de régulation. Elles le joueront d’autant mieux qu’elles seront réunifiées et vraiment opérationnelles.
Je vous invite par conséquent, mes chers collègues, à adopter cet article, qui permettra de rendre les branches plus efficaces.
Mme la présidente. L'amendement n° 659, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après la référence :
I
insérer une phrase ainsi rédigée :
Tout salarié est couvert par une convention collective de branche.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. La signature d’un accord de branche permet d’adapter à la loi les particularités d’une branche professionnelle, mais également d’améliorer et de compléter les dispositions du code du travail. Jusque-là, nous sommes d’accord.
Un accord de branche constitue une forme de cadre juridique pour les entreprises d’une branche. Comme chacun sait, il est possible d’y déroger, notamment par un accord d’entreprise, uniquement dans le cas où le nouvel accord établi est plus favorable pour le salarié. Cela, c’était avant le présent projet de loi.
Sous couvert de simplification, l’article 14 vise à sécuriser l’employeur en cas de fusion ou de regroupement entre branches et élabore une feuille de route à l’attention du ministre et des partenaires sociaux, afin de parvenir à 200 branches d’ici à trois ans. Alors que, en 2012, notre pays comptait 687 branches professionnelles, on estime à environ 500 000 le nombre de salariés n’étant pas couverts par une convention collective de branche. Il s’agit en général de salariés de TPE. Dans ce cas, le code du travail s’applique strictement.
En outre, les nombreuses possibilités de dérogation aux conventions collectives de branche par accord d’entreprise doivent absolument s’accompagner de l’affirmation du principe de rattachement de tout salarié à une convention collective de branche. C’est ce que nous demandons, par cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La France est déjà dans une situation assez remarquable par rapport à ses voisins européens en termes de couverture des salariés par les branches, puisque celle-ci est supérieure à 90 %.
On ne peut pas obliger une entreprise à adhérer à une organisation patronale, les partenaires sociaux à se réunir au sein d’une branche ou le Gouvernement à étendre tous les accords ou conventions de branche, même s’il le fait très régulièrement.
C’est d'ailleurs l’extension des accords ou conventions de branche qui permet une telle couverture ; c’est également une solution de confort, tout le monde étant protégé sans qu’il soit forcément nécessaire de négocier à tous les étages.
Aujourd'hui, de ce point de vue, la situation est assez satisfaisante en France. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Si je partage complètement votre objectif, madame David, à savoir que tous les salariés soient couverts par un accord de branche, votre amendement n’en est pas moins purement déclaratoire.
Dans notre pays, 95 % des salariés sont couverts par un accord de branche. C’est une véritable chance si l’on compare avec le taux de couverture conventionnelle des autres pays.
Cette situation est liée à la procédure d’extension mise en place par le ministère du travail qui permet de rendre les conventions applicables presque automatiquement à de nombreux salariés. En Allemagne, la couverture est de l’ordre de 55 % à 59 %, en Italie, de 80 %, qu’il s’agisse de conventions de branche et de conventions d’entreprise, en Espagne, d’environ 70 %, mais celle-ci a tendance à diminuer.
Cependant, qui sont les 500 000 salariés non couverts par des accords de branche ? D’après les services de la direction générale du travail, ce ne sont pas majoritairement les salariés des TPE, comme vous l’indiquez, mais bien plutôt ceux des ONG, des partis politiques, vos assistants parlementaires, mesdames, messieurs les sénateurs, qui ne sont absolument pas couverts, ainsi que les salariés de quelques établissements culturels, comme l’Opéra de Paris. Si cela vous intéresse, je peux vous communiquer des données extrêmement précises à ce sujet. Les salariés concernés ne sont donc pas forcément ceux auxquels on pense. La question se pose de façon notable dans le cadre des partis politiques et des ONG.
Mme la présidente. L'amendement n° 660, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Après le mot :
fusion
insérer les mots :
, sauf opposition écrite et motivée de la majorité des membres de la commission nationale de la négociation collective,
II. – Alinéa 17
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf opposition écrite et motivée de la majorité des membres de la commission nationale de la négociation collective
III. – Alinéas 33 et 34
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à permettre le maintien du droit de veto de la Commission nationale de la négociation collective, ou CNNC, sur les fusions et élargissements des conventions collectives.
En effet, le présent projet de loi, tel qu’il est rédigé, supprime ce droit existant depuis 2014. Il substitue le contrôle de la commission précitée à une décision du ministère. Les garde-fous prévus, qu’il s’agisse des critères d’appréciation du ministère ou des possibilités d’observations par les organisations représentatives d’employeurs ou de salariés, ne nous semblent pas suffisants, dans la mesure où ils ne revêtent pas de caractère impératif et ne peuvent influer sur la décision finale.
Ce changement paraît assez peu compréhensible, dans un texte qui prétend favoriser le dialogue social, la négociation entre salariés et employeurs dans le cadre d’une démocratie sociale apaisée et rénovée.
Comment, en effet, expliquer que l’on donne autant de pouvoir à un ministre, reléguant un organisme paritaire à un simple rôle d’observateur ?
Cette commission nationale a pourtant été créée dans ce but. Le pouvoir de veto sur les fusions et élargissements des conventions collectives a une vraie pertinence. Il permet notamment de rejeter les fusions fondées sur le principe visé à l’alinéa 4 de l’article 14, c’est-à-dire sur la « faiblesse des effectifs salariés ». Ce critère est, selon nous, insuffisant pour prendre une décision de fusion de branches. De nombreuses branches ont certes peu d’effectifs, mais fonctionnent pourtant très bien et le dialogue social y existe. Il n’y a aucune raison objective que leur existence soit mise en danger et que les organisations qui la composent se plient aux exigences du ministère.
On l’a compris, le ministère cherche à « élaguer » les branches concomitamment à la réduction du code du travail. Cette volonté existait déjà auparavant, mais il semble que le rythme des fusions ne convienne toujours pas au Gouvernement.
Je terminerai mon intervention en faisant référence aux propos du professeur Lyon-Caen lors de son audition par la commission des affaires sociales, mentionnant des velléités similaires de regroupement des branches en 1946 et concluant ainsi : « La vie l’emporte toujours sur une décision autoritaire ! »
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car nous avons déjà pris beaucoup de retard dans la restructuration du paysage conventionnel. Le rapport de Jean-Frédéric Poisson sur la négociation collective et les branches professionnelles remonte à 2009, et nous sommes en 2016 !
En outre, la CNNC est associée aux quatre dispositifs visés à l’article 14 : fusion, élargissement, refus d’extension, refus d’arrêter la liste des partenaires sociaux représentatifs au niveau de la branche.
Renforcer son droit de veto, comme vous le souhaitez, nous semble de nature à compromettre la restructuration.
Vous avez évoqué, mon cher collègue, le cas des branches de petite taille. La commission a souhaité que la ministre puisse se focaliser en premier lieu sur les branches dépourvues d’activité depuis quinze ans. La taille est un élément qui ne vient qu’après. Pour transposer à l’échelle des EPCI, nous voyons bien que ceux-ci n’ont pas besoin d’être de taille XXL pour bien fonctionner. C’est pourquoi nous avons en partie réécrit l’article 14.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
On tourne autour de la question de la restructuration des branches depuis de très nombreuses années. Sincèrement, lorsqu’un quart des branches professionnelles n’a pas conclu d’accord depuis quinze ans, un tiers depuis dix ans, quelle est la protection des salariés ? Je l’ai dit, 42 branches ont aujourd'hui un coefficient inférieur au SMIC : quelle est la réalité de la pratique ?
À un moment donné, le Gouvernement doit disposer de marges de manœuvre pour permettre les fusions. Un délai de trois ans est prévu, durant lequel la CNNC et les partenaires sociaux ont bien sûr du pouvoir, afin d’accélérer la restructuration des branches. C’est ainsi que nous parviendrons à obtenir une négociation dynamique au niveau des branches. Si nous tenons tous à la couverture conventionnelle, il faut beaucoup plus de dynamisme.
En matière de formation professionnelle, le rapprochement des branches rendra aussi possible la création de passerelles entre plusieurs d’entre elles, ce qui permettra aussi d’améliorer la formation des salariés.
La question de la restructuration des branches est un enjeu essentiel, dont nous parlons depuis vingt ans – je pense notamment aux rapports Poisson ou Quinqueton, ce dernier m'ayant été remis récemment. Nous devons maintenant trouver les moyens d’avancer plus rapidement dans cette voie.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 660.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 351 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 29 |
Contre | 312 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 662, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 22 à 24
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 2261-33. - En cas de fusion des champs d’application de plusieurs conventions collectives en application du I de l’article L. 2261-32 ou en cas de conclusion d’un accord collectif regroupant le champ de plusieurs conventions existantes, sont applicables, lorsqu'elles régissent des situations équivalentes, les stipulations conventionnelles présumées les plus favorables avant la fusion.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement tend à une réécriture des alinéas 22 à 24 de l’article 14. Personne ne s’étonnera que nous souhaitions que ces regroupements ou fusions de branches professionnelles se fassent selon un principe de faveur.
Cela nous paraît d’autant plus pertinent pour les salariés concernés qu’un regroupement par « métiers », tel qu’il est envisagé dans le présent projet de loi pour certaines conventions de portée régionale ou locale, ne doit pas faire oublier que le contenu des conventions concernées peut être assez proche sur les sujets traités par la convention collective.
Toutes les conventions de la métallurgie ont ainsi des avenants ou des parties consacrées au travail de nuit ou au travail posté ; tous les textes du secteur du bâtiment comportent, de même, des dispositions relatives aux conséquences des intempéries. Il est donc primordial que ces regroupements ou fusions se fassent dans le sens d’un mieux-disant social pour les salariés.
Cela permettrait aussi que les discussions et négociations entre branches s’engagent sur des bases saines, dans le souci que nous avons de sécuriser les droits des salariés couverts par les branches concernées.
Mme la présidente. L'amendement n° 941, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 22, seconde phrase
Remplacer les mots :
être couverte par
par le mot :
maintenir
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Cet amendement vise aussi à reprendre un point de la lettre paritaire signée par les organisations syndicales et patronales le 28 janvier dernier, en tendant justement au maintien des conventions collectives pendant les cinq ans qui suivent une fusion, afin de permettre aux partenaires sociaux de s’entendre sur une négociation. Il est donc possible de travailler pendant trois ans sur la fusion et, dès lors que celle-ci est déterminée, on dispose encore de cinq ans pour que des négociations se tiennent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement : il tend utilement à préciser les choses.
S’agissant de l’amendement n° 662, présenté par le groupe CRC, on en revient toujours au débat sur les dispositions qui seraient les plus favorables aux salariés. Certaines conventions peuvent en effet être plus favorables que d’autres sur certains points, mais, lorsque des branches vont se rapprocher, tout sera mis sur la table et de nouveaux équilibres se dessineront.
Si l’on retenait uniquement les dispositions les plus avantageuses de chacune des conventions, nous serions un peu dans une logique d’« échelle de perroquet ».
Y compris dans certaines branches très proches, les dispositifs peuvent être légèrement différents. Mais nous faisons confiance aux négociateurs. Nous avons cinq ans pour y arriver. N’ayons pas peur !
En conséquence, la commission est défavorable à l’amendement n° 662.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 662 ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. À entendre M. le rapporteur, il y a forcément des « plus » ou des « moins » dans chacune des branches et, lorsque des regroupements vont s’opérer, il faudra trouver un équilibre.
Mais, au final, les salariés subiront forcément des « moins » dans leur nouvelle convention, quelles que soient les branches au sein desquelles ils exercent.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ils auront aussi des « plus » !
Mme Annie David. Monsieur le rapporteur, si l’on veut véritablement favoriser le fameux dialogue social, si l’on veut réellement que les salariés ne soient pas lésés par ce projet de loi, il faut prendre le mieux-disant de chacune des branches et l’appliquer à l’ensemble des salariés.
Tel est précisément le sens de l’amendement n° 662.
Mme la présidente. L'amendement n° 80 rectifié bis, présenté par MM. Husson, Houel, César et Karoutchi, Mmes Canayer et Imbert, MM. B. Fournier et Commeinhes, Mmes Lamure et Deromedi, MM. Vasselle, Revet, Longuet et P. Leroy, Mme Micouleau et MM. Doligé, Rapin et Laménie, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et multi-professionnel sont associées à cette négociation.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. La loi du 5 mars 2014 reconnaît, dans son volet démocratie sociale, un niveau multi-professionnel entre les branches et l’interprofession pour les professions libérales, l’agriculture et l’économie sociale et solidaire. Ce niveau est censé leur donner un statut de partenaire dans le cadre du dialogue social national et territorial.
Ainsi, il ressort du code du travail que, « préalablement à l’ouverture d’une négociation nationale et interprofessionnelle, puis préalablement à sa conclusion, les organisations professionnelles d’employeurs représentatives à ce niveau informent les organisations représentatives au niveau national et multi-professionnel des objectifs poursuivis par cette négociation et recueillent leurs observations. »
Cette procédure d’information, globalement respectée, s’avère d’une façon générale insuffisante.
Par conséquent, sur un sujet aussi important que la restructuration des branches, les organisations multiprofessionnelles doivent être activement associées aux négociations.
Les organisations patronales interprofessionnelles, peu au fait des spécificités des organisations multiprofessionnelles, ne pourront, en parfaite connaissance de cause, se prononcer, en leur nom, sur un thème aussi compliqué.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Cet amendement porte sur l’alinéa 29 de l’article 14 qui traite de l’engagement d’une « négociation sur la méthode permettant d’atteindre, dans un délai trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, l’objectif d’environ deux cents branches professionnelles ».
La commission émet un avis favorable sur cet amendement, estimant utile et pertinent que ces organisations multiprofessionnelles soient associées à ce stade préliminaire, s’agissant exclusivement d’une question de méthode. Cette disposition vise, très concrètement, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, la FNSEA, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, l’UDES, et l’Union nationale des professions libérales, l’UNAPL.
Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, madame la ministre, vous aviez émis un avis favorable sur des amendements qui tendaient à associer un certain nombre d’organisations. Nous sommes dans une logique similaire et j’espère que vous réserverez le même accueil à cet amendement !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Madame Lamure, je partage pleinement votre volonté d’associer les organisations multiprofessionnelles.
Je sollicite toutefois le retrait de cet amendement, qui me semble d’ores et déjà satisfait.
L’UNAPL et la FNSEA font déjà partie de la Commission nationale de la négociation collective.
Demain se tient l’assemblée générale de l’UDES et j’ai annoncé aujourd’hui à ses représentants par visioconférence qu’un décret sera pris dans les prochains mois pour que l’UDES rejoigne aussi la CNNC.
Ces trois organisations multiprofessionnelles seront donc associées à la fusion des branches.
Mme la présidente. Madame Lamure, l’amendement n° 80 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. La commission ayant émis un avis favorable sur cet amendement, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Nous avons inscrit dans le présent texte des dispositions qui ne relèvent pas nécessairement du niveau de la loi. Il me semble donc que l’on peut également adopter cet amendement, madame la ministre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 80 rectifié bis.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que le Gouvernement a sollicité le retrait de cet amendement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 352 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l’adoption | 198 |
Contre | 124 |
Le Sénat a adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 663, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 31 et 32
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Les dispositions prévues aux alinéas 31 et 32 de l’article 14 nous semblent contraires à la logique visant à faire confiance au dialogue social, logique qui vous est pourtant chère, madame la ministre…
En effet, il nous semble particulièrement malvenu que la loi accorde aujourd’hui au ministre du travail un pouvoir de fusion d’autorité de certaines branches – je regrette à cet égard que ce texte fasse systématiquement mention du ministre, et non de la ministre !
Ainsi, pourront être fusionnées, au plus tard le 31 décembre 2016, des branches régionales ou locales et des branches n’ayant pas conclu d’accord ou d’avenant ces quinze dernières années, et, trois ans après la promulgation de la loi, des branches n’ayant pas conclu d’accord ou d’avenant lors des sept années précédant cette promulgation.
Cette fusion d’autorité, qui agira aussi comme un moyen de pression sur les organisations syndicales et professionnelles, nous paraît incohérente avec votre volonté affichée de donner toute sa place au dialogue social !
Faut-il y voir un moyen de forcer la marche ? En 2014, le Premier ministre avait fixé l’objectif d’atteindre, d’ici à 2020, une centaine de branches professionnelles, contre 687 aujourd’hui. Nous le savons, cet objectif ne sera pas atteint, le processus de restructuration engagé par la loi du 5 mars 2014 n’ayant été amorcé que dans 124 branches.
Vous revenez donc sur une mesure assez récente, alors même que vous nous faisiez le reproche, à propos de l’examen d’un amendement précédent, de revenir sur un texte qui n’avait pas eu le temps d’être mis en œuvre.
Dans la lettre paritaire adressée au Gouvernement à la fin du mois de janvier, les sept organisations signataires – quatre syndicats, la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC et FO, et trois organisations professionnelles, la CGPME, le MEDEF et l’UPA – rappellent leur volonté de « continuer à décider paritairement des modalités sur la base desquelles ces restructurations pourraient s’effectuer ». Aussi, nous proposons la suppression de ces alinéas 31 et 32, qui ne répondent pas aux objectifs de ce courrier.
Mme la présidente. L'amendement n° 857, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Après les mots :
fusion des branches
insérer les mots :
comptant moins de 5000 effectifs salariés
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement tend à rétablir le texte de l’Assemblée nationale qui prévoyait de fixer un seuil de 5 000 salariés pour la fusion de branches.
La commission a estimé que ce seuil n’était pas pertinent. Nous considérons, pour notre part, qu’il peut être intéressant, dans un premier temps, de constituer des branches de taille réduite.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’amendement n° 663, présenté par le groupe CRC, vise à supprimer la possibilité pour la ministre d’engager la restructuration accélérée des branches inactives depuis plusieurs années.
La position de la commission est assez constante sur ce point : il paraît assez rationnel de s’engager dans un processus de restructuration de branches qui n’ont pas conclu d’accords depuis quinze ans ou sept ans. L’avis est donc défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 857, il me semblait que le small is beautiful était plutôt en vogue chez les écologistes, monsieur Desessard !
La question se pose du maintien de branches de taille modeste qui ont une vraie vie. Il ne me semble pas absolument nécessaire de rétablir le seuil de 5 000 salariés, même si cela ferait sans doute plaisir à Mme la ministre. Instruits de nos expériences d’élus locaux, nous savons aussi qu’avancer à marche forcée vers des regroupements n’est pas forcément la panacée – on le constate actuellement pour les EPCI.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, mais peut-être pourriez-vous le retirer au bénéfice de ces explications, mon cher collègue.